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18 septembre 2013 3 18 /09 /septembre /2013 12:49

Entretien avec Rouslan Syvoplyas (RS) coordinateur  du projet éditorial et Oleksandr Galyas (OG), auteur du livre

 

___________-_____.jpgQu'est-ce que vous a incité à vous pencher sur la memoire française d'Odessa?


RS – En juillet 2010 j'étais à la tête d'une filiale régionale du Crédit Agricole à Odessa. Nous nous apprètions à récevoir une délégation de la maison mère de Paris. En nous préparant à cette visite, nous avons eu envie de raconter des choses intéressantes et des faits marquants sur Odessa et je me suis aperçu que les informations sur le rôle que les Français ont joué dans l'histoire de la ville sont dispersées. Il n'existait pas d'édition qui évoquait de manière chronologique l'impact que les ressortissants français ont eu sur les développements économiques, culturels, artistiques d'Odessa ainsi que dans d'autres domaines. En conséquence, après l'excursion dans la ville, lors de laquelle nos collègues français ont découvert l'Odessa française, je me suis adressé au Président du conseil de direction de la banque, monsieur Philippe Guidez avec une proposition de soutenir l'édition du livre “Les Français à Odessa”. Il a soutenu cette idée. Après quoi, Oleksandre Gallas, mon ami journaliste et écrivain odessite et moi, nous avons commencé à nous documenter.


Aujourd'hui je ne fais plus partie du groupe Crédit Agricole mais je veux leur exprimer encore une fois toute ma gratitude  pour leur soutien et leur financement au projet.


Un peu plus tard, nous avons convié des collaborateurs de l'Alliance Française à Odessa pour contribuer à celui-ci. Ils nous ont aidé à rassembler les informations, à rédiger et traduire le livre en français. Ils ont également organisé sa présentation le 27 avril dernier qui a eu lieu dans la bibliothèque nationale d'Odessa de Gorkiy, en présence de son excellence l'ambassadeur de France en Ukraine Alain Rémy.


Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre?

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OG – Je m'intéressais à la France bien avant d'avoir lu “Les trois mousquetaires”. Au début du siècle dernier mon grand père a travaillé chez le comte Tolstoi, dans les bâtiments où actuellement se trouve la Maison des Chercheurs. Un jour, il a été amené à accompagner le comte en France. Les photos de ce voyage m'ont impressionné quand j'étais gamin. Après, j'ai beaucoup lu sur l'histoire de France et des Français. J'écoutais les chansons françaises, dont au moins deux interprètes ont des racines odessites : Joe Dassin et Serge Gainsbourg…


Pourquoi avez-vous décidé de faire le livre dans les deux langues? Qu'est-ce qui intéressera un francophone et attirera un lecteur ukrainophone?

OG -  Selon l'objectif du livre, il devait être offert à des bibliothèques, des universités et écoles. Nous avons visé un public francophone pour lui faire connaitre les Odessites d'origine française, et la langue officielle du pays étant l'ukrainien.


Les Odessites et d'autres lecteurs d'Ukraine seront curieux d'apprendre que le caractère si particulier d'Odessa, ce qu'on appelle “la mentalité odessite” a été en grande partie impacté par des Français et notamment le duc de Richelieu. Odessa a eu la chance qu'au tout début de sa fondation il a été à sa tête. Il réunissait en lui-même beaucoup de qualités – du talent exceptionnel de gestionnaire jusqu'à une modestie hors du commun.

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Parlez-nous du duc de Richelieu – comment a-t-il rejoint  Odessa et quel a été son destin après sa carrière à la tête de la ville?

OG – Je me permettrai de citer le livre.


Armand-Emmanuel-Sophie-Septimanie de Vignerot du Plessis, duc de Richelieu... De cette longue liste de noms et de titres, les Odessites n'ont retenu qu'un seul : le duc. Mais quel interêt pourrait-on porter à ce mot une foit traduit en français ? Dans l'histoire mondiale, il existe en effet plusieurs ducs renommés, mais dans l'histoire d'Odessa, il n'y a qu'un seul : Richelieu.


Après la révolution française, en 1790, Richelieu part à la guerre russo-turque, où il a participé notamment à la prise de la forteresse d’Izmail. Pour son courage pendant ce siège, il a été décoré de l’ordre de Saint Georges de 4e classe et a reçu une épée en or – ses premières distinctions dans un pays qui deviendra bientôt sa deuxième patrie. Après la prise de la forteresse, Richelieu revient dans les quartiers du prince Grégoire Potemkine qui le reçoit très aimablement et lui propose de l’accompagner à Saint-Pétersbourg. Cette invitation était très alléchante parce que la gloire du jeune Français était parvenue jusqu’à l’impératrice. Néanmoins, il fut obligé de la décliner et de revenir en France pour régler une succession. Quelques années plus tard il écrit à Alexandre Ier en lui demandant d’être engagé. Il reçut rapidement une réponse positive. Ainsi, en octobre 1802 Richelieu arrive à Pétersbourg où il reçoit de l’empereur 10 000 roubles « pour s’établir », ainsi qu’une propriété à Kouzeme (ndt : une région de Lettonie). Il est gradé général-lieutenant et il reçoit La Croix de commandeur. Alexandre Ier lui proposa plusieurs postes dont Richelieu choisit le poste à la tête de la ville d’Odessa.


En ce qui concerne ses activités à la tête d’Odessa et la suite de sa carrière en France en tant qu’homme d’Etat, nous en parlons en détails dans le livre et j’invite tous vos lecteurs à le lire.
 
Comment le livre est distribué? Où peut-on l'acquérir?
RS – Le projet a été sans but lucratif. Donc, le livre est distribué gratuitement dans les écoles, les établissements d'enseignement supérieur et dans des bibliothèques. N'importe qui peut trouver le livre en version PDF sur le site Scribd.com, en passant par son moteur de recherché ou sur la page Facebook de Frenchmen in Odessa.

Quels sont les résultats de 40 ans de jumelage entre Odessa et Marseille?


OG – Aujourd'hui les Odessites n'en ressentent quasiment pas l'existence, même s'il y a des tentatives de renouveler la collaboration. Pour l'heure, de rares echanges ne se déroulent qu'au niveau des administrations des villes.

 
On peut avoir l'impression que l'initiative du développement des relations franco-ukrainiennes proviennent souvent du coté français. Quel est le rôle des Ukrainiens en leur approfondissement?


RS – Le projet du livre “Les Français à Odessa” temoigne que l'initiative du développement des relations franco-ukrainiennes est bilatérale et mutuelle. En Ukraine il existe plusieurs pôles d'initiative citoyenne. Parmi eux, je peux évoquer le groupe musical VV avec son frontman Oleg Skrypka qui organise régulièrement des veillées à Montmartre. Quant à Odessa, je noterai l'activité de la chaire de langue française de l'Université national d'Odessa.

Parlez à nos lecteurs d'une de vos sources - “Le club mondial des Odessites”?


OGLe club mondial des Odessites a été fondé en novembre 1990 afin de réunir des personnes “de nationalité odessite” à travers le monde entier. Le but de ce club est d'échanger et transmettre des actualités liées à la ville. Il aide la ville pour préserver son héritage culturel et historique. Depuis sa création l'écrivain Mikhail Jvanetskiy  est à sa tête.


Actuellement cette organisation édite activement des livres, mais également le journal “Vsesvitni odeski novyny” (Nouvelles mondiales odessites) et l'almanach litteraire “Derybassivska-Richelieuvska”. Le club mondial des Odessites a été à l'initiative de la création de plaques commémoratives dédiées à Issak Babel, Yuriy Olecha, au peintre Kiariak Kostandi et de l'édification du monument de Babel.


_____-_______.jpgDeux premières éditions périodiques d'Odessa ont été francophones, aujourd'hui édite-t-on à Odessa en français?


OG – En effet, dans l'histoire récente d'Odessa notre livre est une premiere tentative de publication francophone. Et c'est surtout la première édition billingue français-ukrainien dans l'histoire de la ville.  

Le lecteur a l'impression qu'aujourd'hui la ville est loin d'exploiter tout son potentiel et ne montre pas des niveaux de croissance comparable à ce qu'elle a vécu il y a 150 ou 200 ans. A votre avis, qu'est-ce qui est nécessaire pour qu'Odessa retrouve son lustre et sa prospérité d'antan?


RS – Odessa a connu son essort grâce à la gestion de la ville par des personnes qui  mettaient leurs propres interêts en dessous du bien commun. L'exemple de Richelieu est le plus flagrant. Alors si les pouvoirs actuels reviennent non  sur les paroles mais par leurs actes aux valeurs européennes proclamées, Odessa retrouvera son entrain culturel et commercial d'antan.


Quels plans avez-vous pour ce livre et pour vos autres projets?


RS – Malheureusement le budget du livre n'a pas permis d'exploiter tous les documents rassemblés. Alors, nous prévoyons de faire paraitre un livre électronique qui sera plus complet.

Mis à part ce projet, nous travaillons sur un prochain livre : une édition “Les Ukrainiens en France” qui sera également bilingue. Nous souhaitons y rassembler et publier des documents sur des personnalités ukrainiennes qui ont contribué à l'essort culturel et artistique français (en débutant par Anne de Kyiv). Ainsi nous parlerons de Grégoire Orlyk, de Serge Lifar, de Volodymyr Kossyk, d'Arkadiy Joukovskiy, de Borys Goudzyak et de bien d'autres. Ils doivent être reconnus non seulement comme des citoyens français mais comme des enfants de l'Ukraine. Certains de ces documents sont publiés sur notre page de Facebook "Ukrainians in France".

Dans ce livre nous parlerons également des Français qui ont eu des racines ukrainiennes, dont Joe Dassin, Martine de Breteuil, Pierre Bérégovoy, Serge Gainsbourg et Pierre Lazareff. Dans le livre on évoquera les années passées en France par des personnalités historiques et culturelles telles que la poetesse Anna Akhmatova, le chef des mutineries paysannes et  un des pères de l'anarchisme Nestor Makhno, le militaire et chef d'Etat Simon Petlura, l'industriel Mikhaylo Terestchenko, la peintre Maria Bachkirtseff,  le chanteur et musicien Oleg Skrypka, et de nombreux autres. Nous comptons sur le concours de la communauté ukrainienne en France. Ainsi, nous sommes en contact et comptons collaborer avec la société sientifique Chevtchenko à Sarcelles. Nous allons étudier la possibilité de l'édition de ce livre en format papier. Je profite donc de l'occasion et je m'adresse à tous vos lecteurs pour nous aider à travailler sur ce projet. Tous ensemble nous réussirons mieux ce projet au nom de la préservation de l'identité nationale des Ukrainiens en France et pour la sauvegarde du trésor spirituel de notre peuple!

 

Propos recueillis par Olga Gerasymenko

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