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8 mars 2009 7 08 /03 /mars /2009 16:39

La journée de la Femme

 “Нема вірнішого приятеля, як добра жінка”
Українська приказка

 « Il n’y a pas de meilleure amie de l’homme que la bonne femme »
Proverbe ukrainien


 Le 8 mars, le petit matin. Il fait encore gris dehors. Une matinée parisienne assez ordinaire… Comme d’habitude, mon mari allume la radio et la journée la plus triste de l’année commence.

Une voix masculine, un peu monotone, me parle des violences faites aux femmes, des inégalités entre les hommes et les femmes au travail malgré des années de lutte acharnée et impitoyable, des femmes battues et de la haine, du harcèlement moral et des abus de toute sorte qui ont encore lieu dans notre chère France, alors ne parlons même pas du reste du monde !

 Alors je sais que ma journée est foutue, je serai d’humeur exécrable, dès la première seconde, je sens que je suis sévèrement atteinte de « nostalgite aigu » : je pense et repense à ma patrie, à mes amis qui, en ce moment précis, se réveillent tout doucement ou restent paisiblement dans leur lit – ils ne travaillent pas aujourd’hui…

A vrai dire, pour certains de mes anciens compatriotes, le réveil peut s’avérer assez difficile, car la fête a déjà commencé la veille. Le 8 mars est la journée internationale des femmes, tout le monde le sait. En France, on rechigne parfois, car l’idée de la célébrer est venue à l’esprit des communistes. Quant à moi, cela m’est royalement égale, car dans mon pays tout a été inventé par les communistes. Depuis longtemps, c’est un jour férié et c’est la fête la plus populaire et la plus importante émotionnellement après le Nouvel An. Et si c’est une fête, alors notre âme slave, tellement mystérieuse et impénétrable, ressent un fort besoin de grands gestes afin d’oublier, encore une fois, le quotidien pas particulièrement rose. Et qu’est-ce qui est le plus précieux que notre fierté nationale - des belles femmes ?…

Le 7 mars, la veille du grand jour, cela commence à frémir aux bureaux. Les femmes se rendent à leur travail habillées dans leurs meilleurs robes ou tailleurs, selon leur goût, bien maquillées, les talons aiguilles et les tenues extravagantes ne sont pas exclues. Leurs visages sont illuminés.

Leur collègues hommes sont en train de préparer un pot, courent à tout allure pour acheter des fleurs pour les femmes de leur service, les bouteilles du champagne (« Soviétique » ou « Crimée ») et le chocolat sont servies. Les chefs, petits et grands, préparent leur discours, selon leur générosité, ils peuvent prévoir des cadeaux de valeur pour les femmes de leurs entreprises. Une erreur monumentale à ne pas commettre, c’est d’oublier le 8 mars et son sens profond – car les femmes ukrainiennes ne vous le pardonneront jamais ! On appelle toutes les clientes et des partenaires féminins, les cartes postales sont envoyées, les cadeaux et des petits signes d’attention sont prévus. Les coursiers sillonnent la ville… On ne travaille presque pas ce jour-là, mais c’est un moment privilégié pour renforcer les liens au sein d’équipes, nouer et renouer des contacts, détendre l’atmosphère… Au fond, le 7 mars est une journée idéale pour des relations publiques et privées, même si les ukrainiens parfois ne s’en rendent pas compte.

Parce que la fête des femmes est devenue quelque chose d’incontournable dans l’esprit collectif ukrainien qui date encore de l’époque soviétique. Au fil des années, on a laissé de côté l’aspect politique, cela est devenu la célébration de la beauté des femmes, du printemps, de la joie de vivre… Et rien à voir avec la lutte entre les sexes, bien au contraire ! Toute la journée les femmes attendent de recevoir des compliments et des cadeaux, leurs hommes - maris, fils, petit-fils, frères, amoureux, collègues, chefs, inconnus… tous doivent se montrer courtois et plus attentifs que d’habitude. Les restaurants sont pleins, les fleuristes dévalisés, l’alcool coule à flot…

Le 8 mars même, c’est à la maison que la fête continue. Les hommes sont censés exécuter les tâches habituellement féminines : faire la cuisine, s’occuper des enfants, faire le ménage, et…céder à tous les caprices ! Vous souriez, chers Français ? Grâce à l’émancipation, à la révolution du Mai 68 et aux soutiens-gorge brûlés, les hommes français le font déjà depuis longtemps ?…

Mais vous savez, la société ukrainienne d’aujourd’hui est un mélange curieux et surprenant de l’héritage soviétique, des certains progrès et des valeurs traditionnelles. Depuis longtemps, la femme ukrainienne avait le droit de voter et de faire un travail très physique normalement réservé aux hommes. La plupart des femmes ne pouvaient pas ne pas travailler, elles pouvaient demander le divorce, choisir la profession sans demander officiellement une autorisation à leurs pères ou maris, donc faire des choses pour lesquelles les Françaises se sont battues avec tant d’acharnement. Le revers de la médaille de cette « libération » de la femme soviétique - une fois à la maison, elles devaient faire tout ce qu’une femme au foyer fait : s’occuper des enfants, de la cuisine, du ménage repassage, de leurs maris… Car l’homme soviétique est au fond un homme tout à fait traditionnel.

Une femme ukrainienne d’aujourd’hui (dont je fais partie malgré des années d’expatriation), est un être plein de paradoxes et de contradictions, ce qui fait sans doute son charme. Bien évidemment, nous sommes pour l’égalité des chances et des salaires égaux à compétences égales, nous sommes contre la violence et les abus, pour le respect de la femme et de ses particularités. Nous voulons nous-même créer des entreprises et faire de la politique si un jour l’envie nous saisit, nous voulons prendre les décisions et gérer nos vies comme bon nous semble… Mais ! La plupart des femmes ukrainiennes attendent que les hommes restent polis et galants envers elles, un peu macho, mais pas trop, qu’ils payent la note au restaurant, quel que soit le revenu ou statut de la femme ou de l’homme, qu’ils fassent des cadeaux, invitent à faire des voyages exotiques, qu’ils se montrent courtois en toute circonstance, donnent la main lorsque la femme sort du transport en commun, donnent le manteau, ouvrent la porte. Une femme ukrainienne est plutôt flattée, lorsque un homme lui baise la main… En Ukraine nous sommes très attachés aux « signes extérieurs du respect ». Cela vous rappelle la France de l’Ancien Régime ? Et oui, cela encore existe dans mon pays. Et pour les femmes ukrainiennes il y a aucune contradiction entre l’égalité des droits et la courtoisie et générosité affichées des hommes.

Voici une illustration parfaite des différences des mentalités des femmes occidentales et des femmes ukrainiennes. Lorsque je faisais mes études à l’Académie Mohyla de Kiev, nous avions des professeurs d’histoire invitées dans le cadre d’un programme expérimental. C’étaient des femmes anglaises, canadiennes et américaines, très professionnelles et de surcroît, féministes. Un jour, une scène très révélatrice s’est produite. Une prof canadienne, une petite femme toute menue, jamais maquillée, qui portait toujours des vêtements sombres et amples, mais avec une flamme sacrée dans les yeux, a eu une conversation mouvementée avec une prof ukrainienne, qui s’appelait Lutaya (ce qui signifie littéralement en ukrainien « sévère » - et c’était la stricte vérité).

La Canadienne, avec un certain dégoût et un sentiment de supériorité, a expliqué à sa collègue que les femmes ukrainiennes étaient encore bien arriérées par rapport aux féministes occidentales. Et comme exemple, elle a pris le Directeur de la chair d’histoire, son chef, un homme tout à fait charmant, doux et inoffensif.

« Imaginez - dit la Canadienne à l’Ukrainienne, que je vienne demain portant ma nouvelle robe et que Monsieur le Directeur me fasse un compliment. Alors, je peux le traîner en justice pour harcèlement sexuel ! » - et elle a jeté un regard triomphant à son homologue… Et là, tenez-vous bien, car le plus intéressant est à venir… Madame Lutaya met ses mains sur ses hanches comme le font des vraies maîtresses femmes, et répond avec véhémence : « Si, demain, je viens en robe rouge, toute belle et rayonnante, et si Monsieur le Directeur ne le remarque pas, je démissionne sur le champ, car je ne pourrai pas travailler une seconde de plus avec un tel goujat ! ».

J’ai raconté cette histoire non seulement pour démontrer nos particularités culturelles, mais aussi pour répondre à ceux et celles qui trouvent que la fête des femmes est en réalité humiliante pour les femmes et que tous les jours du calendrier les hommes doivent respecter les femmes et leur octroyer tous les droits, les aider au quotidien et pas seulement une seule journée par an. Certes, ils ont raison. Mais pourquoi dans la course effrénée pour ces fameux droits, on doit oublier d’être simplement des femmes, belles et séduisantes ? Pourquoi au travail on doit devenir des pâles copies des hommes, pourquoi un collègue ne peut pas dire « que tu es élégante aujourd’hui ! », d’ouvrir la porte devant nous sans que cela ne soit vu comme un harcèlement ?… Les discours sur la violence et les malheurs féminins durant toute cette journée dans tous les médias et l’absence d’ambiance festive ne remontent absolument pas le moral et n’épargnent pas les femmes françaises de ces mêmes violences et malheurs. Alors que la célébration nous permet de vivre un instant agréable et magique. Est-ce encore une différence culturelle ?

Je suis certes très contente de profiter de tous les avancements dans les rapports hommes-femmes en France. Mais ce que je ne supporte pas dans ma vie française, c’est de me sentir « transparente ». Lorsque j’étais enceinte, j’ai pris mon tram quotidien qui m’emmenait à mon bureau. Je rentre et je ne vois aucune place disponible. Je me mets devant trois hommes assis, mon ventre ne laisse aucun doute sur mon état, mais ces hommes-là, occupés par leur lecture et le paysage, ne font aucune attention à moi et ne bougent pas d’un millimètre. Cet instant précis je me suis sentie inexistante, nulle, humiliée comme jamais. Demander moi-même ? Ultime humiliation ! En Ukraine, nous avons un tas de soucis, des problèmes à régler pour deux cents encore, mais les femmes enceintes ne sont pas obligées de crier pour qu’on leur laisse la place !…

Mais je veux parler aujourd’hui du positif – c’est déjà assez rare de nos jours. La fête de la femme en Ukraine a quelque chose d’un esprit carnavalesque : on échange des rôles , on « se déguise » en gens meilleurs, on joue une sorte de jeu, on festoie, on flirte même (oh, scandale !), on s’abandonne aux plaisirs gastronomiques et à la boisson (surtout les hommes !), on oublie le quotidien parfois triste…

J’exagère un petit peu, je suis ironique et nostalgique et ce jour-là, le 8 mars, je rêve de passer chez moi, à Kiev, comme avant. Il y a bien évidemment le revers de la médaille, la face cachée, comme pour toutes les choses. Mais je n’ai pas envie d’en parler maintenant. Je vous souhaite tout simplement une très bonne fête, mes chères femmes ! Et mes chers hommes !

Olena Yashchuk Codet



image 1: carte postale "8 berznya", 1986, Ovsyannikov 
source:
http://cards.intbel.ru/catalog/detail/?topic=8mart&img=736 
image2: http://samodelki.com.ua/files/images/8march9.jpg

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commentaires

F
Merci pour votre post, le 8 mars, la fête des femmes, un jour exceptionnel en Ukraine et en Russie.
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L
Je cite: " La plupart des femmes ukrainiennes attendent que les hommes restent polis et galants envers elles, qu’ils payent la note au restaurant, qu’ils fassent des cadeaux, invitent à faire des voyages exotiques, qu’ils se montrent courtois en toute circonstance." Et qu'offre la femme ukrainienne en échange? Si les homme ukrainiens sont si respectueux, c'est à se demander pourquoi 1 femme sur 2 en Ukraine aujorud'hui demande le divorce ou décide de trouver un mari à l'étranger...
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O
<br /> pour Dieter Sachs:<br /> ne généralisez pas et faites attention à qui vous parler.<br /> je suis Ukrainienne et vos réflexions ne m'enchantent guère, sans parler des compliment douteux que vous evoquez.<br /> <br /> <br />
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D
<br /> Juste pour ajouter à mon commentaire.<br /> Dernièrement il pleuvait en région parisienne et j'ai fait remarquer à une jolie collègue (mariée) que la pluie fera pouisser les jolies plantes.<br /> Elle m'a repondu "les mauvaises herbes surtout".<br /> J'ai donc dit "Tu te prends pour une mauvaise herbe?"<br /> Elle m'a remercié pour mon compliment déguisé qui je pense lui a fait plaisir.<br /> Une simple attention ne doit pas toujours avoir une arrière penséé.<br /> J'ai pu faire plaisir sans que cela me coûte quoi que ce soit.<br /> <br /> <br />
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D
<br /> Merci pour votre bel article.<br /> Je me rends semaine prochaine en Ukraine pour rencontrer une femme de Nikolaev. Votre article renforce encore l'idée que j'ai des femmes de l'est.<br /> J'adore qu'elles aiment la galanterie et des hommes un peu "macho".<br /> Effectivement lorsqu'un homme n'est plus un homme un peu macho et protecteur, on se trouve comme à l'ouest avec des hommes qui ont peur d'approcher des femmes trop revendicatives.<br /> Le plaisir de la séduction opère entre une femme qui donne envie de la seduire et un homme qui a envi de lui faire plaisir pour obtenir ses faveurs.<br /> Et n'est-ce pas que "le sexe faible est le plus fort à cause de la faiblesse du sexe fort pour le sexe faible"?<br /> Comme vous dites un petit bouquet de fleurs montre son intérêt et un flacon de parfum "Paris de YSL" ou autre ne videra pas notre portemonnaie non plus.<br /> Mais qu'aura t'il de trop cher pour une femme pour qui la famille passe avant tout, qui ne divorce pas au moindre différent et qui a toute la beauté du mélange entre Vikings et Slaves.<br /> <br /> <br />
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