Pensez-vous que le conflit qui fait rage dans l’est de l’Ukraine puisse être réglé autrement que par des moyens militaires ?
Il est difficile de continuer à croire que la diplomatie et le dialogue pourront résoudre ce conflit programmé, initié, armé, financé et orchestré par la Russie. Il faut bien comprendre que Moscou n’a jamais eu l’intention de discuter. Ainsi lorsque le Kremlin consent à s’asseoir autour de la table des négociations, c’est par pure tactique afin de se présenter en arbitre et tenter de ne plus apparaitre comme un belligérant. Compte tenu de ce jeu de dupes, l’Union Européenne et tout particulièrement la France doivent poursuivre et augmenter les sanctions afin de ne pas accroitre le potentiel militaire russe. Concrètement, pour reprendre les termes d’Hervé Morin, ancien ministre de la Défense, « il serait incompréhensible que la France livre les Mistrals à la Russie ».
Quels sont les enjeux majeurs des élections législatives anticipées du 26 octobre prochain ?
Après des mois d’épreuves violentes et après l’élection du Président Porochenko, il est indispensable que les Ukrainiens se dotent d’une représentation parlementaire en phase avec leurs aspirations. La loi sur la lustration, qui interdit selon des critères objectifs à tout député lié au pouvoir précédent, ou ayant fait allégeance au Kremlin, de se présenter est une grand avancée et participe à un changement profond de la société civile elle-même : ce que tu exiges de tes députés tu dois l’appliquer à toi-même ! Plusieurs pays d’Europe centrale et orientale ont emprunté cette voie il y a quelques années. Les Ukrainiens peuvent et doivent le faire à leur tour. Ces élections représentent un épisode charnière qui doit permettre une refonte de la politique. Un point de passage qui ouvre la porte d’une vraie construction démocratique, ces valeurs portées par le Maidan. Un Parlement délesté de ceux qui se sont laissés corrompre par l’ancien pouvoir, un Parlement constitué d’hommes et de femmes qui devront rendre des comptes de leurs actes et de leurs décisions aux Ukrainiens. Il est important qu’elles se déroulent dans les meilleures conditions possibles, malgré la situation de guerre. Et c’est pour cette raison, qu’une nouvelle fois le Comité Représentatif de la Communauté Ukrainienne de France envoie une mission d’observateurs internationaux bénévoles, accrédités par l’Etat ukrainien pour veiller au respect du processus électoral démocratique (voir ici).
Cette année le lauréat du prix "Perspectives Ukrainiennes - Grégoire Orlyk" est l'historien Antoine Arjakovsky. Quel regard portez-vous sur ses travaux ?
J’aurais envie de dire que ses travaux sont tout simplement essentiels par leur rigueur et leur profondeur mais ils sont bien plus que cela par leur portée universaliste. J’ajouterais qu’au delà de sa démarche de chercheur, le parcours d’Antoine Arjakovsky revêt une dimension symbolique. Français d’origine russe, de confession orthodoxe, il a longtemps vécu en Russie et en Ukraine, il est le co-fondateur de l’Institut Œcuménique d’Ukraine ; il s’est investi avec une énergie sans limite au service des étudiants de l’Université Catholique d’Ukraine auprès desquels son enthousiasme et sa foi en l’avenir sont devenus légendaires. En cela, Antoine Arjakovsky s’est révélé être un homme de terrain et d’ouverture, il est de ceux qui ont permis de construire la jeune et bouillonnante société civile ukrainienne.
Propos recueillis par Frédéric du Hauvel