CINÉ-CLUB UKRAINIEN - ESPACE CULTUREL DE L’AMBASSADE D’UKRAINE
22, av. de Messine, Paris 8ème, M° Miromesnil. tel. 01 43 59 03 53
Mardi 1er mars, 18 h.30. Entrée libre.
SYNDROME ASTHÉNIQUE ( АСТЕНІЧНИЙ СИНДРОМ )
vostf
Avec le concours d’Arkeion Film et l’intervention de Martine Godet, auteure de la monographie La pellicule et les ciseaux, la censure dans le cinéma soviétique du Dégel à la perestroïka (CNRS Editions, 2010)
Production : Studio d’Odessa, 1989, 156 mn. coul/nb
Réalisation : Kira Mouratova
Scénario : Kira Mouratova, Serguei Popov ; Alexandre Tchernykh
Photographie : Volodymyr Pankov
Décors : Yevhen Holoubenko, Oleg Ivanov
Musique : Franz Schubert
Son : Elena Demydova
Montage : Valentyna Oliїnyk
Interprétation : Serguei Popov, Pavlo Polichtchouk, Alexandre Tchernykh, Victor Aristov, Nikolaï Semionov, Olga Antonova, Natalia Bouzko, Galina Zakhourdaieva, Alexandra Svenskaia, Natalia Ralleva, Galina Kasperovytch, Vira Storojeva, Oleg Chkolnyk, Léonide Kouchnir
Directeur de production : Natacha Popova, G. Tatchan
Genre : drame psychologique
Récompenses : Ours d’argent, Prix spécial du Jury, Festival de Berlin (1990), Prix Nika du meilleur film (1990). Prix du meilleur second rôle féminin décerné à Olga Antonova par L’Académie des sciences et des arts cinématographiques au Festival Souziria (1990).
Synopsis
Dans un cimetière, Natacha qui vient de perdre son mari crie sa douleur. Rejetant ses amis qui tentent de l’aider, elle s’enfuie et se réfugie dans une solitude désespérée. Elle quitte son travail à l’hôpital et déa mbule, hagarde, dans les rues, transformant sa souffrance en haine envers le genre humain. Nikolaï se réveille dans une salle de cinéma. Il n’a rien vu du film projeté et se lève, indifférent aux paroles du réalisateur qui veut lancer le débat. Il est en effet atteint du syndrome asthénique, dû à son incapacité de se consacrer à l’écriture, un état de perpétuelle faiblesse qui lui vaut de s’endormir n’importe où et n’importe quand. Il se retrouve dans un hôpital parmi des fous. Sorti de l’hôpital, il s’endort dans le métro. Une rame vide le conduit dans un tunnel sombre.
Opinion
Dans Le Syndrome asthénique (1989), Kira Mouratova, à coups d’images-choc, assène sa vision morcelée d’une société soviétique moribonde en plein chaos. La réalité que montre la cinéaste – celle des années de la perestroïka – n’est plus qu’une parodie des rapports humains. Les deux héros – qui apparaissent dans deux segments de film successifs – réagissent de manière diamétralement opposée à l’agression permanente qu’ils subissent du monde extérieur, à la spirale de violence que la réalisatrice nomme « corridor de la haine ». Le premier, une veuve qui vient d'enterrer son mari, "cogne” littéralement tous ceux qu'elle croise sur son chemin. Le second, enseignant, souffre du “syndrome asthénique”: sa tactique de fuite consiste à s’endormir chaque fois qu’on l’assaille, jusqu’à ce qu’il ne se réveille plus de ce sommeil irrésistible, allongé par terre dans une rame de métro, mort dans l’indifférence générale. Mouratova alterne lieux publics (bus, marchés, escaliers d'immeubles collectifs) où l'obscénité est à son comble, et lieux privés, où l'individu affronte soit une solitude insupportable, soit une incommunicabilité totale. Un assemblage de voix cacophoniques occupe la plus grande partie de la bande-son. Les dialogues ne sont que des monologues à plusieurs. Ils sont rédigés dans un langage largement ordurier, ce qui a retardé de quelques mois l’autorisation de sortie du film, bien que la levée de toute censure ait été proclamée en 1986 lors du Ve Congrès de l’Union des Cinéastes de l’URSS. Dans cette œuvre majeure de la perestroïka, Mouratova tend à tous un miroir où se reflète la désintégration de la société soviétique, épuisée par 70 ans de lutte des classes et un combat acharné pour la survie quotidienne, a atteint un stade extrême d’agressivité.
Martine Godet
Témoignage de la réalisatrice
C’est un film qui existe parce que la perestroïka existe. Il montre l’image totale de la société soviétique actuelle. On ne sait pas comment faire, comment changer. Nous disons toujours en URSS qu’il faut changer sans savoir exactement comment y parvenir et où aller. Si je ne m’endors pas, c’est parce que l’acte de réalisation m’est possible. Sinon, comme nous ne savons pas quoi faire avec cette vie nous restons passifs. Je suis combative pendant que je filme. Quand c’est fini, je deviens très conformiste dans la vie. Filmer, écrire, faire de l’art, c’est comme un royaume de liberté. Cette liberté, quand je filme, m’est suffisante. C’est à ce moment que je ne veux pas de règles, de lois, de morale.
Kira Mouratova