Borys Gudziak est évêque gréco-catholique, éparque de l'éparchie de saint Vladimir-le-Grand de Paris des Byzantins-Ukrainiens depuis 2013. Le 27 septembre 2013, il a signé l’achat d’une église à Senlis. Nous l’avons interrogé sur la finalité de cette opération et sur les projets liés.
- Comment est née l’idée de l’achat de cette chapelle à Senlis ?
Je dois avouer que je n’en suis pas l’auteur, j’en ai « hérité » à la suite de ma nomination en France. Pendant mon premier voyage à Paris, la veille de l’intronisation, le curé de la cathédrale Saint-Volodymyr, père Mikhaylo Romanuk, m’avait parlé de ce projet. Il a été le porte-parole d’un groupe d’initiateurs parmi lesquels les plus enthousiastes étaient Anna Canter et Victoria Dellinger, qui sont engagées dans les activités sociales et paroissiales de Senlis depuis plusieurs années. L’idée de l’acquisition d’une église dans la ville où habitait la reine de France Anna Yaroslavna les a passionnés.
Le jumelage entre Senlis et l’arrondissement Petcherskiy de Kyiv a développé la conscience de l’importance de l’héritage d’Anna Yaroslavna. Avec l’aide du président Viktor Youstchenko, le deuxième monument de la reine a pu être érigé à Senlis. Ces dernières années, une école a été baptisée en l’honneur d’Anne de Kyiv.
Ainsi, l’intérêt envers Anne de Kyiv et sa ville de Senlis a grandi dans la communauté ukrainienne. C’est sur cette toile de fond qu’a surgi l’idée de l’acquisition d’une église, où l’on pourrait réaliser des services réguliers, présenter l’héritage de la fille du grand prince Iaroslav le Sage et la culture ukrainienne de manière générale.
Néanmoins, cela aurait pu rester encore très longtemps à l’état de projet si des hommes d’affaire de Lviv ne m’avaient fait l'honneur de leur présence lors de mon intronisation le 2 décembre 2012 à Notre Dame de Paris. A l’occasion de leur séjour à Paris, ces amis lviviens ont visité Senlis et ont décidé de donner un signe fort : faire un cadeau royal, en contribuant à l’achat de l’église à Senlis. Plus précisément, cette rencontre entre des Senlisiens enthousiastes, des pèlerins de Lviv, Kyiv et d’autres villes d’Ukraine, d’Europe occidentale, des Etats-Unis et du Canada lors des fêtes de décembre a permis de répondre aux défis financiers et juridiques et de concrétiser l’achat de l’église le 27 septembre dernier.
Le 16 novembre, nous allons prier tous ensemble pour la première fois dans cette nouvelle église et nous organisons le même jour un débat avec la communauté ukrainienne au sujet du devenir de l’église et du centre culturel Anna Yaroslavna. J’espère que les travaux de rénovation du bâtiment pourront débuter l’année prochaine.
Selon moi, dans chaque affaire ce n’est pas seulement le but qui est important mais également le travail quotidien qui permet de l’atteindre. Jusqu’ici ce travail a été inspiré, positif et efficace. J’espère que l’église de Senlis permettra de mobiliser et d’unir des fidèles de France et d’autres pays.
- Vous avez évoqué les montants de 203 000 € pour l’achat et 1 500 000 $ pour les travaux nécéssaires à ce projet. Qu’est-il exactement prévu de créer à Senlis?
Dans cet édifice, nous devrons reconstruire un temple qui portera le nom des grands princes martyrs Borys et Glib. Nous y créerons le centre culturel Anna Yaroslavna et probablement un logement pour le prêtre ainsi que des bureaux administratifs pour mener les activités spirituelles et culturelles de l’église comme du centre culturel.
Le cahier des charges n’en est qu’à ses débuts. Nous invitons donc la communauté internationale à nous rejoindre pour créer un consensus général et mobiliser tous ceux qui comprennent la spécificité du projet. J’attends avec beaucoup d’espoir ces rencontres qui permettront, je l’espère, d’initier beaucoup d’idées et de perspectives. Il est clair que cet endroit doit être un lieu de culte où l’on fera connaissance avec la tradition chrétienne millénaire ukrainienne, ainsi qu’avec l’héritage d’Anna Yaroslavna et la mémoire ukrainienne en France.
Les visites de cet endroit saint et de ce centre culturel ne doivent pas porter uniquement sur le côté mémoriel ; nous souhaitons que Senlis devienne, avec Paris et Lourdes, une étape habituelle pour les pèlerins et touristes d’Ukraine. Dans ces lieux devrait être menée la réévaluation spirituelle et artistique des questions liées à notre appartenance à la culture européenne, aux relations franco-ukrainiennes, à notre culture, à l’art, à la musique et à histoire. Paris et Senlis sont une plateforme parfaite pour la visualisation et la création des projets d’avenir.
L’une des dimensions principales de cette modalité se cristallisera dès le premier jour, le 16 novembre prochain. Les invités du centre et de l’église doivent devenir également des acteurs, en apportant des propositions sur le programme et le style du projet. Ce samedi 16 nous proposerons un débat public autour de plans architecturaux et de leur contenu. Bien sûr, le centre Anne Yaroslavna sera un promoteur de la femme ukrainienne et de son rôle important dans l’histoire contemporaine. Parallèlement, une réflexion sur les défis qui se dressent devant les hommes ukrainiens pourrait se matérialiser par la création d’une confrérie Borys et Glib à Paris. C’est l’héritage symbolique de Borys et Glib pour notre société déchirée et notre politique sans ambition.
- Quelles seront les sources de financement?
Actuellement, l’éparchie de Saint Volodymyr n’a pas les moyens de réaliser les travaux et installations nécéssaires. En parallèle avec le programme de fonctionnement, nous réfléchissons au système de financement ; par ailleurs, nous avons déjà les premiers soutiens. Ainsi, un jeune couple américain nous a écrit qu’à l’occasion de leur mariage ils veulent nous soutenir et faire un don pour l’église. La nouvelle de l’acquisition de l’église Borys et Glib s’est répandue en un clin d’œil en Ukraine comme sur tous les continents. Nous espérons que cet intérêt virtuel aura également une dimension d’engagement personnel pour le développement d’un centre innovant dans son environnement.
J’espère trouver un large soutien des donateurs pour ce projet comme pour l’éparchie.
- Est-ce que les investissements sont une priorité de l’église gréco-catholique aujourd’hui?
Les investissements sont toujours une priorité pour l’Eglise. Il reste à définir quels investissements précisément. Vous m’interrogez en ce qui concerne les investissements matériels. La confrontation automatique du matériel et du spirituel est une erreur. La chrétienté est également une religion matérielle. Le fils de Dieu s’est incarné. Si pour Dieu le matériel n’était pas important, Il ne l’aurait pas béni par sa présence.
L’église ukrainienne gréco-catholique, à qui il manque souvent en Ukraine et à l’étranger des infrastructures, a besoin d’en posséder certains instruments, y compris de l’immobilier, nécessaire au contenu spirituel.
Selon moi, il est très important que les démarches matérielles ne laissent pas à part les idées, les valeurs et les engagements humains. C’est la raison pour laquelle dans le projet de Senlis les rencontres et la maturation des consciences sont d’une importance capitale. C’est sur cela que nous prévoyons de nous focaliser prochainement et nous invitons tous les lecteurs à y participer, à partir de cette rencontre du 16 novembre.
- Vous proposez d’acheter des églises, or en Europe occidentale de plus en plus de bâtiments de culte restent vides en raison du manque de prêtres. Alors, cela vaut-il la peine d’acquérir une église quand il y a la possibilité d’utiliser gratuitement des édifices existants, même s’ils ne sont pas la propriété de l’église ukrainienne ?
Je propose beaucoup de choses. Je propose de croire en Dieu qui œuvre parmi notre peuple, de la même manière que parmi d’autres. La proposition concernant les églises provient de notre mission principale qui concerne le développement spirituel et le développement sociétal. J’ai la foi que Dieu nous appelle à une vie dynamique et fructueuse. Nous sommes appelés à grandir. Mes propositions n’excluent pas votre intuition. Mais nous sommes conscients que trop souvent nous avons des positions incertaines, juridiquement non confirmées.
Ainsi, aujourd’hui à Paris nous avons une école ukrainienne de 115 enfants qui ne possède qu’une seule salle. Les cours et les rencontres se déroulent dans mon modeste bureau ou dans le bureau du curé. La salle est divisée en deux parties pour deux classes. Dans des conditions pareilles, il est difficile de donner des cours et de garder les enfants concentrés. D’autres classes sont dispersées dans des églises catholiques romaines. Nos enfants ne méritent-ils pas mieux ? Je propose qu’une partie des moyens collectés par les entrepreneurs ukrainiens soit destinée à satisfaire des besoins matériels, moraux et spirituels de nos enfants, de la jeunesse, des séniors, des immigrés et des démunis. Il me semble qu’il est temps de devenir les maîtres en Ukraine comme en dehors. Je sens que nombreuses seront les personnes qui soutiendront cet appel et cette vision des choses. Les autres les rejoindront plus tard, quand ils verront les premiers résultats et les fruits spirituels obtenus.
Pour tout cela il faut être courageux, entreprenant et plein d’entrain.
- Pensez-vous que les investissements matériels dans des pays tels que la Suisse ou les Pays-Bas seront en adéquation avec le nombre de fidèles qui y habitent ? Les paroissiens gréco-catholiques ne seraient-ils pas plus nombreux en Espagne ou Italie ?
Ni l’Espagne ni l’Italie ne font partie de ma juridiction, alors il m’est difficile de me prononcer sur le sujet. Posséder sa propre maison en Suisse ou aux Pays-Bas est nécessaire. Notre communauté dans ces deux pays en est déjà à la quatrième génération. L’absence d’infrastructures et la faiblesse de notre implication dans la vie citoyenne et dans la vie de la paroisse sont liées.
- Avez-vous des projets concernant l’immobilier qui appartient à l’épiscopat gréco-catholique et qui tombe en ruines, tel que, notamment, le bâtiment de la société scientifique Chevtchenko à Sarcelles ?
Depuis un an dans l’éparchie nous menons un audit pastoral, administratif, financier et matériel et celui des biens immobiliers. Pour cette raison je me suis rendu à Sarcelles à de nombreuses reprises – tout seul comme accompagné des représentants de la communauté internationale scientifique ukrainienne, dans le but d’appréhender son triste état.
Avec des établissements tels que Sarcelles, il faut réaliser que la mémoire héroïque et glorieuse du passé ne peut pas toujours être une assurance pour un avenir radieux. Est-ce que Sarcelles est le meilleur endroit pour le futur développement scientifique en région parisienne ? Il nous faut y réfléchir ensemble. Depuis plus d’un quart de siècle à Sarcelles, les ressources matérielles et humaines pour la recherche sont absentes. Il est probable qu’il y a pour cela des raisons objectives.
Récemment je suis allé aux Etats-Unis où je me suis entretenu avec l’académicien Leonid Roudnytskiy, qui est à la tête du Conseil mondial de la Société Scientifique Chevtchenko. Par ailleurs, je mène des consultations avec d’autres institutions en ce qui concerne le projet de Senlis comme celui de Sarcelles et sur d’autres problématiques qui se dressent devant nous. Ces entretiens me permettront de mieux comprendre le rapport entre les besoins et les moyens existants et de recueillir le consensus le plus large.
Un équilibre entre le réel et le souhait est primordial. Sommes-nous prêts à travailler de manière constructive et dynamique, jusqu’à l’oubli de soi-même ? Sommes-nous efficaces ? Je suis convaincu que dans les domaines spirituel, social, académique et culturel nous avons de merveilleuses opportunités en France, en Suisse et au Benelux. C’est une approche que je propose pour tous les défis et problématiques complexes qui se dressent devant nous.
- Quelles autres priorités voyez-vous pour la communauté ukrainienne en France ?
La communauté ukrainienne en France nécessite une consolidation – morale, structurelle et institutionnelle. Elle est marquée par des divergences. Elle souffre également de problèmes politiques et sociaux qui existent en Ukraine et qui touchent les migrants ukrainiens qui viennent en France à la recherche d’un gagne-pain. Il lui manque des infrastructures qui devront assurer les besoins d’une nouvelle vague de migrants.
A mon avis, nous devrons premièrement créer une atmosphère de dynamisme, dans laquelle les échanges et le travail chasseront les conflits, les préjugés, les plaintes et la critique destructrice. Nous sommes tous appelés à la plénitude et au bonheur et nous ne devons pas douter de notre dignité. Nous chérissons notre composante spirituelle, nationale et culturelle, et restons ouverts à un dialogue et une coopération avec le monde qui nous entoure. A mon avis, notre ouverture institutionnelle à tous les gens de bonne volonté est primordiale aujourd’hui.
Quels défis se présentent-ils à vous ? Quelles ressources possédez-vous pour y répondre ?
Mon premier défi a été de comprendre la situation sur place, ne pas hâter les décisions non-réfléchies, et écouter attentivement les gens. Je pense que j’ai bien écouté et bien entendu. Le temps de la réflexion préalable est passé et j’ai compris que nous avons besoin de plus de collaborateurs. Pour les cinq pays, nous avons 16 prêtres alors qu’il en faudrait 30 ou 40, voire 50 pour satisfaire les besoins existants. Je suis à la recherche de nouveaux candidats et j’espère que prochainement notre communauté fera connaissance avec ces jeunes et dynamiques prêtres prêts à donner beaucoup d’eux-mêmes.
Il est important d’attirer des gens qui, pour une raison ou pour une autre, ne sont pas encore impliqués au sein de nos entreprises sociales ou spirituelles. Par exemple en France tous les ans 2 000 étudiants ukrainiens viennent faire leurs études. Jusqu’ici, ni l’église ni la communauté n’ont réussi à les attirer.
Le travail avec la jeunesse est très important et je suis très satisfait du travail des écoles ukrainiennes et de catéchisme. Nos enseignants, plus précisément nos prêtres et nos sœurs travaillent avec passion au quotidien. La jeunesse est notre avenir.
Actuellement, je reçois chez moi un symposium philosophique avec la participation de chercheurs : sociologues et théologiens de premier plan qui représentent 8 pays. Alors, j’ose espérer que notre quotidien sera marqué par la pensée scientifique, critique mais créatrice. Notre cathédrale à Paris rayonne par son enthousiasme, on y prie en communauté en chantant. C’est un bon point de départ.
Pour tous ces projets d’augmentation du personnel et de développement de l’infrastructure, il faut savoir trouver des moyens. Ce sont des tâches qui me préoccupent depuis ces derniers mois.
- Il y a quelques mois vous avez visité l’ancienne colonie de vacances de Mаcwiller en Alsace. La communauté ukrainienne de la Moselle voisine espérait votre visite. Aujourd’hui, vous avez la possibilité de vous adresser à eux.
Je m’adresse avec joie à tous vos lecteurs en les assurant que nos prêtres et moi ferons tout notre possible pour tendre la main à chaque âme, ukrainienne ou autre. Les habitants de Moselle connaissent bien ce lieu ukrainien à Macwiller, qui est étroitement lié aux activités du père Pavlo Kogut. Durant l’été 1982, étant séminariste à Rome, j’ai travaillé avec père Pavlo et j’en garde un souvenir précieux. Dans cet endroit, on apprenait le catéchisme comme des chansons traditionnelles ukrainiennes. Des couples se formaient, des gens de différentes générations se retrouvaient, venus de toute la France et de l’étranger. J’ai séjourné à Macwiller à plusieurs reprises. Aujourd’hui les bâtiments sont fermés et il n’y a plus aucune activité : ils ne correspondent plus aux normes et pour les rénover il faudrait des centaines de milliers d’euros.
Je souffre de voir cette maison vide se dégrader, je me désole que depuis trente ans la société scientifique à Sarcelles soit éteinte, que l’hôtel ukrainien à Lourdes soit fermé depuis 5 ans parce qu’il ne correspond plus aux normes. Pourtant tous les ans ces bâtiments coûtent bien cher en assurances et en impôts. La communauté n’en tire pas bénéfice. Voilà pourquoi j’étais pressé de tout voir de mes propres yeux, de comprendre la situation et de rencontrer les personnes porteuses de leur histoire.
Mon champ de travail est grand, il comprend cinq pays. C’est plus que le territoire d’Ukraine. J’espère que les habitants de Moselle comme tant d’autres pardonneront à leur évêque qu’il n’ait pas pu se rendre dans chaque communauté durant les premiers mois de ses fonctions sur un territoire si vaste et si complexe.
J’ai un budget annuel de 35 000 € pour toute mon activité épiscopale sur 5 pays. Avec un tel budget, on comprend pourquoi mon prédécesseur n’avait ni secrétaire, ni chancelier, ni gestionnaire. Jusqu’à récemment à Paris il n’y avait qu’un seul prêtre, celui de la cathédrale. Mon prédécesseur, feu l’exarque Mikhaylo Gryntchychyn, n’a pas pu me transmettre les dossiers, car il n’avait pas d’assistant ni de chancelier. C’est pourquoi actuellement je dois faire un travail de détective et essayer de comprendre quel est l’état des choses dont j’ai hérité – quelle est la situation pastorale, canonique, financière et matérielle.
C’est la raison pour laquelle, avec l’accord du patriarche Svyatoslav Chevtchouk et du Saint-Synode, nous réalisons le premier audit extérieur transversal de l’histoire de notre église. J’espère que l’apparition de nouveaux prêtres, la normalisation des questions juridiques, fiscales et immobilières permettra de nous propulser sur de nouvelles bases de travail spirituel. Ce sont des réformes qui sont difficiles à mettre en place en quelques mois. J’ai des engagements par ailleurs : jusqu’en septembre je resterai recteur de l’Université catholique ukrainienne de Lviv. Je suis également à la tête de la commission de ressources humaines de la Province ecclésiastique de Kyiv-Halych et je suis également le membre du Saint-Synode de l’église gréco-catholique ukrainienne.
Je me sens coupable devant les Mosellans et les autres fidèles dont les attentes sont fortes. Je n’ai pas encore pu y répondre. J’espère pouvoir le faire dans un avenir plus ou moins proche. Pour l’instant, j’invite tout le monde à nous rejoindre le 16 novembre à Senlis et le 17 novembre à Notre Dame de Paris. Nous allons travailler dur, car il faudra de nombreuses années pour se sortir de la situation actuelle. Nous aurons besoin d’aide de tous les bords.
- Vous avez dit que parmi les Ukrainiens à l’étranger il y a différents courants et contre-courants. Comment pourrait-on les réunir, à votre avis ? Et est-ce le rôle de l’église que d’appeler à s’unir, cette même église qui durant des siècles s’est divisée et a lutté au sein d’elle-même ?
J’appelle de nouveau tous les croyants à se focaliser sur des choses positives. L’église comme la société commettent beaucoup de pêchés, mais jamais aucune institution mise à part l’église n’a démontré autant de possibilité et d’envie de « rassembler ceux qui existent dispersés ». L’église le fait depuis plus de 1000 ans et va continuer à œuvrer dans ce sens.
Tout n’est pas rose, mais notre Eglise en Europe occidentale œuvre beaucoup envers les emigrés économiques et les plus nécessiteux (je vous rappelle la modicité de notre budget). A mon avis, le monde des affaires comme l’Etat pourrait suivre cet exemple et s’appliquer davantage à la consolidation des Ukrainiens à l’étranger. Aujourd’hui nous en avons l’excellente occasion.
- Quelle est votre opinion sur des mythes historiques ? Cela vaut-il la peine de faire vivre les légendes, sous prétexte que les gens aiment les symboles et les références à l’histoire ancienne ? Ne serait-il pas préférable de les démystifier (prenons pour exemple la légende selon laquelle la ville d’Orly a été ainsi baptisée en l’honneur de Grégoire Orlyk) ?
Je suis historien et je pourrais consacrer à ce sujet une interview à part entière. Mais pour être bref, je dirais qu’il ne faut pas laisser perdurer les fantasmes objectivement erronés. Je suis partisan de la destruction des mythes. Néanmoins, une civilisation et une culture sont caractérisées par sa vision et sa réinterprétation de symboles et de signaux. Voilà pourquoi la réappropriation des symboles historiques comme contemporains peut apporter de grandes choses à notre époque. La déconstruction complète de tous les symboles et de toutes les traditions a été néfaste et a appauvri notre vie moderne. Au sens strict, un mythe est un mensonge. Néanmoins, si on prend le sens plus large du mot mythe, alors il s’agit de la signification profonde d’une certaine vision de l’histoire, de sa narration, de son cadre. Je suis partisan d’une recherche en profondeur.
Propos recueillis et traduits par Olga Gerasymenko