Comment l'idée d'écrire un roman ayant pour toile de fond la catastrophe de Tchernobyl vous est-elle venue ? Nous savions que 2011 serait le 25e anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl, et nous avons pensé que c’était un moment propice pour sensibiliser les enfants et les adolescents à ce drame et à ses conséquences. Nous nous rappelons ce moment terrible, nous étions nous mêmes de jeunes adultes, et on nous rassurait en nous disant que le nuage radioactif s’était arrêté aux frontières de la France… Comme si la radioactivité se souciait de frontières ! Ce mensonge reste encore matière à triste plaisanterie 25 ans plus tard pour tous ceux qui l’ont entendu… Quant aux enfants actuels, nombreux sont ceux qui, en France, n’ont jamais entendu le nom de Tchernobyl.
Comme si tout cela n’était plus que du passé sans intérêt. Or nous savons bien que les conséquences sont encore là, et bien là.
Comment avez-vous procédé pour vous documenter ? Nous avons consulté les archives de la presse écrite française, une vidéo tournée en URSS au moment de la catastrophe et dont la diffusion avait été interdite à l’époque ; nous avons lu La supplication, le célèbre recueil de témoignages de Mme Alexievitch, et les photos et textes de Igor Kostine… Ça a été un travail d’investigation long et passionnant. Nous en avons appris beaucoup sur les détails de l’affaire.
A quelles difficultés avez-vous été confrontées ? Il fallait que tout, dans le roman, soit vraisemblable. C’est pourquoi l’intrigue se passe dans la France actuelle. Nous ne voulions pas nous lancer dans un roman qui se passerait dans une Ukraine actuelle (nous ne la connaissons pas suffisamment pour être à l'aise en l’évoquant de trop près). Certaines difficultés peuvent paraître inattendues : nous avons fait appel à une professeur de russe pour que les fautes de français d’un des personnages principaux soient réalistes. Pour valider les détails techniques ayant trait au nucléaire, nous avons aussi demandé la caution d'un ingénieur spécialisé dans le nucléaire. Enfin, nous voulions mettre en scène une intrigue vivante qui ne donne pas dans le pathos ni dans le moralisme facile. Passer entre les écueils…
Quel message souhaitiez-vous faire passer ? Bien sûr, Tchernobyl c’est du passé. Mais c’est aussi le présent des populations qui vivent autour du site. Plus largement, c’est une sourde menace dont on ne parle que quand les choses se gâtent, comme lors des grands incendies de l’été dernier, qui pouvaient remettre en circulation dans l’atmosphère des particules radioactives enfouies dans le sol. Et l’état du sarcophage qui recouvre le réacteur endommagé, qu’en savons-nous exactement ? Tchernobyl peut donc aussi devenir notre futur, malheureusement. D'autant qu'une nouvelle catastrophe vient de se produire au Japon... Être un citoyen à part entière, c'est d'abord savoir ce qui se passe. Sinon, comment peser les choses, comment réagir ?
Cette année l'Ukraine commémorera le 25e anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl mais aussi les 20 ans de la proclamation de son indépendance, que cela vous inspire-t-il ? Le 25e anniversaire est l’occasion de sensibiliser les enfants aux avantages et aux inconvénients des centrales nucléaires, le plus objectivement possible. C’est aussi pourquoi notre roman comprend un dossier documentaire à la fin. Il est un moment de recueillement, de souvenir, mais aussi de réflexion nécessaire. Quant à l’indépendance de l’Ukraine, de ce point de vue, on ne peut qu’espérer que ce pays tout neuf aura les moyens de prendre soin de toute sa population, de la terre contaminée dont elle a hérité, et de ce monument en ruines qui menace de se réveiller si on n’est pas suffisamment vigilants.
Pascale Perrier et Sylvie Baussier, ont chacune un site personnel.
Nous vous invitons à aller les découvrir :