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20 juin 2013 4 20 /06 /juin /2013 10:37

EL.jpgMa connaissance visuelle, sensorielle de l'Ukraine est extrêmement parcellaire, elle limite à Tchernobyl et ses environs.

Mais cette résidence dans ce petit village aux bords de la zone m'aura permis de connaître un peu mieux l'Ukraine.... et de l'aimer, paradoxalement au travers de la plus grave catastrophe technologique du vingtième siècle.

 

Alors que je m'attendais en vivant quelques semaines là-bas à être confronté à des terres ou rode la désolation, aller peut-être même au pays de la mort, j'ai été happé par autre chose. Malgré le drame quotidien que vivent ces populations depuis maintenant plus de 27 ans, malgré les maladies, malgré la situation sanitaire et sociale catastrophique, malgré cette terre outragé, cette population continue à se battre.

 

Un combat pour la vie. C'est de ça que j'ai voulu témoigner dans mon livre de vie, mais aussi d'espérance et de courage.

 

Une espérance qu'un monde fort de ce drame puisse s'interroger sur ses choix énergétiques... même si Fukushima semble nous dire qu’on n’apprend rien du passé.

 

Un courage, celui de ce peuple ukrainien écrasé par les deux totalitarismes du XX siècle et qui a dû faire face à cette catastrophe inouïe, un peuple épris de liberté et de justice qui a su reconquérir son indépendance, un peuple qui sait que lutter c'est vivre.

 

Mesdames, messieurs, monsieur le Sénateur, je tiens à remercier l'équipe de Perspectives Ukrainiennes de m'accorder ce prix.

Couv-Printemps-Tchernobyl-web-bandeau.jpg

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16 juin 2013 7 16 /06 /juin /2013 23:46

tchornohora.jpg

L’histoire commence en 1973 comme un conte de fée. Il était une fois… un groupe d’immigrés ukrainiens* installés en France avant et après la Seconde Guerre mondiale qui, nostalgiques de leur pays d’origine, étaient tombés sous le charme d’une localité d’Ardèche, dont les montagnes ressemblaient en tous points aux Carpates de Bukovine où certains étaient nés. Parmi eux, on comptait des adultes tels que MM. Malynovitch, Kortchak, Klem, Sligouk, Bilak, Saly… mais aussi de jeunes gens nés en France de parents ukrainiens. Ils s’étaient mis en tête de dénicher un lieu propice à l’accueil de camps d’été destinés à la communauté ukrainienne. Après de longues pérégrinations dans le sud de la France, ils avaient finalement atteint leur but.

Tchornohora est l’aboutissement des camps de vacances qui ont existé dès le début des années cinquante en des lieux tels que Vésines-Chalette (Loiret), Beaucaire et Notre-Dame de Primecombe (Gard), Saint-Clémentin (les Deux-Sèvres) ou le Morvan, mais il fallait les louer chaque année. Nos prospecteurs conçurent donc l’idée d’acquérir une propriété dotée de locaux et d’un terrain assez vastes aux abords attrayants et paisibles et avant tout d’un prix abordable. Dès l’automne 1972 et durant toute l’année suivante, le « commando » sillonna les routes en vain car les sites visités s’avéraient trop petits, mal situés ou trop onéreux. Le découragement menaçait. C’est alors que de bonnes fées vinrent à la rescousse de nos vaillants Ukrainiens en les projetant comme par enchantement au cœur d’un décor reproduisant à l’identique les collines boisées et les vallons verdoyants des Carpates de leur enfance. Au bord de la route en lacets menant de Rochepaule à Saint-Agrève, tapie au fond d’une vallée près d’un antique pont de pierre se dressait une robuste bâtisse flanquée d’un bâtiment annexe et entourée d’un beau lopin de terre. Alentour, ce n’était que forêts de résineux escaladant les collines tandis qu’une rivière murmurait en contrebas du terrain. Le coup de foudre fut immédiat, ils avaient trouvé la perle rare et le conte de fée connaissait une fin heureuse. Renseignements pris, la propriété dénommée la Grangeasse était à céder et l’accord de vente fut signé en 1973, c’était il y a quarante ans.

Restait à rendre habitable cette maison abandonnée depuis longtemps et dépourvue de tout confort qui avait jadis abrité une activité de moulinage de la soie puis une colonie de vacances. C’est là qu’intervinrent de nombreux et courageux bénévoles, Lyonnais pour la plupart, qui armés de pelles, pioches, scies et pinceaux consacrèrent leurs week-ends à aménager les locaux d’habitation, dortoirs, cuisine… Rendons ici un hommage particulier à M. et Mme Szemet qui firent un don substantiel pour la remise en état de la bâtisse. Les travaux allèrent bon train et à l’été 1974 on put accueillir les premiers vacanciers de la maison que l’on appellerait désormais Tchornohora (Чорногора en ukrainien, signifie « la montagne noire ») en souvenir d’une région homonyme des Carpates.

Adressons ici un coup de chapeau reconnaissant à tous ceux qui suèrent sang et eau pour réhabiliter la maison. Après le confort spartiate des premières années, les conditions de vie furent progressivement améliorées pour satisfaire notamment aux normes de sécurité. Au tout début, cohabitèrent ici plusieurs générations et au fil des ans les plus anciens cédèrent la place aux plus jeunes. Très vite furent institués des cours de langue, d’histoire, de musiques, de danses et de chants appartenant au patrimoine ukrainien puis aussi de pyrogravure, de pysanky (œufs peints),… Les animateurs passionnés parmi lesquels MM. Kravtchenko et Mardak, le père Babiak ou M. et Mme Kokoc furent si nombreux que nous ne pouvons les citer, qu’ils veuillent bien nous pardonner mais il faudra un jour en dresser la liste.

Avec le temps, on vit passer ici des Ukrainiens de tous horizons et, après l’accession de l’Ukraine à l’indépendance en 1991, des visiteurs venus de la mère-patrie tel son excellence Monsieur Kochubey, à l’époque ambassadeur d’Ukraine en France, à l’occasion des 20 ans de Tchornohora. De 1993 à 2006, après le camp de vacances de juillet, la Grangeasse se muait en conservatoire de musique. Durant 3 semaines, le groupe Vychyvanka travaillait d’arrache-pied, répétant musiques et chants ukrainiens en prévision des 3 ou 4 concerts donnés dans la région sous la houlette de Mykola Hvozd, un grand chef d’orchestre venu de Kiev,  hélas aujourd’hui disparu.

De nos jours, alors que nous célébrons les 40 ans de son acquisition, Tchornohora est plus vivante que jamais. Chaque année en juillet, le camp rassemble une cinquantaine de jeunes qui viennent puiser ici à la source de la culture ukrainienne. Ils s’initient à la langue de leurs aïeux, apprennent à chanter et à danser sous la conduite d’animateurs mais profitent également d’une merveilleuse nature au cours d’activités de plein air.

A la fin du séjour, ils présentent un spectacle de qualité en forme de comédie musicale orchestrée et mise en scène par Youry Bilak, artiste professionnel, metteur en scène, photographe et actuellement président de la FAVAL (Famille, Vacances, Loisirs et Culture), association qui gère Tchornohora. Les parents des enfants ainsi que des habitants de Rochepaule y sont conviés, ce qui au cours des années a permis de tisser des liens d’amitié avec les villageois et leurs édiles qui ont une bonne connaissance de la culture ukrainienne.

N’oublions pas non plus les bénévoles qui tout au long de l’année maintiennent la maison en état, la préparent pour le camp de vacances et la remettent en ordre après le départ des enfants. Sans eux, Tchornohora ne serait pas ce qu’elle est. Souhaitons-lui longue vie à l’occasion de ses 40 ans, ce qui se traduit en ukrainien par Многая літа ! (Mnohaya lita).


maison-Tchornohora.jpg
* Membres notamment de l’association Відродження (Vidrodzhennia = Renaissance) de Lyon appuyés par l’ОУМУФ (Організація Української Молоді У Франції = Organisation de la jeunesse ukrainienne en France).


Basil Chrin

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16 juin 2013 7 16 /06 /juin /2013 23:36

montmartre saint andreEn septembre dernier, une délégation composée de 6 représentants de l’Association « Initiative Saint-André – Allée Paysagère » était en visite à Paris. Les Ukrainiens sont venus chercher l’expérience de Montmartre en matière de préservation du patrimoine et s’inspirer de l’esprit si particulier qui  y règne. La ville de Kiev (ou Kyiv) s’est établie sur plusieurs collines et possède son propre « Montmartre », appelé Descente Saint-André. Cet endroit est depuis plusieurs décennies un lieu incontournable pour les artistes de tous genres, avec ses nombreuses galeries d’art, ses  concerts improvisés. La magnifique église Saint-André s’élève en haut de la colline. Malheureusement, aujourd’hui ce lieu est menacé par des projets immobiliers, comme c’était le cas de Montmartre il y a plusieurs années. Et la communauté se mobilise pour protéger cet endroit unique, tout comme l’ont fait les Montmartrois à l’époque.

Ainsi, l’Association « Initiative Saint–André, allée paysagée », très active dans les démarches de protection du patrimoine ukrainien et le Syndicat d’Initiative de Montmartre ont signé un pacte d’amitié et un accord de collaboration. La délégation a emporté avec elle un pied de vigne comme symbole de la paix qui pourrait empêcher la destruction du quartier historique situé au centre de la capitale ukrainienne.
Lors de cette première rencontre, des liens étroits ont été noués et le voyage réciproque s’imposait tout naturellement.

La délégation française était composée de plusieurs membres du Syndicat d’Initiative de Montmartre avec en tête son président Roger Dangueger et le vice-président Frédéric Loup, mais aussi l’artiste-peintre Midani M’Barki. La présidente de l’Association Ukraine Art Nathalie Pasternak, qui est à l’origine de cet échange, accompagnait la délégation.
montmartre saint andre2
Les Montmartrois ont été chaleureusement accueillis et leur séjour fut riche en rencontres et en émotions. Le voyage a été marqué par un accueil dans l’administration de la ville de Kyiv mais aussi par une réception chez l’Ambassadeur de France en Ukraine, Alain Rémi. Midani M’Barki a pu exposer ses tableaux dans une des galeries de la Descente Saint-André.

Les 25 et 26 mai Kyiv fêtait les journées de la ville. A cette occasion, Oleg Skrypka, célèbre musicien ukrainien, initiateur des « Soirées dansantes ukrainiennes » à Montmartre en 2009, a organisé cette fois-ci le festival « Montmartre sur la Descente Saint-André ». La visite de la délégation ne pouvait pas mieux tomber !


Valentyna Coldefy 

 

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16 juin 2013 7 16 /06 /juin /2013 23:25

Le bulletin de Juin 2013 de Perspectives Ukrainiennes est disponible sur la page Archive des bulletins de Perspectives Ukrainiennes ou en cliquant ici

Au sommaire:

p. 1-4 : Emmanuel Lepage, lauréat du prix Balzac-Verkhovnia 2013


p. 5 : Une délégation du syndicat d’initiative de Montmartre chaleureusement accueillie à Kyiv


p. 6-8 : Tchornohora, un coin de terres ukrainiennes en Ardèche


p. 9 : Projet ROK!  & Concours UART


p. 10 : Actualité du livre

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21 mai 2013 2 21 /05 /mai /2013 20:11

CINÉ-CLUB UKRAINIEN

ESPACE CULTUREL DE L’AMBASSADE D’UKRAINE

22, av. de Messine, M° Miromesnil. Tél. 01 43 59 03 53

 

Mardi 4 juin 2013, 19 heures

 

Entrée libre.

 

79-ème séance

 

SEULS LES ANCIENS VONT AU COMBAT

(В БІЙ ІДУТЬ ТІЛЬКИ СТАРИКИ)

vostf

Affiche-Seuls-les-anciens-vont-au-combat-2-.jpg 

Production : Studio Alexandre Dovjenko de Kiev, 1973, 92 mn, nb.

Scénario : Léonide Bykov, Yevhen Onoprienko, Alexandre Satskyi

Réalisation : Léonide Bykov

Photographie : Volodymyr Voїtenko

Décors : Heorhiї Prokopets

Musique : Victor Chevtchenko

Son : Nina Avramenko

Interprétation : Léonide Bykov, Olexiї Smyrnov, Victor Mirochnytchenko, Volodymyr Talachko, Roustam Sagdoullaiev, Eugénie Symonova, Olga Matechko, Serge Ivanov, Serge Pidhornyi, Vano Yantebelidze, Alexandre Nemtchenko, Viloriї Pachtchenko, Alim Fedorynskyi, Youriï Sarantsev, Valentin Makarov, Léonide Martchenko, Boris Boldyrevskyi, Hryhoriї Hladiї

Genre : comédie musicale dramatique

 

Récompenses : Prix du meilleur rôle masculin à Léonide Bykov, Prix du Festival et Prix du Ministère de la Défense VII Festival Pansoviétique de Bakou (1974) ;  Médaille d’argent Alexandre Dovjenko ; Grand Prix Festival de Zagreb (1974) ; Prix de l’Association de l’amitié soviéto-tchécoslovaque Festival de Karlovy Vary (1974) ; Prix national d’État Taras Chevtchenko (1977).

 

  

Synopsis

Pendant la Seconde guerre mondiale, une escadrille livre tous les jours un combat acharné contre les Allemands. Pour se soutenir mutuellement, les pilotes de chasse forment un groupe de musiciens et de chanteurs, dirigé par le commandant de l’escadrille, le capitaine Tytarenko. Les anciens ont à peine 20 ans, alors que les bleus, formés à la hâte, ne sont pas encore prêts au combat. Mais bientôt viendra le jour où, suivant l'ordre « seuls les anciens vont au combat », ils devront monter dans leurs avions, prêts à décoller.

Photogramme-Seuls-les-anciens-vont-au-combat.jpg

 

Seuls les anciens vont au combat

 

Opinion

Conçu dans la tradition du music-hall soviétique, Seuls les anciens vont au combat  est une comédie musicale réalisée d’une manière inédite dans le cinéma ukrainien, à une époque où celui-ci traverse une profonde crise au niveau du film d’auteur et de la liberté de création. Il est l’un des rares à s’inscrire dans la perspective antihéroïque, qui hante ou fascine les auteurs de films de guerre, et à cibler un public de vétérans de plus en plus nostalgiques. En ces temps de remise au pas idéologique, il est renforcé par un élément laissé jusque-là en veilleuse - le chant, utilisé en contre-point pour doper une image à laquelle le lyrisme ou l’âpreté ne suffisent plus. Appartenant à une génération pour laquelle la guerre ne représenta pas fatalement une tragédie personnelle, Léonide Bykov est de ces auteurs-réalisateurs de la stagnation brejnévienne qui, par le biais de la comédie musicale, s’emploient à revitaliser une épopée sur un ton peu cocardier. Engagé tantôt par la Lenfilm, tantôt par la Mosfilm, mais bientôt sans travail, il est repéré par le directeur du Studio Dovjenko de Kiev Vassyl Tsvirkounov qui l’encourage à venir travailler en Ukraine, sa terre natale. Parce que l’image de l’acteur-soldat lui colle à la peau, Léonide Bykov se voue au film de guerre où il exprime ses thèmes de prédilection sans se départir de son humour ukrainien : l’amour de la vie, la camaraderie, la solidarité, l’aversion pour la guerre.

Sorti sur les écrans en 1974, Seuls les anciens vont au combat, son premier grand film dédié aux pilotes de chasse qui ne revinrent pas, s’appuie sur un canevas musical thérapeutique. C’est, en effet, grâce au chant que les Icares de l’escadrille du capitaine Tytarenko – la deuxième chantante – luttent contre le stress et s’aguerrissent aux rigueurs des combats. Récompensée dans plusieurs festivals, cette comédie dramatique est un clin d’œil au cinéma des années trente où musiques et chants emplissaient les écrans, mais aussi le baptême du feu et de l’écran pour plusieurs acteurs, notamment les futures stars Hryhoriї Hladiї, Serge Ivanov, Volodymyr Talachko, Olga Matechko. Acteur de formation et enfant chéri du public, Léonide Bykov sera sacré meilleur acteur de l’année pour l’interprétation du rôle du capitaine Tytarenko. Il rééditera son formidable succès en 1976 avec Une, deux, les soldats marchaient sur un mode plus héroïque. En 1979, alors qu’il procédait aux bouts d’essai de L’Étranger, un film de science fiction, il décède à l’âge de 51 ans dans un accident de voiture.

On retiendra de ce grand classique, dont le scénario fut boudé un certain temps par le Conseil artistique du Studio Dovjenko pour son manque de patriotisme, le refrain de La Brune, remis au goût du jour, et d’autres célèbres chansons ukrainiennes et russes, sans lesquelles le film n’aurait pas obtenu le succès escompté. Le film draina plus de 44 millions de spectateurs les douze premiers mois d’exploitation – à l’époque chiffre record dans l’histoire du cinéma mondial. La légende, selon laquelle la direction du Studio Dovjenko de Kiev avait incité Léonide Bykov à réaliser ce film en couleurs, est farfelue. En réalité, la colorisation du film, fut faite en 2008 par le studio Trade Entertainment et la compagnie américaine Legend films. Émaillée d’erreurs, notamment au niveau des tenues et attributs militaires, la version colorisée fut diffusée le 9 mai 2009 sur les chaînes de télévision ukrainienne et russe, à l’insu des ayants droit, ce qui provoqua un scandale dans la communauté artistique.  

Lubomir Hosejko

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12 mai 2013 7 12 /05 /mai /2013 22:14

daogopak.jpgEn septembre dernier, à l’occasion de Knyjkoviy Arsenal, Forum des livres à Kyiv, un événement a dominé les autres : le lancement d’une trilogie Daogopak. Le premier volume de cette malyovana istoria (BD ukrainienne) « Tournée à Antalya » a été présenté au grand public.

C’est une malyovana istoria qui nous raconte les aventures de trois amis cosaques - Oles Skorovoda, Taras Peresitchvolia et Mozgoviy (qui est par ailleurs cosaque kharakternyk, c'est à dire un sorcier). Les compères partent en Turquie pour une mission de renseignements. Ils ont pour couverture une tournée d'artistes. Le but de leur mission est de libérer les cosaques réduits à l'esclavage dans le palais à Antalya.

Or le destin et la force majeure les détournent de leur but principal : la rencontre inattendue avec une fillette japonaise Ari-San, la garde du corps du fils de Sultan. Elle changera le destin du jeune cosaque Oles.

 

Les auteurs, Maxim Prasolov (auteur de scénario), Oleg Kolov (dialogues) et Oleksiy Tchebykine (dessinateur), ont eu l’ambition de créer une histoire universelle en se basant sur les contes et les symboles ukrainiens. Ils sont partis à la chasse au trésor dans la jungle de la mythologie ukrainienne. 

Insatiables, ils se donnent des moyens impressionnants. Ils ont prévu sur un période très brève (deux ans) de faire paraitre trois volumes de Daogopak, de lancer ou soutenir des projets parallèles (Maxym Osa, Tchoub), de sortir des produits dérivés et même de créer un jeu vidéo.

Rappelons au passage, qu’en Ukraine, le secteur de la BD reste à l’état embryonnaire. Ce genre n’étant pas reconnu comme un art à part entière en URSS. Même aujourd’hui, il s’agit plutôt d'une affaire d’amateurs-pionniers du genre. Le lancement de ce projet si ambitieux est alors une affaire risquée.

Celui-ci a de très grandes ambitions. Il vise la création d’un « Asterix ukrainien »: le personnage possédant un considérable capital de sympathie hors des frontières « gauloises ».

Daogopak doit dépoussiérer les mythes en Ukraine, et en recréer à l’international. Mis à part les mythes, le projet vise à éduquer l’œil du lecteur à l'esthétique de l'école graphique ukrainienne (Oleksiy Tchebytkine, graphiste de père en fils, en est fervent défenseur et représentant) et aussi aux codes visuels propres du pays.

 

pramaxMaxym Prasolov (Pramax), auteur du scénario de Daogopak

Comment le trio d’auteurs s’est formé ?

Notre équipe travaille ensemble déjà depuis quelques années. Oleg Kolov est un ami d’enfance. Quant à Oleksiy Tchebykine (aka Shakll Manstr Bdoo), il a atterri sur la planète de Daogopak il y a deux ans et depuis n’arrête pas de construire des châteaux, des manoirs, des aquaparcs et inventer des exosquelettes pour les cosaques-kharakternyks.

 

Il a été annoncé que Daogopak sera également publié hors Ukraine. Est-ce qu’un album paraitra en France ?

Une traduction en six langues est en cours, y compris en français. La première édition étrangère d’essai sortira en fin d’année. Pour imprimer un grand tirage à l’étranger on a besoin de l’appui d’une grande maison d’édition qui a l’expérience de ce genre de projet.

 

Des journalistes ukrainiens comparent souvent Daogopak avec les albums d’Astérix. Qu’en pensez-vous ?

En effet, les journalistes aiment trouver des parallèles entre les deux histoires. Nous, on ne compare pas. On admire l’échelle de l’entreprise : depuis des décennies en France on ne cesse de faire des films et des dessins animés, fabriquer des jouets et créer des parcs thématiques autour d’Asterix. Toute situation nécessite ses héros et ses vainqueurs, dans n’importe quel pays. C’est une composante identitaire d’un pays. Il ne s’agit pas que de la prose graphique ou de la littérature. Cela concerne aussi le sport, le cinéma, la science, les technologies, l’art, l’architecture – quasiment toutes les sphères de l’activité humaine.

En Ukraine, la situation est un peu plus modeste. Nous avons des héros, des mythes et symboles culturels aussi, mais peu de gens travaillent avec ses éléments avec créativité, de manière inspirée et sans tomber dans la ringardise. Nous sommes parmi les oiseaux rares. Mais on croit que les gens passionnés et inspirés vont devenir de plus en plus nombreux. C’est également l’un des buts de notre projet.

 

En quoi le mysticisme ukrainien peut intéresser un Européen plutôt cartésien et pragmatique ?

A condition d’avoir une approche juste et une bonne idée, même le balai d’une école respectable anglaise volera dans les cieux. Et cela ne surprendra pas plus que ça les « pragmatiques européens ». Alors c’est la même recette pour les traditions mystiques ukrainiennes, ayant pour héritage des rites ancestraux des magies quotidiennes et guerrières. Attendez le troisième volume de Daogopak et vous en serez convaincus, j’en suis certain.

Vous développez également des projets parallèles à Daogopak, tel que le projet fantastique Tchoub, la suite du roman graphique policier médiéval « Maxym Osa ». Pourriez-vous nous en parler plus. En quoi ces projets complètent le monde de Daogopak ?

Chez nous ces histoires sont réunies dans un Univers. C’est-à-dire que dans différents projets les personnages en évoquent ou citent d’autres personnages d’autres projets. Il y a des histoires parallèles ou complémentaires. Ainsi, on construit le monde de la mythologie ukrainienne sous une forme moderne. Le personnage qui traverse tous les mondes et est commun à tous les projets c’est un personnage d’un cosaque-chevalier, maître des arts martiaux, de la magie et maîtrisant la technologie. 

 

Quel est le calendrier de Daogopak ?

Le deuxième volume « L’Amour noble » sera publié en septembre 2013. Le troisième volume « Secret du molfar des Carpates » paraitra en 2014. Par ailleurs, courant 2013 en tout quatre albums sur les histoires cosaques sortiront : deux volumes de Daogopak, « Tchoub » et la suite des aventures de Maxym Osa.

 

 

shakll-Manstr-Bdoo.jpgOlexiy Tchebykine (Shakll Manstr Bdoo), dessinateur de Daogopak

Comme dessinateur-graphiste, je souligne toujours que l’Ukraine a sa propre, ancienne et particulière école de graphisme. Rappelons que Kyiv se trouvait au cœur de la Route commerciale des Varègues aux Grecs. Alors les racines de notre école de graphismes proviennent de là. Elles sont doubles et représentent une symbiose entre sud (mélange d’antiquité grecque et de style byzantin) qui lui donne le raffinement et son coté pittoresque, et nord (les racines scandinaves) qui apporte les éléments d’ornement et la précision du trait. C’est une sorte de mélange de monumentalisme et de détails. 

Plus tard, quand l’Ukraine a pris en sa possession la technologie d’impression de livres, elle a forgé sa propre école de derevoryt (xylographie) et d’estampe. Pour comparaison, en Russie l’école graphique et d’impression sont arrivés sous Pierre I des Pays Bas et d’Allemagne.

daogopak--trois-auteurs.jpg

Propos recueillis par Olga Gerasymenko

 

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12 mai 2013 7 12 /05 /mai /2013 17:08

vassyl-chenderovskiy.jpgVassyl Chenderovsky est le vice-président de la société ukrainienne des sciences physiques, professeur, docteur en sciences physiques et mathématiques. Il est l’auteur de plusieurs centaines d’ouvrages, dont la trilogie consacrée aux célèbres scientifiques ukrainiens « Que la lumière des sciences ne s’éteigne jamais ». Il a publié plusieurs livres retraçant la vie et le travail d’Ivan Pulyuy ainsi que d’autres scientifiques. C’est grâce à son initiative qu’a été rééditée la Bible traduite en ukrainien par Panteleymon Koulich, Ivan Pulyuy et Ivan Netchuj-Levytsky. Il est le co-auteur de plusieurs dictionnaires de termes physiques multilingues. Par ailleurs, Vassyl Chenderovsky est scénariste de plusieurs films documentaires. Il est à l’origine de la création de divers musées, monuments et plaques commémoratives en l’honneur de scientifiques ukrainiens.


Quel était le but de votre séjour à Paris ?

Je suis venu à Paris pour retrouver les archives de Serhii Vynogradsky, fameux microbiologiste ukrainien, et non russe, comme il est coutume de dire, qui a travaillé à l’Institut Louis Pasteur plus d’une trentaine d’année. Le projet est de créer un documentaire sur la vie de ce scientifique. J’ai pu visiter son laboratoire à Brie-Comte-Robert, la ville où il est enterré. Serhii Vynogradsky a fait plusieurs grandes découvertes dans son domaine et il a notamment découvert le phénomène de la chimiosynthèse – transformation des substances dans le sol – ce qui a rendu ce scientifique célèbre dans le monde entier.

 

Durant 5 ans, vous avez animé une émission à la radio sur les célèbres scientifiques qui travaillaient en Ukraine et à l’étranger. En connaissez-vous d’autres qui ont laissé des traces en France ?

A part Serhii Vynogradsky, je peux citer Volodymyr Koubiyovytch qui, ayant conscience de l’importance de préserver la langue et la culture ukrainiennes, a créé l’« Encyclopédie ukrainienne », qui est aujourd’hui la bible du patrimoine historique du peuple ukrainien. Il a vécu et travaillé à Sarcelles. Beaucoup d’autres savants sont liés d’une manière ou d’une autre à la France. C’est Ivan Pulyuy, un grand scientifique, qui a découvert les rayons-X trois ans avant Röntgen. C’est aussi Mykhaïlo Ostrogradsky, mathématicien ukrainien de génie; le grand physicien Mykola Pyltchykiv, nommé « Edisson ukrainien », qui a découvert le phonographe bien des années avant les autres chercheurs et Edisson lui-même, et qui est également le détecteur de l’anomalie magnétique de Koursk ; Volodymyr Pidvysotskyj – microbiologiste, pathologiste et endocrinologue qui a fait son stage et a soutenu sa thèse à l’Institut Louis Pasteur ; Olexandr Choumliansky, fondateur de l’histologie et qui étudiait à l’université de Strasbourg, a publié une thèse sur la structure des reins qui a eu une grande renommée en Europe.

 

L’Ukraine traverse une crise, et par conséquent le domaine de la science est également touché. Y a-t-il du positif tout de même ?

Il est vrai que la situation n’est pas facile, surtout dans le domaine de la science expérimentale qui demande beaucoup de fonds. Mais malgré le financement insuffisant, les scientifiques ukrainiens obtiennent des réussites dans le domaine de la physique et notamment en ce qui concerne les cristaux liquides et la nanoélectronique. Ca va un peu mieux avec les recherches théoriques. Mais le problème n’est pas là. Les jeunes préfèrent aller travailler dans une banque par exemple où ils gagneront de l’argent plus facilement, plutôt que devenir scientifique. Sans oublier « la fuite des cerveaux ».

 

Pourquoi est-il important de retrouver toutes ses archives ?

Parce que l’Ukraine peut être fière de ses talents. Et aussi parce que les Ukrainiens ont ce péché de se sous-estimer en permanence.

 

Propos recueillis par Valentyna Coldefy

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12 mai 2013 7 12 /05 /mai /2013 15:04

 

Cyril_Horiszny.JPGQuel chemin vous a conduit pour revenir en Ukraine ?

Je suis venu pour la première fois en Ukraine en 1991. Agé alors de 13 ans, je ne comprenais pas l’importance de ce voyage en Galicie, sur la trace de nos racines familiales, à un moment historique… juste après l’indépendance de l’Ukraine. Mon réel intérêt pour l’Ukraine est né à la mort de mon grand père en 1998. Je réalisais qu’enfant, je n’avais pas porté suffisamment d’attention à ses propos passionnés sur le pays qu’il aimait plus que tout, malgré tout le respect qu’il avait pour la France, son pays d’accueil. Ce fut un déclic, je ressentais plus que jamais le besoin d’en savoir d’avantage sur le pays de mes grand-parents, sur son histoire, son présent. Encouragé par mes parents, mon intérêt pour notre pays d’origine n’a cessé de grandir. A la mort du célèbre dissident ukrainien Vyacheslav Chornovil en 1999, mon attention s’est portée en particulier sur le combat pour la liberté des dissidents ukrainiens des années 1960, qui allaient devenir le sujet de mon D.E.A d’histoire contemporaine à la Sorbonne. L’occasion de faire des rencontres importantes pour la suite de mon engagement, à commencer par les anciens dissidents Leonid Pliuchch et Nadia Svitlychna. Lorsque j’ai participé a des cours d’été à Harvard en 2001, j’ai fait la connaissance de l’historien ukrainien Yaroslav Hrytsak, qui m’a proposé d’enseigner le français à l’université catholique de Lviv un an plus tard. Sans le savoir, j’allais m’installer pour un moment en Ukraine.

 

Depuis quand êtes-vous installé en Ukraine et y êtes-vous trouvé ?

Lorsque j’ai enseigné le francais pendant un semestre, cela m’a permis de travailler tout en poursuivant mes recherches de doctorat sur les dissidents et en photographiant l’Ukraine. Peu de temps après, un critique d’art kiévien m’a proposé d’exposer pour la première fois mes photos à l’Institut français de Kiev, ce qui m’a permis de faire connaissance du personnel de l’ambassade de France. Quelques mois plus tard, le poste de directeur du Centre francais de Lviv se libérait, je me trouvais au bon endroit au bon moment. A partir de 2003 je devenais diplomate français et m’installais pour deux ans à Lviv, tout en continuant de photographier et d’exposer mon travail, à la galerie parisienne du Pont-Neuf entre autres. A la fin de mon contrat, j’avais vécu en Ukraine des moments d’une rare intensité, à commencer par la Révolution orange. Je décidais alors de rester dans ce pays, d’assister et de témoigner comme photojournaliste de son évolution et de sa construction, malgré des moments de doute concernant mon avenir incertain. Mon travail a continué d’être exposé dans différents pays, et a commencé a être publié par la presse internationale. En parallèle, j’ai créé il y a deux ans une maison d’édition, « Leopol », pour essayé de partager une vision encore plus large de l’Ukraine, à l’aide de différents auteurs. Son but est de voyager à travers les époques pour mettre en valeur le patrimoine culturel de Galicie dans un premier temps et d’Ukraine plus généralement. 

Par conséquent, je me sens bien en Ukraine, où il y a tellement à faire découvrir, où de nombreuses pages de l’histoire restent à écrire. Et puis, j’ai trouvé ici une profondeur spirituelle, certainement liée aux moments d’adversité qu’a connu et que continue de connaitre le peuple ukrainien. Enfin, j’aime ma ville d’adoption, Lviv, qui a été relativement épargnée par les bombardements pendant la guerre. Aujourd’hui il y fait bon vivre, l’Union européenne est à moins de 100 km et la ville nourrit de grandes ambitions culturelles. En matière de paysages, je suis gâté par une belle diversité entre les Carpates et la mer Noire.

 

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Vous étiez un des co-fondateurs et journaliste de « Katchka », ce « canard » francophone qui parlait de l’Ukraine. Quels souvenirs vous en gardez ? Est-il prévu de mettre votre archive en ligne ?

« Katchka, le canard ukrainien » était à la base le journal de l'association des Etudiants ukrainiens en France que nous avons réanimée à partir de 2000, à l’aide d’un étudiant de Volhynie en particulier, venu s’installer à Paris, Volodymyr Poselsky. Notre but était avant tout de rapprocher les étudiants français d’origine ukrainienne des étudiants ukrainiens venus étudier en France afin de construire ensemble une vie associative. Notre activité s’est rapidement developpée et diversifiée, hormis les soirées à la cité universitaire de Paris, notre manifestation à Strasbourg contre l’exclusion de l’Ukraine du Conseil de l’Europe et d’autres actions... nous avons lancé notre propre journal en 2001 avec un autre compagnon de route, Sviatoslav Mazuryk. Cette initiative coïncidait avec l’assasinat en Ukraine du journaliste d’opposition Guéorgui Gongadze. Nous avons ressenti un besoin urgent d’informer en français sur l’actualité en Ukraine, comme sur son histoire. Nous visions un public francophone avec ou sans origines ukrainiennes, la sauce a pris, nous avons publié une vingtaine de numéros en préservant une précieuse indépendance et une liberté de ton, grâce au soutien de plusieurs centaines d’abonnés. 

L’appétit venant en mangeant, au fil des mois, les pages se sont multipliées, tout comme le nombre d’auteurs, parmi lesquels le politologue Mykola Ryabchouk, les historiens Arkady Joukovsky et Jean-Louis Panné, la journaliste Alla Lazareva, le tout agrémenté des caricatures mordantes de Boian Mazuryk. Avec un tirage d’environ 1500 exemplaires par numéro, Katchka était également distribué dans les Centres francais d’Ukraine, dans les bibliothèques, et nous collaborions avec la revue politique et culturelle de Lviv « Ji ». La Révolution orange a sonné la fin du régime autoritaire du président Koutchma, nous n’avions plus la même motivation, nos vies familiales et professionnelles ne nous permettaient plus de consacrer nos week-ends à produire un journal bénévolement. L’argent des abonnements a suffi à financer l’impression du dernier numéro de 16 pages en couleur. Ce fut une très belle aventure, qui aura duré 3 ans. En principe les archives de Katchka seront bientôt sur le site web de Sviatoslav Mazuryk en cours de construction.

 

Depuis ce mois d’avril vous présentez votre exposition photo « Les Ukrainiens : entre Est et Ouest » à Lviv. Que voulez-vous dire par votre exposition ? 

Cette exposition présente à travers une série de portraits la société ukrainienne. Cette vision est évidemment personelle, son but est avant tout de susciter une réflexion sur l’identité d’un peuple plus de 20 ans après son indépendance, mais également de rappeler modestement que les personnages de ces photos sont en principe tous égaux en droits et citoyens d’une jeune nation en construction. Une partie de ces photos a été exposée en 2010 à la Galerie Gilbert Dufois à Senlis, à l’initiative du comité de jumelage Senlis-Petchersk, puis au centre d’art «Soviart» à Kiev, à Wroclaw et à l’Alliance française de Lviv. Lorsque la responsable artistique d’un très bel espace à Lviv - la galerie-restaurant « Hrouchevsky » - m’a proposé de compléter et d’exposer ce projet, j’ai été ravi de relever de nouveau un sérieux défi, à savoir montrer les Ukrainiens aux Ukrainiens. 

 

Pourquoi à votre avis l’Ukraine continue à demeurer une inconnue en France ?

Un peu plus de 20 ans se sont ecoulés depuis l’indépendance de l’Ukraine. C’est beaucoup et peu à la fois pour un pays qui a été si longtemps associé à la Russie ou à la Pologne dans l’imaginaire collectif français. En France, l’intoxication fut d’autant plus efficace quand on sait les rapports etroits qu’on entretenus nombre d’intellectuels avec Moscou. 

Cela relève également je pense du niveau culturel des médias qui, aujourd’hui, pour faire recette lorsqu’ils parlent de l’Ukraine doivent dans la majorité des cas traiter de sujets sensationnels comme les filles de Femen, les mères porteuses, les néo-nazis ou Tchernobyl, proposant ainsi une vision réductrice de ce pays. Seule la chaine « Arte » à ma connaissance consacre de temps en temps un reportage culturel sur l’Ukraine, ce qui est une maigre consolation.

Une autre explication peut être liée à la culture du peuple français qui malgré la distance à plus de repères par rapport à la culture africaine entre autres. Les Allemands sont plus réceptifs à la littérature ukrainienne contemporaine par exemple ou a certaines musiques regionales d’Ukraine. 

Mais ce ne serait pas juste de jeter la pierre aux Francais uniquement en les accusant d’ignorance ou de paresse intellectuelle. Aujourd’hui, c’est aux Ukrainiens avant tout de faire la promotion de leur pays et de leur culture. Or, il me semble que les représentants de l’Etat ukrainien indépendant n’ont jamais brillé par leur dynasmisme dans ce domaine et récupèrent le plus souvent à leur compte des initiatives culturelles ici et là. Je n’ai pas l’impression qu’une politique culturelle forte soit parmi les priorités des dirigeants ukrainiens, et ce pays abrite des trésors qui ne sont pas toujours estimés à leur juste valeur par les autorités du pays. Si les sculptures de Pinzel ont été exposées au Louvres, c’est surtout grâce au travail du défunt directeur de la Galerie des Arts à Lviv, Borys Woznetsky, et de l’intérêt du Louvres. Il aura fallu attendre cette exposition pour que les autorités de la ville de Lviv débloquent enfin un budget pour réparer le toit du musée qui abrite les oeuvres de Pinzel, quasi inconnues du grand public ukrainien avant l’exposition au Louvres. 

 

Que faut-il pour changer la situation ?

Aujourd’hui, l’Ukraine n’est plus vraiment inconnue en France grâce à la Révolution orange hyper médiatisée qui a marqué les esprits malgré les désillusions qui ont suivi pour les Ukrainiens. D’après moi, l’Ukraine devient intéressante pour le grand public lorsqu’elle met en valeur ses couleurs locales à travers des thèmes universels. Gogol a popularisé les Cosaques et leur combat pour la liberté, tout comme Paradzhanov a rendu célèbre une histoire d’amour houtsoule. Le robin des bois de Huliaipole Nestor Makhno ne fascine pas que les anarchistes français. Quand aux romans de Youry Andruxovych ou André Khourkov, leur contenu est à la fois subtil et exotique pour le public européen. Tout dépend donc de la façon dont est presentée l’image de l’Ukraine. Elle peut attirer l’attention à condition de surprendre à travers une approche innovante et séduisante aux yeux d’un public non-initié qui cherche à voyager. Cela doit passer par la création contemporaine ukrainienne: chants, livres, arts visuels, theatre (dans la mesure du possible), mais aussi par l’histoire de l’Ukraine. Les expositions des sculptures de Pinzel au Louvres ou de l’or des Scythes au Grand Palais ont remporté un grand succès. A mon avis, des génies comme Ivan Franko n’ont pas à rougir devant des monstres sacrés de la littérature française comme Zola. Quand aux chants litturgiques, ils sont tout simplement envoutants.

Mais une fois de plus, tout dépend de la faculté des Ukrainiens de mettre en valeur et de promouvoir leur patrimoine culturel... un processus en marche, à en juger par la présence d’écrivains ukrainiens aux prestigieux salons du livre de Paris ou de Leipzig ces dernières années, par les concerts du groupe ethno Dakha Brakha à Paris et a Metz, ou encore par la pièce de théatre de Vladimir Troitskyi «Viï» qui puise volontiers dans le folklore ukrainien à partir d’une nouvelle de Gogol.

Enfin, une meilleure connaissance de l’Ukraine en France passe tout simplement par la visite du pays. Aujourd’hui, l’Ukraine devient de plus en plus touristique et accessible, les conditions d’accueil dans les grandes villes s’améliorent considérablement, notamment depuis l’Euro de foot en 2012. Or, d’après un célèbre proverbe ukrainien, « mieux vaut voir une fois plutot que d’entendre cent fois » ! Dans l’idéal, les jumelages entre établissements scolaires des deux pays sont un excellent moyen pour les jeunes Français de découvrir l’Ukraine. D’ailleurs, je me permets de lancer un appel, pour signaler que le collège-lycée français n  37 de Lviv cherche activement à développer des échanges avec un établissement français.

 

Vous préférez qu’on parle de vous comme d’un Français d’origine ukrainienne ou un Ukrainien d’origine française ?

Je suis Français d’origine ukrainienne. A vrai dire, j’ai apprivoisé depuis longtemps l’idée d’avoir une double identité, mon coeur étant aussi bien français qu’ukrainien. Cela dit, l’Ukraine me manque d’avantage quand je suis en France, que la France, quand je suis en Ukraine. J’entretiens une relation différente avec ces deux pays. J’ai passé 25 ans en France, pendant lesquels ma vision de l’Ukraine était assez romantique. Je me sentais Français et Ukrainien à la fois, sans mesurer à quel point j’étais loin des réalités de l’Ukraine d’aujourd’hui. Après 9 ans en Ukraine, je me sens Ukrainien lorsque je reviens régulièrement en France. Cela dit, en Ukraine, je me sens Français. Autrement dit, mon identité est assez floue. Mais lorsqu’une équipe ukrainienne de footbal joue contre une équipe française, alors je soutiens sans hésiter l’Ukraine. C’est peut-être un signe. 

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Quels sont les projets en cours – en édition, en photographie ? Pensez-vous vous essayer à un nouveau métier ?

Actuellement, nous préparons entre autres la publication d’un livre sur l’histoire multiculturelle de Lviv avec mes photos et le texte de l’historien Yaroslav Hrytsak; d’un livre photo sur les Carpates ukrainiennes dans les annees 1920-30; et d’une bande dessinée qui sera l’adaptation d’un roman d’Ivan Franko. Mon activite photographique s’oriente surtout vers des sujets de fonds liés à des thèmes sociaux, historiques, ethniques, comme mes projets à long terme : « Houtsouly – Peuple des Carpates » que j’expose depuis 2007, « Les Ukrainiens – Entre Est et Ouest », ou encore l’histoire des Juifs de Galicie. Mes activités en tant que photojournaliste et éditeur se complètent bien. Elles sont toutes deux orientées vers l’histoire, l’image et les mots. Alors je n’ai pas l’intention de m’essayé a un nouveau métier vu que je n’en suis qu’à mes debuts j’espère. Et puis j’ai déjà été violoniste dans le cabaret russe de Paris « Raspoutine » et diplomate français, alors il etait temps que j’opte pour un minimum de stabilité !

Pour plus d’information :

www.kyrylo.com

www.leopol.net

Propos recueillis par Olga Gerasymenko

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12 mai 2013 7 12 /05 /mai /2013 14:43

Le bulletin de Mai 2013 de Perspectives Ukrainiennes est disponible sur la page Archive des bulletins de Perspectives Ukrainiennes

 

Au sommaire:

p. 1 : Éditorial

p. 2 : Rencontre avec Vassyl Chenderovsky

p. 3-4 : Entretien avec Cyril Horiszny

p. 5-7 : Daogopak : 6 questions à Maxym Prasolov

p. 8 : Rencontre au club littéraire

p. 9 : Soirée rencontre "Regards sur Tchernobyl, 27 ans après" à l’INALCO

p. 10 : Agenda associatif

p. 11 : Actualité du livre

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5 mai 2013 7 05 /05 /mai /2013 07:50

CLUB LITTERAIRE Vassyl Makhno

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