Comment êtes-vous venu à la littérature ?
Quand j’avais six ans, mon père m’a acheté trois hamsters que je laissais vagabonder à leur guise dans l’appartement. Mes hamsters ont eu une vie assez tragique : le premier a été tué par accident, alors que mon père a ouvert la porte un soir en rentrant à la maison. Le second a été mangé par un chat que j’avais trouvé dans la rue et ramené à la maison. Quand au troisième, il est tombé du balcon. On n’a jamais su si c’était un accident ou un suicide… Mais c’est alors que j’ai écrit mon premier poème, sur la solitude du hamster qui a perdu ses amis.
Mon frère était dissident et il a été arrêté sous le prétexte de cambriolage de kiosque. Ma mère a passé beaucoup de temps à essayer de faire commuer la peine de mon frère. Finalement, le juge, qui était collectionneur de médailles soviétiques, a levé les deux ans de prison de mon frère en échange des médailles de guerre de mon grand-père. Ce juge avait une grande bibliothèque, et étonnamment, beaucoup de livres interdits. C’est chez lui que j’ai découvert Hermann Hesse ou l’œuvre d’Andréï Platonov. J’ai beaucoup écrit en m’inspirant de ces auteurs, au début, jusqu’à ce que je décide qu’il fallait que je trouve mon propre style. J’ai finis mon premier roman à l’âge de 17 ans et j’ai approché les éditeurs soviétiques et les grands écrivains ukrainiens, mais ce roman ne correspondait pas aux standards soviétiques… Au début, mes livres se sont diffusés par le biais de lectures privées.
Mes manuscrits ont commencé à voyager dans l’URSS et j’ai eu des invitations à Riga, à Vladivostok, pour lire mes textes. J’ai donc débuté comme écrivain « Underground » J’ai commencé à écrire beaucoup pendant mon service militaire. Etant pacifiste, j’ai longtemps tenté de l’éviter, notamment en prolongeant mes études de linguistique : j’ai presque réussi mais c’était tellement dur à éviter que j’ai finalement dû me résoudre à y aller. J’ai atterri comme gardien de prison à Odessa en 1984. Mes officiers étaient surpris de mes diplômes…
Quand j’ai dit que mon ambition était de devenir écrivain, on m’a demandé d’écrire des textes communistes pour les journaux locaux. J’étais censé travailler toute la nuit, mais je finissais mes textes en deux heures avant d’écrire pour moi. J’écrivais des histoires pour enfants, et en 1987, j’ai commencé à gagner ma vie en écrivant des scénarios de films. En 1991, c’était la crise. J’ai pris un prêt de 16 000 dollars pour imprimer mes propres livres que j’ai commencé à distribuer artisanalement, j’en vendais moi-même sur Andreivsky Spousk. J’en envoyais également à l’étranger et j’ai finalement été publié en Autriche…
Parlez-nous de votre dernier roman, le Laitier de Nuit…
J’ai essayé d’écrire un roman sans politique. Mon précédent roman, le Dernier Amour du Président, dans lequel un Président ukrainien est empoisonné et le président russe Wladimir Poutine est réélu après une pause de quatre ans, m’a valu trop d’ennuis. Les commandes ont tout simplement cessé en Russie… Avec ce roman, j’ai donc arrêté la politique et j’ai essayé d’écrire une histoire d’amour… C’est donc trois histoires, trois couples, qui essayent d’être heureux dans ce pays un peu bizarre qu’est l’Ukraine…
Propos recueillis par Grégoire Grandjean