CINÉ -CLUB UKRAINIEN - ESPACE CULTUREL DE L’AMBASSADE D’UKRAINE
Mardi 7 février 2012, 19h, à l’Espace culturel de l’Ambassade, 22, av. de Messine, Paris 8ème, M° Miromesnil. tel. 01 43 59 03 53. Entrée libre.
AU DEVANT DU RÊVE (МРІЇ НАЗУСТРІЧ)
vostf
Production : Studio d’Odessa, 1963, 64 mn, coul.
Scénario : Olès Berdnyk, Ivan Bondine, Mykhaïlo Karioukov
Réalisation : Mykhaïlo Karioukov, Otar Koberidze
Photographie : Olexiї Herassymenko
Décors : Youriї Chvets, Oscar Feltsman, Vano Mouradeli
Musique : Edouard Artemiev
Son : Edouard Hontcharenko
Interprétation : Nicolas Timoféiev, Otar Koberidze, Laryssa Hordeїtchyk, Boris Borissionok, Nicolas Volkov, P. Chmakov, Alexis Guenesine, Léonid Tchinidjants, Semen Kroupnyk, Oleksiї Korotioukov, Viatcheslav Voronine, Vitold Janpavlis, Peter Kadr, Vassyl Viekchyn
Genre : fantastique, anticipation
Synopsis
Après avoir entendu un chant venu de la Terre, les habitants de la planète Centuria décident d’y envoyer un vaisseau spatial, proposant ainsi la première rencontre intergalactique. Mais le vaisseau subit une avarie sur Phobos, une lune de Mars. Les Terriens entreprennent alors une périlleuse mission de secours pour aller à la rencontre des extraterrestres. Mais le vol se complique, une seconde mission part ravitailler le vaisseau.
Opinion
Sorti sur les écrans deux ans après l'expédition de Youri Gagarine, Au devant du rêve de Mykhaïlo Karioukov et Otar Koberidze est le second film de science fiction du cinéma ukrainien, quatre ans après Le Ciel appelle, réalisé par le même Mykhaïlo Karioukov en binôme avec Alexandre Kozyr. Projectionniste de formation puis opérateur spécialisé dans le domaine des effets spéciaux, Mykhaïlo Karioukov ne livra que ces deux longs métrages en tant que réalisateur sur la fin de sa carrière. Deux œuvres mythiques alliant fascination pour la technologie et poésie, réalisées dans des décors futuristes splendides. L’une et l’autre doivent beaucoup au décorateur Youriï Chvets qui, à travers des trucages mécaniques et des maquettes au rendu très réaliste, privilégia une vision particulièrement soignée des reliefs planétaires, ainsi qu’à l’ingénieur du son Edouard Hontcharenko, dont le travail fut considéré comme avant-gardiste.
Le scénario de Au devant du rêve n’est autre que l’adaptation du récit d’anticipation Le Cœur de l’univers d’Olès Berdnyk, auteur populaire de romans de science fiction et futur dissident, co-fondateur du Groupe ukrainien de Helsinki. À cette époque, l’URSS et les USA se livrent à une compétition sans merci dans la course à l’espace. La rivalité culturelle, notamment dans le domaine du Septième art, est à l’image de cet enjeu. Dans le cas de Au devant du rêve, les cosmonautes soviétiques ne se déroutent pas pour sauver des astronautes américains en détresse, mais pour une rencontre intergalactique avec des habitants d’une planète inconnue. Face à des scientifiques sceptiques, ils apparaissent ici comme des sauveurs de l'Univers prodiguant un message pacifiste. Bien qu’il tende au space-opéra regorgeant de séquences spatiales contemplatives, ce film détonne par l’absence totale de l’apesanteur.
À la lecture des scénarios, les analogies entre les films de science-fiction soviétiques et américains paraissent évidentes. Il est vrai que le cinéma hollywoodien s’empara ouvertement des films ukrainiens L’Appel du ciel et Au devant du rêve de Mykhaïlo Karioukov, comme de ceux du cinéaste russe Pavel Klouchantsev. Le producteur Roger Corman, spécialiste du recyclage des films soviétiques, acheta les droits dans le but de les adapter au goût du public américain. C’est ainsi que le débutant Francis Ford Coppola réalisa la version américaine de L’Appel du ciel en ajoutant même des monstres martiens (Battle Beyong the Sun - La Bataille au-delà du soleil), et que Curtis Harrington reformata Au devant du rêve (La Planète de sang - Planet of Blood). Par ailleurs, on note des ressemblances flagrantes dans Alien de Ridley Scott avec Au devant du rêve : les cosmonautes découvrent un vaisseau extraterrestre échoué en plein désert martien et pénètrent dans l’aéronef. Dans les deux films, la découverte se fait de la même manière. Vêtus de leur combinaison, les équipages se dirigent vers l’épave. Des caméras intégrées filment de manière subjective ce qu’ils voient. Les explorateurs s’engagent à bord du vaisseau à travers un couloir aux apparences de boyau puis pénètrent dans une grande pièce circulaire où siège au centre une extraterrestre figée aux étranges commandes de son engin. Dans Au devant du rêve, l’alien centurian se révèle être une charmante spationaute, et non plus une créature humanoïde fossilisée. En pleine tempête, l’équipage l’évacue, mais faute de place dans le vaisseau terrien, un des humains se sacrifie pour qu’elle survive. Otar Koberidze qui fait ses premiers pas de metteur en scène interprète ici le rôle du cosmonaute se sacrifiant.
Dans son ensemble, le cinéma ukrainien a produit des films de science fiction de manière épisodique. On retiendra Sous la constellation des Gémeaux (1978) et Mission stellaire (1982) de Boris Ivtchenko, Le Retour de l’orbite (1983) d’Alexandre Sourine. On s’étonnera aussi qu’aucun des romans des spécialistes du genre, comme Volodymyr Vladko, Dmytro Bouzko, Mykola Dachkiev et notamment Vassyl Berejnyi, ne fut porté à l’écran.
Lubomir Hosejko