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10 mars 2012 6 10 /03 /mars /2012 17:31

Youri Loutsenko, ex-ministre de l'Intérieur en Ukraine, vient d'être condamné à 4 ans de prison, 3 ans d'inéligibilité et à la confiscation de ses biens. Il est accusé d'avoir « organisé un complot avec son conducteur, dans le but de s’approprier des biens d'état. » Le Parquet Général de l'Ukraine lui reproche d'avoir embauché un conducteur, venant de Rivne, de l'avoir aidé à obtenir un petit appartement de fonction et un salaire standard, prévu pour tous les conducteurs de tous les ministres de l'Intérieur.

 

Ce verdict a tout de suite suscité une vive critique de la part  de l'Union Européenne, du Conseil de l'Europe, des Etats-Unis et particulièrement de la France, via le porte-parole du Ministère des Affaires étrangères, M. Bernard Valero. "Cette condamnation intervient au terme d'une procédure non conforme aux engagements internationaux de l'Ukraine durant laquelle M. Loutsenko a subi une détention provisoire sans rapport avec les chefs d'accusation, a dû suivre son procès enfermé dans une cage et s'est vu refuser l'accès aux soins médicaux", a indiqué M. Valero, lors d'un point-presse.

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M. Jean-Claude Mignon, député et membre de l'Assemblée Particulière du Conseil de l'Europe, lance également un appel aux autorités ukrainiennes : « Il est inacceptable que dans un Etat membre du Conseil de l’Europe d’anciens membres du gouvernement soient poursuivis pour des motifs politiques. Cette pratique est contraire à l’Etat de droit et éloigne l’Ukraine des principes de notre organisation et, par conséquent, également de l’intégration européenne à laquelle ce pays aspire.

 

Comme notre Assemblée l’a demandé le mois dernier dans sa résolution 1862, les charges retenues contre ces anciens membres du gouvernement doivent être abandonnées. Il est urgent que les autorités ukrainiennes libèrent M. Loutsenko qui, tout comme Mme Timochenko, est victime d’une politique mise en œuvre par le pouvoir en place cherchant à incriminer les décisions prises par un gouvernement précédent », a conclu M. Mignon.

 

Plus la réaction des hauts représentants des institutions internationales et des pays occidentaux est prévisible, plus le verdict surprend les observateurs de la société civile ukrainienne. De nombreux experts, ainsi que les avocats de Youri Loutsenko prédisaient un délai conditionnel. « Pour montrer un bonne image du pouvoir ukrainien aux occidentaux et en même temps ne pas permettre à cet opposant de participer aux élections », disait Valentyna Telychenko, représentante de M Loutsenko à la Cour Européenne des Droits de l'Homme.

 

Mais Kiev en a décidé autrement. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons. Tout d'abord, une fois de plus, depuis l'emprisonnement de Julia Tymochenko, le pouvoir ukrainien démontre que le Parti des Régions craint davantage la défaite à la législative en octobre 2012 que la perte de son image à l'étranger, d'autant plus que cette image est déjà ternie. Tymochenko et Loutsenko sont deux contestataires expérimentés et charismatiques. Tous deux plus efficaces peut-être, dans l’opposition qu'au pouvoir ; en effet, ils sont potentiellement capables d’incarner la fronde populaire contre la vie chère, injuste et dure. Selon les derniers sondages,  aujourd'hui le parti de Régions n'a que 12-13 % d’opinions favorables, loin des 35 % habituels. Cela explique l’emprisonnement des opposants les plus redoutables, à titre préventif…

 

Par ailleurs, selon Serguy Leshchenko du media Ukrainska Pravda, ces emprisonnements ont un goût de vengeance venant de quelques hauts fonctionnaires. Ainsi le vice-premier ministre Boris Kolessnikov, poursuivi et mis en garde à vue peu après la première nomination de M. Loutsenko au Ministère de l'intérieur, n’a jamais oublié cette humiliation. Face à des  journalistes qui procédaient à une autre interview avec un député ukrainien, M Kolessnikov a clairement dit à un autre vice-premier ministre, M Tikhonov: « Il s'est moqué de nous tous, qu'il reste en cage maintenant ».

 

Youri Loutsenko ne se reconnaît pas coupable. Sa défense a fait appel de sa condamnation, sans beaucoup d'illusions. « Il n'y a plus de justice ni d’état de droit en Ukraine », a dit un avocat de Loutsenko, M Olexiy Baganets. La défense de l'ex-ministre met ses espoirs sur le procès en référé qui de tiendra à Strasbourg, à la Cour Européenne des Droits de l'Homme.

 

Le 17 avril, pour la première fois dans l'Histoire ukrainienne, la requête d'un ressortissant du pays, Youri Loutsenko, sera étudiée à la CEDH en audience publique.  De nombreux ukrainiens se préparent à assister à cette séance. Parmi eux, le Comité Représentatif des Ukrainiens de France organise un déplacement à Strasbourg pour tous ceux qui veulent soutenir le droit de l'Ukraine au pluralisme politique.

 

Alla Lazareva

 

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