Pour quelles raisons plusieurs milliers d'immigrés ukrainiens se sont-ils engagés dans la Légion Etrangère dans les premiers mois de la seconde guerre mondiale ?
Entre les deux guerres mondiales, des milliers d’Ukrainiens sont venus à la demande de la France pour travailler dans les fermes, les mines ou la sidérurgie. A cette époque, l’Ouest de l’Ukraine était occupé par la Pologne. Consécutivement à l’invasion de ce pays par l’Allemagne le 1er septembre 1939, l’ambassadeur de Pologne en France lança un appel à tous les ressortissants polonais sur le territoire français. C’est à Coëtquidan en Ile et Vilaine que le général Sikorski organisa la mobilisation des troupes. Cette décision troubla de nombreux Ukrainiens qui, bien que de citoyenneté polonaise, ne désiraient pas porter l’uniforme d’un Etat occupant leur patrie. Aussitôt, les dirigeants des associations ukrainiennes entamèrent des négociations avec le gouvernement français. Celles-ci furent fructueuses et permirent à plus de 5 000 Ukrainiens de s’engager en l’espace de quelques semaines dans la Légion Etrangère française. Il convient par ailleurs de souligner que parallèlement, dès la déclaration de guerre, des Ukrainiens s’étaient déjà engagés au sein des deux Régiments de Marche des Volontaires Etrangers de la Légion étrangère à titre individuel.
Les Ukrainiens engagés volontaires ont-ils pris part à la campagne de France ?
Bien sûr, les Ukrainiens de France, dans les rangs de la Légion Etrangère, ont pris part aux combats de mai-juin 1940 dans les Flandres, sous Sedan, sur la Somme, la Seine, la Marne, la Loire et la Saône, laissant sur les champs de bataille des centaines de tués et de blessés graves. Beaucoup d’entre eux seront faits prisonniers par les Allemands. La campagne de France se termine le 22 juin 1940 avec l’armistice demandé par le maréchal Pétain. L’ordre de démobilisation est alors donné pour tous les engagés volontaires ukrainiens de la Légion Etrangère.
Le courage et l'esprit de sacrifice de ces combattants ont-ils donné lieu à des commémorations?
Pour vous répondre il faut préciser ce que sont devenus ces légionnaires après l’armistice. Le soir même, 900 d’entre eux sont dirigés et rassemblés dans les communes du Pays d’Aix en Provence en attendant leurs documents de démobilisation. A Peynier, dans la forêt de la Garenne, ils gravent sur un rocher le tryzoub, nom ukrainien du trident, symbole national de l’Ukraine indépendante ainsi que d’autres inscriptions en ukrainien et en français. Le Rocher de la Garenne a été retrouvé en 2006. Etonnamment, il conserve toujours les traces du passage des légionnaires au cours de l’été 1940. Sur une initiative du président de l’Union des Français d’origine ukrainienne et grâce aux efforts conjugués de la municipalité de Peynier et de la Légion étrangère, le chemin conduisant au Rocher a été baptisé « Sentier des Volontaires Ukrainiens » le 30 juin 2007 et une plaque commémorative a été apposée en 2008. Désormais le 2 novembre, la Légion Etrangère rend hommage aux légionnaires morts au combat au cours d’une cérémonie réunissant les autorités civiles et militaires et des descendants de légionnaires ukrainiens.
Propos recueillis par Frédéric du Hauvel