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13 février 2010 6 13 /02 /février /2010 10:41
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par Timothy Garton Ash / professor of European studies at Oxford University

L'Ukraine n'est pas encore perdue.
Oui, c'est un renversement de situation époustouflant que celui obtenu par Viktor Yanoukovytch, dont l’élection frauduleuse de 2004 avait suscité la Révolution Orange, et qui est maintenant le Président élu. Mais ce n'est pas le triomphe d'une contre-révolution bleue. S’il y a quelque chose à dire, c’est pour confirmer que l'Ukraine est devenue une démocratie digne de ce nom, plutôt qu’une démocratie virtuelle de type russe en devenir.

À la différence de beaucoup de soi-disant élections dans les régimes autoritaires, nous ne savions pas le résultat de celui qui était en tête. Les observateurs internationaux expérimentés de l’élection ont constaté qu’elles étaient libres et équitables. La Premier ministre vaincue, Yulia Tymochenko, ne devrait pas contester le résultat; elle devrait plutôt déjà commencer sa campagne pour gagner en 2015.

M. Yanoukovytch cherchera à se rapprocher de la Russie, mais il n'y a aucune évidence que les oligarques qui sont derrière lui veulent que l'Ukraine cesse d'être un pays indépendant. Leur intérêt est de jouer les deux côtés : la Russie et l'Union Européenne. M. Yanoukovytch lui-même dit maintenant que l'intégration de l'Ukraine dans l'UE est “notre but stratégique.”

Les amis de la liberté en Ukraine ont cinq années de résistance d'avance. Les menaces réelles contre la souveraineté effective du pays demeurent et comprennent l'utilisation des réserves de gaz naturel russe comme arme ainsi que la possibilité de désaccords au sujet de la péninsule de Crimée, où la majorité de la population est d’origines russes ou russophone et où la flotte de Mer Noire de la Russie a Sevastopol à sa disposition.

Mais si ces orages potentiels sont surmontés et que M. Yanoukovytch n’est pas réélu en 2015, alors les historiens futurs pourront voir cela comme un zigzag de plus sur le chemin de la consolidation de l’Ukraine indépendante. Cela exigera pourtant du courage à Kiev, de la modération à Moscou et une réflexion stratégique à Bruxelles – qualités actuellement peu répandues.

Comme quelqu'un qui a été témoin de la Révolution Orange à Kiev et l'a accueilli avec enthousiasme, je dois franchement reconnaître la déception qui a suivi. Viktor Youchtchenko s'est révélé être un président assez désespéré, même avant que ses mains ne soient attachées par les nœuds du partage du pouvoir par le compromis constitutionnel qui a mis fin à cette révolution négociée.

Les oligarques se cachent comme des gangsters dans les coulisses de la politique ukrainienne. La corruption est endémique, le pays fait preuve de moins de liberté économique et le PIB a chuté de plus de 14% l'année dernière. Les Ukrainiens ordinaires peuvent parler librement et faire leur choix parmi les candidats de l’élection – la participation à ce vote approchait les 70% – mais ils ont de bonnes raisons d’être déçus par le manque d'amélioration matérielle, de sécurité juridique et de justice sociale.

Il est aussi vrai qu’au cours des cinq ans passés l'Ukraine a reçu moins de soutien de l'UE qu'il aurait dû en avoir. Les dirigeants européens ont été honteusement hypocrites lorsqu’ils parlaient des possibilités pour le pays de rejoindre l'UE. Pourtant même les plus grands avocats de l'Ukraine, comme l'ancien président polonais Aleksander Kwasniewski, ont du admettre que les Ukrainiens étaient souvent leurs propres ennemis et même de ceux qui sont les plus féroces. L'Europe ne peut pas faire pour l'Ukraine ce que l’Ukraine ne fera pas pour elle-même.

À cet égard et malgré ses fautes, la candidate vaincue, Mme Tymoshenko, aurait fait un meilleur président. Même d’après les normes les plus basses de la politique post-communiste, Yanukovych est un personnage très faible. Une plaisanterie que j'ai entendue à Kiev au moment de sa candidature de 2004 disait, “saviez-vous que Yanoukovytch cherche un troisième terme (en anglais term = mandat mais aussi séjour en prison) ?” (Ses deux premiers termes se passèrent en prison : jeune homme, il fut incarcéré pour vol, coups et blessures et violences sexuelles.)

La question est maintenant de savoir ce que l'UE peut faire pour aider l'Ukraine à devenir un pays plus libre et plus prospère afin d’accéder à l'Europe dans le futur. C'est une question qui doit être posée particulièrement à un des chefs de l’UE dont les propres déclarations sont loin d’avoir causé le moindre embarras à Yanoukovytch. Je veux évidemment parler du Haut Représentant pour la Politique Etrangère, Catherine Ashton.

L'UE devrait dépasser son langage actuel exagérément prudent. Au lieu de s’exprimer ainsi : « Nous reconnaissons les aspirations européennes de l’Ukraine et nous accueillons favorablement son choix européen », il faudrait dire : « Nous voulons que vous soyez membre de l’UE quand vous aurez satisfait à toutes les conditions pour votre adhésion. C’est notre intérêt aussi bien que le vôtre ».

Ce sera un dur travail que de convaincre tous les chefs nationaux de l'UE, mais Mme Ashton devrait commencer petit à petit dès maintenant. Cinq ans dans la politique européenne, c’est une longue période.

Pendant ce temps, il y a certaines choses qu'elle pourrait commencer à faire. Comme elle dirige le nouveau service diplomatique de l'UE, elle doit décider où concentrer les ressources diplomatiques et financières. Les endroits où l'UE peut avoir un impact maximum se trouvent dans le voisinage immédiat, pour ne pas dire en Ukraine.

Bien que M. Yanoukovytch se tourne probablement vers Moscou pour une question de gaz, Bruxelles devrait continuer à s'acharner à obtenir des prix domestiques plus réalistes pour le gaz, plus d'efficacité énergétique et plus de diversification dans ses approvisionnements ainsi que des réseaux mieux intégrés. C'est un intérêt européen essentiel. Souvenez-vous que quand la Russie a fermé le gaz passant par l'Ukraine en janvier de 2009, la moitié de l'est de l'UE a attrapé un rhume.

Une chose qui marquerait fortement les Ukrainiens ordinaires serait la diminution des restrictions sur les visas. Qui a vu l'impact psychologique de l'annonce en Serbie, en décembre dernier, de la fin de l’obligation de visa pour voyager dans l’UE saura ce que je veux dire.

C'est un truc ennuyeux, lent, non spectaculaire, mais c'est ce que l'UE peut faire. Une tortue doit faire ce que peut une tortue.
On m’a dit qu'elle bat même quelquefois un lièvre russe à la course.

 

Source


Traduits de l'anglais par Tymko
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P
<br /> Résolution du Parlement européen sur la situation en Ukraine - http://www.info-news.com.ua/?p=116&lang=fr<br /> <br /> <br />
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