Rencontre avec Andriy Ossadchouk, initiateur du site sur les cartes anciennes d’Ukraine -Vkraina.com
Les cartes géographiques passionnent les géographes, les voyageurs et, depuis relativement peu de temps, les collectionneurs. Un site présentant une collection de cartes anciennes des territoires ukrainiens a été récemment lancé sous le nom de Vkraina.com. Il est consultable en ukrainien et en anglais. La version française n’est pour l’instant pas prévue, mais le site vaut le détour pour admirer le travail minutieux réalisé par des cartographes français sur la représentation des territoires de l’Ukraine actuelle. Parmi eux, le célèbre Guillaume Levasseur de Beauplan, qui a joué un rôle non négligeable pour l’Etat ukrainien.
Andriy Ossadchouk, collectionneur à l’origine du site, nous parle du trésor que constituent ses cartes.
Andriy collectionne les cartes de manière systématique depuis 5 ans. Les cartes de cette collection datent de Renaissance tardive jusqu’à la disparition de l’Etat cosaque, démantelé par Catherine II à la fin du XVIIIe siècle. Andriy a réalisé que la cartographie ancienne reste assez accessible et qu’avec quelques efforts on peut rapidement obtenir des résultats spectaculaires et constituer une belle collection thématique.
Selon lui, c’est grâce aux travaux des cartographes français des XVIe-XVIIe siècle, et notamment Guillaume Beauplan, Nicolas et Guillaume Sansons, de Fer, La Rouge, que le nom « Ukraine », alors déclassé par la Moscovie-Russie, n’a pas disparu des cartes du monde. Ce sont eux qui ont fixé ce nom pour le territoire situé entre les Carpates et la Moscovie sur les cartes européennes et ont diffusé cette connaissance à travers le monde occidental.
Andriy Ossadchouk compare Guillaume Levasseur de Beauplan pour l’Ukraine à Christophe Colomb pour l’Amérique : il l’a fait découvrir au monde occidental. C’est ensuite Nicolas Sansons qui a assuré la diffusion des renseignements fournis par Beauplan, en les reprenant et les rééditant.
« A une certaine époque la cartographie était une affaire d’Etat et était jalousement surveillée. Le nom « Ukraine » ne faisait pas fantasmer, ni à Varsovie ni à Moscou. Il représentait un grand territoire à part, séparé de la Pologne et de la Moscovie. Cela incitait toujours les deux capitales à éviter son utilisation par tous les moyens jusque dans les années 1920. Paradoxalement, ce sont les Soviétiques qui ont réintroduit le nom « Ukraine » sur la scène inte
rnationale. Malheureusement, le peuple ukrainien l’a payé très cher » - explique Andriy Ossadchouk.
Une pièce maîtresse manque pour l’instant à la collection : l’édition originale de la carte de Guillaume Levasseur de Beauplan, éditée en 1660 à Rouen. En effet, le travail de Beauplan, extrêmement intéressant, a failli ne jamais être édité, en raison de difficultés de financement. Sa carte n’a paru qu’en édition originale très limitée même pour cette époque. Néanmoins, des éditions plus tardives de cette carte sont visibles sur le site Vkraina.com.
Par ailleurs, la carte de Beauplan est la première carte aussi précise d’un pays européen. Notons que ni l’Italie, ni la France, ni aucune autre région européenne ne possédait de carte de ce format et avec de tels détails.
Même après tous les efforts des cartographes des siècles précédents, l’Ukraine reste souvent une tache blanche entre la Pologne et la Russie pour les Européens.
Que faudrait-il faire pour que ce blanc se remplisse de couleurs et de traits ? Selon Andriy Ossadchouk, « pour cela tout habitant entre Lviv et Louhansk doit effectuer un travail sur lui-même, et prendre conscience de son identité. Tant que tous les habitants de l’Ukraine ne comprendront pas qu’ils sont les citoyens d’un grand pays avec une grande histoire, le trou restera. Pourtant, même en Europe, peu de pays ont une histoire aussi riche que celle de l’Ukraine.».
Je comparerais l’Ukraine à Apple après le premier départ de Steeve Jobs : une belle histoire sur le déclin, qui a pourtant un énorme potentiel à développer. Tout dépend de nous-mêmes. – dit-il.
Par Olga Gerasymenko