CINÉ-CLUB UKRAINIEN
ESPACE CULTUREL DE L’AMBASSADE D’UKRAINE
22, av. de Messine, M° Miromesnil. Tél. 01 43 59 03 53
Mardi 6 novembre 2012, 18h30
Entrée libre.
LE CHIEN PIE QUI COURT LE LONG DE LA MER
(РЯБИЙ ПЕС, ЩО БІЖИТЬ КРАЄМ МОРЯ)
vostf
suivi d’une intervention d’Anne-Victoire Charrin,
anthropologue arctique,
spécialiste des cultures et des littératures des peuples autochtones de la Sibérie
Production : Studio Alexandre Dovjenko de Kiev, Allianz Filmproduktion, Regina Ziegler Filmproduktion, ZAF, 1990, 136 mn, coul
Scénario : Tolomouch Okéiev, Karen Guevorkian
Réalisation : Karen Guevorkian
Photographie : Igor Biélakov, Roudolf Vatinian, Karen Guevorkian
Décors : Yevhen Striletskyi, Heorhiї Oussenko
Musique : Sandor Kalloś
Son : Alexandre Kouzmine
Interprétation : Boiarto Dambaiev, Alexandre Sassykov, Doskhan Joljaksynov, Tokon Tagtyrbekov, Loudmila Ivanova
Genre : drame
Récompenses : Grand Prix au Festival Kinotavr, Sotchi, 1991 ; Médaille d’Or, Prix de la FIPRESCI, Prix du Jury Œcuménique, Prix Spécial du Jury International des ciné-clubs, Festival de Moscou, 1991 ; Grand Prix du film d’auteur au Festival de San Remo, 1993 ; Grand Prix au Festival international du film d'action et d'aventures de Valenciennes, 1993
Synopsis
Kirisk, un petit garçon de dix ans, accompagné de son grand-père, de son père et de son oncle, part pour la première fois à la chasse au phoque. Mais un malheur s'abat sur les chasseurs. Le brouillard s'est levé sur la mer et ils se perdent. Quand les réserves d’eau arrivent à leur fin, les hommes décident de se sacrifier pour sauver l’enfant et leur peuple.
Opinion
Unique film du réalisateur d’origine arménienne Karen Guevorkian produit en Ukraine, Le Chien pie qui court le long de la mer fut commencé en 1978 à la Lenfilm, puis arrêté sur décision du Goskino. Mais en 1986, sur l'insistance de Viktor Démine, le Derjkino donna au réalisateur la possibilité de continuer et de terminer son travail aux Studios Dovjenko de Kiev, où les traditions du cinéma poétique subsistaient toujours.
Le film s’inspire du récit de Tchinguiz Aimatov sur la condition humaine des Nivkhes, petite minorité ethnique de Sibérie orientale confrontée à la rigueur des éléments et menacée d’extinction. Par son style documentaire, mais néanmoins épique, il rappelle Nanouk, l’Esquimau, avant un final intensément dramatique. Les lois éthiques sont celles de la nature avec qui l’homme vit en harmonie, la combat et la tutoie comme un être humain. Riche tant sur le plan anthropologique que cinématographique, le film se découpe en deux parties. La première se passe sur terre non loin du littoral. La seconde, en mer d’Okhotsk, et se réfère directement au récit d’Aimatov relatant l’initiation d’un jeune garçon à la chasse au phoque par son grand-père, son père et son oncle. Malgré quelques similitudes avec le film de Flaherty et L’Île nue du Japonais Kaneto Shindo, le film n’en reste pas moins une brillante fiction philosophico-poétique, émaillée de paraboles mythologiques, où chaque geste devient rituel. Contrairement à Flaherty qui demandait à Nanouk de rejouer son propre quotidien, Guevorkian nous plonge au cœur d’une communauté, vue par un œil non pas exotique mais ethnographique. Le réalisateur jette un regard libre sur les mœurs et les traditions, directement liées au substrat religieux d’une culture ancestrale. Dominée par le blanc de la toundra et du brouillard, la photographie du film est généreuse en plans d’ensemble, où l’image se transfigure en hymne au grand créateur. Le film est encore plus poétique qu’Aérograd de Dovjenko, une œuvre splendide au rythme lent et puissamment universelle.
Formé au VGIK, d’abord en tant qu’opérateur puis réalisateur, Guevorkian est de ces cinéastes qui ont connu la censure durant la stagnation brejnévienne, parce que considéré comme antisoviétique. Il travaillera épisodiquement aux Studios ArmenFilm et Lentéléfilm, et ne réalisera que deux longs métrages en vingt ans, avant de créer sa propre unité de production, le Studio Navigator, en 1993.
Lubomir Hosejko