CINÉ-CLUB UKRAINIEN - ESPACE CULTUREL DE L’AMBASSADE D’UKRAINE
Mardi 4 octobre, 19h, à l’Espace culturel de l’Ambassade
22, av. de Messine, Paris 8ème, M° Miromesnil. tel. 01 43 59 03 53
Entrée libre.
ANDRIECH (АНДРІЄШ)
avec le concours d’Arkeion Films
Production : Studio de Kiev, 1954, 63 mn. coul.
Scénario : Emilian Boukov, Hryhoriї Koltounov, Serhiї Laline,
d’après le conte éponyme de Emilian Boukov
Réalisation : Yakiv Bazelian, Serge Paradjanov
Photographie : Souren Chakhbazian, Vadim Verechtchak
Décors : Victor Nikitine, Oleg Stepanenko
Son : Mykola Medvediev
Montage : Varvara Bondina
Musique : Igor Chamo, Grigoriu Tirceu. Orchestre du Ministère de la culture de la RSS d’Ukraine, sous la direction de Constantin Simeonov
Directeur de production : Naoum Vaintrob
Interprétation : Kostia Russu, Nodar Chachik, Loubov Sokolova, Kirill Chtirbu, Yevhen Ureke, Dominique Darienko, Robert Vizyrenko-Klavine, Tryfon Gruzine, Giuli Tchokhonelidze
Genre : conte épique et féérique
Synopsis
Le jeune berger Andriech emmène son troupeau dans les pâturages. Il y rencontre le chef des bergers, Vainovan, qui lui offre une flûte magique dont le son procure plaisir et joie à tous ceux qui l’écoutent. Mais la musique éveille la colère du mauvais génie Tchornyi Viter. Celui-ci enlève la belle fiancée de Vainovan et déclenche un terrible orage sur la région qui emporte bêtes et hommes. La jeune femme et le troupeau sont transformés en statues de pierre dans la caverne du sorcier. Andriech parvient à s’en approcher pour rendre la vie à son troupeau, mais Tchornyi Vykhr déjoue son plan et le pétrifie à son tour. Aidé de ses amis, Vainovan, le bon génie, vole au secours d’Andriech au moment où l’ignoble sorcier est sur le point de s’emparer de la flûte magique.
Opinion
Andriech est la version longue de Conte moldave, film de fin d’études de Paradjanov coréalisé au VGIK avec Yakiv Bazelian, avec la même distribution et la même équipe technique. Le film annonce le mode de récit de prédilection de Paradjanov en lui donnant libre cours à la magie et au merveilleux, à ses recherches et son goût pour les puissances visuelles propres à l’univers du conte épique et féérique. La mise en scène est étayée par une dramaturgie théâtralisée penchant volontiers vers l’opéra, et n’évite pas l’écueil des canons imposés des films soviétiques de l’époque, notamment le ballet folklorique. Les décors sont entièrement créés en studio, hormis les séquences pastorales et celle de la lande incendiée, superbement filmée. Saturée de ralentis, surimpressions, transparences, d’effets spéciaux, de couleurs et maquillage outré, cette réalisation qui n’attira sur elle ni l’intérêt du public ni celui de la critique, porte déjà l’empreinte du surréalisme magique qui marquera l’œuvre du futur grand maître. En général, celui-ci interdisait à son entourage de regarder ses films antérieurs aux Chevaux de feu, sauf Andriech, et affirmait qu’il aurait pu tourner son chef-d’œuvre bien plus tôt. Visiblement, le travail du jeune opérateur Souren Chakhbazian inspirera le futur opérateur des Chevaux de feu Youriï Illienko. Déjà, certains cadrages, certains mouvements de caméra, par rotation ou par translation, s’opposent clairement à la photographie statique prônée par Paradjanov et codifient les fondements et la modélisation esthétiques des Chevaux de feu. Filmer de cette manière était peu courant à l’époque, au vu de la production de 1954.
Nés, l’un en 1924, l’autre en 1925, Paradjanov et Bazelian décéderont tous deux en 1990, à quelques jours d’intervalle.
Lubomir Hosejko
UN HOMME DANGEREUSEMENT LIBRE (НЕБЕЗПЕЧНО ВІЛЬНА ЛЮДИНА)
suivi d’une intervention de Lessia Matsko, cinéaste
Production : Cinémathèque Nationale d’Ukraine, Ministère de la Culture d’Ukraine, 2004, 52 mn. coul.
Scénario : Serhiї Trymbatch
Réalisation : Roman Chyrman
Photographie : Edouard Tymline
Animation : Radna Sakhaltouiev, Artem Sakhaltouiev
Son : Igor Barba
Montage : Artem Sakhaltouiev
Directeur de production : Elena Potapova
Genre : documentaire
Parmi la quarantaine de documentaires sur Serge Paradjanov réalisés à ce jour, Un Homme dangereusement libre de Roman Chyrman est celui qui a cerné le plus la personnalité et le génie du cinéaste. Jusque là, les documentaires précédents n’étaient que panégyriques, celui de Chyrman montre le regard ironique de Paradjanov sur le monde et le refus total du pouvoir soviétique. C’est le premier film sur Paradjanov tourné dans l’esprit du maître arménien, artiste introverti et extravagant dans l’imaginaire comme dans le réel.
Conçu sur un ton humoristique, le film mise sur l’ironie, l’autodérision, la mystification et les fantasmes du metteur en scène. Personnage carnavalesque, il est croqué non pas comme un martyre ou une victime du régime soviétique, mais comme un individu original, plein de paradoxes. Le titre du film lui-même a été soufflé au réalisateur par Roman Balaїan, cinéaste et fils spirituel de Paradjanov.
Ponctués d’inserts, de collages, de dessins réunis de manière ironique, suivant chronologiquement la vie du maître, le film égrène en parallèle des extraits des Chevaux de feu, Le Premier gars, Une fleur sur la pierre, Natalia Oujvij, Sayat Nova, Achik Kerib. Puis le verbe surplombe l’image avec les interviews de son épouse Svitlana Chtcherbatiouk, du poète et scénariste Ivan Dratch, des actrices Alla Demydova et Sofiko Tchiaourelli, du directeur du Musée Paradjanov à Erevan, Zaven Sargsian et du photographe Youri Metchitov. Ses amis considéraient souvent ses récits et discours supérieurs à ses films, et ses anecdotes antistaliniennes toutes plus absurdes les unes que les autres. Il parle de Fellini qui a marqué son univers baroque, de son film Amarcord, du comédien Marcello Mastroianni, de son aversion pour les livres. Paria et cosmopolite refusant le terme de dissident, il clame néanmoins : « Je suis un Arménien, né à Tbilissi, j’ai croupi dans les prisons russes pour nationalisme ukrainien ».
Lubomir Hosejko