Quand êtes-vous tombé dans la marmite de la BD ?
A l'age de 7 ans, tandis que j'étais à l'école primaire, j'étais émerveillé par un livre que je pouvais emprunter à la bibliothèque scolaire. Il s'agissait d'un album de Grzegorz Rosinski dont j'ai oublié le titre. Par la suite des exemplaires de l'Humanité, seul journal français disponible en URSS, sont parvenus entre mes mains. Pourquoi l'enfant que j'étais alors c'est-il intéressé à ce journal ? Tout simplement parce que la dernière page comportait des extraits d'une bande dessinée de Hugo Pratt. Ainsi, dès mon plus jeune âge je rêvais de dessiner mes propres « films », j'inventais des histoires. J'ai alors décidé de tout faire pour pouvoir un jour en faire mon métier et d'arriver à ne vivre que de cela. Je suis parvenu à l'age de 22 ans à faire publier mes tous premiers albums. Ce qui n'était pas évident dans notre pays, sachant que le genre y était alors inexistant.
Où puisez-vous votre inspiration ?
La question est étrange car à mon sens, la vie est une source inépuisable d'inspiration. Une conversation, un article que je lis ou bien une scène du quotidien peuvent constituer des éléments de scénario. Je lis beaucoup, mais il est rare que des œuvres d'autres auteurs soient de nature à m'inspirer pour faire un album. Je ne pense pas en effet que mon dessin soit à même de refléter avec une totale fidélité ce que l'auteur du texte a imaginé. C'est pourquoi le plus souvent je suis l'auteur de mes propres scénarios.
Avez-vous des projets d'adaptation de classiques de la litterature comme « Maroussia » de Marko Vovtchok, des nouvelles de Sacher Masoch, ou d'autres œuvres connues en France et ayant un lien avec l'Ukraine ?
« Maroussia » est plus connu en France qu'en Ukraine où on connaît son auteur, Marko Vovtchok, à travers d'autres œuvres souvent très tristes, qui parlent des terribles conditions de vie des paysans ukrainiens au XIXe siècle. Ces thèmes, assez durs, ne m'inspiraient pas vraiment. Vu le succès rencontré par « Maroussia » dans la littérature de jeunesse en France, je serai curieux de découvrir cette oeuvre. Quant aux œuvres de Sacher Masoch, auteur que le public ukrainien redécouvre, la « Venus à la fourrure » a déjà été adaptée en BD par un dessinateur français, il s'agit de Crepax. S'agissant des nouvelles et des contes de Masoch se rapportant à la Galicie, ils ne sont pratiquement pas connus en Ukraine.
Igor Baranko, avec Maxym Osa, vous plongez le lecteur dans l'Ukraine du XVII siècle, qu'évoque pour vous cette époque ? Quel est votre regard sur la cosaquerie ?
Chaque peuple a des héros qui symbolisent son histoire et ses traditions. Ainsi pour la France, riche d'une multitude des personnages littéraires, quand on évoque le nom du pays, le plus souvent on pense aux mousquetaires. Pour les Américains ce sont des cow-boys du Far West. Pour les Ukrainiens ce sont des cosaques, des guerriers libres respectant un code d'honneur. Il est certain qu'ils s'inscrivent dans une vision romantique et idéalisée en Ukraine. Aussi, j'ai voulu briser cette approche figée et donner une image plus réaliste des vrais cosaques. L'histoire se déroule au début de XVIIe siècle, c'est-à-dire avant les grands bouleversements auxquels est associé le nom de l'hetman Bohdan Khmelnitski.
Avec Maxym Osa, j'ai cherché à faire le portrait d'un aventurier, d'un cosaque indépendant de tous les camps politiques, sachant qu'au début c'était le fondement de la cosaquerie : la liberté avant tout. Dans cet esprit, Maxym Osa n'a pas d'allégeance, il ne cherche pas à savoir qui a tort, qui a raison – les Russes, les Polonais ou les Ukrainiens. Le monde est complexe, fait de nuances et de 1000 couleurs, les catégories ne sont pas tranchées, rien n'est totalement noir ni vraiment blanc. Il y a des bons et des méchants dans les trois camps et cela change selon les circonstances.
Quels sont vos projets ?
Je travaille actuellement sur le tome 2 de Maxym Osa. J'envisage parallèlement d'adapter en noir et blanc Maxym Osa pour une édition destinée aux publics ukrainien, polonais et russe. Cela se ferait certainement avec le soutien d'Oleksiy Olin, rédacteur en chef du magazine ukrainien consacré à la BD « K9 ». En outre, je démarre un nouveau projet dont le thème est la disparition de la civilisation égyptienne pour les éditions les Humanoïdes Associés.
Propos recueillis par Olga Gerasymenko