CINÉ-CLUB UKRAINIEN
ESPACE CULTUREL DE L’AMBASSADE D’UKRAINE
22, av. de Messine, M° Miromesnil. Tél. 01 43 59 03 53
Entrée libre.
Mardi 26 février 2013, 18h.00
DEUX JOURS
vostf
Copie restaurée en 2012
Production : Voufkou, Studio d’Odessa, 1927, 60 mn, nb, muet puis sonorisé en 1932, vostf
Scénario : Salomon Lazourine
Réalisation : Heorhiї Stabovyi
Photographie : Danylo Demoutskyi
Décors : Heinrich Beisenherz
Musique : Boris Latochynskyi
Interprétation : Ivan Zamytchkovskyi, Serge Minine, Valeriï Hakkebouch, Marie Taut-Korso
Genre : drame psychologique
Synopsis
Antoine, vieux concierge chargé de garder la propriété abandonnée par ses maîtres, ne partage pas les idées politiques de son fils André. Dès le retour des Blancs, André est dénoncé par le fils du propriétaire, puis condamné à mort. Antoine décide alors de le venger en incendiant la propriété.
Opinion
Parmi les metteurs en scènes qui précédent la venue d’Alexandre Dovjenko, Heorhii Stabovyi se taille une place enviable dans le cinéma ukrainien. Journaliste de formation et dramaturge travaillant dans les théâtres de Kiev, de Kharkiv et d’Odessa, Stabovyi est engagé par la Voufkou en 1924, d’abord comme scénariste puis comme metteur en scène. Elève et collaborateur de Tchardynine, il signe son premier grand film sur un scénario de Salomon Lazourine, Deux jours, qui, avec Le Cocher de nuit de Heorhiї Tassine et Zvenyhora de Dovjenko, donnera au cinéma odessite ses premiers chefs-d’œuvre. Comme au studio de Yalta le scénario de Lazourine n’intéressait personne, ce n’est qu’au bout de six mois que la Voufkou en confia la réalisation au jeune débutant. Passionné par le sujet, Stabovyi réussit si bien dans son entreprise que l’interprétation des personnages, plutôt rares à cette époque, amène la critique à comparer l’acteur Ivan Zamytchkovskyi au grand acteur allemand Emil Jannings. Zamytchkovskyi, qui a connu dans sa vie une tragédie similaire, campe un vieux concierge, chargé de veiller sur la propriété de ses maîtres, investie par les bolcheviks sous la conduite de son fils. Thème favori de Stabovyi, la guerre civile n’est plus traitée ici à la manière des agitfilms, complaisantes chroniques théâtralisées toujours en vogue à cette époque. L’action se déroule en 48 heures avec une efficacité dramaturgique sans affectation ni artifice idéologique, dans l’intimité des caractères et leur transformation. Le réalisateur se focalise sur la fracture psychologique qui s’opère dans l’âme et la conscience du héros. L’opérateur Danylo Demoutskyi, qui venait de signer la photographie des deux premiers opus de Dovjenko, Vassia le réformateur et Petit fruit de l’amour, travaille avec des optiques douces, maîtrisant le clair-obscur dans toute la profondeur du champ. Les intertitres sont courts, le montage limpide. Dès sa sortie en Ukraine, le film fut commercialisé en Occident, et fut le premier film ukrainien à être montré aux USA. En 1932, ce film, qui portait aussi un autre titre (Un père et son fils), fut sonorisé et accompagné d’une musique symphonique de Boris Latochynskyi. Il est l’un des tous premiers à comporter quelques éléments de bruitage et de chants.
Lubomir Hosejko
LE MIRABEAU
vostf
Copie restaurée en 2012
Production: Ukraїnfilm, 1930, 55 mn, nb, muet, vostf
Scénario : Anton Agalarov, Arnold Kordioum, Kostiantyn Matiach
Réalisation : Arnold Kordioum
Photographie : Joseph Rona, Youriї Tamarskyi, Alexandre Pankratiev
Décors : Volodymyr Kaplounovskyi.
Inteprétation :Lidia Ostrovska, Serge Minine, L. Negri, Petro Massokha, Volodymyr Sokyrko, Volodymyr Lissovskyi, Arnold Kordioum, Dmytro Loubtchenko, N. Reimers, M. Mykhaїlov, K. Stepanov, R. Orlov
Genre : drame historico-révolutionnaire
Affiche originale
Synopsis
Venue soutenir la contre-révolution en Ukraine, la marine française impose le blocus du port d’Odessa. Mais la fraternisation des rouges avec les marins du cuirassé Mirabeau va empêcher le massacre des ouvriers et des paysans par les forces interventionnistes et oblige ces dernières à lever le blocus. Lancés sur leurs tatchankas, les détachements de la Première Division de la Steppe foncent vers la ville.
Opinion
D’abord responsable du Parti aux Studios de Yalta et d’Odessa, Arnold Kordioum réussit à s’imposer en tant que metteur en scène dès 1926 avec des films à thème internationaliste, notamment Le Mirabeau qui connaîtra un remake en 1966 avec L’Escadre appareille vers l’Ouest de Myron Bilinskyi et Mykola Vinhranovskyi. Ce drame historico-révolutionnaire, consacré à l’intervention des forces de l’Entente pendant la Guerre civile en Ukraine, fut l’un des tout premiers films, où l’image de la France apparaît dans la production cinématographique ukrainienne.
Au début du mois d’avril 1918, les troupes sous l’autorité de l’hetman Pavlo Skoropadskyi envahirent la Crimée au grand soulagement d’une partie de la population, qui voyait ainsi un semblant d’ordre revenir. Mais le 13 novembre, quelques jours après l’armistice du 11 novembre 1918, une flotte franco-anglaise composée notamment de cinq cuirassés français, franchit les Dardanelles, afin de défendre les intérêts des Alliés et chasser les unités allemandes qui occupaient le territoire de l’Ukraine suite à la Paix de Brest-Litovsk. Sous le commandement du vice-amiral Dejay, l’escadre française se présenta devant Odessa avec les cuirassés Mirabeau et Justice. Le 17, le Général Borius débarqua des troupes et installa le général russe Grichine-Almazov comme gouverneur de la ville, après avoir chassé les derniers contingents ukrainiens et allemands. Après une occupation relativement calme, la ville fut reprise par les troupes de l’ataman Grigoriev en avril 1919.
La notion de solidarité internationaliste étant un trait caractéristique du cinéma soviétique, Arnold Kordioum exploite un argument non fallacieux : grâce à la propagande bolchevique, les marins français refusent de tirer sur les ouvriers. Comme les matelots du cuirassé Potemkine, ils n’obéissent pas à leurs officiers et hissent sur le mât du croiseur Mirabeau le drapeau rouge. Cependant, il semble bien que, dans la réalité, ces mutineries n’avaient rien de spontané mais, bien au contraire, qu’elles avaient été préparées par différents mouvements politiques et syndicaux. Une centaine de mutins furent condamnés dont plusieurs à des peines de détention. En juillet 1922, une amnistie générale libéra l’ensemble des mutins de la Mer Noire, sauf André Marty qui le sera en 1924. Il y a, à vrai dire, un véritable absent dans ce film : le personnage de Jeanne Labourbe, une communiste française vivant à Odessa qui tenta de rallier à la cause des soviets les soldats occidentaux et qui fut faite prisonnière par les blancs puis passée par les armes. Elle est relayée par une ouvrière bolchevique œuvrant dans la clandestinité. Un timide face-à-face entre les forces belligérantes se résume à de gros plans de gueule de canons obturés ou de baïonnettes pointées vers un ennemi lointain. Malgré l’excellente interprétation de Lidia Ostrovska, la clandestine, de Serge Minine, le chef de l’organisation bolchevique, et quelques scènes de masse bien réglées, l’intensité dramatique du sujet ne parvint pas à pallier une ligne conductrice quelque peu étriquée. Ayant appris le métier sur le tas, Kordioum avait une fâcheuse tendance au mimétisme. Dans Le Mirabeau, l’influence du Cuirassé Potemkine d’Eisenstein paraît on ne peut plus saisissante, et la dramaturgie moins pathétique.
Lubomir Hosejko