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13 mars 2013 3 13 /03 /mars /2013 22:37

aarjakovsky_questcequelorthodoxie.jpgPermettez-vous de reprendre votre propre question "Qu’est-ce que l’Orthodoxie" ?  

 

Il y a plusieurs façons de répondre à cette question. Si Orthodoxie porte un O majuscule, on désigne le plus souvent une réalité ecclésiale. Mais précisément les historiens hésitent de plus en plus à identifier cette Orthodoxie à l’Eglise Orthodoxe comprise au sens confessionnel du terme. C’est ce dont témoignent aussi de nombreux auteurs du XXe siècle comme le père Serge Boulgakov par exemple qui dans son livre L’Orthodoxie en 1932 commence par les phrases suivantes : « L’Orthodoxie est l’Eglise du Christ sur la terre. L’Eglise du Christ n’est pas une institution, elle est la vie nouvelle, avec et dans le Christ, mue par le Saint Esprit. »

 

En effet les théologiens du XXe siècle ont constaté qu’il était très difficile d’assigner des frontières à l’Eglise du Christ. Comment le faire quand le Christ Lui-même assure à ses disciples que lorsque deux ou trois seront réunis en son nom Il sera au milieu d’eux ? (Mathieu 18, 15-20) Selon cette définition une simple famille qui invoque le Christ forme l’Eglise. On est loin ici d’une définition classique de l’Eglise.

 

Il y avait donc matière à tirer tous les enseignements de cette prise de conscience fondamentale qui a grandi tout au long du XXe siècle chez de nombreux chrétiens. Il fallait en particulier concevoir un récit post-confessionnel de l’Eglise. Très sincèrement j’ai le sentiment que, au moins du point de vue des chrétiens orthodoxes, mon livre « Qu’est-ce que l’orthodoxie ? » (Paris, Gallimard, 2013) représente un premier essai de rédaction d’une telle histoire.

 

Pour ce faire il a fallu tirer les enseignements de cette profonde évolution de l’ecclésiologie (elle-même certainement influencée par le mouvement des grandes migrations du XXe siècle et également par le désir de sortir d’une idéologie moderne mortifère) au plan des relations entre la « foi » et la « raison ». Jusqu’il y a peu, dans les milieux sécularisés, on considérait que l’orthodoxie avec un o minuscule n’avait pas grand-chose à voir avec l’Orthodoxie avec un O majuscule. On disait par exemple de telle opinion qu’elle était « peu orthodoxe » pour désigner d’une façon générale une pensée déviante par rapport à une règle. Qu’il s’agisse de la cuisine nouvelle ou des thèses d’Amartya Sen sur l’indice du PIB on avait à faire à l’hétérodoxie.

 

La raison de cette semoule sémantique est qu’au XVIe siècle s’est produite une fracture profonde entre la « foi » et la « raison ». On pourrait même dire que cette fracture eut lieu dans certains esprits dès le IVe siècle. Mais elle est devenue dominante ou paradigmatique à partir des nouveaux récits d’histoire de l’Eglise qui apparurent avec la Réforme et la Contre Réforme. L’explosion de la communion d’amour qui existait entre les chrétiens a entraîné avec elle l’intelligence de l’orthodoxie comme vérité droite, comme structure intelligible capable de penser ensemble la vérité de la révélation, l’identité commune, la morale personnelle et l’horizon du royaume. A partir de Flavius Illyricus, César Baronius et Dosithée de Jérusalem l’orthodoxie n’est plus comprise que comme la mémoire fidèle à une norme. Ce n’est pas la première fois dans l’histoire qu’une telle évolution du sens de l’orthodoxie se produit. Lors des quatre premiers siècles du christianisme en effet être orthodoxe signifiait avant tout louer Jésus Christ comme puissance et sagesse de Dieu. Pierre le dit dans sa première épître : « Mais vous, vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, pour proclamer les louanges de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière… » (Pierre 2,9)

 

Aujourd’hui cependant l’étude approfondie des nouvelles histoires de l’Eglise montre qu’un nouveau sens de l’orthodoxie émerge, celui de la connaissance juste. L’orthodoxie signifie de moins en moins une appartenance à une institution ou à une chapelle mais de plus en plus la capacité à faire ce que l’on dit et à dire ce que l’on fait. Cela signifie également que disparaît actuellement aussi la conception séculière de l’orthodoxie comme concept neutre détaché de tout contenu et signifiant simplement l’adéquation à une norme. On comprend mieux que la norme ne peut être une réalité stable s’il n’y a plus de référent symbolique à l’ensemble des normes. Ainsi par exemple que signifie être un libéral orthodoxe lorsqu’on étudie l’évolution du libéralisme depuis la révolution française. Quel est l’étalon du libéralisme ? Et comment justifier la disparition du référent transcendant au libéralisme après Tocqueville ?

 

- Si une personne vit selon ces 4 principes, est-elle orthodoxe quelle que soit sa religion ?

 

Si l’on entend l’orthodoxie comme indice de la qualité de la foi religieuse, alors comme je vous le disais de plus en plus on se réfèrera à l’authenticité du style de vie pour désigner quelqu’un d’orthodoxe ou non. Mais vous avez raison d’insister sur le fait que la pensée doxique repose sur une structure plus complexe, à savoir sur une capacité personnelle et donc communautaire à tenir ensemble la juste glorification, la mémoire fidèle, la vérité droite et la connaissance juste. Les grandes religions sont souvent partagées par des courants divergents. Pour retrouver leur unité et leur cohérence elles devront retrouver cette structure universelle de l’intelligence spirituelle. La réconciliation entre sunnites et shiites par exemple ne repose pas uniquement sur un travail historique portant sur la mémoire originelle de l’islam.

 

J’attire votre attention sur le fait que le christianisme ne se comprend pas comme une « religion » à proprement parler. Jésus Christ a répondu à la Samaritaine (Jean 4) que l’adoration de Dieu ne peut se réaliser qu’en esprit et en vérité. Cela signifie que le christianisme transcende les religions. Il les transforme toutes de l’intérieur. Il pose que la juste glorification, la mémoire fidèle, la vérité droite et la connaissance juste sont indissociables de la révélation du Christ comme vrai Dieu et vrai homme, et de Dieu comme Père, Fils et Saint Esprit. Il s’agit d’une ekklesia catholica, d’une communauté vivant selon le tout trinitaire, ouverte donc à tout le genre humain.

 

La pensée doxique est donc bien différente de la pensée scientifique qui conceptualise en fonction de critères pré-déterminés comme le contenu doctrinal et la vérification homothétique de l’expérience. La pensée épistémique fait jaillir la vérité par le travail d’objectivation à l’égard de tous les a priori, de détachement du monde de l’intelligence, et d’universalisation des données de sa propre expérience par la conceptualisation abstraite d’un phénomène. La pensée doxique a longtemps été ignorée voire méprisée par la philosophie et par la théologie académique en raison de son manque de permanence, de sa dépendance à l’égard de la pensée d’autrui, de sa trop grande proximité avec la mythologie. Elle requiert en effet une ouverture à ce qui dépasse notre entendement et puise dans toute forme de symbolisme. Elle s’appuie sur l’amitié comme source de l’intelligence. Elle n’est donc pas immédiate et saisissable de façon individuelle. Elle comprend l’amour de la sagesse comme un cheminement unissant la vérité et la vie.

 

La foi est la synthèse entre la pensée épistémique et la pensée doxique. En effet dans la lettre aux Hébreux Paul la définit à la fois comme « la garantie des biens que l’on espère » et « la preuve des réalités qu’on ne voit pas ».

 

 

- Nous avons l’habitude d’utiliser le mot « orthodoxie » pour désigner une religion. Vous nous le présentez sous un nouveau sens. Ça pourrait porter à confusion ? Pourquoi ne pas « inventer » un autre mot?

 

D’abord il faut rappeler que ce phénomène de désigner une « religion » par le qualificatif « d’orthodoxe » est récente. Elle ne date que du XVIe siècle. Et jusqu’au milieu du XXe siècle elle n’était pas acquise. En effet les « orthodoxes » ont continué à désigner leur Eglise comme « catholique » jusqu’à aujourd’hui (cf la traduction en français par « catholique » du terme slavon « sobornaja », qui fut lui-même une traduction du terme grec « katholica »).

 

Pierre Mohyla en Ukraine au XVIIe siècle a écrit une Confession de foi à destination des « orthodoxes-catholiques ».

 

La vraie confusion consistait en réalité à attribuer l’orthodoxie à une seule famille d’Eglises au nom d’une identification des frontières de l’Eglise avec l’intelligence de la foi. Il est heureux que cette période, théorisée par Vladimir Lossky, prenne fin. C’est je crois l’un des apports principaux de mon livre d’aider à prendre conscience.

 

Et au contraire je crois que le temps est venu pour les Eglises orthodoxes d’expliquer pourquoi elles pensent avoir le monopole de la vérité. D’un point de vue chrétien « orthodoxe » les « catholiques » ont peut être tort de penser que le pape est « infaillible ». Mais les « orthodoxes » ont également tort de ne pas être en mesure de se réunir en concile depuis plusieurs siècles ! Il y a tellement de sujets qui mériteraient de recevoir un éclairage conciliaire puisque telle est la gnoséologie chrétienne « orthodoxe ». Mais depuis au moins 3 siècles pas une parole de vérité commune n’a pu jaillir des Eglises orthodoxes sur la question du calendrier commun ou sur celle des totalitarismes… Il faut admettre ce fait avant de prétendre au monopole de la vérité.

 

J’ajoute que ce travail de redécouverte de l’orthodoxie de la foi comme synthèse de la doxa et de l’épistémè ne concerne pas uniquement les différentes chapelles du christianisme. Il concerne également les pensées dites agnostiques et modernes qui se pensent émancipées des choses en soi par le simple fait qu’elles aient cessé avec Kant de vouloir connaître celles-ci. Il suffit d’un minimum d’honnêteté intellectuelle pour le reconnaître. C’est le mérite d’un philosophe chrétien orthodoxe de tradition slave Vladimir Soloviev de l’avoir montré le premier. Nicolas Berdiaev, qui est né à Kiev comme vous le savez a réalisé le même travail à l’égard de la philosophie existentielle de son temps. Y aura-t-il un penseur contemporain capable d’aider les Ukrainiens d’aujourd’hui à se défaire de leurs fausses certitudes ?

 

 

 

- L’orthodoxie dans ce nouveau sens se rapproche de l’œcuménisme. En quoi l’œcuménisme est important et particulièrement dans le contexte ukrainien?

 

Oui cette redéfinition sémantique participe à la redécouverte que les frontières de l’Eglise du Christ sont infiniment plus larges que les frontières institutionnelles des Eglises dites catholiques, orthodoxes ou protestantes.

 

Le mouvement œcuménique est important pour le monde car il actualise les dernières paroles du Christ avant son arrestation : « Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée pour qu’ils soient un comme nous sommes un » (Jn 17, 22). Ce mouvement historique inter-ecclésial correspond donc à la réalité d’un échange de gloire permanent entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint comme l’atteste ce verset. Il a une particulière importance en Ukraine. Car l’Ukraine est sortie profondément blessée par sa douloureuse histoire à l’époque moderne. La guérison de ses blessures intra-ecclésiales lui permettra de guérir de ses blessures identitaires et linguistiques.

 

Je suis également convaincu que si les chrétiens ukrainiens parvenaient à actualiser leur « idée historique » de « l’Eglise de Kyiv » théorisée par de grandes figures telles que le métropolite Mohyla ou au XXe siècle le métropolite Sheptytsky, à savoir une Eglise en triple communion avec Rome, Moscou et Constantinople, elle permettrait à l’ensemble du monde chrétien à faire un pas de plus vers l’unité (et j’inclus bien évidemment dans ce processus les Eglises issues de la Réforme). L’Eglise grecque catholique ukrainienne longtemps vilipendée par les « orthodoxes » de Moscou est en réalité une chance pour l’avenir car elle dispose d’une triple identité : orthodoxe par sa foi (comprise dans tous les sens du terme), catholique par sa fidélité à l’évêque de Rome (comme ce fut le cas depuis le concile de Florence en 1439 à la différence des autres Eglises), et protestante par son avènement à l’âge de la Réforme (c’est-à-dire par sa résistance à toutes les injonctions de la rationalité sécularisée).

 

Je me suis réjouis que le président Youshenko en 2005-2010 ait été aussi attentif à cette question à la fois ecclésiologique et géo-politique. Il a échoué car il n’a pas cru à ce modèle post-national d’une Eglise dont le principe d’unité ne serait pas uniquement le territoire mais d’abord l’union du peuple de Dieu à son pasteur divino-humain.

 

 

- Il y a quelques années vous avez publié le livre « En attendant le concile de l’Eglise Orthodoxe». Vous l’avez fait traduire en ukrainien. Comment le livre fut-il accueilli en Ukraine ? Comptez-vous faire traduire en ukrainien le livre qui vient de paraître ?

 

Ce livre « En attendant le concile de l’Eglise Orthodoxe » est paru en 2011 en France aux éditions du Cerf. Il est déjà traduit en russe et en ukrainien. J’espère qu’il va être publié cette année aux éditions de l’Université catholique d’Ukraine à Lviv. C’est un livre qui consacre plus de 150 pages à la situation politique, spirituelle et religieuse de l’Ukraine. J’ai souhaité que ce livre soit lu en Ukraine et en Russie car d’une part j’ai énormément reçu de ces deux pays pendant les vingt années où j’y ai vécu successivement. Et d’autre part j’ai pris conscience que la plupart des freins au dynamisme de la vie ecclésiale en Ukraine reposent sur un manque de connaissance du travail réalisé dans le monde en philosophie, théologie, ecclésiologie, etc…

 

J’ajoute qu’il s’agit d’une série de conférences que j’ai données un peu partout dans le monde et que partout mes idées ont été en général très bien accueillies. L’une de ces idées est que l’Eglise Orthodoxe doit prendre conscience qu’elle a une responsabilité historique, et que cette responsabilité est méta-nationale. D’où mon insistance sur l’importance de cet horizon du concile œcuménique réunissant l’ensemble des Eglises Orthodoxes. Cet horizon doit se transformer en actualité si les Eglises ukrainiennes veulent avoir une chance de peser sur les destinées du monde. En proposant leur modèle d’Eglise locale en double communion l’Eglise de Kiev réconciliée pourrait bouleverser l’ordre du jour du concile et apporter une contribution définitive non seulement à l’ecclésiologie mais aussi à la science politique post-moderne. Il y a en effet un lien étroit entre les théories modernes de l’autocéphalie et de l’Etat-nation.

 

Il est heureux que l’Ukraine cherche à se constituer comme Etat-nation après tant d’années de déni de son identité plurielle par les grands empires qui la bordent. J’ai essayé moi-même de contribuer, lorsque je vivais à Kiev puis à Lviv, à faire comprendre la réalité de cette identité ukrainienne et européenne à mes compatriotes. Mais il est nécessaire qu’aujourd’hui les Ukrainiens se projettent un peu plus dans l’avenir. La globalisation ne permet plus aux nations de vivre repliées sur elles-mêmes. Et surtout les progrès du christianisme œcuménique et de la pensée contemporaine la plus authentique ont mis en valeur la notion de personne comme horizon de notre post-modernité. La personne est une notion hiérarchiquement supérieure à la notion de nation. D’un point de vue chrétien elle seule a été créée à l’image et à la ressemblance de Dieu. D’un point de vue humaniste elle seule est parvenue à vaincre l’oppression des Etats totalitaires. C’est au nom des droits de la personne que la révolution orange a pu résister en 2004 au système souverainiste, anti-personnaliste et anti-démocratique de Léonide Koutchma.

 

C’est pourquoi, sans vouloir donner en aucune manière de leçon – car je sais combien la France et l’Union européenne souffre d’une profonde crise morale -  les Ukrainiens doivent réaliser que le rejet par la population des principes éthiques et personnalistes de la démocratie risque réellement de leur faire perdre leur souveraineté. L’Ukraine est en effet un pays qui souffre d’une large corruption. De nombreux indicateurs sur la santé physique de la nation ukrainienne sont au rouge. L’exil des élites est également un danger pour l’avenir du pays.

D’un point de vue chrétien l’horizon d’une nation souveraine ne peut se limiter à elle-même, il doit nécessairement participer à l’établissement du royaume de Dieu sur la terre. C’est même cet aiguillon de vérité-justice, de pravda, qui représente le meilleur de ce que la culture ukrainienne a produit de Iaroslav le Sage à nos jours. A titre personnel je pense que cet horizon de justice devrait pousser les Ukrainiens à se mobiliser beaucoup plus pour la libération de tous les prisonniers politiques qui remplissent les geôles ukrainiennes, à commencer par Youlia Tymoshenko.

 

S’ils parvenaient les premiers à retrouver cette hiérarchie des valeurs qui pose la primauté de la dignité humaine, ils pourraient alors aider les démocraties occidentales à se sortir de leur profonde crise morale et spirituelle. Une crise dont les Ukrainiens n’ont pas à mon avis encore pris toute la mesure.

 

Propos recueillis par Valentyna Coldefy

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13 mars 2013 3 13 /03 /mars /2013 22:31

 L’Ambassade d’Ukraine

et

 le Ciné-club ukrainien

 

ont l’honneur de vous inviter à la projection du film

 

La Terre outragée

vostf

 

 de

Michale Boganim

 

le mardi 2 avril 2013 à 19h

 

suivie d’un débat en présence de la réalisatrice

-

La séance sera honorée par l’actrice

Olga Kourylenko

(sous réserve)

 

Espace culturel de l’Ambassade d’Ukraine

22, avenue de Messine, Paris 8ème

 

       

 la_terre_outragee.jpg

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10 mars 2013 7 10 /03 /mars /2013 21:48

nathalie-pasternak.jpgC ’est dans les salons de la Mairie du 6ème arrondissement de Paris et sous la présidence de M. Jean-Pierre Lecoq, maire de cet arrondissement prestigieux, que Nathalie Pasternak, présidence du Comité Représentatif de la Communauté Ukrainienne de France  s’est vue remettre les prix Anne de Kiev et Grégoire Orlyk 2013.

 

Dès son plus jeune âge, Nathalie Pasternak s'est investie avec passion dans la lutte pour la reconnaissance de la culture et des droits démocratiques du peuple ukrainien.  Dotée d'un double ancrage culturel, elle incarne, dans tous ses engagements associatifs, les valeurs humanistes et démocratiques qui unissent la France et l'Ukraine.  

 

En 2006, elle a été élue à la présidence du Comité Représentatif de la Communauté Ukrainienne de France. Elle n'a eu de cesse d'insuffler une nouvelle dynamique à cette instance qui soutient, fédère et coordonne les initiatives franco-ukrainiennes. D'innombrables projets humanitaires, culturels et artistiques ont pu se concrétiser grâce à son inlassable dévouement.

 

Pour voir la galérie des photos.

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10 mars 2013 7 10 /03 /mars /2013 21:34

Le bulletin de Mars 2013 de Perspectives Ukrainiennes est disponible sur la page Archive des bulletins de Perspectives Ukrainiennes

Au sommaire:


p. 1:  Editorial

p. 2: 5 questions à Jean-Pierre Lecoq, Maire du 6ème arrondissement de Paris

 

p. 3-4: Rencontre avec Antoine Arjakovky, auteur de l’ouvrage « Qu’est-ce que l’orthodoxie ? »

p. 5-6: Entretien avec Guillaume Arenas, directeur commercial et marketing France de de la compagnie Ukraine International Airlines

p. 7: L’Ukraine au Salon du Livre

p. 8-11: A l’affiche

p. 12: Actualité du livre

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5 mars 2013 2 05 /03 /mars /2013 22:06

26032013.jpg

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5 mars 2013 2 05 /03 /mars /2013 22:02

21032013b.jpg

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24 février 2013 7 24 /02 /février /2013 22:19

CINÉ-CLUB UKRAINIEN

ESPACE CULTUREL DE L’AMBASSADE D’UKRAINE

 

22, av. de Messine, M° Miromesnil. Tél. 01 43 59 03 53

Entrée libre.

 

Mardi 5 mars 2013, 19h.

 

L’ARC-EN-CIEL

(РАЙДУГА)

vostf

 

d’après le roman éponyme de Wanda Wasilewska

 

 Affiche-l-Arc-en-ciel-img-35284.jpg                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  

Production : Studio de Kiev, 1943, 91 mn, nb,  restauré en 1966 au Studio Gorki 

Scénario : Wanda Wasilewska

Réalisation : Marc Donskoï

Photographie : Boris Monastyrskyi

Décors : Valentyna Khmelova

Musique : Lev Schwartz

Son : Alexandre Babiї

Interprétation : Natalia Oujviї, Nina Alissova, Olèna Tiapkina, Valentyna Ivachova, Anton Dounaїskyi, Mykola Braterskyi, Alik Letychevskyi, Hanna Lyssianska, Nina Li, Hans Klering, Vitia Vynohradov, Emma Perelchtein, Volodymyr Tchobour, Vova Ponomarev.

Genre : film de guerre

Récompenses : Prix Staline à Marc Donskoï, Prix d’État à Natalia Oujviї, Nina Alissova, 1943 ; Prix des critiques des USA (Prix pour l’exceptionnelle contribution à la compréhension universelle), 1944 ; Prix spécial du meilleur film antifasciste au Festival International de Karlovy Vary, 1970.

 

 

Synopsis

Pendant l’hiver 1941-42, dans le village de Nova Lebedivka, où ne survivent que des femmes, des enfants et des vieillards, la garnison allemande est constamment harcelée par les partisans. Revenue enfanter au village, l’agent de liaison Olèna Kostiouk est dénoncé par le staroste au commandant Kurt Werner. Celui-ci propose de laisser la vie sauve à son enfant en échange de renseignement sur les partisans, mais, devant son mutisme pendant l’interrogatoire, il tue le nouveau-né. Torturée, portant à demi-dévêtue son enfant martyr, elle est emmenée puis exécutée devant les villageois impuissants. Werner essaie en vain de se renseigner par l'intermédiaire de sa maîtresse Poussia auprès de sa sœur Olga. Bientôt, jaillit un arc-en-ciel annonçant, comme le veut l’ancienne croyance, un heureux présage. L’arrivée de l’Armée Rouge.

 

Photogramme-L-Arc-en-ciel-2.jpg  Natalia Oujviї dans le rôle d’Olèna Kostiouk

 

Opinion

Comme la plupart de ses collègues cinéastes, Marc Donskoï se retrouve en Asie pendant l’occupation allemande de l’Ukraine. En juin et en août 1941, les Studios de Kiev et d’Odessa sont déplacés respectivement à Achkhabad et à Tachkent, où s’organise dans des conditions climatiques souvent difficiles une production liée à l’effort de guerre. L’accusation de l’agression et de la barbarie nazies, l’incitation à la vengeance, deviennent les thèmes essentiels qui régissent le cinéma de guerre soviétique. La tragédie du peuple ukrainien sous le joug allemand trouve un exutoire dans la haine de l’ennemi, dans l’héroïsme aveugle et le dévouement pour la patrie. Réalisé par Donskoï, L’arc-en-ciel en est l’illustration la plus émouvante, où s’exprime toute la colère absente de ses deux films précédents. Jusque-là, dans sa retraite au Turkménistan, le réalisateur avait participé aux fameux ciné-recueils, sorte d’albums cinématographiques de guerre qui se composaient de deux à cinq courts métrages plus ou moins romancés sur les actes héroïques des partisans ou les exactions nazies. Le neuvième de ces recueils comportait trois films, dont Le Signal de Donskoï, l’histoire d’une femme qui incendie sa maison côtière pour indiquer le lieu de débarquement à une unité soviétique. Dans la foulée, Donskoï réalisa en 1942 Et l’Acier fut trempé, d’après le célèbre roman du même nom de Nicolas Ostrovski, puis, en 1943, L’Arc-en-ciel, sur un scénario de l’écrivaine et combattante polonaise de l’Armée Rouge Wanda Wasilewska, un sujet terrifiant sur la femme pendant l’occupation. À travers une étonnante analyse psychologique, Donskoï y réunit plusieurs types de femme, à commencer par le personnage d’Olèna dont le comportement héroïque a des effets pervers. Sa fibre maternelle, annihilée jusqu’à l’horrible sacrifice par le sadisme de l’officier allemand Werner, porte l’abominable calvaire à son comble. Chacun de ses gestes, chacune de ses paroles découlent d’un seul concept : probité et dévouement à la patrie. L’opérateur filme fréquemment ses yeux en gros plan. Ce sont les yeux de l’actrice Natalia Oujvij qui interprète ici l’un de ses plus grands rôles dans le cinéma ukrainien. Ils sont au centre de l’image, assez longtemps pour pénétrer le regard du spectateur et lui communiquer sa terreur. Maloutchykha (Hanna Lyssianska), une autre mater dolorosa, semble plus proche de millions de mères accablées et résignées devant la mort. Poussia (Nina Alissova), la maîtresse de Werner, abattue froidement par son mari, lieutenant dans l’Armée Rouge, est le personnage épisodique grotesque que Dovjenko décrit par ailleurs en ces termes : « À Belgorod, 80% des jeunes femmes épousent des Allemands. Nous les punirons pour cela. Nous fusillerons les traîtres et les bâtards que nous avons nous-mêmes engendrés. » Et, enfin, l’inévitable harangueuse de service, Féodossia la kolkhozienne (Olèna Tiapkina), dont le discours final sur la justice reste trop rhétorique pour une femme du peuple.

 

Photogramme-L-Arc-en-ciel-1.png Natalia Oujviї dans le rôle d’Olèna Kostiouk

 

 

Projeté dans les unités de combat, L’Arc-en-ciel provoque des meetings allant jusqu’à la prestation de serment d’anéantir l’ennemi, qui n’est plus la masse compacte et indisciplinée, caricaturée dans les ciné-recueils, mais un adversaire plus subtil. Hans Klering, l’acteur fétiche dans les rôles de fasciste des années 30, incarne avec brio l’archétype nordique usant de la torture psychologique. Émotionnel sur tous les plans, le film tient autant de la symbolique païenne que de l’analogie biblique : sacrifice piaculaire, miracle et délivrance.

Pour oublier qu’ils travaillent au Turkménistan sans hiver, Donskoï et ses comédiens eurent recours à la méthode Stanislavski. Les décors extérieurs furent habilement reconstitués, notamment la neige et la glace, obtenues avec du coton matelassé, des plumes, du sel, de la naphtaline et du verre. Le film sortit en janvier 1944, et le 20 octobre à Paris. Grand classique du cinéma de guerre, encore que contesté par certains pour son austérité et sa cruauté, le film connut une carrière internationale, notamment en Europe et aux USA, où il fut récompensé comme meilleur film étranger. De retour dans la capitale ukrainienne, Marc Donskoï réalisera en 1945 Les Indomptés, qui, avec Et l’acier fut trempé et L’Arc-en-ciel, formera une trilogie propre au cinéma de guerre.

 Lubomir Hosejko

 

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16 février 2013 6 16 /02 /février /2013 15:04

CINÉ-CLUB UKRAINIEN

ESPACE CULTUREL DE L’AMBASSADE D’UKRAINE

22, av. de Messine, M° Miromesnil. Tél. 01 43 59 03 53

Entrée libre.

 

Mardi 26 février 2013, 18h.00

 

DEUX JOURS

vostf

Copie restaurée en 2012

                           Affiche-Deux-Jours.jpg                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         

Production : Voufkou, Studio d’Odessa, 1927, 60 mn, nb, muet puis sonorisé en 1932, vostf 

Scénario : Salomon Lazourine

Réalisation : Heorhiї Stabovyi

Photographie : Danylo Demoutskyi

Décors : Heinrich Beisenherz

Musique : Boris Latochynskyi

Interprétation : Ivan Zamytchkovskyi, Serge Minine, Valeriï Hakkebouch, Marie Taut-Korso

Genre : drame psychologique

 

Synopsis

Antoine, vieux concierge chargé de garder  la propriété abandonnée par ses maîtres, ne partage pas les idées politiques de son fils André. Dès le retour des Blancs, André est dénoncé par le fils du propriétaire, puis condamné à mort. Antoine décide alors de le venger en incendiant la propriété.

 

Opinion

Parmi les metteurs en scènes qui précédent la venue d’Alexandre Dovjenko, Heorhii Stabovyi se taille une place enviable dans le cinéma ukrainien. Journaliste de formation et dramaturge travaillant dans les théâtres de Kiev, de Kharkiv et d’Odessa, Stabovyi est engagé par la Voufkou en 1924, d’abord comme scénariste puis comme metteur en scène. Elève et collaborateur de Tchardynine, il signe son premier grand film sur un scénario de Salomon Lazourine, Deux jours, qui, avec Le Cocher de nuit de Heorhiї Tassine et Zvenyhora de Dovjenko, donnera au cinéma odessite ses prPhotogramme-Deux-jours.jpgemiers chefs-d’œuvre. Comme au studio de Yalta le scénario de Lazourine n’intéressait personne, ce n’est qu’au bout de six mois que la Voufkou en confia la réalisation au jeune débutant. Passionné par le sujet, Stabovyi réussit si bien dans son entreprise que l’interprétation des personnages, plutôt rares à cette époque, amène la critique à comparer l’acteur Ivan Zamytchkovskyi au grand acteur allemand Emil Jannings. Zamytchkovskyi, qui a connu dans sa vie une tragédie similaire, campe un vieux concierge, chargé de veiller sur la propriété de ses maîtres, investie par les bolcheviks sous la conduite de son fils. Thème favori de Stabovyi, la guerre civile n’est plus traitée ici à la manière des agitfilms, complaisantes chroniques  théâtralisées toujours en vogue à cette époque. L’action se déroule en 48 heures avec une efficacité dramaturgique sans affectation ni artifice idéologique, dans l’intimité des caractères et leur transformation. Le réalisateur se focalise sur la fracture psychologique qui s’opère dans l’âme et la conscience du héros. L’opérateur Danylo Demoutskyi, qui venait de signer la photographie des deux premiers opus de Dovjenko, Vassia le réformateur  et  Petit fruit de l’amour, travaille avec des optiques douces, maîtrisant le clair-obscur dans toute la profondeur du champ. Les intertitres sont courts, le montage limpide. Dès sa sortie en Ukraine,  le film fut commercialisé en Occident, et fut le premier film ukrainien à être montré aux USA. En 1932, ce film, qui portait aussi un autre titre (Un père et son fils), fut sonorisé et accompagné d’une musique symphonique de Boris Latochynskyi. Il est l’un des tous premiers à comporter quelques éléments de bruitage et de chants.

Lubomir Hosejko

 

LE MIRABEAU

vostf

 

Copie restaurée en 2012

 

Production: Ukraїnfilm, 1930, 55 mn, nb, muet, vostf

Scénario : Anton Agalarov, Arnold Kordioum, Kostiantyn Matiach

Réalisation : Arnold Kordioum

Photographie : Joseph Rona, Youriї Tamarskyi, Alexandre Pankratiev

Décors : Volodymyr Kaplounovskyi.

Inteprétation :Lidia Ostrovska, Serge Minine, L. Negri, Petro Massokha, Volodymyr Sokyrko, Volodymyr Lissovskyi, Arnold Kordioum, Dmytro Loubtchenko, N. Reimers, M. Mykhaїlov, K. Stepanov, R. Orlov

Genre : drame historico-révolutionnaire

 

Affiche-Le-Mirabeau.jpg

    Affiche originale

 

                           

 

 

Synopsis

Venue soutenir la contre-révolution en Ukraine, la marine française impose le blocus du port d’Odessa. Mais la fraternisation des rouges avec les marins du cuirassé Mirabeau va empêcher le massacre des ouvriers et des paysans par les forces interventionnistes et oblige ces dernières à lever le blocus. Lancés sur leurs tatchankas, les détachements de la Première Division de la Steppe foncent vers la ville.

 

Opinion

D’abord responsable du Parti aux Studios de Yalta et d’Odessa, Arnold Kordioum réussit à s’imposer en tant que metteur en scène dès 1926 avec des films à thème internationaliste, notamment Le Mirabeau qui connaîtra un remake en 1966 avec L’Escadre appareille vers l’Ouest de Myron Bilinskyi et Mykola Vinhranovskyi. Ce drame historico-révolutionnaire, consacré à l’intervention des forces de l’Entente pendant la Guerre civile en Ukraine, fut l’un des tout premiers films, où l’image de la France apparaît dans la production cinématographique ukrainienne.

Photogramme-Le-Mirabeau.jpg

Au début du mois d’avril 1918, les troupes sous l’autorité de l’hetman Pavlo Skoropadskyi envahirent la Crimée au grand soulagement d’une partie de la population, qui voyait ainsi un semblant d’ordre revenir. Mais le 13 novembre, quelques jours après l’armistice du 11 novembre 1918, une flotte franco-anglaise composée notamment de cinq cuirassés français, franchit les Dardanelles, afin de défendre les intérêts des Alliés et chasser les unités allemandes qui occupaient le territoire de l’Ukraine suite à la Paix de Brest-Litovsk. Sous le commandement du vice-amiral Dejay, l’escadre française se présenta devant Odessa avec les cuirassés Mirabeau et Justice. Le 17, le Général Borius débarqua des troupes et installa le général russe Grichine-Almazov comme gouverneur de la ville, après avoir chassé les derniers contingents ukrainiens et allemands. Après une occupation relativement calme, la ville fut reprise par les troupes de l’ataman Grigoriev en avril 1919.

La notion de solidarité internationaliste étant un trait caractéristique du cinéma soviétique, Arnold Kordioum exploite un argument non fallacieux : grâce à la propagande bolchevique, les marins français refusent de tirer sur les ouvriers. Comme les matelots du cuirassé Potemkine, ils n’obéissent pas à leurs officiers et hissent sur le mât du croiseur Mirabeau le drapeau rouge. Cependant, il semble bien que, dans la réalité, ces mutineries n’avaient rien de spontané mais, bien au contraire, qu’elles avaient été préparées par différents mouvements politiques et syndicaux. Une centaine de mutins furent condamnés dont plusieurs à des peines de détention. En juillet 1922, une amnistie générale libéra l’ensemble des mutins de la Mer Noire, sauf André Marty qui le sera en 1924. Il y a, à vrai dire,  un véritable absent dans ce film : le personnage de Jeanne Labourbe, une communiste française vivant à Odessa qui tenta de rallier à la cause des soviets les soldats occidentaux et qui fut faite prisonnière par les blancs puis passée par les armes. Elle est relayée par une ouvrière bolchevique œuvrant dans la clandestinité. Un timide face-à-face entre les forces belligérantes se résume à de gros plans de gueule de canons obturés ou de baïonnettes pointées vers un ennemi lointain. Malgré l’excellente interprétation de Lidia Ostrovska, la clandestine, de Serge Minine, le chef de l’organisation bolchevique, et quelques scènes de masse bien réglées, l’intensité dramatique du sujet ne parvint pas à pallier une ligne conductrice quelque peu étriquée. Ayant appris le métier sur le tas, Kordioum avait une fâcheuse tendance au mimétisme. Dans Le Mirabeau, l’influence du Cuirassé Potemkine d’Eisenstein paraît on ne peut plus saisissante, et la dramaturgie moins pathétique.

 

Lubomir Hosejko

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7 février 2013 4 07 /02 /février /2013 22:56

Michel-Terestchenko.jpgDescendant d’une grande famille poussée à l’exil par la révolution de 1917, Michel Terestchenko est de retour en Ukraine 85 ans plus tard. Aujourd’hui il y travaille avec succès dans l’agriculture, écrit des livres, fait du mécénat et a créé une fondation. Il a accordé un entretien à Perspectives.

 

 

Quel est votre parcours personnel ? A quel moment avez-vous pris conscience de vos racines ukrainiennes?


Je connaissais déjà un peu Kiev, grâce à deux voyages familiaux réalisés en 1994 (exposition sur la famille au Musée d’Art Russe lorsque la « rue Répine » fut rebaptisée « rue Terestchenko ») et en 1998 (pour l’inauguration de la Galerie Bohdan et Barbara Khanenko après sa restauration). Mais lorsque j’ai eu la chance de découvrir notre « petite patrie » de Glukhov, le 31 mai 2002 et de visiter à la fois la merveilleuse église des Saintes Trois-Anasthasies, la crypte ou la plupart de mes ancêtres avaient été enterrés (leur tombe ayant ensuite été profanée en 1918) et la résidence familiale située juste en face de la cathédrale (devenue depuis 1932 l’Institut National des Plantes à Fibres – chanvre et lin), alors là vraiment, j’ai retrouvé nos racines familiales ukrainiennes.

 

Qu'est-ce qui vous a incité à quitter la France et à vous installer en Ukraine ?

 

A tous ceux qui me posent cette question, je fais toujours la même réponse qui est la seule vraie : je n’ai jamais décidé de moi-même de quitter la France. Simplement, les gens de Glukhov qui m’ont accueilli en mai 2002 m’ont demandé de les aider et la chaleur de leur accueil était telle que je ne pouvais refuser. J’avais le sentiment d’être reçu comme le fils de la famille parti depuis longtemps. En essayant de les aider, en amenant vers eux des partenaires pour l’Institut des Plantes à Fibres de Glukhov (liniers et chanvriers français) et des investisseurs (Champagne-Céréales, Agrogénération, Tereos,..) pour cultiver les riches terres autour des anciennes sucreries de ma famille se sont créées naturellement nombre d’obligations pour lesquelles j’ai commencé à retourner régulièrement en Ukraine et aussi bien sûr nombre d’opportunités. A tel point que j’ai ensuite très vite passé plus de temps en Ukraine qu’en France, sans doute car je m’y sentais plus utile et donc cela m’a permis d’enrichir le sens que je pouvais encore donner à cette deuxième partie de ma vie.

 

Quel accueil avez-vous reçu en Ukraine ? Comment fut interprété votre retour aux sources ?


Au début, beaucoup de gens n’ont pas compris. Je me vois encore disant au Directeur de l’Institut de Glukhov (ancienne résidence familiale) : « si nous avions de l’argent, nous vous aiderions autrement – mais ma famille, après avoir tout perdu suite à la révolution de 1917, n’est plus riche, je ne peux vous apporter que mon travail, mais je m’engage à le faire autant que je le pourrai ». Je ne pense pas que beaucoup aient alors cru à la sincérité de mes paroles… Mais maintenant je n’ai plus rien à dire car tous peuvent voir ce qui se passe. Je n’ai pas économisé mes efforts, j’ai pris tous les risques sans doute bien aidé par la bonne étoile de mes ancêtres. J’ai été jusqu’au bout de ce que je pensais être devenu mon devoir – pour ne pas dire mon sacerdoce et l’Ukraine en retour a été extrêmement généreuse avec moi. Je vis désormais à Kiev, développe mes affaires de production de fibres naturelles à partir du lin et du chanvre à Glukhov comme à Jitomir, sur les anciens territoires des sucreries familiales. Je cultive les mêmes champs que mes ancêtres cultivaient il y a plus de 100 ans et tout se passe très bien.

 

Vous avez concouru à l'arrivée d'investisseurs français en Ukraine. Quel est l'atout principal du pays ? A contrario, quel est son défaut majeur ?


Je dis souvent que j’ai finalement redécouvert le « trésor des Terestchenko », puisque la légende voudrait que ma famille ait dans le passé découvert un trésor, … mais qui n’est rien d’autre que « le meilleur peuple du monde vivant sur les meilleures terres du monde ». Et la conjonction d’un peuple expert des choses de la terre qui n’a pas perdu son âme (on dit qu’un agronome sommeille dans tout Ukrainien ou toute Ukrainienne), de longues traditions agraires, et de la permanence d’une terre aussi riche et fertile. C’est surement l’atout principal de l’Ukraine.

 

Le défaut majeur de l’Ukraine est que le pays a peur de lui-même. Tant de jeunes Ukrainiens pensent qu’ils ne pourront pas y arriver dans leur pays, qu’ils aiment pourtant beaucoup car les Ukrainiens sont toujours positivement « patriotes » ! Tant de personnes qui vivent dans un pays magnifique pensent que le ciel est plus clément sous d’autres frontières ! Tant de jeunes diplômés vont offrir leurs talents à d’autres pays qui ne savent d’ailleurs pas toujours les apprécier ! Tant de jeunes mères vont priver leur nation d’enfants dont l’Ukraine aura tant besoin demain ! Je voudrais tant que cette hémorragie s’arrête, qu’au contraire cette tendance s’inverse et que l’Ukraine devienne une terre d’immigration - comme le « Canada de l’Europe » ! J’espère que mon exemple en inspirera d’autres… c’est ma manière à moi de contribuer modestement à la reconstruction de mon pays.

 

Vous avez investi dans les filières du chanvre, du lin ainsi que du miel. Pourquoi ces choix ?


J’ai cherché des productions à la fois agricoles et écologiques, ancrées à la terre et ne dépendant pas d’une technologie trop complexe, héritières de fortes traditions nationales, porteuses d’image à l’étranger, et où l’Ukraine aurait la possibilité de devenir leader mondial. Nos fibres naturelles ukrainiennes de lin et de chanvre remplacent déjà tous les jours de plus en plus de fibres de verre, toxiques pour l’homme, néfastes pour l’environnement et non-recyclables. L’Institut de Glukhov revit non plus pour les utilisations textiles des fibres naturelles pour lesquelles l’Ukraine n’est plus compétitive face à la Chine, mais pour leurs applications techniques : pièces pour l’automobile, matériaux de construction isolants, biomasse…, dont les marchés se trouvent tout autour de l’Ukraine. Et alors que la production de fibre de verre nécessite énormément d’énergie fossile, chaque hectare que nous semons en lin nettoie la planète de 3,5 tonnes de carbone… Bientôt l’Ukraine sera le leader mondial de la production de fibres naturelles grâce à ses surfaces agraires disponibles et bien adaptées. Il se trouve que ces champs du Nord de la région de Sumy, comme les régions de Tchernigov, de Jitomir ou de Rovno sont à peu près les mêmes que les anciennes zones des sucreries de ma famille avant 1917 ! Quant au miel, il est clair que l’Ukraine est le « honeyland » mondial ! Je suis particulièrement heureux que nous soyons arrivés à obtenir l’organisation à Kiev (du 29 Septembre au 4 Octobre 2013) du grand salon APIMONDIA 2013 pour lequel tous les apiculteurs et tous les acteurs de la filière du miel viendront du monde entier visiter l’Ukraine et rencontrer ses apiculteurs. Il est certain que le goût et les qualités du miel ukrainien vont convaincre le plus grand nombre des visiteurs. Ce sera donc là-aussi une chance d’améliorer l’image de l’Ukraine dans le monde !

 

Vous avez créé la fondation Terestchenko. Qu'est ce qui a motivé sa création et quels buts poursuivez-vous?


Ayant écrit deux livres (« Le Premier Oligarque » est l’histoire de mon grand-père ukrainien et de ma famille – et « Sur les traces du trésor des Terestchenko » est le récit de ma propre histoire en Ukraine de 2002 à 2012), j’ai souhaité créer une fondation pour recevoir les droits d’auteur et les utiliser pour participer au maintien en Ukraine d’activités encore présentes dans les bâtiments construits par ma famille avant 1917 à Kiev comme à Glukhov : églises, hôpitaux, universités, écoles, bibliothèques, musées… Ils ont construit tant de belles choses, qui pour la plupart sont encore là de nos jours mais nécessitent restauration et soutien ! De plus, le but final de cette « Terestchenko Heritage Foundation » est de redonner à mes ancêtres une dernière demeure respectable et de rassembler dans la terre de notre « petite patrie » de Glukhov tous les membres de la famille morts en exil de par le monde et souvent enterrés isolément (comme mon grand-père sur les hauteurs de Monte-Carlo). La tombe familiale de Glukhov où étaient enterrés Arteme et sa femme Euphrosine, Nikola et sa femme Pélagie (mes arrière-arrière-grands-parents), et Fiodor Terestchenko, a été profanée en 1918 et jamais reconstruite depuis. C’est mon devoir de retrouver leurs restes dans le sous-sol de cette crypte et de reconstruire leur tombe proprement - mais je ne sais si j’y arriverai tout seul d’où l’utilité de cette Fondation.

 

Vous avez obtenu l'engagement de plusieurs mécènes français dans divers projets en Ukraine (rénovation de l'hôpital pour les enfants malades de Kiev, échange d’expériences entre infirmières puéricultrices des deux pays etc). Quelle est votre motivation et quels résultats escomptez-vous ?

 

Malheureusement cela reste très modeste, à la hauteur de mes droits d’auteur et de mes actuels revenus en Ukraine. Mais là-aussi j’espère que cela servira d’exemple et d’entraînement pour faire toujours plus. Le monde de la santé en Ukraine est malheureusement aujourd’hui dans un état déplorable. Il me fait peur. La situation est très critique et c’est sûrement là où l’Ukraine a le plus besoin d’aide aujourd’hui. L’Ukraine est un grand pays européen mais malheureusement sa médecine héritière du système soviétique est au niveau d’un pays pauvre du Tiers-Monde. Et ce malgré les compétences personnelles et le dévouement extraordinaires de certains médecins ukrainiens, mais qui n’ont pas les moyens de travailler normalement dans un environnement très corrompu et ont donc une forte tentation de s’installer à l’étranger. La meilleure manière d’aider aujourd’hui l’Ukraine est d’aider la médecine. Car, comment peut-on vivre confortablement dans un pays ? Comment peut-on envisager d’y faire des enfants, si l’on ne peut avoir confiance dans les maternités, les hôpitaux ou les docteurs ? C’est une urgence aujourd’hui, sans doute la plus grande urgence pour l’Ukraine. L’exemple que mes ancêtres ont donné en fondant des hôpitaux gratuits et efficaces dans toute l’Ukraine avant 1917 est donc sûrement pour moi la plus grande inspiration. Je voudrais qu’elle le soit aussi pour tous les riches Ukrainiens contemporains.

 

En Ukraine, vous avez publié deux livres. Le premier est consacré à votre grand-père qui fut ministre des affaires étrangères et ministre des finances du gouvernement provisoire de la Russie en 1917 et le deuxième à votre retour en Ukraine. Seront-ils publiés en France ? Avez-vous d'autres ouvrages en préparation ?

 

Je pense que le premier livre – « Premier Oligarque » - déjà publié en Ukraine avec un certain succès en langue ukrainienne et en langue russe (les deux versions sont d’ailleurs en vente à la Librairie Russe de la Rue de la Montagne Sainte-Geneviève à Paris), sera bientôt disponible en français et en anglais. En tous cas, j’ai déjà signé avec la maison hollandaise « Glagoslav Publications » un accord en ce sens. Je viens de commencer un troisième ouvrage car, mes champs étant recouverts par la neige et l’hiver en Ukraine étant long, je profite du repos hivernal pour m’essayer à l’écriture. Il s’agira d’une pièce de théâtre retraçant en cinq tableaux les cinq dernières années (de 1917 à 1922) de la vie de ma grand-tante Barbara Khanenko (née Terestchenko), la fondatrice du musée qui porte son nom à Kiev. Elle est la seule de la famille à avoir refusé de quitter l’Ukraine en 1918 pour tenter de protéger les collections d’art familiales de la destruction. Cette pièce « Khanenkivka » tentera d’expliquer son geste, de lui rendre hommage et de mettre en valeur l’un des plus beaux musées du monde, aujourd’hui encore à Kiev grâce à sa générosité et à son dévouement… J’aimerais que la première soit jouée à Kiev dès l’hiver prochain, mais je viens juste de commencer et cela représente un peu de travail alors je n’en suis pas certain. Mais j’essaierai de toute façon de faire, avec l’aide de la Fondation, quelque chose de bien pour le Jubilé des 100 ans du Conservatoire Piotr Tchaïkovski offert par mon grand-père à la ville de Kiev et inauguré le 3 Novembre 1913…

 

Votre grand-père s'était personnellement porté garant des emprunts russes. Que cela vous inspire-t-il ?


Il ne s’agit pas des « emprunts russes » de l’époque tsariste, mais des « Emprunts de la Liberté » absolument nécessaires pour reconstruire le pays et pouvoir continuer la guerre contre les occupants allemands en 1917, lorsque mon grand-père fut nommé Ministre des Finances du premier gouvernement provisoire après la révolution libérale de Février 1917, et qu’il trouva alors les coffres de l’Etat absolument vides. Je suis seulement fier que mon grand-père ait su rembourser tous ses créditeurs (les plus grandes banques internationales) lorsqu’il s’est retrouvé ensuite face à eux lorsqu’il dût s’exiler après 1918 en France et en Angleterre. D’autres sans doute n’auraient pas su faire face à de telles obligations. Bien sûr, il a dû tout vendre : son yacht « Yolanda » de 127 mètres de long, sa luxueuse villa « Mariposa » sur les hauteurs de Cannes,…, et il a travaillé pour ses créanciers jusqu’en 1938. Mais il s’agit de choses matérielles et donc ce n’est pas si grave. Il avait beaucoup reçu et on lui a beaucoup repris. C’est un peu une leçon pour tous les oligarques actuels et sans doute une des raisons pour lesquelles j’ai intitulé l’histoire de sa vie « Le Premier Oligarque ». Je suis seulement heureux et fier que les difficultés matérielles n’aient en rien changé sa détermination de respecter les principes de notre devise familiale « Notre Ambition est le Bien Public ». Dans une plus humble mesure, j’essaie moi aussi de m’y conformer autant que je le peux.

 

Propos recueillis par Olga Gerasymenko

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6 février 2013 3 06 /02 /février /2013 22:27

emmanuelle_armandon.jpgEmmanuelle Armandon est directrice des études de la formation en relations internationales de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Paris). Elle vient de publier « La Crimée entre Russie et Ukraine » aux éditions Bruylant.

 

 

Dans votre rapport pour la Fondation Schumann « Relations Ukraine-Union européenne : quelles évolutions depuis l'élection de Viktor Ianoukovitch ? » vous analysez les perspectives de rapprochement  entre l'Ukraine et l'UE. A quel stade, à votre avis, en sommes-nous actuellement, et quelles sont les perspectives à moyen terme ?


A l'heure actuelle l’avenir du partenariat entre Kiev et Bruxelles est incertain et semble particulièrement compromis en raison du recul démocratique qu'on observe en Ukraine depuis l'arrivée au pouvoir de Viktor Ianoukovitch. Cela ne signifie pas que le dialogue a été inexistant depuis 2010. Au contraire, les contacts ont été nombreux et les négociations sur l'accord d'association et sur la création de la zone de libre-échange qui avaient débuté en 2007, ont bien progressé ces deux dernières années. Ces négociations sont désormais terminées et le texte de l’accord a été paraphé fin mars 2012. Ceci étant dit, aujourd'hui, on voit mal comment le processus de signature de l'accord et de sa ratification par tous les pays membres de l’UE, le Parlement européen et la Verkhovna Rada, pourrait être lancé.

 

Pensez-vous que le programme de Partenariat Oriental, qui existe depuis 2009, est efficace? Y a-t-il des résultats concrets?


Le Partenariat Oriental est révélateur de l'attention que l'UE porte à son voisinage immédiat. Toutes les initiatives prises par l’UE depuis le début des années 2000 montrent qu’elle souhaite s’impliquer davantage dans sa périphérie. Il y a d'abord eu la Politique européenne de voisinage en 2003, puis l'Union pour la Méditerranée en 2008, en enfin le Partenariat Oriental en 2009. L'Ukraine reproche souvent à l’UE d’avoir une seule et même politique à l’égard de pays dont la situation politique et économique est radicalement différente et qui n’ont pas les mêmes ambitions à l’égard de l’UE. Quoi qu’il en soit, le succès du Partenariat oriental dépendra en grande partie de l’Ukraine qui est le principal voisin oriental de l’UE, en termes de superficie, de population, de potentiel économique et politique. Par contre, il faut être réaliste, Bruxelles n’est pas en mesure d’offrir à l’Ukraine une perspective d’adhésion. D’une manière plus générale, il y a une question à laquelle il est difficile de répondre : où s'arrêtent les frontières de l'UE ? Les Ukrainiens estiment qu’ils sont culturellement, géographiquement et historiquement en Europe et que, à long terme, une fois qu’ils seront prêts politiquement et économiquement, rien ne pourra les empêcher de devenir candidat...

Cette question est un vrai problème. Pour l’instant, les dirigeants européens ne sont pas prêts à envisager l’adhésion de l’Ukraine. Il serait intéressant d’effectuer plusieurs enquêtes d’opinion pour savoir ce qu’en pensent les populations des pays-membres. Un premier sondage a été mené par l’Institut de la politique mondiale de Kiev lors de l’Euro-2012 auprès de citoyens des pays-membres de l’UE qui ont visité l’Ukraine pendant le championnat de football. Les résultats montrent que les citoyens européens sont, d’une manière générale, plutôt favorables à l’idée de l’intégration européenne de l’Ukraine, une partie d’entre eux pensant même que l’Ukraine est déjà membre de l’UE ! En France, je n’ai pas l’impression que la population soit majoritairement contre une future adhésion de l’Ukraine. Mais cela reste une impression…

 

Vous effectuez actuellement des recherches sur la politique étrangère de l’Ukraine depuis 2010. Quelles sont vos observations?


Une fois arrivé au pouvoir, Viktor Ianoukovitch a affirmé à plusieurs reprises qu'il allait mener une politique étrangère d'équilibre et établir des partenariats solides à la fois avec la Russie et avec l'UE. Il pensait donc pouvoir mener une politique à peu près similaire à celle de Koutchma dans les années 90, une politique « multivectorielle ». A mon avis, il y a deux problèmes à ce sujet. Le premier, c'est que peu de temps après l’élection de Viktor Ianoukovitch, on s'est rendu compte qu'il y avait un profond décalage entre le discours officiel (cette recherche d'équilibre extérieur) et la réalité des actions entreprises en matière de politique étrangère. La politique menée par le pouvoir (la signature de l’accord de Kharkiv, l’adoption du statut hors-bloc de l’Ukraine, la loi sur la langue russe) a conduit à un rapprochement avec la Russie…

 

Ce rapprochement avec la Russie n'a pas empêché de continuer le dialogue, mais pour l'accord de libre-échange avec l'UE il faut choisir : on peut être soit avec l'UE, soit en accord douanier avec la Russie...


Tout à fait. Et c’est là que se situe le deuxième problème. Le contexte actuel est complètement différent de celui des années 1990. Lors du premier mandat de Leonid Koutchma, la politique multivectorielle a débouché sur la signature d’un accord de partenariat avec l'UE en 1994, sur la signature en 1997 d’une charte de partenariat avec l'OTAN, et, en même temps, sur la conclusion avec la Russie en 1997 du Traité d'amitié, de partenariat et de coopération ainsi que sur la signature des trois grands accord sur le partage de la flotte de la mer Noire… A l'époque, si cette politique d'équilibre a donné certains résultats, c’est parce que le contexte international était radicalement différent. Dans les années 90, l'UE était davantage préoccupée par son futur élargissement aux pays d’Europe centrale. L’Ukraine était encore loin et l’UE avait moins d’exigences l’égard des autorités ukrainiennes. Depuis, l’UE s’est élargie et l'Ukraine est devenu un voisin immédiat. Ce que Bruxelles propose aujourd’hui à Kiev est un projet concret, un partenariat très approfondi. La signature de cet accord d’association ne sera possible que si l’Ukraine respecte un certain nombre de critères et de conditions…

 

Du côté de la Russie, elle n'est pas tout à fait la même non plus.


Bien sûr ! Dans les années 90, la Russie faisait face à de graves difficultés économiques, politiques, à la guerre en Tchétchénie, etc. A l’époque, c’est ce qui a obligé Moscou à faire des compromis avec l'Ukraine et à signer le traité et les accords de 1997. Aujourd'hui la Russie n’est plus la même. Son régime politique est de plus en plus autoritaire. Elle a renoué avec la croissance économique grâce aux ventes de gaz et de pétrole. Elle n'a pas retrouvé la puissance qu'elle avait avant, mais elle est de retour sur la scène internationale. Elle aussi, elle propose un projet concret à l'Ukraine : l’Union douanière qui doit déboucher sur la création de l’Union eurasienne en 2015. Dans le contexte actuel, l’idée selon laquelle l’Ukraine doit choisir se répand. Contrairement aux années 1990, l’Ukraine ne peut plus faire un pas vers l'Est et un pas vers l'Ouest. Cette question du choix devient donc de plus en plus sensible. Mais une autre question se pose: est-ce que l'Ukraine est prête à choisir ? Les résultats d’enquêtes d’opinion montrent notamment que la population reste très divisée sur le chemin à suivre... En même temps, il est intéressant de noter que le regard que la population ukrainienne porte sur les relations avec la Russie a changé ces deux dernières années. La population semble avoir compris que malgré toutes les concessions que l'Ukraine a faites depuis 2010 à la Russie (sur la flotte, sur la langue, sur l'OTAN etc.), rien n’a véritablement changé dans les relations avec Moscou et Kiev n’a rien obtenu en échange de tous ses efforts. Plusieurs sondages récents montrent que la population ne souhaite pas que l’Ukraine fasse de nouvelles concessions. On peut noter, par exemple, qu’une vaste majorité de citoyens, et ce dans toutes les régions, est opposée au transfert à la Russie (demandé par celle-ci) du système ukrainien de transport de gaz, et ce même si Moscou proposait une diminution des tarifs gaziers en échange.

 

La recherche de partenariat avec l'UE, c'est aussi une possibilité d'améliorer ses pratiques politiques et économiques pour l'Ukraine. La nation politique ukrainienne se forme à son rythme, mais est-ce que ce rythme interne correspond aux défis du monde moderne?


Il ne faut pas oublier que l'Ukraine est un jeune Etat. Depuis son indépendance, il y a seulement 21 ans, elle s’est engagée dans un processus de transformations qui est très complexe et nécessairement long. Ce qu’il faut aussi garder à l’esprit, c’est que la Russie d’aujourd’hui n’a elle aussi que 21 ans. L’une comme l’autre font face à des problèmes d’identité qui ne peuvent pas se résoudre du jour au lendemain. Mais une chose est sûre, c’est qu’à partir du moment où la Russie commence à vouloir dominer l'Ukraine, la population ukrainienne résiste, même les habitants qui ont des origines russes ou qui vivent dans des régions plus traditionnellement tournées vers la Russie… Autre aspect intéressant : les résultats d’enquêtes sociologiques montrent que la population la plus jeune, 18-30 ans, a un rapport au monde extérieur qui est différent de celui de la population plus âgée. Les jeunes Ukrainiens n’ont pas ou peu connu l’époque soviétique et sont par conséquent plus libres car moins prisonniers des stéréotypes du passé. Cela aura des répercussions dans les années à venir…

 

Alla Lazareva

Source « Ukrainian Week »

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