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20 janvier 2014 1 20 /01 /janvier /2014 22:37

cocktail-PhP-1.jpgInterview avec Philipe Pegorier, directeur d’Alstom pour la Russie, Ukraine, Biélorussie: "L’Ukraine est un pays important pour Alstom. Le groupe y est présent à hauteur de 25% dans LouhanskTeplovoz par le biais de son partenaire Russe TMH. En Ukraine, Alstom a également participé à la modernisation de la centrale hydroélectrique de Dniepr à Zaporijjya."

Parlez-nous de votre travail ?
Je suis basé à Moscou et il m’arrive de venir régulièrement en Ukraine. Je connais bien le pays pour y avoir été expatrié à deux reprises : j’y ai vécu durant 6 ou 7 ans au moment de l’indépendance (j’ai alors travaillé au consulat général de la France) et entre 2007 et 2010 en travaillant pour le ministère de l’Economie et des Finances français.

Je suis actuellement à la tête d’une filiale d’Alstom pour la Russie, l’Ukraine et la Biélorussie. Elle représente les quatre métiers du groupe : transport, thermal power (turbines pour les centrales électriques), énergies renouvelables (turbines pour le solaire, éolien et surtout pour l’Ukraine l’hydroélectrique) et réseaux électriques (Grid).

L’Ukraine est un pays important pour Alstom. Le groupe y est présent à hauteur de 25% dans LouhanskTeplovoz par le biais de son partenaire Russe TMH. En Ukraine, Alstom a également participé à la modernisation de la centrale hydroélectrique de Dniepr à Zaporijjya. Par ailleurs, Alstom fournit des filtres à particules pour réduire la pollution des centrales et des usines industrielles ukrainiennes. Energoatom (ndr : société publique gérant les stations nucléaires) est un client important pour le groupe dans le secteur de la maintenance et de la modernisation des turbines des centrales nucléaires ukrainiennes. Si la santé économique du pays a été meilleure, le groupe pourrait y travailler de manière encore plus dense.

Dans le domaine du transport, Alstom a de très bonnes relations avec LAZ (usine automobile de Lviv), puisque nos deux entreprises ont un projet commun de fabriquer un tramway à Lviv. Néanmoins, cet important projet est retardé par le manque de solvabilité des grandes villes ukrainiennes (Lviv, Donetsk, Zaporijjya, Dnipropetrovsk etc) qui devraient devenir les premiers acheteurs du tramway.

 
Est-ce que Alstom collabore avec d’autres sociétés françaises en Ukraine ?
Oui, bien sûr. En Ukraine, EDF est notre partenaire privilégié. Avec ce groupe nous travaillons sur les projets de thermal power.

Jusqu’ici nous n’avons pas encore travaillé avec des bureaux d’études français en Ukraine, mais on le fait déjà en Russie. C’est probablement dû au niveau des projets ukrainiens, qui ne sont pas encore assez matures pour concerner les bureaux d’études français.

 
Avez-vous des partenaires locaux en Ukraine ?
Nous avons beaucoup de partenaires locaux. D’une part ce sont des susmentionnés LAZ, LouhanskTeplovoz et Energoatom. D’autre part, l’Ukraine sert également de base pour nos achats pour nos projets russes. Ainsi, la cabine de conduite pour la locomotive EP-20 est fabriquée à Zaporijjya. Alstom-Atomenergomash, notre joint-venture avec Rosatom (ndr : agence nucléaire publique russe) prévoit une localisation importante de composants pour les turbines à vapeur pour des centrales nucléaires en Ukraine.

 
Peut-on donc dire qu’Alstom est gagnant dans les deux cas – dans le cas de signature de l’accord d’Association avec l’Europe et dans le cas du rapprochement économique avec la Russie ?
Oui, on peut le dire ainsi. Puisque les partenariats entre les industriels russes et ukrainiens sont forts et se renforceraient dans ce deuxième cas. Alstom en profitera grâce à ses partenariats russes.

Quelles conséquences ont les évènements actuels en Ukraine sur le travail d’Alstom ?
Nous avons appliqué des mesures de sécurité qui consistent à déconseiller à nos salariés la fréquentation des quartiers du centre de Kyiv –c’est-à-dire que nous conseillons vivement d’éviter Khrechatyk et le quartier gouvernemental. Mais notre bureau étant situé dans le quartier de Podil, nous n’avons pas de difficultés et nous ne sommes pas impactés dans notre travail quotidien.

Nous n’avons rien suspendu à cause des mouvements contestataires en Ukraine. La situation du pays reste donc grave, la crise politique coïncide avec la crise économique. Ce n’est jamais bon pour les affaires. Le business a besoin de stabilité.
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Vous avez pu observer l’Ukraine durant ces 20 ans d’indépendance, comment le pays a-t-il changé ?
L’évolution de la société est un processus naturel. Aujourd’hui, les gens parlent plus l’ukrainien ; il faut dire qu’il y avait un grand flux migratoire des régions ouest vers la capitale. Notons la fermeture de nombreuses usines en Ukraine, sauf celles qui font partie du tissu militaro-industriel russe et c’est un sujet sensible.

En Ukraine, notamment en Crimée, commencent à apparaitre des projets d’énergies renouvelables. Alstom travaille-t-elle sur ces projets ?
Nous sommes bien sûr très intéressés par ces projets. Malheureusement, l’obligation de production locale qui est très ambitieuse ne nous permet pas encore de nous positionner sur ces projets. On continue à produire en Europe, ainsi nos turbines à vent sont fabriquées en Espagne.

 
Sentez-vous la concurrence chinoise ?
Les chinois commencent à arriver. Leurs produits sont les moins chers et ils ont des conditions de financement très compétitives. En même temps, les producteurs européens restent mieux performants en termes de technologies.

 
Quel est votre politique de recrutement en Ukraine ?
En Ukraine nous avons une équipe composée d’expatriés et d’une douzaine d’Ukrainiens. En Russie nous avons également quelques ukrainiens dans nos équipes. Ce sont des professionnels avec une très bonne formation d’ingénieurs et une bonne technicité, parlant russe et anglais.

Dans les équipes peu de gens parlent français. Le français reste en option, puisque dans 95% des postes, l’anglais est obligatoire. En effet, l’anglais est une langue d’entreprise et toute notre documentation est en anglais. Ce qu’on exige de nos employés locaux c’est surtout avoir une bonne formation locale, connaitre des systèmes et des normes locaux, des GOST (ndr : normes techniques) etc et bien sûr la connaissance d’anglais.

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