L’économie ukrainienne, caractérisée par un vieillissement significatif de son appareil productif, voit ses acteurs se diviser sur la question d'une réforme fiscale, d'inspiration libérale, dont la finalité serait de favoriser les investissements tant domestiques qu’internationaux. Un tel projet serait de nature à remettre en cause les différents aménagements dont bénéficient les petits entrepreneurs.
L'avènement d'une réforme fiscale est attendu depuis des années aussi bien par les investisseurs internationaux que par plusieurs grands groupes industriels constituant le cœur du grand capital ukrainien ; les liens étroits qu'ils entretiennent avec le nouveau gouvernement ne pouvaient qu'inciter ce dernier à entreprendre une refonte, à leurs profits, d'une fiscalité considérée comme lourde.
L'enjeu d'une telle réforme est une dynamisation des stratégies d’investissement et la rénovation des capacités de production. Actuellement, de nombreux groupes ukrainiens font le choix de transférer leurs profits vers des zones off-shore pour éviter l’impôt sur les sociétés ; ils financent ensuite leurs efforts d’investissement en empruntant sur les marchés financiers internationaux.
Le secteur des PME et de l’entrepreneuriat individuel jouent un rôle fondamental pour la stabilité sociale de l’Ukraine et représente plus de 2,5 millions d’emplois. Bénéficiant de régimes spéciaux et d'exemptions diverses, ces entreprises sont présentes pour l'essentiel dans le secteur du commerce de détail ; elles sont particulièrement actives dans l’importation des produits de consommation mais n'interviennent que de manière marginale dans les exportations.
Ainsi, contrairement aux pays riches (Allemagne, Japon, France…) où les PME sont, pour la plupart, intégrées dans des réseaux de sous-traitance pour les grandes entreprises, en Ukraine, elles sont presque totalement déconnectées de « l’ économie du grand capital », celle-ci étant essentiellement axée sur l’exploitation des ressources naturelles et orientée vers l’exportation.
Il n'est pas anodin que la mise en place d'un régime fiscal simplifié pour les petits entrepreneurs soit intervenue consécutivement à la « Révolution Orange » ; cela s’explique certes par l’orientation idéologique de l’ancien Président et mais aussi par la nécessité de s'assurer durablement le soutien politique des petites et moyennes entreprises.
En tout état de cause la réforme du code fiscal du gouvernement Azarov soulève le problème fondamental de la légitimité de l'État aux yeux des Ukrainiens, ces derniers cultivant une méfiance générale envers les pouvoirs publics. En toile de fond se joue l'équilibre politique, la prospérité économique ainsi que la stabilité sociale du pays.
par Sergiy Chukhno