Vous souvenez-vous de ce que fut votre première réaction à l'annonce de la mort de Pierre Bérégovoy le 1er mai 1993 ?
Sa mort a d’abord laissé chez moi une grande tristesse et une profonde émotion.
Quelle conséquence a eu sa disparition sur votre vision du monde politique ?
J’ai éprouvé la confirmation de la dureté et de la violence de la vie politique.
Que vous inspirent son parcours personnel ainsi que son engagement politique ?
Je ressens un vrai respect pour cet autodidacte issu de l’immigration. Fils de l’école de la République, son engagement politique déterminé m’a toujours profondément impressionné, à la fois dans son militantisme et dans la force de ses idées.
Quelle lecture avez-vous de la citation de Pierre Bérégovoy : "Le vrai débat n’est plus entre capitalisme et communisme, mais entre conception sociale et conception libérale de l’économie de marché. Le temps des révolutions n’est plus. Celui des réformes — conservatrices ou sociale-démocrates — est devant nous." ?
Pierre Bérégovoy a en effet été l’un des fers de lance de la social-démocratie avec comme outil principal l'économie mixte, chère à François Mitterrand.
Cette économie de marché régulée, corrigée, stimulée par l'intervention de la puissance publique, est effectivement aujourd’hui la plus à même de répondre aux attentes de nos concitoyens.
A l'occasion d'un voyage, Pierre Bérégovoy s'était rendu dans le village natal de son père et avait été confronté de visu au passé traumatique de l'Ukraine. Il était l'un des rares responsables français à connaitre précisément depuis de nombreuses années la réalité et l'ampleur des crimes de masse perpétrés par le régime stalinien. Comment expliquez-vous l'ignorance d'une large part de la classe politique française sur ce sujet durant des décennies ? Quels enseignements en tirez-vous ?
La position géopolitique de l’Ukraine, entre l’Occident et la Russie, a toujours été une source de tiraillement pour ce pays. Exploitée, colonisée par l’URSS, elle n’a eu d’autres choix que de s’enfermer dans le silence après les atrocités de la guerre.
Elle était bien trop utile à ce géant de la guerre froide pour pouvoir être elle-même. Aujourd’hui, la marche difficile de l’Ukraine vers la Démocratie n’en est pas moins irrémédiablement lancée.