Quels sont vos projets aujourd’hui ?
Notre tragédie (je fais référence aux événements en Ukraine de novembre 2013 jusqu’à aujourd’hui) nous a réunis, Ukrainiens et Français. Je suis venu présenter une nouvelle initiative qui s’appelle «l’Ukraine de la Nuit » qui a lieu le 14 mai à Paris, à la Bellevilloise.
C’est à la fois une discussion politique et une soirée musicale. C’était mon idée à la base, donc j’ai contacté Natalka Pasternak, présidente du Comité représentatif de la communauté ukrainienne en France. Beaucoup de gens ont répondu à cette initiative... Le malheur passera un jour, mais nous, nous devons rester actifs et solidaires. Nous nous sommes réunis afin de discuter de nos projets, des perspectives de collaboration. Il faut être très créatif et actif. Je suis venu pour la première fois en France à l’époque soviétique. Les Français ne connaissaient pas du tout les Ukrainiens. Lorsque nous avions joué de l’accordéon ici à Montmartre, les gens nous prenaient pour des Tsiganes ou bien des Juifs ou des Russes. Aujourd’hui, la situation a bien changé. Nous avons un statut différent, on nous perçoit et nous reçoit différemment.
Nous avons beaucoup de choses en commun, les Ukrainiens et les Français. Je peux citer quelques
personnalités qui font le lien entre les deux pays : Serge Lifar et Vaslav Nijinski (qui sont nés à Kiev) ou Gogol, Vertinski... Pendant très longtemps nous ne soupçonnions pas qu’il y a tant de liens entre nos cultures. Aujourd’hui je vois les Français qui connaissent mieux les Ukrainiens, qui sont devenus plus proches, plus attentifs... Je pense que la solidarité traditionnelle des Français s’est transformée en compassion, en chaleur humaine, en entreaide, ce qui est un trait de notre culture. Ce qui nous manquait à nous les Ukrainiens, c’est cette capacité et cette détermination à se battre pour ses droits, ténacité qui caractérise les Français.
D’autres projets à venir ?
Je vais me mettre à « rêver », car je suis le « rêveur » numéro un ! Mais si je dois parler sérieusement, je vais rencontrer mes partenaires et on va travailler sur des projets concrets, sur les « business plans ». Nous vivons des temps difficiles. Il y a beaucoup d’inquiétude quant à l’avenir de l’Ukraine.
Qu’est -ce que vous ressentez personnellement ? Quelle est votre position ?
Bien sûr, nous nous inquiétons pour l’avenir, nous avons peur pour nos proches... Nous entendons un grand nombre de conseils sur la façon de sortir de cette situation. Malheureusement, on entend toujours que « quelqu’un doit faire quelque chose », en Ukraine nous avons de grandes attentes vis-à-vis de notre Etat ou de notre gouvernement. Ma recette est très simple : dans des temps si difficiles, il faut se consacrer à des choses que nous savons bien faire, il faut avancer, rester actif, respirer, s’unir, travailler sur des sujets positifs. Il faut penser au jour où le malheur sera passé. Il faut réfléchir à ce que l’on doit faire pour que cela arrive, pour résoudre les problèmes. On doit imaginer un meilleur avenir et essayer de le créer.
Quels sont vos projets à venir en Ukraine ? Vous organisez toujours le festival « Kraïna Mriy » (« le Pays des rêves ») ?
D’ abord j’aurai quelques concerts dans les villes ukrainiennes avec le groupe « VV » (Vopli Vidopliassova). Je vais également donner quelques concerts de jazz. Nous préparons actuellement la 11ème édition du festival « Kraïna Mriy» dans un nouveau format, je l’appellerai « faisons le festival ensemble ». J’ai été inspiré par le festival d’Avignon auquel j’ai participé. Il y a deux parties : le programme « in », fait par les organisateurs et le programme « off » proposé par des associations, des groupes, des individus... Nous allons faire la même chose en Ukraine. Nous allons proposer une assistance technique (la scène, la lumière, la publicité etc.) aux participants afin qu’ils puissent réaliser leurs idées, leur programme. Nous avons un nouveau terrain pour le festival, un grand parc avec des lacs...
Nous avons déjà reçu des propositions intéressantes. Le moment est assez particulier pour réaliser ces idées. Même les Français remarquent que les Ukrainiens aujourd’hui proposent un nouveau modèle de société. L’organisation sur Maïdan a été extraordinaire ! Qui sait, peut-être, nous serons capables de trouver des solutions à des problèmes graves de la société moderne ?
Notre festival sera une sorte d’expérimentation sociale. Il est possible que dans l’avenir le festival soit entièrement pensé et réalisé grâce à des initiatives extérieures, à des groupes des participants eux-mêmes.
Propos recueillis par Olena Codet