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18 mars 2013 1 18 /03 /mars /2013 11:32

JP-Lecoq2.jpgDepuis plusieurs siècles, l'Ukraine est étroitement liée au 6ème arrondissement de Paris : La Cathédrale Saint Vladimir le Grand se trouve rue des Saints Pères, le célèbre cosaque Grégoire Orlyk ainsi que l'écrivain Joseph Roth ont résidé rue de Tournon, par ailleurs de nombreuses associations franco-ukrainiennes ont leur siège boulevard Saint Germain. Quel sentiment vous inspire cette présence ukrainienne au coeur de l'arrondissement le plus prestigieux de la capitale ?


L’Ukraine est une grande nation européenne ; compte tenu de la richesse de son histoire, elle se devait d’avoir des liens avec la France. Au cours des siècles, de nombreuses personnalités ukrainiennes en exil  sont venues s’installer dans le 6e arrondissement. L’exemple du cosaque Grégoire Orlyk, devenu lieutenant-général dans l'armée de Louis XV et agent diplomatique français, est à cet égard emblématique.

 

Quels rapports entretenez-vous avec les associations franco-ukrainiennes et notamment l'instance qui les fédère : le Comité Représentatif de la Communauté Ukrainienne de France ?


En ma qualité de Maire du 6ème j’entretiens depuis longtemps des relations cordiales avec cette communauté, principalement implantée à Paris et en Ile-de-France, qui trouve avec la cathédrale de la rue des Saints-Pères un lieu traditionnel de rassemblement pour ses membres, chaque dimanche. En 2006 j’ai soutenu l’initiative visant à honorer la mémoire des Ukrainiens ayant participé par leur travail à la reconstruction de la France, meurtrie par les deux guerres mondiales. Ce projet s’est concrétisé par l’apposition d’une plaque commémorative qui a été dévoilée devant de nombreuses personnalités et en présence de plusieurs centaines de personnes venues de toutes les régions de France.

 

Quel événement ou fait de société survenu en Ukraine ces 20 dernières années vous a le plus marqué ?


C’est assurément ce qu’on a appelé la « Révolution Orange » en novembre 2004, c’est-à-dire l’avènement d’une société civile mature, structurée autour d'un projet démocratique.

 

Quelle lecture avez-vous de la citation de Voltaire : "L’Ukraine a toujours aspiré à être libre" ?

 

La Citation de Voltaire renvoie bien évidemment à la situation de l’Ukraine et de la Pologne vis-à-vis du grand voisin qu’est la Russie, qu’il s’agisse de la Russie impériale ou de la Russie soviétique. C’est seulement après l’éclatement de l’URSS dans les années 90 que l’Ukraine a retrouvé son indépendance. Elle ne restera pas moins marquée par son histoire et ses frontières souvent fluctuantes. Aujourd’hui, l’Ukraine a retrouvé son indépendance, mais elle reste encore fortement marquée par son histoire et sa très grande proximité avec la Russie.

 

Pierre Beregovoy est le plus illustre des Français d'origine ukrainienne, que vous inspirent son parcours et son engagement politique ?


Le parcours de Pierre Beregovoy fut celui d’une ascension sociale exemplaire. Il restera marqué par la formidable détermination qui fut la sienne, puisque n’ayant pas pu faire de longues études, il ne dut qu’à son intelligence, sa force de travail et son engagement syndical, de gravir les différentes étapes qui le menèrent jusqu’aux fonctions ministérielles. Il fut le dernier Premier Ministre de François Mitterrand et disparut dans des circonstances que chacun connaît.

 

Propos recueillis par Frédéric du Hauvel

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18 mars 2013 1 18 /03 /mars /2013 11:18

guillaume_arenas.jpgTripAvisor, le site de référence en matière de voyage, a classé l’Ukraine la destination N°1 en Europe et N°3 dans le monde en 2012. Partagez-vous cet avis ? Comment a été pour vous cette année 2012 ?


L’année 2012 fut une année très positive pour UIA avec une augmentation du nombre de passagers. On constate également un intérêt grandissant pour le tourisme en Ukraine. Ceci s’est également confirmé dans la presse internationale qui a nommé l’Ukraine à plusieurs reprises dans les 10 destinations à voir en 2013. Tripadvisor à classé Kiev en 1ère position européenne et 3ème mondiale dans la catégorie « Destination Tendance ». Lonely Planet a classé Lviv en 2ème destination week-end européenne, et le National Geographic  à quant à lui classé la Crimée en 1ere position dans le classement des 20 destinations  à voir en 2013. J’ai pour ma part toujours été convaincu de l’énorme potentiel touristique de l’Ukraine. Un office de tourisme manque terriblement au développement de ce secteur en France, et serait un véritable atout pour la promotion du pays
 
Est-ce qu'on peut espérer que cet intérêt envers l'Ukraine continuera en 2013 ?


Cet intérêt se confirme clairement en ce début d’année avec une augmentation des réservations et de demandes de groupes. Nous continuons à tout mettre en œuvre pour promouvoir la destination avec l’organisation de voyages d’études auprès des professionnels du tourisme, avec pour la première fois la présence d’un stand Ukraine à l’IFTM en septembre 2012, avec des partenariats pour promouvoir différents événements : Exposition Pinsel au Louvre, festival Kazantip, film « La Terre Outragée », Journées consulaires de Lyon …
 
Tout développement de destination s’accompagne en général de l’augmentation de l’offre en matière d’hébergement, de restauration et d’autres produits touristiques. Quelle est la situation en Ukraine en matière d’infrastructure touristique ?


Accueillir un événement comme la Coupe d’Europe de Football en 2012 a impliqué de grands chantiers, comme la rénovation de routes, la signalétique… afin de faciliter l’accueil des visiteurs. L’offre hôtelière a été largement étoffée, quelles que soient les gammes d’hébergement. Ceci ayant un impact direct sur les capacités, et également sur les offres tarifaires.
 
L'année dernière UIA a fếté ses 20 ans. Comment la société a-t-elle été créée ? Quelles sont les principales étapes de son évolution ? Comment votre société a-t-elle fêté ses 20 ans ?


UIA a été fondée en 1992, et a fêté ses 20 ans le 25 novembre 2012. En vingt ans, la compagnie est devenue la compagnie privée leader en Ukraine et a été récompensée à maintes reprises comme « Meilleure compagnie Ukrainienne » par les agences touristiques ukrainiennes et l’association ukrainienne de journalistes.
Notre priorité absolue est la sécurité, et nous répondons aux exigences internationales. Nous avons été la première compagnie de la CEI à obtenir le certificat IOSA (IATA Operational Safety Audit).


Nous sommes à ce jour la compagnie Ukrainienne proposant le plus grand nombre de vols vers des destinations européennes. Nous desservons les principaux aéroports ukrainiens, capitales et villes clés européennes, les pays de la CEI, du proche Orient, l’Asie ...
guillaume_arenas2.jpg
Nous élargissons constamment notre réseau, que ce soit avec nos propres vols ou avec des accords de partage de code avec les plus grandes compagnies aériennes. Les 20 ans ont été célébrés dans la majeure partie des pays où nous sommes implantés. En France, nous avons fêté l’événement quelques jours après le Nouvel An Orthodoxe, le 17 janvier 2013, dans un lieu très tendance dans les beaux quartiers de Paris. Nous avons réuni nos meilleurs partenaires français autour d’un cocktail dinatoire dans une ambiance feutrée et conviviale : Décideurs de réseaux de distributions, de Tour Operateurs,  d’agences,  de sites internet, d’associations, et aussi journalistes sont venus nombreux. A L’image des  20 ans d’UIA, l’événement fut un succès.


Comment faites-vous la promotion de l'Ukraine en France ?


En tant que compagnie aérienne, notre objectif premier est de promouvoir notre compagnie en France. La promotion d’un pays est généralement gérée par un office de tourisme qui le représente. Il n’y a malheureusement pas d’office de Tourisme de l’Ukraine en France  et par conséquent nous travaillons activement avec nos différents partenaires, associations et medias pour mettre en avant la destination et la promouvoir auprès des professionnels du tourisme et du grand public. Lors de notre soirée anniversaire, une présentation de la compagnie et de la destination que nous avions préparée, intégrant photos et vidéos, passait sur 2 écrans de télévision afin de montrer à nos invités les splendeurs de l’Ukraine, et susciter l’envie. 


Quelle est la stratégie de votre société en France ? Quelles nouveautés prévoyez-vous pour 2013 ? (ouverture de nouvelles lignes, nouveau terminal à CDG et à Kiev, etc.)


2013 est une année riche en ambition. Nos objectifs sont multiples, mais nous souhaitons mettre l’accent sur la promotion du tourisme en Ukraine et faire en sorte que la notoriété de la destination continue à croitre. 2013 est également une année riche en nouveautés avec l’ouverture d’une liaison directe supplémentaire entre Paris et Kiev, soit 4 vols quotidiens à compter du 26 avril 2013. A cela s’ajoute l’ouverture de 23 routes telles que Saint Petersbourg, Ekaterinbourg, Rostov, Sotchi, Kaliningrad, Batumi, Erevan, Bakou et aussi Vilnius, Varsovie, Minsk, Bichkek pour n’en citer qu’une partie.
 
 
Propos recueillis par Lesya Darricau-Dmytrenko

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13 mars 2013 3 13 /03 /mars /2013 22:37

aarjakovsky_questcequelorthodoxie.jpgPermettez-vous de reprendre votre propre question "Qu’est-ce que l’Orthodoxie" ?  

 

Il y a plusieurs façons de répondre à cette question. Si Orthodoxie porte un O majuscule, on désigne le plus souvent une réalité ecclésiale. Mais précisément les historiens hésitent de plus en plus à identifier cette Orthodoxie à l’Eglise Orthodoxe comprise au sens confessionnel du terme. C’est ce dont témoignent aussi de nombreux auteurs du XXe siècle comme le père Serge Boulgakov par exemple qui dans son livre L’Orthodoxie en 1932 commence par les phrases suivantes : « L’Orthodoxie est l’Eglise du Christ sur la terre. L’Eglise du Christ n’est pas une institution, elle est la vie nouvelle, avec et dans le Christ, mue par le Saint Esprit. »

 

En effet les théologiens du XXe siècle ont constaté qu’il était très difficile d’assigner des frontières à l’Eglise du Christ. Comment le faire quand le Christ Lui-même assure à ses disciples que lorsque deux ou trois seront réunis en son nom Il sera au milieu d’eux ? (Mathieu 18, 15-20) Selon cette définition une simple famille qui invoque le Christ forme l’Eglise. On est loin ici d’une définition classique de l’Eglise.

 

Il y avait donc matière à tirer tous les enseignements de cette prise de conscience fondamentale qui a grandi tout au long du XXe siècle chez de nombreux chrétiens. Il fallait en particulier concevoir un récit post-confessionnel de l’Eglise. Très sincèrement j’ai le sentiment que, au moins du point de vue des chrétiens orthodoxes, mon livre « Qu’est-ce que l’orthodoxie ? » (Paris, Gallimard, 2013) représente un premier essai de rédaction d’une telle histoire.

 

Pour ce faire il a fallu tirer les enseignements de cette profonde évolution de l’ecclésiologie (elle-même certainement influencée par le mouvement des grandes migrations du XXe siècle et également par le désir de sortir d’une idéologie moderne mortifère) au plan des relations entre la « foi » et la « raison ». Jusqu’il y a peu, dans les milieux sécularisés, on considérait que l’orthodoxie avec un o minuscule n’avait pas grand-chose à voir avec l’Orthodoxie avec un O majuscule. On disait par exemple de telle opinion qu’elle était « peu orthodoxe » pour désigner d’une façon générale une pensée déviante par rapport à une règle. Qu’il s’agisse de la cuisine nouvelle ou des thèses d’Amartya Sen sur l’indice du PIB on avait à faire à l’hétérodoxie.

 

La raison de cette semoule sémantique est qu’au XVIe siècle s’est produite une fracture profonde entre la « foi » et la « raison ». On pourrait même dire que cette fracture eut lieu dans certains esprits dès le IVe siècle. Mais elle est devenue dominante ou paradigmatique à partir des nouveaux récits d’histoire de l’Eglise qui apparurent avec la Réforme et la Contre Réforme. L’explosion de la communion d’amour qui existait entre les chrétiens a entraîné avec elle l’intelligence de l’orthodoxie comme vérité droite, comme structure intelligible capable de penser ensemble la vérité de la révélation, l’identité commune, la morale personnelle et l’horizon du royaume. A partir de Flavius Illyricus, César Baronius et Dosithée de Jérusalem l’orthodoxie n’est plus comprise que comme la mémoire fidèle à une norme. Ce n’est pas la première fois dans l’histoire qu’une telle évolution du sens de l’orthodoxie se produit. Lors des quatre premiers siècles du christianisme en effet être orthodoxe signifiait avant tout louer Jésus Christ comme puissance et sagesse de Dieu. Pierre le dit dans sa première épître : « Mais vous, vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, pour proclamer les louanges de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière… » (Pierre 2,9)

 

Aujourd’hui cependant l’étude approfondie des nouvelles histoires de l’Eglise montre qu’un nouveau sens de l’orthodoxie émerge, celui de la connaissance juste. L’orthodoxie signifie de moins en moins une appartenance à une institution ou à une chapelle mais de plus en plus la capacité à faire ce que l’on dit et à dire ce que l’on fait. Cela signifie également que disparaît actuellement aussi la conception séculière de l’orthodoxie comme concept neutre détaché de tout contenu et signifiant simplement l’adéquation à une norme. On comprend mieux que la norme ne peut être une réalité stable s’il n’y a plus de référent symbolique à l’ensemble des normes. Ainsi par exemple que signifie être un libéral orthodoxe lorsqu’on étudie l’évolution du libéralisme depuis la révolution française. Quel est l’étalon du libéralisme ? Et comment justifier la disparition du référent transcendant au libéralisme après Tocqueville ?

 

- Si une personne vit selon ces 4 principes, est-elle orthodoxe quelle que soit sa religion ?

 

Si l’on entend l’orthodoxie comme indice de la qualité de la foi religieuse, alors comme je vous le disais de plus en plus on se réfèrera à l’authenticité du style de vie pour désigner quelqu’un d’orthodoxe ou non. Mais vous avez raison d’insister sur le fait que la pensée doxique repose sur une structure plus complexe, à savoir sur une capacité personnelle et donc communautaire à tenir ensemble la juste glorification, la mémoire fidèle, la vérité droite et la connaissance juste. Les grandes religions sont souvent partagées par des courants divergents. Pour retrouver leur unité et leur cohérence elles devront retrouver cette structure universelle de l’intelligence spirituelle. La réconciliation entre sunnites et shiites par exemple ne repose pas uniquement sur un travail historique portant sur la mémoire originelle de l’islam.

 

J’attire votre attention sur le fait que le christianisme ne se comprend pas comme une « religion » à proprement parler. Jésus Christ a répondu à la Samaritaine (Jean 4) que l’adoration de Dieu ne peut se réaliser qu’en esprit et en vérité. Cela signifie que le christianisme transcende les religions. Il les transforme toutes de l’intérieur. Il pose que la juste glorification, la mémoire fidèle, la vérité droite et la connaissance juste sont indissociables de la révélation du Christ comme vrai Dieu et vrai homme, et de Dieu comme Père, Fils et Saint Esprit. Il s’agit d’une ekklesia catholica, d’une communauté vivant selon le tout trinitaire, ouverte donc à tout le genre humain.

 

La pensée doxique est donc bien différente de la pensée scientifique qui conceptualise en fonction de critères pré-déterminés comme le contenu doctrinal et la vérification homothétique de l’expérience. La pensée épistémique fait jaillir la vérité par le travail d’objectivation à l’égard de tous les a priori, de détachement du monde de l’intelligence, et d’universalisation des données de sa propre expérience par la conceptualisation abstraite d’un phénomène. La pensée doxique a longtemps été ignorée voire méprisée par la philosophie et par la théologie académique en raison de son manque de permanence, de sa dépendance à l’égard de la pensée d’autrui, de sa trop grande proximité avec la mythologie. Elle requiert en effet une ouverture à ce qui dépasse notre entendement et puise dans toute forme de symbolisme. Elle s’appuie sur l’amitié comme source de l’intelligence. Elle n’est donc pas immédiate et saisissable de façon individuelle. Elle comprend l’amour de la sagesse comme un cheminement unissant la vérité et la vie.

 

La foi est la synthèse entre la pensée épistémique et la pensée doxique. En effet dans la lettre aux Hébreux Paul la définit à la fois comme « la garantie des biens que l’on espère » et « la preuve des réalités qu’on ne voit pas ».

 

 

- Nous avons l’habitude d’utiliser le mot « orthodoxie » pour désigner une religion. Vous nous le présentez sous un nouveau sens. Ça pourrait porter à confusion ? Pourquoi ne pas « inventer » un autre mot?

 

D’abord il faut rappeler que ce phénomène de désigner une « religion » par le qualificatif « d’orthodoxe » est récente. Elle ne date que du XVIe siècle. Et jusqu’au milieu du XXe siècle elle n’était pas acquise. En effet les « orthodoxes » ont continué à désigner leur Eglise comme « catholique » jusqu’à aujourd’hui (cf la traduction en français par « catholique » du terme slavon « sobornaja », qui fut lui-même une traduction du terme grec « katholica »).

 

Pierre Mohyla en Ukraine au XVIIe siècle a écrit une Confession de foi à destination des « orthodoxes-catholiques ».

 

La vraie confusion consistait en réalité à attribuer l’orthodoxie à une seule famille d’Eglises au nom d’une identification des frontières de l’Eglise avec l’intelligence de la foi. Il est heureux que cette période, théorisée par Vladimir Lossky, prenne fin. C’est je crois l’un des apports principaux de mon livre d’aider à prendre conscience.

 

Et au contraire je crois que le temps est venu pour les Eglises orthodoxes d’expliquer pourquoi elles pensent avoir le monopole de la vérité. D’un point de vue chrétien « orthodoxe » les « catholiques » ont peut être tort de penser que le pape est « infaillible ». Mais les « orthodoxes » ont également tort de ne pas être en mesure de se réunir en concile depuis plusieurs siècles ! Il y a tellement de sujets qui mériteraient de recevoir un éclairage conciliaire puisque telle est la gnoséologie chrétienne « orthodoxe ». Mais depuis au moins 3 siècles pas une parole de vérité commune n’a pu jaillir des Eglises orthodoxes sur la question du calendrier commun ou sur celle des totalitarismes… Il faut admettre ce fait avant de prétendre au monopole de la vérité.

 

J’ajoute que ce travail de redécouverte de l’orthodoxie de la foi comme synthèse de la doxa et de l’épistémè ne concerne pas uniquement les différentes chapelles du christianisme. Il concerne également les pensées dites agnostiques et modernes qui se pensent émancipées des choses en soi par le simple fait qu’elles aient cessé avec Kant de vouloir connaître celles-ci. Il suffit d’un minimum d’honnêteté intellectuelle pour le reconnaître. C’est le mérite d’un philosophe chrétien orthodoxe de tradition slave Vladimir Soloviev de l’avoir montré le premier. Nicolas Berdiaev, qui est né à Kiev comme vous le savez a réalisé le même travail à l’égard de la philosophie existentielle de son temps. Y aura-t-il un penseur contemporain capable d’aider les Ukrainiens d’aujourd’hui à se défaire de leurs fausses certitudes ?

 

 

 

- L’orthodoxie dans ce nouveau sens se rapproche de l’œcuménisme. En quoi l’œcuménisme est important et particulièrement dans le contexte ukrainien?

 

Oui cette redéfinition sémantique participe à la redécouverte que les frontières de l’Eglise du Christ sont infiniment plus larges que les frontières institutionnelles des Eglises dites catholiques, orthodoxes ou protestantes.

 

Le mouvement œcuménique est important pour le monde car il actualise les dernières paroles du Christ avant son arrestation : « Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée pour qu’ils soient un comme nous sommes un » (Jn 17, 22). Ce mouvement historique inter-ecclésial correspond donc à la réalité d’un échange de gloire permanent entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint comme l’atteste ce verset. Il a une particulière importance en Ukraine. Car l’Ukraine est sortie profondément blessée par sa douloureuse histoire à l’époque moderne. La guérison de ses blessures intra-ecclésiales lui permettra de guérir de ses blessures identitaires et linguistiques.

 

Je suis également convaincu que si les chrétiens ukrainiens parvenaient à actualiser leur « idée historique » de « l’Eglise de Kyiv » théorisée par de grandes figures telles que le métropolite Mohyla ou au XXe siècle le métropolite Sheptytsky, à savoir une Eglise en triple communion avec Rome, Moscou et Constantinople, elle permettrait à l’ensemble du monde chrétien à faire un pas de plus vers l’unité (et j’inclus bien évidemment dans ce processus les Eglises issues de la Réforme). L’Eglise grecque catholique ukrainienne longtemps vilipendée par les « orthodoxes » de Moscou est en réalité une chance pour l’avenir car elle dispose d’une triple identité : orthodoxe par sa foi (comprise dans tous les sens du terme), catholique par sa fidélité à l’évêque de Rome (comme ce fut le cas depuis le concile de Florence en 1439 à la différence des autres Eglises), et protestante par son avènement à l’âge de la Réforme (c’est-à-dire par sa résistance à toutes les injonctions de la rationalité sécularisée).

 

Je me suis réjouis que le président Youshenko en 2005-2010 ait été aussi attentif à cette question à la fois ecclésiologique et géo-politique. Il a échoué car il n’a pas cru à ce modèle post-national d’une Eglise dont le principe d’unité ne serait pas uniquement le territoire mais d’abord l’union du peuple de Dieu à son pasteur divino-humain.

 

 

- Il y a quelques années vous avez publié le livre « En attendant le concile de l’Eglise Orthodoxe». Vous l’avez fait traduire en ukrainien. Comment le livre fut-il accueilli en Ukraine ? Comptez-vous faire traduire en ukrainien le livre qui vient de paraître ?

 

Ce livre « En attendant le concile de l’Eglise Orthodoxe » est paru en 2011 en France aux éditions du Cerf. Il est déjà traduit en russe et en ukrainien. J’espère qu’il va être publié cette année aux éditions de l’Université catholique d’Ukraine à Lviv. C’est un livre qui consacre plus de 150 pages à la situation politique, spirituelle et religieuse de l’Ukraine. J’ai souhaité que ce livre soit lu en Ukraine et en Russie car d’une part j’ai énormément reçu de ces deux pays pendant les vingt années où j’y ai vécu successivement. Et d’autre part j’ai pris conscience que la plupart des freins au dynamisme de la vie ecclésiale en Ukraine reposent sur un manque de connaissance du travail réalisé dans le monde en philosophie, théologie, ecclésiologie, etc…

 

J’ajoute qu’il s’agit d’une série de conférences que j’ai données un peu partout dans le monde et que partout mes idées ont été en général très bien accueillies. L’une de ces idées est que l’Eglise Orthodoxe doit prendre conscience qu’elle a une responsabilité historique, et que cette responsabilité est méta-nationale. D’où mon insistance sur l’importance de cet horizon du concile œcuménique réunissant l’ensemble des Eglises Orthodoxes. Cet horizon doit se transformer en actualité si les Eglises ukrainiennes veulent avoir une chance de peser sur les destinées du monde. En proposant leur modèle d’Eglise locale en double communion l’Eglise de Kiev réconciliée pourrait bouleverser l’ordre du jour du concile et apporter une contribution définitive non seulement à l’ecclésiologie mais aussi à la science politique post-moderne. Il y a en effet un lien étroit entre les théories modernes de l’autocéphalie et de l’Etat-nation.

 

Il est heureux que l’Ukraine cherche à se constituer comme Etat-nation après tant d’années de déni de son identité plurielle par les grands empires qui la bordent. J’ai essayé moi-même de contribuer, lorsque je vivais à Kiev puis à Lviv, à faire comprendre la réalité de cette identité ukrainienne et européenne à mes compatriotes. Mais il est nécessaire qu’aujourd’hui les Ukrainiens se projettent un peu plus dans l’avenir. La globalisation ne permet plus aux nations de vivre repliées sur elles-mêmes. Et surtout les progrès du christianisme œcuménique et de la pensée contemporaine la plus authentique ont mis en valeur la notion de personne comme horizon de notre post-modernité. La personne est une notion hiérarchiquement supérieure à la notion de nation. D’un point de vue chrétien elle seule a été créée à l’image et à la ressemblance de Dieu. D’un point de vue humaniste elle seule est parvenue à vaincre l’oppression des Etats totalitaires. C’est au nom des droits de la personne que la révolution orange a pu résister en 2004 au système souverainiste, anti-personnaliste et anti-démocratique de Léonide Koutchma.

 

C’est pourquoi, sans vouloir donner en aucune manière de leçon – car je sais combien la France et l’Union européenne souffre d’une profonde crise morale -  les Ukrainiens doivent réaliser que le rejet par la population des principes éthiques et personnalistes de la démocratie risque réellement de leur faire perdre leur souveraineté. L’Ukraine est en effet un pays qui souffre d’une large corruption. De nombreux indicateurs sur la santé physique de la nation ukrainienne sont au rouge. L’exil des élites est également un danger pour l’avenir du pays.

D’un point de vue chrétien l’horizon d’une nation souveraine ne peut se limiter à elle-même, il doit nécessairement participer à l’établissement du royaume de Dieu sur la terre. C’est même cet aiguillon de vérité-justice, de pravda, qui représente le meilleur de ce que la culture ukrainienne a produit de Iaroslav le Sage à nos jours. A titre personnel je pense que cet horizon de justice devrait pousser les Ukrainiens à se mobiliser beaucoup plus pour la libération de tous les prisonniers politiques qui remplissent les geôles ukrainiennes, à commencer par Youlia Tymoshenko.

 

S’ils parvenaient les premiers à retrouver cette hiérarchie des valeurs qui pose la primauté de la dignité humaine, ils pourraient alors aider les démocraties occidentales à se sortir de leur profonde crise morale et spirituelle. Une crise dont les Ukrainiens n’ont pas à mon avis encore pris toute la mesure.

 

Propos recueillis par Valentyna Coldefy

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13 mars 2013 3 13 /03 /mars /2013 22:31

 L’Ambassade d’Ukraine

et

 le Ciné-club ukrainien

 

ont l’honneur de vous inviter à la projection du film

 

La Terre outragée

vostf

 

 de

Michale Boganim

 

le mardi 2 avril 2013 à 19h

 

suivie d’un débat en présence de la réalisatrice

-

La séance sera honorée par l’actrice

Olga Kourylenko

(sous réserve)

 

Espace culturel de l’Ambassade d’Ukraine

22, avenue de Messine, Paris 8ème

 

       

 la_terre_outragee.jpg

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10 mars 2013 7 10 /03 /mars /2013 21:48

nathalie-pasternak.jpgC ’est dans les salons de la Mairie du 6ème arrondissement de Paris et sous la présidence de M. Jean-Pierre Lecoq, maire de cet arrondissement prestigieux, que Nathalie Pasternak, présidence du Comité Représentatif de la Communauté Ukrainienne de France  s’est vue remettre les prix Anne de Kiev et Grégoire Orlyk 2013.

 

Dès son plus jeune âge, Nathalie Pasternak s'est investie avec passion dans la lutte pour la reconnaissance de la culture et des droits démocratiques du peuple ukrainien.  Dotée d'un double ancrage culturel, elle incarne, dans tous ses engagements associatifs, les valeurs humanistes et démocratiques qui unissent la France et l'Ukraine.  

 

En 2006, elle a été élue à la présidence du Comité Représentatif de la Communauté Ukrainienne de France. Elle n'a eu de cesse d'insuffler une nouvelle dynamique à cette instance qui soutient, fédère et coordonne les initiatives franco-ukrainiennes. D'innombrables projets humanitaires, culturels et artistiques ont pu se concrétiser grâce à son inlassable dévouement.

 

Pour voir la galérie des photos.

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10 mars 2013 7 10 /03 /mars /2013 21:34

Le bulletin de Mars 2013 de Perspectives Ukrainiennes est disponible sur la page Archive des bulletins de Perspectives Ukrainiennes

Au sommaire:


p. 1:  Editorial

p. 2: 5 questions à Jean-Pierre Lecoq, Maire du 6ème arrondissement de Paris

 

p. 3-4: Rencontre avec Antoine Arjakovky, auteur de l’ouvrage « Qu’est-ce que l’orthodoxie ? »

p. 5-6: Entretien avec Guillaume Arenas, directeur commercial et marketing France de de la compagnie Ukraine International Airlines

p. 7: L’Ukraine au Salon du Livre

p. 8-11: A l’affiche

p. 12: Actualité du livre

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5 mars 2013 2 05 /03 /mars /2013 22:06

26032013.jpg

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5 mars 2013 2 05 /03 /mars /2013 22:02

21032013b.jpg

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24 février 2013 7 24 /02 /février /2013 22:19

CINÉ-CLUB UKRAINIEN

ESPACE CULTUREL DE L’AMBASSADE D’UKRAINE

 

22, av. de Messine, M° Miromesnil. Tél. 01 43 59 03 53

Entrée libre.

 

Mardi 5 mars 2013, 19h.

 

L’ARC-EN-CIEL

(РАЙДУГА)

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d’après le roman éponyme de Wanda Wasilewska

 

 Affiche-l-Arc-en-ciel-img-35284.jpg                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  

Production : Studio de Kiev, 1943, 91 mn, nb,  restauré en 1966 au Studio Gorki 

Scénario : Wanda Wasilewska

Réalisation : Marc Donskoï

Photographie : Boris Monastyrskyi

Décors : Valentyna Khmelova

Musique : Lev Schwartz

Son : Alexandre Babiї

Interprétation : Natalia Oujviї, Nina Alissova, Olèna Tiapkina, Valentyna Ivachova, Anton Dounaїskyi, Mykola Braterskyi, Alik Letychevskyi, Hanna Lyssianska, Nina Li, Hans Klering, Vitia Vynohradov, Emma Perelchtein, Volodymyr Tchobour, Vova Ponomarev.

Genre : film de guerre

Récompenses : Prix Staline à Marc Donskoï, Prix d’État à Natalia Oujviї, Nina Alissova, 1943 ; Prix des critiques des USA (Prix pour l’exceptionnelle contribution à la compréhension universelle), 1944 ; Prix spécial du meilleur film antifasciste au Festival International de Karlovy Vary, 1970.

 

 

Synopsis

Pendant l’hiver 1941-42, dans le village de Nova Lebedivka, où ne survivent que des femmes, des enfants et des vieillards, la garnison allemande est constamment harcelée par les partisans. Revenue enfanter au village, l’agent de liaison Olèna Kostiouk est dénoncé par le staroste au commandant Kurt Werner. Celui-ci propose de laisser la vie sauve à son enfant en échange de renseignement sur les partisans, mais, devant son mutisme pendant l’interrogatoire, il tue le nouveau-né. Torturée, portant à demi-dévêtue son enfant martyr, elle est emmenée puis exécutée devant les villageois impuissants. Werner essaie en vain de se renseigner par l'intermédiaire de sa maîtresse Poussia auprès de sa sœur Olga. Bientôt, jaillit un arc-en-ciel annonçant, comme le veut l’ancienne croyance, un heureux présage. L’arrivée de l’Armée Rouge.

 

Photogramme-L-Arc-en-ciel-2.jpg  Natalia Oujviї dans le rôle d’Olèna Kostiouk

 

Opinion

Comme la plupart de ses collègues cinéastes, Marc Donskoï se retrouve en Asie pendant l’occupation allemande de l’Ukraine. En juin et en août 1941, les Studios de Kiev et d’Odessa sont déplacés respectivement à Achkhabad et à Tachkent, où s’organise dans des conditions climatiques souvent difficiles une production liée à l’effort de guerre. L’accusation de l’agression et de la barbarie nazies, l’incitation à la vengeance, deviennent les thèmes essentiels qui régissent le cinéma de guerre soviétique. La tragédie du peuple ukrainien sous le joug allemand trouve un exutoire dans la haine de l’ennemi, dans l’héroïsme aveugle et le dévouement pour la patrie. Réalisé par Donskoï, L’arc-en-ciel en est l’illustration la plus émouvante, où s’exprime toute la colère absente de ses deux films précédents. Jusque-là, dans sa retraite au Turkménistan, le réalisateur avait participé aux fameux ciné-recueils, sorte d’albums cinématographiques de guerre qui se composaient de deux à cinq courts métrages plus ou moins romancés sur les actes héroïques des partisans ou les exactions nazies. Le neuvième de ces recueils comportait trois films, dont Le Signal de Donskoï, l’histoire d’une femme qui incendie sa maison côtière pour indiquer le lieu de débarquement à une unité soviétique. Dans la foulée, Donskoï réalisa en 1942 Et l’Acier fut trempé, d’après le célèbre roman du même nom de Nicolas Ostrovski, puis, en 1943, L’Arc-en-ciel, sur un scénario de l’écrivaine et combattante polonaise de l’Armée Rouge Wanda Wasilewska, un sujet terrifiant sur la femme pendant l’occupation. À travers une étonnante analyse psychologique, Donskoï y réunit plusieurs types de femme, à commencer par le personnage d’Olèna dont le comportement héroïque a des effets pervers. Sa fibre maternelle, annihilée jusqu’à l’horrible sacrifice par le sadisme de l’officier allemand Werner, porte l’abominable calvaire à son comble. Chacun de ses gestes, chacune de ses paroles découlent d’un seul concept : probité et dévouement à la patrie. L’opérateur filme fréquemment ses yeux en gros plan. Ce sont les yeux de l’actrice Natalia Oujvij qui interprète ici l’un de ses plus grands rôles dans le cinéma ukrainien. Ils sont au centre de l’image, assez longtemps pour pénétrer le regard du spectateur et lui communiquer sa terreur. Maloutchykha (Hanna Lyssianska), une autre mater dolorosa, semble plus proche de millions de mères accablées et résignées devant la mort. Poussia (Nina Alissova), la maîtresse de Werner, abattue froidement par son mari, lieutenant dans l’Armée Rouge, est le personnage épisodique grotesque que Dovjenko décrit par ailleurs en ces termes : « À Belgorod, 80% des jeunes femmes épousent des Allemands. Nous les punirons pour cela. Nous fusillerons les traîtres et les bâtards que nous avons nous-mêmes engendrés. » Et, enfin, l’inévitable harangueuse de service, Féodossia la kolkhozienne (Olèna Tiapkina), dont le discours final sur la justice reste trop rhétorique pour une femme du peuple.

 

Photogramme-L-Arc-en-ciel-1.png Natalia Oujviї dans le rôle d’Olèna Kostiouk

 

 

Projeté dans les unités de combat, L’Arc-en-ciel provoque des meetings allant jusqu’à la prestation de serment d’anéantir l’ennemi, qui n’est plus la masse compacte et indisciplinée, caricaturée dans les ciné-recueils, mais un adversaire plus subtil. Hans Klering, l’acteur fétiche dans les rôles de fasciste des années 30, incarne avec brio l’archétype nordique usant de la torture psychologique. Émotionnel sur tous les plans, le film tient autant de la symbolique païenne que de l’analogie biblique : sacrifice piaculaire, miracle et délivrance.

Pour oublier qu’ils travaillent au Turkménistan sans hiver, Donskoï et ses comédiens eurent recours à la méthode Stanislavski. Les décors extérieurs furent habilement reconstitués, notamment la neige et la glace, obtenues avec du coton matelassé, des plumes, du sel, de la naphtaline et du verre. Le film sortit en janvier 1944, et le 20 octobre à Paris. Grand classique du cinéma de guerre, encore que contesté par certains pour son austérité et sa cruauté, le film connut une carrière internationale, notamment en Europe et aux USA, où il fut récompensé comme meilleur film étranger. De retour dans la capitale ukrainienne, Marc Donskoï réalisera en 1945 Les Indomptés, qui, avec Et l’acier fut trempé et L’Arc-en-ciel, formera une trilogie propre au cinéma de guerre.

 Lubomir Hosejko

 

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16 février 2013 6 16 /02 /février /2013 15:04

CINÉ-CLUB UKRAINIEN

ESPACE CULTUREL DE L’AMBASSADE D’UKRAINE

22, av. de Messine, M° Miromesnil. Tél. 01 43 59 03 53

Entrée libre.

 

Mardi 26 février 2013, 18h.00

 

DEUX JOURS

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Copie restaurée en 2012

                           Affiche-Deux-Jours.jpg                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         

Production : Voufkou, Studio d’Odessa, 1927, 60 mn, nb, muet puis sonorisé en 1932, vostf 

Scénario : Salomon Lazourine

Réalisation : Heorhiї Stabovyi

Photographie : Danylo Demoutskyi

Décors : Heinrich Beisenherz

Musique : Boris Latochynskyi

Interprétation : Ivan Zamytchkovskyi, Serge Minine, Valeriï Hakkebouch, Marie Taut-Korso

Genre : drame psychologique

 

Synopsis

Antoine, vieux concierge chargé de garder  la propriété abandonnée par ses maîtres, ne partage pas les idées politiques de son fils André. Dès le retour des Blancs, André est dénoncé par le fils du propriétaire, puis condamné à mort. Antoine décide alors de le venger en incendiant la propriété.

 

Opinion

Parmi les metteurs en scènes qui précédent la venue d’Alexandre Dovjenko, Heorhii Stabovyi se taille une place enviable dans le cinéma ukrainien. Journaliste de formation et dramaturge travaillant dans les théâtres de Kiev, de Kharkiv et d’Odessa, Stabovyi est engagé par la Voufkou en 1924, d’abord comme scénariste puis comme metteur en scène. Elève et collaborateur de Tchardynine, il signe son premier grand film sur un scénario de Salomon Lazourine, Deux jours, qui, avec Le Cocher de nuit de Heorhiї Tassine et Zvenyhora de Dovjenko, donnera au cinéma odessite ses prPhotogramme-Deux-jours.jpgemiers chefs-d’œuvre. Comme au studio de Yalta le scénario de Lazourine n’intéressait personne, ce n’est qu’au bout de six mois que la Voufkou en confia la réalisation au jeune débutant. Passionné par le sujet, Stabovyi réussit si bien dans son entreprise que l’interprétation des personnages, plutôt rares à cette époque, amène la critique à comparer l’acteur Ivan Zamytchkovskyi au grand acteur allemand Emil Jannings. Zamytchkovskyi, qui a connu dans sa vie une tragédie similaire, campe un vieux concierge, chargé de veiller sur la propriété de ses maîtres, investie par les bolcheviks sous la conduite de son fils. Thème favori de Stabovyi, la guerre civile n’est plus traitée ici à la manière des agitfilms, complaisantes chroniques  théâtralisées toujours en vogue à cette époque. L’action se déroule en 48 heures avec une efficacité dramaturgique sans affectation ni artifice idéologique, dans l’intimité des caractères et leur transformation. Le réalisateur se focalise sur la fracture psychologique qui s’opère dans l’âme et la conscience du héros. L’opérateur Danylo Demoutskyi, qui venait de signer la photographie des deux premiers opus de Dovjenko, Vassia le réformateur  et  Petit fruit de l’amour, travaille avec des optiques douces, maîtrisant le clair-obscur dans toute la profondeur du champ. Les intertitres sont courts, le montage limpide. Dès sa sortie en Ukraine,  le film fut commercialisé en Occident, et fut le premier film ukrainien à être montré aux USA. En 1932, ce film, qui portait aussi un autre titre (Un père et son fils), fut sonorisé et accompagné d’une musique symphonique de Boris Latochynskyi. Il est l’un des tous premiers à comporter quelques éléments de bruitage et de chants.

Lubomir Hosejko

 

LE MIRABEAU

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Copie restaurée en 2012

 

Production: Ukraїnfilm, 1930, 55 mn, nb, muet, vostf

Scénario : Anton Agalarov, Arnold Kordioum, Kostiantyn Matiach

Réalisation : Arnold Kordioum

Photographie : Joseph Rona, Youriї Tamarskyi, Alexandre Pankratiev

Décors : Volodymyr Kaplounovskyi.

Inteprétation :Lidia Ostrovska, Serge Minine, L. Negri, Petro Massokha, Volodymyr Sokyrko, Volodymyr Lissovskyi, Arnold Kordioum, Dmytro Loubtchenko, N. Reimers, M. Mykhaїlov, K. Stepanov, R. Orlov

Genre : drame historico-révolutionnaire

 

Affiche-Le-Mirabeau.jpg

    Affiche originale

 

                           

 

 

Synopsis

Venue soutenir la contre-révolution en Ukraine, la marine française impose le blocus du port d’Odessa. Mais la fraternisation des rouges avec les marins du cuirassé Mirabeau va empêcher le massacre des ouvriers et des paysans par les forces interventionnistes et oblige ces dernières à lever le blocus. Lancés sur leurs tatchankas, les détachements de la Première Division de la Steppe foncent vers la ville.

 

Opinion

D’abord responsable du Parti aux Studios de Yalta et d’Odessa, Arnold Kordioum réussit à s’imposer en tant que metteur en scène dès 1926 avec des films à thème internationaliste, notamment Le Mirabeau qui connaîtra un remake en 1966 avec L’Escadre appareille vers l’Ouest de Myron Bilinskyi et Mykola Vinhranovskyi. Ce drame historico-révolutionnaire, consacré à l’intervention des forces de l’Entente pendant la Guerre civile en Ukraine, fut l’un des tout premiers films, où l’image de la France apparaît dans la production cinématographique ukrainienne.

Photogramme-Le-Mirabeau.jpg

Au début du mois d’avril 1918, les troupes sous l’autorité de l’hetman Pavlo Skoropadskyi envahirent la Crimée au grand soulagement d’une partie de la population, qui voyait ainsi un semblant d’ordre revenir. Mais le 13 novembre, quelques jours après l’armistice du 11 novembre 1918, une flotte franco-anglaise composée notamment de cinq cuirassés français, franchit les Dardanelles, afin de défendre les intérêts des Alliés et chasser les unités allemandes qui occupaient le territoire de l’Ukraine suite à la Paix de Brest-Litovsk. Sous le commandement du vice-amiral Dejay, l’escadre française se présenta devant Odessa avec les cuirassés Mirabeau et Justice. Le 17, le Général Borius débarqua des troupes et installa le général russe Grichine-Almazov comme gouverneur de la ville, après avoir chassé les derniers contingents ukrainiens et allemands. Après une occupation relativement calme, la ville fut reprise par les troupes de l’ataman Grigoriev en avril 1919.

La notion de solidarité internationaliste étant un trait caractéristique du cinéma soviétique, Arnold Kordioum exploite un argument non fallacieux : grâce à la propagande bolchevique, les marins français refusent de tirer sur les ouvriers. Comme les matelots du cuirassé Potemkine, ils n’obéissent pas à leurs officiers et hissent sur le mât du croiseur Mirabeau le drapeau rouge. Cependant, il semble bien que, dans la réalité, ces mutineries n’avaient rien de spontané mais, bien au contraire, qu’elles avaient été préparées par différents mouvements politiques et syndicaux. Une centaine de mutins furent condamnés dont plusieurs à des peines de détention. En juillet 1922, une amnistie générale libéra l’ensemble des mutins de la Mer Noire, sauf André Marty qui le sera en 1924. Il y a, à vrai dire,  un véritable absent dans ce film : le personnage de Jeanne Labourbe, une communiste française vivant à Odessa qui tenta de rallier à la cause des soviets les soldats occidentaux et qui fut faite prisonnière par les blancs puis passée par les armes. Elle est relayée par une ouvrière bolchevique œuvrant dans la clandestinité. Un timide face-à-face entre les forces belligérantes se résume à de gros plans de gueule de canons obturés ou de baïonnettes pointées vers un ennemi lointain. Malgré l’excellente interprétation de Lidia Ostrovska, la clandestine, de Serge Minine, le chef de l’organisation bolchevique, et quelques scènes de masse bien réglées, l’intensité dramatique du sujet ne parvint pas à pallier une ligne conductrice quelque peu étriquée. Ayant appris le métier sur le tas, Kordioum avait une fâcheuse tendance au mimétisme. Dans Le Mirabeau, l’influence du Cuirassé Potemkine d’Eisenstein paraît on ne peut plus saisissante, et la dramaturgie moins pathétique.

 

Lubomir Hosejko

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