Quelle a été votre réaction en apprenant l'arrestation d’Ioulia Timoshenko ?
En tant que Franco- Ukrainienne, j’ai été profondément choquée par cette nouvelle si inattendue. L’Ukraine qui depuis 20 ans d’Indépendance s’était engagée sur le chemin de la démocratie, et les Français savent combien il peut être sinueux et difficile, comment cette Ukraine peut-elle ainsi museler les opposants politiques au pouvoir en place ? Mme Timoshenko n’est que la figure symbolique de l’opposition, mais combien d’autres ex-ministres « oranges », d'étudiants, de manifestants sont venus remplir les cellules des prisons ces derniers mois. Et combien de citoyens « non médiatiques » pourraient faire les frais d’une justice corrompue, à la solde du pouvoir ? Ce qui est en danger, c’est la liberté de parole, de manifestation ! Et pour une Française, cela ressemble à des méthodes pratiquées dans les pays où règnent des dictateurs. Des méthodes qui jettent le discrédit sur le pays.
Mais pour avoir été présente en Ukraine au moment de ces événements, je puis vous assurer que ce signe de forte régression démocratique n’est pas à l’unisson du souhait du peuple ukrainien, ni de celui de la diaspora. Les Ukrainiens souhaitent un rapprochement avec l’Europe parce qu’ils sont profondément européens de par leur histoire, leur culture, leur tempérament. La diaspora, qui représente 25 millions d’Ukrainiens dans le monde, s’est rassemblée pendant trois jours à Kyiv, lors du 5ème Forum de UVKR. Les 300 délégués présents ont demandé expressément la libération de tous les opposants politiques ainsi que la démission du Ministre de l’Education, M. Tabachnyk, profondément anti-ukrainien. Nous saurons rester vigilants !
Comment analysez-vous les déclarations du Ministre français des Affaires Etrangères et Européennes exprimant la vive préoccupation de la France quant au procès ?
J’ai été très positivement étonnée par la réaction de la France. Il est vrai que depuis la fin de l’année 2010, avec l’arrestation de M.Yuri Lutsenko (ex-ministre de l’Intérieur), le Ministre des Affaires Etrangère français et ses homologues européens avaient été sensibilisés par des journalistes et des députés ukrainiens ainsi que par nous même, à la situation de pressions et de contraintes que connaît l’opposition ukrainienne. Et les discours qui annoncent une lutte contre la corruption sans compromis, une réforme du système judiciaire ou encore une libéralisation de la presse, ne sont que des promesses dont les Européens et en particulier les Français, ne sont pas dupes.
La prise de position forte et sans concessions de l’Europe et de la France est aussi un signe fort pour l’avenir et notamment pour les élections législatives qui se dérouleront en automne 2012. Cela laisse espérer une vigilance accrue de l’Europe et de la France quant au déroulement du scrutin avec l’envoi d’observateurs internationaux en grand nombre. Comme par le passé, notre Comité saura se mobiliser pour faire respecter le choix du peuple ukrainien et déploiera tous les moyens dont il dispose afin de garantir chaque bulletin.
Quel regard portez-vous sur les commémorations du vingtième anniversaire de l'indépendance ?
Depuis 15 ans, le 24 août, jour de l’Indépendance, je suis à Kyiv. C’est toujours un grand moment de fête, de liesse, de retrouvailles aussi avec des amis ukrainiens d’Ukraine ou de la diaspora. Ce sont aussi ces artisans qui de toute l’Ukraine viennent s’installer entre l’Eglise Saint-André et le quartier du Podil, au pied du Dniepr, ces familles qui flânent au gré des concerts, en chemises traditionnelles.
Cette année, vingtième anniversaire de l'indépendance nous nous étions préparés à des cérémonies éclatantes… tout a été mis en œuvre pour éroder cet esprit de fête ! Pas d’hommage rendu aux soldats ukrainiens du fait de l’absence de défilé militaire ! Pourrait-on imaginer un 14 juillet sans défilé sur les Champs Elysées ? Et le soir un concert sur le Maïdan suivi un feu d’artifice semblable à ce qui est organisé pour des fêtes revêtant une dimension symbolique moins importante. En revanche un déploiement de force de police démesuré ! Une manifestation de soutien à la démocratie, interdite au dernier moment et des gaz lancés sur les manifestants... Une provocation à laquelle les leaders de l’opposition n’ont pas répondu, évitant ainsi un bain de sang qui aurait pu leur être attribué.
A Paris aussi, les forces de police, françaises cette fois, ont été déployées lors de la cérémonie qui s’est déroulée dans le square Taras Chevchenko ! Non à notre demande, bien entendu. Une première depuis toutes ces années d’Indépendance. Serions-nous devenus aux yeux des dirigeants ukrainiens une menace ? des terroristes ? Il restera de cette année 2011, vingtième anniversaire de l’Indépendance de l’Ukraine, un goût amer !
Mais même si le Président Viktor Yanukovych a volé au peuple ukrainien sa victoire sur les années de combat pour la liberté, les nombreux témoignages recueillis prouvent que l’Ukraine n’est pas encore morte ! La communauté internationale sait que l’avenir appartient à la jeune génération d’Ukrainiens talentueux et pleins d’enthousiasme ! A l’heure où nous répondons à cette interview, aucun opposant n’a été libéré, l’état de santé de Mme Timochenko s’est aggravé et elle ne dispose pas un plein accès à des soins médicaux appropriés. C’est dans ce contexte que le pouvoir ukrainien mène des négociations avec l’Union Européenne dans la perspective d’un rapprochement ...
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