- Quel bilan dressez-vous de votre action à la tête de l'institut œcuménique de l'Université catholique d'Ukraine ?
L’Institut d’études œcuméniques a été créé au sein de l’Université catholique d’Ukraine en juin 2004 par le père Ivan Dacko, prêtre grec-catholique ukrainien, et moi-même, laïc chrétien orthodoxe français, en vue de pacifier les relations entre les différentes Eglises en Ukraine et de proposer de nouvelles formes de témoignage commun des chrétiens en Ukraine et dans le monde. Nous avons dès le premier jour avec Borys Gudziak recteur de l’UCU choisi de créer une institution dont la logique serait avant tout une logique de l’amitié. Sept ans plus tard je me réjouis de voir tous les fruits qu’ont produit tous les réseaux d’amitié qui se sont constitué très vite en Ukraine et dans le monde autour de notre projet.
A l’époque je me souviens que le patriarche Alexis II de Moscou remuait ciel et terre pour convaincre l’ensemble des Eglises Orthodoxes du danger que représentait pour lui le retour à Kiev du chef de l’Eglise grecque-catholique ukrainienne Mgr Lubomyr Husar. L’Eglise russe considérait alors que l’Eglise dite « uniate » était une erreur historique absolue et que son rattachement en 1946 à l’Eglise Orthodoxe du Patriarcat de Moscou n’était qu’un juste retour des choses. Une atmosphère de méfiance réciproque régnait en raison de ce contentieux au sujet du pseudo-synode de Lviv de 1946 (qui n’a jamais été un synode pour l’Eglise grecque-catholique dont tous les évêques se trouvaient alors en prison) et d’une absence de dialogue entre les Eglises grecque-catholique et orthodoxe vieille de plusieurs décennies.
Je me réjouis que grâce à la création de l’Institut d’études œcuméniques au sein de l’université catholique d’Ukraine, la situation se soit depuis lors sérieusement détendue. Lors de l’intronisation du nouveau patriarche de l’Eglise grecque catholique ukrainienne Mgr Sviatoslav Schevchuk à Kiev au printemps 2011 toutes les Eglises Orthodoxes ont participé à la cérémonie et l’ont félicité. Il n’était plus question de rupture du dialogue œcuménique. A Lviv également grâce aux nombreux liens de sympathie que nous avons lié avec les évêques des différentes Eglises, et notamment Mgr Augustin de l’Eglise orthodoxe ukrainienne du patriarcat de Moscou nous avons pu lancer en juin 2008 un projet commun à toutes les Eglises, les Semaines Sociales Œcuméniques ukrainiennes. Nous préparons en septembre la 5e édition de cette manifestation qui dispose maintenant d’un réseau national avec des antennes à Odessa, à Kiev, à Dnipropétrovsk, etc. Nous avons également participé à la commission régionale d’enseignement de l’éthique chrétienne dans les écoles publiques de la région de Lviv. Grâce à nos donateurs nous avons pu également financer la création de plusieurs manuels œcuméniques d’enseignement de l’éthique chrétienne. Ces ouvrages ont reçu la griffe du ministère de l’éducation nationale et sont aujourd’hui diffusés à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires. Nous avons lancé également le premier journal œcuménique ukrainien Dukhovnist en langue russe et en langue ukrainienne. Nous nous sommes pour cela associé à un grand quotidien national Vyssoki Zamok qui publie notre journal sur son site internet en supplément mensuel. Ces initiatives ont je le crois encouragé la création par le maire de Lviv d’un Conseil des Eglises chrétiennes de Lviv en avril 2011 qui permet désormais à ces Eglises de se rencontrer et de se parler régulièrement
Nous avons aussi réalisé un film documentaire sur le pseudo-synode en langues russe, ukrainienne, française et anglaise qui a mis fin à l’ignorance de la plupart des ukrainiens au sujet de ce rattachement forcé de l’Eglise grecque catholique à l’Eglise Orthodoxe russe. J’ai publié dès 2005 un livre d’entretiens avec le cardinal Husar qui a été publié en anglais, français en ukrainien et qui a permis de mieux comprendre la position complexe et en même temps profondément réconciliatrice de l’Eglise grecque catholique dans le paysage œcuménique. J’ai également publié un livre (En attendant le concile, Paris Cerf, 2011, qui va paraître cette année en russe et en ukrainien) qui présente tous les tenants et les aboutissants du paysage religieux en Ukraine et en en Russie.
Nous avons lancé un mastère en études œcuméniques en partenariat avec l’université d’Etat de Lviv et formé plusieurs dizaines de maîtres en œcuménisme. Aujourd’hui l’Institut œcuménique de Lviv est devenu l’unique institut d’études œcuméniques diplômant tant dans le monde catholique que dans le monde orthodoxe. Nous disposons également d’un prestigieux mastère d’enseignement à distance des études œcuméniques en langue anglaise et ukrainienne qui n’a pas d’équivalent ailleurs dans le monde. Nos anciens élèves sont aujourd’hui des journalistes spécialisés dans les questions religieuses, des professeurs d’éthique chrétienne ou des accompagnateurs sociaux. Je me réjouis chaque jour d’apprendre toutes leurs initiatives. Par exemple c’est une de nos anciennes étudiantes Olessia Stogny qui est en charge de l’organisation du concours annuel « Reporters d’espoir » qui est le principal concours à destination des journalistes en Ukraine et qui favorise un esprit d’informations porteuses de solution et non d’angoisses.
Tout ceci n’aurait pas été possible sans la générosité de nombreux donateurs et sans le soutien de personnalités importantes du monde œcuménique, je ne peux toutes les citer mais j’aimerais tout de même mentionner nos présidents d’honneurs, Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, Mgr Antoni Sharba, archevêque de l’Eglise orthodoxe ukrainienne aux Etats-Unis, Mgr Lubomyr Husar, archevêque majeur de l’Eglise grecque catholique ukrainienne, et le pasteur Konrad Raiser, ancien secrétaire général du Conseil Œcuménique des Eglises. Grâce au soutien de tous, et en particulier en France de L’Arche et de l’œuvre d’Orient, nous disposons maintenant d’un capital qui nous permet de financer de façon stable et pérenne un tiers de notre budget annuel.
Je pourrais parler très longtemps de toutes nos entreprises qui furent toutes passionnantes. Il suffit de se connecter à notre site internet en langues ukrainienne, russe, anglaise, et française pour découvrir toutes les initiatives que nous avons eues (http://www.ecumenicalstudies.org.ua/ ). Mais ma plus grande joie c’est d’avoir constitué une équipe ukrainienne, dynamique et pluri-confessionnelle capable de continuer aujourd’hui les activités de l’Institut sans que ma présence soit nécessaire au quotidien. Je reste cependant directeur émérite de l’Institut, membre du conseil d’administration de l’Institut et professeur permanent de l’Institut d’études œcuméniques.
- Comment le mouvement œcuménique est-il-perçu en Ukraine ?
C’est une question qui demanderait une réponse complexe et différenciée. Globalement on peut dire que en Ukraine occidentale, jusqu’à Kiev, l’œcuménisme est une réalité connue dans ses grands traits qui dispose aujourd’hui d’un a priori favorable. Les gens se souviennent de l’engagement en faveur de l’unité du métropolite grec catholique Sheptitsky, qui considérait que la frontière entre les chrétiens ne passent pas entre les confessions mais entre ceux qui croient que l’Eglise est une et ceux qui ne croient pas. Ils gardent la mémoire du métropolite orthodoxe Tikhon de Kiev pour qui les murs qui séparent les Eglises « ne peuvent pas monter jusqu’au ciel ». Tandis qu’en Ukraine orientale l’œcuménisme est perçu comme un « -isme » inconnu suscitant un a priori négatif. La position des Eglises est elle-même différente. L’Eglise grecque catholique fait de l’œcuménisme une priorité absolue, tandis que l’Eglise orthodoxe ukrainienne du patriarcat de Moscou se prononce souvent par la voix de certains de ses évêques (comme Mgr Agafangel d’Odessa) contre le mouvement œcuménique. L’Eglise catholique romaine est favorable à l’unité des chrétiens dans l’esprit de « Ut unum sint ». De même l’Eglise arménienne et les Eglises protestantes sont pour la plupart en faveur de prières communes pour l’unité et de diaconies menées en commun.
Mais il faut s’entendre quand on parle d’œcuménisme. L’œcuménisme n’est pas une idéologie. Ce n’est pas un concept univoque détaché de son contexte. J’ai rencontré en Ukraine des chrétiens très sympathiques qui étaient hostiles à toute tension vers l’unité avec d’autres chrétiens tout simplement parce que leur priorité, dans leur univers post soviétique, était d’abord de retrouver leur propre identité catholique, protestante ou orthodoxe. Il n’y a rien d’anti-œcuménique dans cette posture si elle conduit vers une réappropriation de sa foi en Jésus-Christ. Inversement j’ai rencontré à Kiev, à Chicago ou à Paris des Ukrainiens s’unir toutes appartenances ecclésiales confondues dans la commémoration de la tragédie du Holodomor qui a fait plus de 6 millions de victimes dans les années 1932-33. Ici l’unité ne signifiait pas une perte d’identité mais un désir de partager ensemble sa peine, de prier ensemble pour qu’une telle tragédie ne se reproduise plus. Dans les deux cas l’appartenance au mouvement pour l’unité des chrétiens commence par une posture de retour sur soi et d’humilité par rapport à ses propres limites. Si on définit l’œcuménisme de la sorte alors on comprend que les Ukrainiens sont en très grande majorité favorables à l’œcuménisme. L’échec des grands récits idéologiques du XXe siècle leur a permis en effet de renouer avec la conviction qu’un Dieu personnel, unique et trinitaire, est la source de leur propre liberté.
Le travail qui reste à faire cependant à mon avis, en Ukraine comme dans beaucoup d’autres pays de tradition byzantine, c’est de renouer avec une attitude positive à l’égard de l’histoire. Car l’œcuménisme n’est pas seulement un état d’esprit c’est aussi une science, une science humaine ignorée tout comme les nouvelles sciences de la paix, mais une science authentique. Cette science trans-disciplinaire, que la puissance publique pourrait au moins reconnaître sous l’intitulé de « culture religieuse et convictionnelle » ne s’improvise pas, elle s’enseigne et elle s’apprend. Elle dispose d’un corpus de textes de référence très important et s’appuie sur un certain nombre de compétences et de techniques très précises.
Elle repose sur le plan théologique sur cette constatation, à la fois basique et révolutionnaire. Le christianisme est une religion de l’incarnation qui intime à l’homme de participer à l’œuvre divine eschatologique de création. Il ne suffit pas de proclamer en se croisant les bras que l’Eglise est la Maison du Père, le Corps du Christ et le Temple de l’Esprit Saint. Il faut aussi un engagement personnel et communautaire, créatif et patient, risqué et confiant de chacun. C’est ainsi que l’Eglise une du Christ s’actualise, se rend visible. « Participer à l’œuvre eschatologique de la création » a des implications très pratiques selon qu’on se trouve en contexte pré-conflictuel, conflictuel ou post-conflictuel. Malheureusement ni en Ukraine, ni en France, aucun Etat, aucun ministère de l’éducation n’a encore reconnu l’utilité de la culture religieuse et convictionnelle au bien public. Il est donc urgent d’agir. C’est l’une des raisons pour laquelle pour ma part j’ai décidé de retourner travailler à Paris, capitale des « lumières », et au Collège des Bernardins en particulier, l’un des laboratoires les plus féconds de la post-modernité.
- 20 ans après l'avènement de l'indépendance ukrainienne, quel rôle exercent les religions dans la définition des identités nationales?
Je crains de dire que certaines « religions » aient perdu beaucoup de leur capital de confiance qu’elles avaient accumulé à l’époque soviétique en raison des persécutions dont elles furent victimes. La religion païenne du matérialisme dialectique en effet ne pouvait souffrir ni les catholiques, ni les orthodoxes, ni les baptistes, ni les témoins de Jéhovah. La chute de l’idéologie marxiste-léniniste a permis aux Eglises de retrouver leur liberté et de s’engager à nouveau dans la vie sociale de la nation ukrainienne. De nombreuses communautés ont été créées, de nombreux édifices religieux ont été construits, de nombreuses initiatives caritatives ont vu le jour.
Bien que ce sujet demanderait à être traité bien plus amplement je crois qu’il est possible de caractériser le rôle des Eglises dans la définition de l’identité nationale de la façon suivante. D’un côté on trouve dans toutes les confessions confondues des chrétiens qui considèrent qu’il faut bien séparer les traditions culturelles présentes en Ukraine pour éviter toute instabilité, toute menace identitaire. Il y a par exemple le synode de l’Eglise orthodoxe ukrainienne dépendant du patriarcat de Moscou, actuellement présidé par l’évêque d’Odessa Mgr Agafanguel, en raison de la maladie de Mgr Volodimyr de Kiev, qui considère que l’Eglise ukrainienne fait partie intégrante du patriarcat de Moscou. De l’autre côté on trouve le patriarcat de Kiev présidé par le métropolite Philarète qui estime que l’Eglise orthodoxe ukrainienne est suffisamment mûre pour disposer d’un statut d’autocéphalie. Dans l’Eglise catholique on trouve la même tension entre l’Eglise catholique de rite romain et l’Eglise catholique de rite byzantin qui ne parviennent pas à trouver un accord sur la façon de gérer ensemble les destinées de l’Eglise catholique en Ukraine. Dans le monde protestant il existe également des tensions très vives entre les courants évangéliques, qui radicalisent souvent les frontières entre le bien et le mal, et les courants réformés, qui ont tendance à les atténuer, sur des questions d’ordre éthique et organisationnelles.
Une approche œcuménique permettrait à ces Eglises de trouver des synthèses aux courants qui les divisent. J’ai exposé dans mon livre « En attendant le concile » mon approche fondamentale sur ces questions. Je ne peux ici répéter mon analyse résolument post-confessionnelle des voies de réconciliation possibles entre les courants zélotes, prosélytes et spirituels à l’intérieur de chaque Eglise. J’aimerais simplement poser ici les trois conditions préalables au dialogue inter-confessionnel. Premièrement il serait tout à fait envisageable de respecter les identités et les niveaux de conscience de chacun si les uns et les autres acceptaient d’adopter une lecture plus historique du passé ukrainien. Deuxièmement il faudrait que l’Eglise soit d’abord comprise par les uns et les autres comme une réalité divino-humaine et non pas seulement comme une institution purement humaine ou purement divine. Enfin troisièmement chaque Eglise doit reconnaître qu’elle est en partie responsable de la division qui existe entre les chrétiens en Ukraine. Rejeter sa responsabilité serait en effet tout à fait contraire au contenu même de la révélation chrétienne.
A partir de là il serait possible de proposer un agenda pragmatique et progressif aux Eglises avec un argumentaire capable de les convaincre que la réunification des chrétiens de l’Eglise de Kiev est tout à fait possible. Toute l’histoire du mouvement œcuménique montre que des chrétiens qui paraissaient divisés ad vitam aeternam sont capables de retrouver une unité profonde dès lors qu’un désir sincère de réconciliation est présent de part et d’autre. Les Eglises protestantes des Pays-Bas, qui étaient divisés sur la doctrine de la prédestination, en témoignent. L’Eglise orthodoxe et l’Eglise catholique aux Etats-Unis, qui étaient divisés sur la question du filioque, en témoignent. L’Eglise catholique et l’Eglise luthérienne qui étaient divisés sur la question de la justification en témoignent. Le premier pas à faire dans cet agenda œcuménique ukrainien consisterait à mon sens à soutenir les entreprises des universitaires appartenant à différentes Eglises réunis au sein de la Société Académique Chrétienne en Ukraine. En septembre 2008 nous étions parvenus avec Constantin Sigov et Oleh Tury à réunir les représentants des Eglises de Kiev (catholiques et orthodoxes) à l’Académie Mohyla pour une discussion portant sur un horizon commun pour l’ensemble des Eglises en Ukraine. Mais cette SACU n’est soutenue institutionnellement et financière par aucune institution ni en Ukraine ni ailleurs dans le monde. Il a fallu interrompre ses activités en attendant des jours meilleurs…
- Autour de quels thèmes s'est établi en Ukraine le dialogue judéo-chrétien ?
Le dialogue judéo-chrétien est encore à mon avis en Ukraine à une phase initiale. Les juifs ont été décimé pendant la deuxième guerre mondiale. Il a fallu que le livre du père Patrick Desbois La Shoah par balles soit traduit en ukrainien en 2011 pour que les Ukrainiens commencent à prendre la mesure de ce qui s’est passé il y a 70 ans. A Kiev l’amitié qui lie Léonide Finberg et Constantin Sigov a donné beaucoup de fruits, par exemple avec les éditions Dukh i Litera. A Lviv Myroslav Marynovytch, vice-recteur de l’Université catholique fait partie de ces intellectuels ukrainiens qui font beaucoup pour lutter contre toute forme d’anti-sémitisme. Nous avons organisé plusieurs conférences judéo-chrétiennes à l’Université catholique d’Ukraine. Je me souviens en particulier du dialogue entre Adèle Dianova, directrice du centre Hessed Arieh de Lviv et le père Antoine Guggenheim du Collège des Bernardins au sujet des voies possibles de réconciliation et de coopération. J’en ai retenu l’idée que la priorité était d’aider les juifs d’Ukraine à se réapproprier leur mémoire. Le temps est également venu de permettre aux Ukrainiens dans leur ensemble à redécouvrir, par la figure de certains justes comme Clément Sheptytsky, à la fois l’ampleur de la tragédie humaine qu’a connue l’Ukraine pendant la dernière guerre mondiale, et la capacité dont dispose chaque individu à l’heure du péril pour sauver toute l’humanité par une attitude de courage et de respect de la dignité de chaque être humain.
- Quelles relations les églises ukrainiennes entretiennent-elles avec l'Islam ?
L’islam est essentiellement présent en Crimée par la présence de plusieurs centaines de milliers de tatars. Ils sont soutenus par les courants ukrainophones favorables à une région autonome de Crimée au sein de la République ukrainienne. Ils représentent en revanche un frein pour les courants pro-russes qui considèrent que la Crimée est une partie intégrante de la « sainte Russie » depuis le mariage du prince Volodymyr à Chersonnèse au IXe siècle. Staline leur était également défavorable puisqu’il les a déportés en une nuit vers l’Asie centrale au moment où les forces allemandes se rapprochaient de la Crimée en 1942. Le dialogue inter-religieux entre chrétiens et musulmans ukrainiens est donc d’abord conditionné par l’horizon politique et historique de la Crimée. Adopter une approche historique et non mythique du passé de la Crimée consiste pour commencer à admettre que la Crimée n’a fait partie de l’Empire russe que pendant un siècle (1854-1954). Ceci ne signifie pas qu’il ne faille pas accorder un statut spécifique à la Crimée, très largement russophone, au sein de la république ukrainienne. Mais cela permettrait si cela était clairement admis par les uns et les autres de rassurer les habitants de Crimée et de les convaincre que les inévitables tensions inter-religieuses ne seront pas exploitées à des fins politiciennes. Le dialogue inter-religieux à mener en Crimée consiste ensuite à parler des préoccupations communes des chrétiens et des musulmans, à savoir les modalités en cours d’adoption à Kiev de la privatisation de la terre en Crimée. Celle-ci seront-elles à l’avantage en premier lieu des habitants de Crimée ? Le dialogue inter-religieux est inséparable d’une prise de conscience post-idéologique de la relation structurelle qui existe entre le théologique et le politique.
Propos recueillis par Frédéric du Hauvel