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14 mars 2010 7 14 /03 /mars /2010 10:28
13/02/2010, par Vitaliy Portnikov

Quand en 1994 Léonid Koutchma a été élu président d’Ukraine, cette victoire a été perçue en Russie comme une vraie revanche des forces intéressées par des relations privilégiées, un rapprochement avec Moscou et comme une victoire contre Léonid Kravtchouk « le nationaliste », qui ne souhaitait pas prendre en compte les intérêts russes, autrement que comme un « retour » de l’Ukraine. Une chose semblable est observée actuellement. «Le nationaliste » Viktor Youchtchenko quitte la scène politique et les forces constructives ont leur revanche !http://www.kp.ru/upimg/5a3e8f353c90697f8fa8aa939d18ebfb3dd46ab0/523416.jpg

Mais rappelons-nous la déception de Moscou suite à la présidence Koutchma. Certes, il a établi des relations personnelles privilégiées avec Boris Eltsine et avec Viktor Tchernomyrdine ; certes, il a été beaucoup plus proche et intelligible que Léonid Kravtchouk – à peu près de la même manière qu’aujourd’hui Viktor Yanoukovitch est plus proche et en phase avec Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev que Viktor Youchtchenko. Je n’oserais pas affirmer la même chose concernant Tymochenko. Il est clair qu’une personne de Dnipropetrovsk s’entendra toujours avec un originaire de Saint-Pétersbourg.

Mais dans la défense de ses intérêts, Koutchma a même surpassé Kravtchouk. Leonid Kravvtchuk préférait la diplomatie, ne pas offusquer les partenaires et ne pas précipiter la solution de problèmes complexes, tandis que Leonid Koutchma était prêt à déchiqueter son adversaire pour ses propres intérêts, à savoir l’Ukraine. Koutchma se considérait comme le patron du pays et ne comprenait pas pourquoi il devait sacrifier les équipements au nom d’un autre patron d’une entreprise voisine, aussi proche qu’il soit. Mais le patron voisin croyait que sa société n’est pas seulement la plus importante, mais carrément l’unique. Et ce que Léonid Koutchma prend pour une société indépendante, n’est ni usine, ni fabrique… dans le meilleur des cas c’est un atelier.

Cette
http://www.gordon.com.ua/images/doc/11-kuch1kiss-60afb.jpg différence de conception a engendré une éternelle incompréhension. Nous nous souvenons de Koutchma sur ses derniers temps au pouvoir. Il négociait avec Poutine la création d’un Espace économique commun. Mais c’était Koutchma pratiquement isolé de l’Occident, à qui on ne serrait plus la main. Il lui était vital de prouver au monde, à l’Ukraine, à la Russie et à lui-même finalement que rien n’avait changé et qu’il continuait à gérer la politique extérieure, que c’était lui qui définissait le cap et qu’il était toujours le directeur d’usine et non le chef d’atelier. De plus, il ne comptait pas du tout participer à un Espace économique commun, il essayait de gagner du temps comme d’habitude. C’était d’ailleurs le mode de fonctionnement de tous les chefs d’Etats postsoviétiques qui s’étaient retrouvés isolés de l’Ouest. Par exemple, le président ouzbek, Islam Karimov a été toujours un adversaire déterminé de la Russie en ce qui concerne l’Asie Centrale. Mais d’un coup, il est devenu le meilleur ami de Moscou après les événements d’Andijan. Et bien sûr, le degré d’amitié a baissé dès que les visiteurs occidentaux ont été de retour à Tachkent… Alors, je ne surestimerai pas le degré pro-russe de la fin de l’ère Koutchma. Même lors de début de son premier mandat, souvenez-vous, Boris Eltsine a été contraint d’ajourner sa visite à Kyiv vouée à la signature du « Grand traité ». Les parties n’arrivaient pas à s’entendre sur les questions de la Flotte de la mer Noire. A Moscou on ne comprenait pas : que se passe-t-il ? C’est Koutchma, il est des nôtres, il aurait dû tout nous céder – mais il ne lâche rien...http://www.segodnya.ua/img/forall/a/9238/30.jpg
Je reviens là-dessus juste pour expliquer : le jour suivant de son élection, Viktor Yanoukovitch va se considérer comme le directeur de l’usine Ukraine. C’est pour ça qu’on n’observe pas de grand enthousiasme à Moscou pour son élection. Oui, l’échec d’Youchtchenko est une bonne chose pour la doctrine du Kremlin. Mais à Moscou, on a déjà compris que les présidents ukrainiens se comporteraient comme des directeurs d’usine et que l’on n’arriverait pas à leur imposer la vision russe de l’Ukraine.
Il est probable que si Yanoukovitch avait gagné les élections en 2004, on aurait eu une autre situation. A l’époque, personne n’avait plus besoin de lui. Koutchma n’était pas tellement intéressé par un héritier mais plutôt par une reforme constitutionnelle. La société ukrainienne ne comprenait pas pourquoi cette personne désignée comme « héritier ». Youchtchenko était certain de son droit à hériter de Léonid Koutchma. Personne n’avait besoin d’Yanoukovitch, à part la Russie. Les dirigeants russes tentaient de réaliser le mode de transmission du pouvoir selon l’exemple eltsinien dans le pays limitrophe. Ils étaient assurés que l’héritier était plus malléable que son prédécesseur.
http://image.tsn.ua/media/images/original/Jun2007/3161.jpgMais la Russie a tourné le dos à Yanoukovitch dès les premiers mois après son échec. On l’a oublié, il est retourné en politique sans aucune aide de Moscou. Il a gagné les élections présidentielles sans l’armée des consultants russes. Ce n’est pas un candidat russe, c’est un homme politique usant de slogans pro-russes pour ses propres intérêts électoraux. Et on le comprend très bien à Moscou. Ils comprennent que Yanoukovitch est bien sûr un soviétique, qui se sent plus à l’aise à Moscou qu’à Bruxelles. Mais ils savent aussi qu’il ne lâchera pas ses intérêts – comme Koutchma en son temps.

Source
Traduit du russe par Olga Gerasymenko
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