Pensez-vous que le conflit qui fait rage dans l’Est de l’Ukraine puisse être réglé autrement que par des moyens militaires ?
Dès notre enfance, on nous apprend qu’il ne faut pas répondre à la violence par la violence. Toutefois, la situation à l’Est de l’Ukraine ne rentre pas dans les cadres moraux et juridiques habituels. En effet, le monde entier comprend que V. Poutine crache littéralement sur toutes les lois qui ont pu être pensées jusqu’ici. Ce qui est encore plus douloureux à observer, c’est le fait que le monde entier s’engage dans un long processus de ce que l’on appelle la « politique de l’autruche » (rentrer sa tête dans le sable lorsqu’on a peur, tout en voulant évitant la menace) en refusant de voir la réalité de cette guerre.
La question est extrêmement délicate, car nous sommes en train de parler de vies humaines. Nous ne pouvons pas nous demander aujourd’hui « comment ne plus avoir de victimes », la seule question qu’on peut se poser c’est « comment peut-on limiter leur nombre ». Je veux bien croire que l’accord de Minsk d’un cessez-le-feu signé le 5 septembre dernier portera ses fruits, mais la politique du Kremlin est à l’image d’un trou noir, qui ne se soumet à aucune loi physique, et qui ne s’arrête qu’au moment où il cesse lui-même d’exister. La réponse la plus juste serait donc de dire qu’il y a deux choix : tout perdre, ou essayer de résister, aussi bien militairement, que diplomatiquement.
Quels sont les enjeux majeurs des élections législatives anticipées du 26 octobre prochain ?
Il est important de comprendre, qu’en Ukraine, tout député est en règle générale un bon businessman qui a compris que le meilleur des business reste la politique. Une fois que l’on a assimilé cela, on comprend comment nous nous sommes retrouvés avec à la tête de l’Etat le plus grand bandit du pays, Viktor Yanoukovich. Cela permet de comprendre pourquoi la classe moyenne n’existe pas en Ukraine. Il découle de cette situation que le seul enjeu des élections législatives est de trouver un parti qui souhaite agir pour le peuple et non pour lui-même. A vrai dire, un tel parti n’existe pas encore, mais il y en a qui s’en approchent. C’est pour cette raison, qu’avec l’ONG Cosmopolitan Project Foundation, l’Association des Etudiants Ukrainiens en France enverra des observateurs français pour les élections législatives du mois d’octobre (ndr: les élections législatives anticipées auront lieux le 26/10/2014). Le peuple ukrainien sort tout juste d’une révolution pour que sa vie s’améliore. Le devoir des citoyens est de faire le meilleur choix, le nôtre, est que leur choix soit entendu et respecté.
La communauté ukrainienne de France et la société civile ukrainienne sont-elles en phase ou au contraire avez-vous relevé des différences de perception du conflit ?
Une grande communauté ne peut être représentée que par un seul leader. C’est bien évident, puisque nous sommes tous différents. Toutefois, bien que différents, nous sommes tous humains. Depuis la Révolution de la Dignité, il existe un synchronisme idéal entre la Communauté Ukrainienne en France et la société civile ukrainienne. Peu importe les convictions, religions, langues, philosophies de la vie, ce qui compte aujourd’hui c’est de combattre l’ennemi.
On dit que la mère de Gengis Khan, l’empereur mongol qui avait conquis la moitié du monde « connu » au XIIIème siècle, un jour enseigna à ses enfants : « Prenez une branche chacun, et cassez-la. Ils s’exécutèrent. « A présent prenez chacun une poignée de branches, et essayez de les casser ». Personne n’a pu le faire. « Vous voyez les enfants, -expliqua leur mère- nous ne sommes forts quand lorsque nous sommes unis ».
Cette année le lauréat du prix "Perspectives Ukrainiennes - Grégoire Orlyk" est l'historien Antoine Arjakovsky¹. Quel regard portez-vous sur ses travaux ?
Nous avons eu beaucoup d’échanges avec Antoine Arjakovsky, et la première chose qu’il faut dire c’est qu’il mérite ce prix. En effet, c’est un homme de paix, qui essaie de combattre la propagande russe et qui croit que le conflit russo-ukrainienne peut être résolu en faisant un travail sur l’Histoire, un travail de réconciliation des mémoires aussi bien d’un côté que de l’autre. Son livre « Russie – Ukraine, de la Guerre à la paix ? » est un ouvrage de référence que chacun de nous devrait lire pour mieux comprendre la situation actuelle.
Propos recueillis par Olga Gerasymenko