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21 avril 2012 6 21 /04 /avril /2012 17:21

http://www.salondulivreparis.com/Data/kmreed_sdl/wysiwyg/F_2ac975e6f8c0c49e7fd0c0f322c51b034eef6444d6df0.jpgMaria Matios, Laryssa Denysenko, Tymophiy Gavryliv, Evguenia Kononenko, Anton Kouchnir, Iryna Lykovych et Evguen Pologiy faisaient partie des 3000 écrivains du monde entier invités au 32eme Salon du livre parisien. Aucun d'entre eux n'a pour le moment été publié en français.
A Paris Expo - Porte de Versailles, le flot des visiteurs est continu. « Qu'on ne me dise pas qu’internet est un danger mortel pour le livre », fait remarquer un éditeur français qui tient un stand de littérature pour la jeunesse. L’arrivée des écrivains ukrainiens au salon s'est faite discrètement. « Nous avons décidé de commander une salle de conférence, mais pas encore un stand », explique Eléonora Symonova, directrice de la maison d'édition « Nora Drouk ». Elle souligne que l'essentiel, pour cette première intervention, était de créer de nouveaux contacts et de faire en sorte, pour la suite, que de nouveaux livres soient traduits de l'ukrainien vers le français. « Un petit territoire pour négocier tranquillement, c'est ce qu'il nous faut actuellement, estime l'éditrice. Pour un stand, il faudrait une participation de l'état ». Selon les organisateurs du voyage des écrivains, l'état ukrainien n'était pas hostile à cet événement, juste absent. Financièrement et physiquement. « Le comité d'état pour la télévision et la radio, chargé des maisons d'édition, démarre l'année budgétaire. Le Salon du livre de Paris n'est pas prévu dans la liste des événements qu'ils soutiennent, explique Eléonora Symonova. Ils ont simplement trouvé prudent ne pas s'engager... ». L'ambassade d'Ukraine, de son côté, ne s’est pas manifestée. Les diplomates n'ont pas trouvé le temps de faire une apparition le soir de la présentation ukrainienne. « L'état ne nous empêche pas de travailler, et c'est très bien comme ça ! » conclue Mykola Kravtchenko, un des organisateurs ukrainiens du voyage.

Les participants ukrainiens sont donc venus à Paris grâce à des soutiens privés. Les écrivains affirment que ce soutien d'hommes d'affaires et de personnalités politiques ne les oblige à aucune contrepartie publicitaire. Et qu'ils restent libres de travailler et de s'exprimer comme ils le veulent, même si en Ukraine la vie est loin d'être simple. C’est aussi grâce à des capitaux privés que les organisateurs ont édité et présenté pour la première fois un « Almanach de la littérature ukrainienne contemporaine ». Dans ce recueil, une notice biographique et un extrait d’oeuvre traduit en français présentent chacun des seize auteurs : Laryssa Denysenko, Anatoliy Dnistrovy, Tymophiy Gavryliv, Vassyl Kojelianko, Yevhenia Kononenko, Léonid Kononovytch, Anton Kouchnir, Lada Lousina, Irysia Loukovytch, Maria Matios, Ievhén Polojiy, Ivan Riabtchïi, Irène Rozdobudko, Natalka Snaidanko, Dmytro Tchystiak et Oxana Zaboujko. « Parmi tous ces écrivains, seules quelques poésies de Dmytro Tchystiak sont traduites par ailleurs en français », explique Anetta Antonenko, directrice de la maison d'édition « Calvaria ».

 Mais les autres auteurs sont actuellement en lecture dans plusieurs maisons d'édition françaises. L'intérêt pour la littérature ukrainienne s'éveille petit à petit. En automne, nous emmènerons encore un groupe d'écrivains au Festival de la littérature européenne à Cognac. Ce sera la première fois que l'Ukraine participera à un tel événement culturel. Notre pays aura un statut d'invité spécial. Il sera le premier pays non-membre de l'Union Européenne à y avoir une telle présence ». On ne peut pas dire que la petite table de négociation occupée par les Ukrainiens ait attiré les foules. Pour autant, la vie ne s'est jamais arrêtée dans ce coin tranquille de Paris-Expo. Un photographe officiel s'exerçait à immortaliser l'Almanach en français. Un éditeur de province cherchait des romans étrangers sur la mer. Un agent littéraire négociait le droit de promouvoir des histoires policières d'Andriy Kokotuha... « Aujourd'hui, on ne trouve que les oeuvres d'Andriy Kourkov, Youri Androukhovytch et Lubko Derech dans les libraires francophones », regrette Iryna Dmytrychyn, professeur à l'INALCO. « Mais deux nouveaux romans sont en cours de traduction. Il s'agit de textes de Serguiy Jadan et Youri Androukhovytch. ».

Côté librairies, une nouveauté : la librairie du Globe, spécialisée en littérature russe, a profité de la venue d'écrivains ukrainiens pour ouvrir solennellement un rayon dédié à ce pays. Désormais on pourra y trouver des textes en ukrainien, mais aussi acheter l'essentiel des livres sur l'Ukraine sortis en français. Les premiers pas du livre ukrainien en France peuvent ainsi paraître modestes. Et ils le sont. Mais la tendance est manifestement ascendante. Nouvelles traductions, présence croissante dans les librairies, participation à de nouveaux événements culturels... Rien à voir avec le désarroi que l'on pouvait observer au stand russe, pourtant bourré de livres en français. « Je ne comprends pas pourquoi l'écrivain russophone le plus traduit dans le monde est un certain Andriy Kourkov, qu'on ne lit même pas en Russie ! » s'indigne un traducteur connu. Et c'est comme ça ! Le monde est assez grand pour que l'écrivain ukrainien Andriy Kourkov soit lu et édité partout, sans la bénédiction du Kremlin... « Cette génération d'écrivains ukrainiens a le défi des pionniers en Europe occidentale, estime un journaliste. C'est une grande épreuve, mais aussi une chance. » A eux d'en profiter et de trouver leur place dans les grandes librairies et les maisons d'édition prestigieuses.
Alla Lazaréva

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9 avril 2012 1 09 /04 /avril /2012 10:27

Le bulletin d'Avril 2012 de Perspectives Ukrainiennes est disponible sur la page Archive des bulletins de Perspectives Ukrainiennes.

 
Au sommaire:

p.1 Agenda
Le mois d’avril dans l’Histoire


p.2 Première participation de l’Ukraine au salon du livre de Paris par Alla Lazareva


p.3 5 questions à Michale Boganim, réalisatrice


p.4 La terre outragée, un film de Michale Boganim


p.5-6 Rencontre avec Alain Blum et Maria Craveri, co-auteurs du livre Déportés en URSS, récits d’Européens au goulag


p.7 Joseph Roth (1894-1939) par Stéphane Pesnel


p.8-9 Entretien avec Antoine Arjakovsky, codirecteur du département de recherches Société Liberté Paix au Collège des Bernardins à Paris


p.10 Actualité du livre

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7 avril 2012 6 07 /04 /avril /2012 13:46

CINÉ -CLUB UKRAINIEN

ESPACE CULTUREL DE L’AMBASSADE D’UKRAINE

 

Jeudi 26 avril 2012, 19h, à l’Espace culturel de l’Ambassade

22, av. de Messine, M° Miromesnil.

Entrée libre.

Réservation souhaitée au 01 43 59 03 53

 

Séance dédiée à la mémoire de Mykhaïlo Biélikov, décédé le 28 mars 2012

 

 Mykhailo-Bielikov.jpg

 

MYKHAÏLO BIÉLIKOV

 1940-2012

LA DÉSINTÉGRATION

 ( РОЗПАД )

vostf

 

 

Production : Studio Alexandre Dovjenko, Peter O. Almond Productions, Pacific Film Fund, 1990, 102 mn, coul.

Scénario : Oleg Prykhodko, Mykhaïlo Biélikov

Réalisation : Mykhaïlo Biélikov

Photographie : Vassyl Trouchkovskyi, Alexandre Chyhaiev

Décors : Inna Bytchenkova, Vassyl Zarouba

Musique : Igor Stetsiouk

Son : Victor Loukach

Interprétation : Serhiї Chakourov, Tetiana Kotchemassova, Stanislav Stankevytch, Heorhiї Drozd, Oleksiї Serebriakov, Maryna Mogylevska, Oleksiї Horbounov, Mykyta Bouldovskyi, Anatoliï Hrochevoї, Natalia Plakhotniouk, Mykola Dossenko

Genre : drame psychologique

 

RécomPhotogramme-La-Desintegration-1.jpgpenses : Médaille d’Or du Président du Sénat italien au Festival International de Venise, 1990 ; Grand Prix au Festival International du film écologique de Santander, 1990

Synopsis 

Alexandre Jouravlov est journaliste à Kiev. Carriériste à tous crins, il est à la recherche du scoop qui lui permettra de décrocher le poste de rédact eur en chef. Il décide de planter le drapeau rouge sur le toit du quatrième bloc de la centrale nucléaire de Tchornobyl, jonché de débris hautement radioactifs. Pour accomplir cet acte de folie héroïque, il offre son épouse à Chouryk, un jeune communiste en vue, en échange du laissez-passer indispensable pour entrer dans la zone interdite.

 

Opinion

Première grande fiction consacrée relativement tôt à la catastrophe nucléaire de Tchornobyl, La Désintégration de Mykhaïlo Biélikov s’inscrit dans la liste des films qui jettent un regard impitoyable sur l’actualité. Le titre du film parle de lui-même. Au-delà des radiations, le film traite de la désintégration de toute une société et d'un système qui bientôt s’effondrera. Par un curieux raccourci de l’Histoire, deux mois avant l’explosion d’un des réacteurs de la Centrale de Tchornobyl sortait Lettres d’un homme mort du cinéaste russe Constantin Lopouchanski, un film-avertissement de science-fiction politique qui racontait la vie sous terre après une catastrophe nucléaire, due à l’erreur d’un ordinateur. À Kiev, jouant la transparence de la perestroïka, on pense très vite à un scénario proposé par l’écrivain Volodymyr Yavorivskyi, Marie de Tchornobyl, puis on fait venir de Moscou les deux plus grands scénaristes de la stagnation, Edouard Volodarski et Valentin Tchernykh auxquels se joignent Youriï Chtcherbak et Mykhaïlo Biélikov. Mais c’est le scénario d’Oleg Prykhodko qui est définitivement choisi. Bien que réalisé dans l’esprit et avec la méthode habituels – alchimie de fiction, chronique et reportage -, le film n’est ni un film-catastrophe, ni une enquête sociométrique sur la fracture politique et humaine qui va s’opérer dans la population tout entière, mais une révélation cathartique tranchant dans le vif, au-delà de la douleur, du temporel.Photogramme-La-Desintegration-2.jpg

Le drame personnel et familial que vit le couple en train de se désintégrer est entrecoupé d’épisodes authentiques épars autour de la cité-dortoir de Prypiat. Espérant retrouver sa mère, un enfant revient en courant dans la ville vidée de sa population. De jeunes mariés passent leur lune de miel dans la zone dosimétrée par des hommes portant des combinaisons intégrales et des masques. Prostré, un médecin constate l’ampleur du désastre. À l’aéroport de Kiev, des pontes du Parti viennent accompagner leur progéniture dans des limousines noires. Aux vues d’ensemble aériennes et aux scènes de panique dans les gares succèdent des contrechamps métaphoriques, propres au cinéma des années soixante : œufs peints radioactifs, office liturgique pascal à l’heure de l’apocalypse, cigogne morte trouvée par la jeune mariée après la nuit de noces. Le réalisateur met l’accent sur les petits mensonges que le couple raconte au vieux père, faisant l’écho à la langue de bois des officiels qui s’obstinent à nier la gravité du moment et contraignent la télévision à diffuser imperturbablement une course cycliste et les préparatifs du défilé du Premier Mai.

Photogramme-La-Desintegration-3.jpgPour ce film de commande sociale, le Derjkino octroie un million de roubles (six cents mille dollars de l’époque) que Biélikov restitue grâce à un emprunt auprès d’un organisme caritatif et à un partenariat avec l’étranger. Le réalisateur, lui-même président de l’Union des cinéastes d’Ukraine, prend contact avec Peter Almond de San Francisco qui prospecte à Kiev en vue de futures coproductions. Impressionné par le projet de son interlocuteur, Peter Almond prend en charge avec Suzanne O’Connel du Pacific Film Fund les coûts de la post-production en invitant Biélikov et son équipe aux USA. La Désintégration devient le premier exemple de joint-venture américano-ukrainien dans le secteur cinématographique : le mixage est réalisé au George Lucas’ Skywalker Ranch, à Marin Country, et les tirages des copies à San Francisco. Les droits d’exploitation sont répartis entre Biélikov et les Américains qui se réservent la part du lion – la distribution internationale. Le 16 juillet 1990, la souveraineté étatique de l’Ukraine est proclamée. En septembre, au Festival de Venise, Biélikov reçoit la Médaille d’Or du Président du Sénat italien, mais son film n’est pas sélectionné pour le Festival d’Odessa, contrôlé par la nouvelle Association du cinéma indépendant et envahi par des films de plus en plus noirs.

Lubomir Hosejko

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17 mars 2012 6 17 /03 /mars /2012 14:53

- Quelles ont été les grandes étapes du parcours de Joseph Roth, depuis Brody jusqu’à Paris et comment s’expliquent les incertitudes biographiques qui entourent ses jeunes années ?


Dans un de ses premiers romans, La Fuite sans fin, Joseph Roth retrace le parcours d’un soldat autrichien qui, parti de la captivité en Russie, finit par échouer sur une place parisienne, selon un inexorable mouvement de l’Est vers l’Ouest. Comme souvent, c’est avec une saisissante prémonition de son propre destin que Roth raconte l’itinéraire de ce personnage. Né à Brody (alors en Galicie austro-hongroise) en 1894, il passe son enfance et son adolescence dans cette même ville, avant d’entamer des études universitaires à Lemberg / Lviv et à Vienne. Les incertitudes biographiques sur les jeunes années de Roth (sa période galicienne) s’expliquent à la fois par l’absence de documents (on ne dispose que de quelques-unes de ses lettres écrites à l’époque, de quelques photographies et de quelques témoignages recueillis ultérieurement par son biographe, David Bronsen) et par la tendance de l’écrivain à la mystification (il donnera les témoignages les plus fantaisistes et les plus contradictoires sur son lieu de naissance, l’identité de ses parents et cherchera souvent à brouiller les pistes). Pendant les années de guerre, Roth est envoyé au front pour réaliser des reportages sur les combats, et c’est sûrement en partie à ce moment que se dessine sa vocation de journaliste. Revenu à Vienne après la Première Guerre mondiale, il se lance dans le journalisme où son sens de l’observation et de l’analyse font merveille. Vienne, faut-il le rappeler, n’est désormais plus que la capitale d’un État qui compte à peine six millions d’habitants, et la situation économique de l’Autriche d’après-guerre fait que les débouchés professionnels qui s’offrent à un jeune journaliste ambitieux et talentueux comme l’est Roth ne sont pas suffisants. Il part donc pour l’Allemagne et sera pendant une dizaine d’années, jusqu’au tout début de l’année 1933, un des journalistes les plus cotés de la République de Weimar. Ces années sont aussi celles où s’affirme son écriture romanesque, qui toujours se développera en parallèle avec son activité de journaliste, ces deux pans de sa création se nourrissant véritablement l’un de l’autre. Envoyé par la Frankfurter Zeitung faire des reportages à travers l’Europe, Roth voyage en Italie, en Russie soviétique, en Albanie, en Yougoslavie, retourne épisodiquement en Galicie, et surtout il découvre Paris au milieu des années 1920. C’est un véritable « coup de foudre » dont il ne se remettra jamais, il écrit des pages exaltées sur Paris et aussi sur le midi de la France. La période « allemande » de Roth s’achève brutalement au tout début de l’année 1933 : avec l’accession d’Hitler au pouvoir, l’écrivain, qui depuis toujours a compris l’ampleur du danger que représentait le national-socialisme pour l’Europe, pour la civilisation, pour l’humanité, prend le train pour Paris et y passera les six années qui lui restent à vivre, s’installant successivement dans deux hôtels de la rue de Tournon. Cette période parisienne (1933-1939), dans laquelle Roth continue à mener de front sa carrière de journaliste (il écrit désormais pour des journaux d’exilés) et celle de romancier (les chefs-d’œuvre se succèdent) est marquée par un scepticisme et un désespoir croissants, causés tout autant par l’échec de sa vie privée que par le contexte politique européen (l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie en 1938 lui donne pour ainsi dire le coup de grâce). L’alcoolisme qui l’accompagne depuis des années ne cesse de s’aggraver, et Roth meurt en mai 1939 à l’hôpital Necker à la suite d’une crise de delirium tremens. De l’immensité des plaines galiciennes, de la vastitude de l’empire austro-hongrois au quartier du Sénat à Paris, dans lequel il a aimé vivre et écrire, et qu’il surnommait affectueusement sa « République de Tournon », l’espace n’a cessé de se rétrécir autour de cet homme à l’identité complexe et multiple : écrivain autrichien, journaliste allemand, Parisien d’adoption, cosmopolite convaincu, perpétuel exilé et déraciné.

http://www.laprocure.com/cache/couvertures/9782021024142.jpg- Quelle fut la genèse de Job. Roman d’un homme simple que vous avez tout récemment traduit ?


L’écriture du roman Job se situe à une période de la création littéraire rothienne qu’on peut considérer comme un tournant. Auparavant, Roth a écrit ce qu’on appelle en allemand des « Zeitromane », c’est-à-dire des romans qui se consacrent à la description et à l’analyse des problématiques contemporaines, de la physionomie de l’époque actuelle. Roth s’est illustré dans ce type de romans, donnant un tableau très pertinent des tendances de fond de l’Autriche de la Première République et de l’Allemagne de Weimar. Avec Job, il tourne définitivement la page de cet univers romanesque centré sur le monde contemporain et les métropoles de l’espace germanique pour aborder des thématiques qui lui tiennent à cœur, et dont il a sûrement été amené à réévaluer l’importance qu’elles ont pour lui grâce à l’essai Juifs en errance qu’il a écrit en 1927, et qu’on peut par certains aspects considérer comme une étude préparatoire à l’écriture de Job : je veux parler des thématiques liées au monde juif traditionnel, à l’univers du judaïsme d’Europe centrale et orientale qu’il a côtoyé pendant l’enfance et dont il veut donner une image juste, informée, précise, éloignée des clichés et des préjugés qui avaient souvent la vie dure. Il y a chez lui comme une urgence (de nature personnelle, mais aussi politique : Roth observe depuis le milieu des années 1920 la montée du national-socialisme en Allemagne avec une inquiétude d’une immense clairvoyance) à parler de ce monde juif et peut-être aussi, pour celui qui est devenu un journaliste occidental vivant dans les grandes villes de la modernité triomphante (Berlin, Paris), une manière de renouer avec les contrées géographiques, affectives et spirituelles de l’enfance. Job est publié en 1930. Deux ans après, Roth va se tourner, avec La Marche de Radetzky, vers un autre univers lié aussi pour lui à l’enfance : celui de la monarchie austro-hongroise. À partir de là, le monde juif d’Europe de l’Est et l’univers de la monarchie impériale et royale vont être au centre de sa création narrative, avec les espaces qui leur sont liés, qu’il évoquera de manière suggestive (les plaines, forêts, lacs, bourgades et villes de Galicie ou de Volhynie).

- Quels sont les parentés littéraires, proches et lointaines, de l’œuvre de Joseph Roth ?


Joseph Roth est un écrivain qui affirme lire très peu. Mais si l’on va au-delà de cette affirmation un peu provocatrice, on parvient tout de même à déceler dans son œuvre des traces de la lecture de grands auteurs, ou tout au moins des parentés indéniables. Ce que l’on peut dire de manière générale, c’est que Roth n’est pas un écrivain tourné vers les expérimentations formelles de la modernité (même s’il s’essaie un temps à l’esthétique de la « Nouvelle Objectivité »), mais qu’il regarde essentiellement en direction du passé et notamment du XIXe siècle. Dans la littérature de langue allemande, il faut ainsi penser au grand auteur dramatique autrichien Franz Grillparzer, et au plus éminent représentant de la symbiose judéo-allemande, Heinrich Heine, qui un siècle avant Roth fera lui aussi le choix de l’émigration en France. On note aussi une prédilection pour les grands auteurs du XIXe siècle français comme Stendhal ou Flaubert. Mais aussi des parentés nombreuses avec les grands écrivains russes comme Tolstoï. Et il ne faut pas oublier l’importance de toute la tradition narrative de l’univers littéraire yiddish, dont on trouve tellement de résonances dans l’œuvre de Roth. L’auteur de Job et de La Marche de Radetzky est un écrivain qui croit fondamentalement au plaisir de la narration et qui a très certainement appris son métier auprès des grands « conteurs » européens du XIXe siècle.

- Quels sont les personnages emblématiques de l’œuvre romanesque de Joseph Roth ?


Le monde romanesque de Roth est majoritairement masculin. Cela est sûrement lié à la prédominance de l’arrière-plan historique de la Première Guerre mondiale dans ses premiers romans, qui mettent en scène des « Heimkehrer », c’est-à-dire des soldats qui reviennent du front et découvrent au lendemain de la Grande Guerre des sociétés occidentales modernes dont ils n’ont pas les codes. Avec Job et La Marche de Radetzky, les personnages emblématiques vont devenir d’un côté les juifs de l’est avec leurs formes de piété et d’existence traditionnelles, et d’un autre côté les serviteurs de l’empire austro-hongrois, les officiers et les fonctionnaires au service de l’empereur François-Joseph. Mais ce qui l’intéresse plus que tout, c’est de montrer le surgissement, au sein d’existences en apparence banales, d’une étincelle qui va faire basculer l’existence de ces personnages : dans Les Fausses Mesures, un contrôleur des poids et mesures, incarnation d’un ordre rigide, s’éprend d’une belle tzigane et succombe aux sortilèges du monde bigarré et interlope dont elle est issue ; dans Le Marchand de corail, un modeste artisan et négociant juif s’abandonne au désir inextinguible de découvrir les océans et leurs fonds marins. Le monde des romans et nouvelles de Roth est une véritable « comédie humaine » avec beaucoup de personnages hauts en couleur et toujours attachants.

- Quelle lecture faites-vous de cette citation de Joseph Roth qui remonte à 1924 : « La Galicie est dans la solitude du bout du monde, et cependant elle n’est pas isolée ; elle est proscrite, mais non coupée du reste de l’univers » ?


Roth se place sans doute ici dans la perspective « autrichienne » : dans l’empire austro-hongrois, qu’il a connu dans son enfance et son adolescence, la Galicie était la province la plus éloignée par rapport à Vienne, elle était la marge, la périphérie par rapport à la capitale des Habsbourg. Limitrophe de l’empire russe, elle semblait ouvrir sur un espace infini et essentiellement rural, des terres à perte de vue. Sur son compte couraient aussi nombre de préjugés (on en faisait volontiers une région arriérée, aux conditions de confort et d’hygiène très rudimentaires). Roth a souvent pris la défense de ces régions orientales en mettant en évidence la beauté mélancolique de leurs paysages, mais aussi la richesse, la profondeur, la dignité éthiques et spirituelles de leurs populations (il suffit de penser aux évocations des soldats et paysans ruthènes ou à celles des juifs de l’Est dans son œuvre romanesque). Il ne faut pas oublier que la Galicie a aussi été un foyer important du renouveau spirituel juif et notamment du hassidisme. Enfin, pour un écrivain issu de la minorité germanophone de Brody, il y a aussi la conviction que l’enseignement délivré par les établissements scolaires de Galicie transmettait un important bagage culturel et humaniste, et que les juifs de l’Est ayant bénéficié de cet enseignement, comme lui, étaient les véritables dépositaires de l’humanisme allemand. Il écrit ainsi dans Juifs en errance : « Pour le juif de l’Est, l’Allemagne est par exemple encore et toujours le pays de Goethe et de Schiller, de ces écrivains allemands que n’importe quel jeune adolescent juif désireux d’apprendre connaît mieux que le lycéen allemand qui arbore la croix gammée. » Dans l’œuvre de Roth se construit ainsi toute une dialectique du centre et de la périphérie, Vienne étant ainsi associée à la superficialité d’une culture élégante et frivole, tandis que c’est en Galicie qu’on trouve une profondeur humaine, éthique, spirituelle qui fait toute la dignité de ses habitants –dont l’Europe des grandes métropoles occidentales gagnerait à s’inspirer. Il y a là toute une mythologie personnelle qui a souvent conduit Roth à rêver pour l’Europe centrale d’une symbiose harmonieuse de l’élément slave, de l’élément autrichien et de l’élément juif.

 

Propos recueillis par Frédéric du Hauvel

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17 mars 2012 6 17 /03 /mars /2012 13:58

CINÉ -CLUB UKRAINIEN

ESPACE CULTUREL DE L’AMBASSADE D’UKRAINE

 

Mardi 3 avril 2012, 19h, à l’Espace culturel de l’Ambassade

22, av. de Messine, M° Miromesnil.

Entrée libre.
Réservation souhaitée au 01 43 59 03 53

 

 

PILSUDSKI SOUDOYA PETLURA

(ПКП – Пілсудський Купив Петлюру)

vostf

 

Ciné-concert 

 

Production : VOUFKOU, Studio d’Odessa, 1926, 68 mn, nb, silencieux

Scénario : Hryhoriї Stabovyi, Alexandre Lifchyts

Réalisation : Axel Loundine, Hryhoriї Stabovyi

Photographie : Marius Goldt, Fédir Verygo-Darovskyi, Heorhiї  Drobine, I. Houdyma

Décors : Solomon Zarytskyi, S. Khoudiakov

Interprétation : Mykola Koutchynskyi, Youriї Tioutiounnyk, Natalia Oujviї,  Ivan Kapralov, Mykola Nademskyi, Boris Zoubrytskyi.

Genre : drame historique

 

Accompagnement au piano - Myron Mytrovytch, pianiste à l’Opéra de Paris

 Affiche-Pilsudski-soudoya-Petlura.jpg

 

Synopsis

Au début des années 20, l’otaman Simon Petlura cède l’Ukraine occidentale à la Pologne. Le pays est pillé. Des convois interminables partent vers l’Ouest avec sucre, céréales, produits manufacturés, bientôt attaqués par la cavalerie rouge de Kotovsky. Défaite, l’armée ukrainienne est internée dans des camps sur le territoire polonais. Siégeant à Tarnów, le gouvernement en exil continue d’entretenir des liens avec ses partisans en Ukraine dans le but de fomenter un ultime soulèvement populaire contre les Soviets. Avec une petite armée mal équipée, l’otaman Yourko Tioutiounnyk se lance en plein hiver dans un raid à travers l’Ukraine. S’enfonçant dans les lignes ennemies, il est pris au piège. La conspiration déjouée, l’aventure nationaliste est liquidée à l’issue de la bataille de Bazar. Tioutiounnyk réussit à s’enfuir vers la Pologne.

 Photogramme-Pilsudski-soudoya-Petlura-2.jpg

Opinion

Dans le but de stigmatiser et de ridiculiser les milieux indépendantistes ukrainiens ainsi que leur chef Simon Petloura, les autorités soviétiques passent, en 1925, une commande appropriée à la VOUFKOU - la réalisation d’un agitfilm intitulé Pilsudski Soudoya Petloura (Пілсудський Купив Петлюру). Le scénario est conçu par Alexandre Lifchyts et Hryhoriї Stabovyi, la mise en scène confiée à Axel Loundine, puis à Hryhoriї Stabovyi. Considéré à l’époque comme réalisateur majeur du Studio d’Odessa, Piotr Tchardynine persuade l’ex-général petlouriste Youriї Tioutiounnyk d’incarner son propre personnage dans le film. Deux ans auparavant, en juin 1923, ce dernier avait décidé de rejoindre secrètement l’Ukraine Soviétique pour diriger un nouveau soulèvement contre les Bolcheviques, mais il fut arrêté aussitôt après avoir franchi le Dniestr. Contraint de collaborer avec le pouvoir communiste, Tioutiounnyk travaillera comme instructeur militaire, puis comme scénariste à la VOUFKOU, notamment sur le film d’Alexandre Dovjenko Zvenyhora. Arrêté de nouveau en 1929, il  sera fusillé en octobre 1930 à Moscou.


Annoncé à grand renfort de publicité, le film sortit sur les écrans le 28 septembre 1926, quatre mois après l’assassinat de Petlura à Paris, et près d’un an avant le procès de Samuel Schwartzbard. Le destin de ce film fut atterrant. Montré initialement dans sa totalité, puis remonté, passant de 3421 à 2500 mètres, il fut amputé de sa quatrième partie, probablement celle où se déroulaient les pogromes. Le film fut envoyé en France et en Allemagne dès la fin de 1927, à l’issue du procès Schwartzbard. Quelques années plus tard, il sera totalement interdit. La raison invoquée était que certains des personnages du film avaient subi entre temps des répressions ou avaient été liquidés, le général Tioutiounnyk en premier. Le chef de la cavalerie rouge Grigory Kotovsky, qui avait donné, lui aussi, son accord pour s’auto-interpréter dans le film, fut mystérieusement tué peu avant le tournage, en août 1925, et remplacé par le comédien Boris Zoubrytskyi. Mais le remontage du film résultait essentiellement du fait que l’exemplarité du procès Schwartzbard (pendant la guerre civile, Schwartzbard avait été responsable d’une  brigade spéciale de cavalerie juive sous les ordres de Kotovsky dans le sud de l’Ukraine) tenait moins au verdict qu’à la spécificité de l’événement, notamment à la question de l’antisémitisme présumé de Petlura et de sa responsabilité dans les pogromes. Le procès avait été suivi par le journaliste Bernard Lecache, qui avait été envoyé en Ukraine par le fondateur du journal Le Quotidien, Henri Dumay, pour enquêter sur ces pogromes. Au terme de trois mois d'enquête, Lecache publia les résultats de son enquête en février et mars 1927. Son récit parut sous forme de témoignage dans un livre intitulé Quand Israël se meurt. Au pays des pogromes. Lecache raconta que, pendant son séjour à Kharkiv, il avait eu une entrevue avec la direction de la VOUFKOU, notamment avec le scénariste Alexandre Lifchyts. Après avoir visionné durant six heures trois longs métrages ayant pour thème la guerre civile en Ukraine - P.K.P., La Tragédie de Trypillia, L’Animal des bois -, Lecache demanda à voir Tioutiounnyk. Il le vit effectivement, mais n’obtint de lui qu’un mutisme total, contrairement à l’ancien ministre petluriste aux Affaires juives Pinkhas Krasnyi qui venait de solliciter  une rencontre avec le journaliste français dans le but d’accabler Petlura et d’obtenir sa propre réhabilitation aux yeux de l’humanité. Krasnyi assura Lecache qu’il se libérerait de ses obligations, si l’avocat Henry Torrès l’appelait à la barre au procès Schwartzbard. Bien qu’amnistié par les Soviets, Tioutiounnyk était constamment sur ses gardes. Méfiant, il devina que Lecache allait livrer des témoignages accablants sur les pogromes et donc lier son nom à Petlura. Quant aux autorités soviétiques, qui elles-mêmes avaient pris part aux pogromes, elles avaient tout intérêt à supprimer les scènes compromettantes, ce qui se confirmera tout au long de l’histoire du cinéma soviétique.

 

La dramaturgie du film, qui suggérait les paysans ukrainiens à décrypter l’abréviation PKP (Polskie Koleje Państwowe - Chemins de fer polonais) en Pilsudski Soudoya Petloura (Пільсудський Купив Петлюру), déroulait un récit basé sur des faits historiques en tableaux, certes, raisonnés, mais coulé dans un moule au concept hideux, montant les spectateurs ukrainiens les uns contre les autres. Les innombrables coupures opérées par séquences entières livraient une vision parfois chaotique, difficile à suivre. On ne sait qui tirait sur qui, d’incessantes cavalcades et courses-poursuites altéraient le fil conducteur du sujet, son rythme et sa cohérence narrative. Cependant, l’intérêt de ce film  résulte de la distribution et, a fortiori, de la mise en situation scénique de l’acteur. On y découvre Yourko Tioutiounnyk en chair et en os dans des scènes entièrement reconstituées, très proches du documentaire, notamment celles tournées dans le cercle des officiers supérieurs polonais. Le rôle de Petloura (sur l’affiche du film Petlura est représenté en compagnie de femmes dévoyées) est tenu par l’acteur Mykola Koutchynskyi, un véritable sosie, remarqué sur le plateau du film Benia Kryk en cours de réalisation. En 1928, Koutchynskyi interprétera le rôle de Petlura dans Arsenal de Dovjenko, mais la scène dans laquelle il apparaissait sera censurée. La jeune débutante Natalia Oujviї, dont le nom défile au générique de plusieurs films produits cette année-là, incarne le personnage de la belle espionne Gala Dombrowska. Dans l’épisode de beuverie dans le bar américain à Tarnów, on croit discerner, l’espace d’une fraction de seconde, le visage hilarant d’Alexandre Dovjenko accoudé au zinc. Le jeune cinéaste jugera quelques années plus tard ce film plus que médiocre, compte tenu de son passé dans l’Armée de Petlura et de sa volonté affirmée de se démarquer de Tioutiounnyk.


Quant à l’Histoire, ce Second raid hivernal de l’Armée Nationale Ukrainienne se termina de manière tragique près de la petite bourgade de Bazar, au nord-ouest de Kiev. Encerclés par la cavalerie rouge, 358 soldats y furent fusillés. Tioutiounnyk se replia avec les restes de son armée et s’enfuit vers la Pologne, grâce à un chef d’escadron de la cavalerie de Kotovsky, un Cosaque du Kouban qui avait sympathisé avec les Ukrainiens et qui ne lui bloqua pas le passage d’un pont sur la rivière Zvizdal. La scène finale de l’exécution des insurgés a-t-elle été incluse dans le scénario, enregistrée par l’opérateur, censurée au montage ? La copie existante laisse croire, tant aux historiens qu’aux spectateurs, qu’elle a été volontairement éludée par les commanditaires et les auteurs du film, puisque les 358 fusillés de la bataille de Bazar faisaient déjà à l’époque l’objet d’un véritable culte dans toute l’Ukraine.

Ignoré pendant 80 ans, cet incunable du cinéma muet ukrainien à de nouveau été projeté le 1er novembre 2007 à Kiev dans sa version non restaurée. Il servira de matériau iconographique au documentaire Opération Tioutiounnyk, réalisé par Natalia Barynova pour la Première chaîne de la télévision ukrainienne en 2009.

Lubomir Hosejko

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10 mars 2012 6 10 /03 /mars /2012 17:47
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10 mars 2012 6 10 /03 /mars /2012 17:36

La journée de la femme en Ukraine n’a absolument rien d’une journée de revendications, c’est au contraire une fête. L’atmosphère de la journée est toute en fleurs et convivialité. Au delà des clichés et des fantasmes répandus en France, 9 femmes ukrainiennes apportent leurs éclairages sur les nouvelles identités de la féminité ukrainienne.

1. Quelle grande figure féminine ukrainienne a marqué selon vous ces 20 dernières années ?
2. Dans quelle mesure la conception ukrainienne des rapports homme/femme vous paraît-elle différente de la vision française ?
3. Que pensez-vous des actions menées par le mouvement féministe ukrainien Femen ?

 

 

Olena.jpgOlena,  illustratrice et journaliste trilingue,


1. La figure féminine : Ioulia Timochenko, Lina Kostenko, Oksana Zabouzko. Difficile d'en donner une, mais si j'ai à choisir, je dirais - Ioulia! Controversée mais incontournable, au fort caractère, endurante, a fait beaucoup d'erreurs mais c'est une femme d'action qui n'a pas froid aux yeux.

2. L'homme reste toujours une figure centrale dans l'univers des femmes ukrainiennes. La femme française peut placer son épanouissement personnel à la première place. En Ukraine, une femme est perçue d'abord comme une mère, le reste est secondaire ; il me semble que les rapports homme/femme en France sont plus équilibrés, même si cela n'exclut pas des difficultés à trouver un bon équilibre. Par ailleurs, en France, la place du père est aussi importante que celle de la mère dans l'éducation des enfants. La notion de  garde partagée en cas de divorce n'existe pas en Ukraine. Les pères se désengagent plus facilement ou sont souvent  écartés après le divorce même si cela ne répond pas à leur attente...

3. Le mouvement Femen se fait remarquer, c'est indéniable. Tout le monde en parle, mais a-t-il atteint ses objectifs ? J’en doute….


liana.jpgLiana, linguiste et traductrice

1. Tymochenko. Ces dernières années elle a été la plus brillante et hors du commun.

2. Les couples ukrainiens suivent leurs cœurs, les couples français ont une approche plus rationnelle dans leurs relations.

3. Je ne connais pas malheureusement leur idéologie, je ne sais pas qui est derrière ce mouvement, mais cela semble intéressant...
Je n'aime pas le mot "féminisme" au sens où on l'emploie aujourd'hui. Je préfère parler de solidarité féminine.



olga.jpgOlga, consultante

1. C’est incontestablement Oksana Zaboujko. Mais je dois avouer que si la question portait sur ces dix dernières années, alors j’aurais probablement pensé à Ioulia Timochenko.
Oksana Zaboujko est une écrivaine, poétesse, philosophe et une personnalité publique. Sa super-nova a explosé sur le terrain littéraire au début des années 1990 à la publication du scandaleux « Etude de terrain du sexe ukrainien ».
Oksana Zaboujko a replacé la femme au cœur de la littérature. Elle parle du monde vu par la femme active, intelligente, responsable.

2. La femme ukrainienne, malgré tout ce qu’on peut lire et entendre à l’Occident, est pudique. Elle est d’abord mère et chef de foyer, et ensuite épouse et/ou maîtresse. Un proverbe ukrainien illustre bien les rapports traditionnels homme-femme : « Un homme c’est une tête, une femme c’est un cou : la tête regarde où le cou tourne ». Quand j’ai « testé » ce proverbe sur mes amis français, les Français ont été enchantés de ce partage respectueux des rôles, les Françaises n’ont vu qu’un cloisonnement, une réduction du rôle de femme. Mais dans ce proverbe le rôle de l’homme est également bien défini (« réduit »).
Tout n’est absolument pas rose en Ukraine (ni en France d’ailleurs). La femme ukrainienne a des cadres (imposés par des hommes, ou choisis par des femmes ???) à respecter. Mais, à mon avis, la femme française, souhaitant se libérer des limites, ne fait que s’en créer d’autres.
Sinon, en comparant l’égalité des sexes dans nos deux pays : une Ukrainienne gagne 70% du salaire d’un Ukrainien, une Française – 80%. Le plafond de verre existe bien dans les deux pays. Il me semble que la proportion de femmes au foyer est plus importante en France.

3. Ces actions choquent ou amusent en Ukraine. Je pense que pour les jeunes femmes participant à ces actions le but est le même que pour les jeunes femmes françaises qui souhaitent participer à des télé-crochets. Dans les deux cas on se souvient souvent de leurs seins, mais moins du visage et encore moins de la cause.
Les actions de Femen sont inefficaces dans les sphères de leur « lutte », mais très efficaces dans la sphère de communication. Ma conclusion – le but de Femen est la communication et non la défense des causes déclarées.



Lessya.jpgLessya, cadre dans le tourisme

1. À mon avis, la poétesse et écrivaine Lina Kostenko a beaucoup marqué les 20 dernières années de la littérature ukrainienne et  sa culture en général. Les critiques littéraires ont depuis longtemps identifié l’idée prépondérante de son travail - l'originalité sans compromis. Elle est fidèle à ses convictions et à ses principes éthiques. La vie littéraire de Lina Kostenko a été très difficile. Elle a toujours écrit de manière aiguë et critique. Sa forte personnalité n'a jamais fait de compromis avec les autorités et c’est pour cela qu’elle est restée 16 ans dans un "silence" forcé. Elle a refusé plusieurs prix proposés par différents gouvernements ukrainiens en disant qu’elle « ne porte pas de bijouterie politique ».
Lina Kostenko a toujours eu beaucoup de succès auprès des lecteurs mais une partie de ses recueils de poèmes ont été inaccessibles à cause de la censure. J’aime la valeur de ses principes moraux.
Après la catastrophe de Tchernobyl, Mme Kostenko s’est mobilisée pour sauvegarder les monuments historiques de la région de Polissia. Elle a également répertorié et enregistré des trésors inestimables du patrimoine ukrainien. Elle cherche maintenant des ressources pour faire un musée.
Actuellement, hélas, elle vit dans la solitude et sort peu. Elle fêtera le 19 mars, ses 82 ans.

2.Les rapports homme/femme en Ukraine et en France sont, à mon avis, complètement différents. Il m’a été très difficile par exemple, d’accepter il y a 11 ans à mon arrivée en France, de gérer mon budget. C’était impensable en Ukraine. J’ai beaucoup réfléchi à cette question et je trouve que cela nous procure une certaine indépendance. Par ailleurs, je pense que les salaires des hommes en Ukraine sont beaucoup plus importants que ceux des femmes mais personne n’évoque l’idée de remédier à cette inégalité. En Ukraine, c’est l’homme qui doit payer pour toutes les dépenses du foyer et le salaire de la femme (si elle travaille) est pour elle. C’était normal pour moi quand j’ai quitté l’Ukraine, mais impensable et inacceptable aujourd’hui.
 En fait, cela dépend beaucoup des familles, mais en général, les hommes ne s’occupent pas beaucoup des enfants, ne participent pas aux tâches ménagères et ne font pas les courses. La nouvelle génération fait évoluer ce mode de fonctionnement qui reste encore d’actualité dans la génération de nos parents.

3. Je sais que Femen est assez mal perçu en Ukraine, y compris parmi mes proches, mais je crois que ce sont des filles très courageuses qui n’ont pas peur de revendiquer la place de la femme dans la société ukrainienne (assez machiste, il faut le dire). Plusieurs ukrainiennes partagent leurs revendications mais elles ne sont pas très nombreuses à se joindre à Femen. Il est bien regrettable que les filles de Femen soient perçues de manière sceptique en Ukraine. Elles attirent l’attention des medias (même étrangers) et revendiquent des libertés très importantes – elles étaient parmi les rares à s’opposer à l'idée d'une interdiction totale de l’avortement en Ukraine. J’admire l’efficacité et le radicalisme de Femen et je partage pleinement leur slogan « Mon corps – Mon affaire ».

 



alla.jpgAlla, journaliste

Pour moi, et c'est sûrement subjectif, la grande figure féminine ukrainienne est Lina Kostenko, qui est toujours restée simple, sans se préoccuper d’entrer dans le jeu de la représentation. Sur le plan politique et international, l’Ukrainienne la plus connue est sûrement Timochenko. 

 2. Les rapports entre les hommes et les femmes restent en grand partie assez traditionnels, surtout en province où les tâches sont souvent réparties. Les moeurs s'occidentalisent chez les jeunes et dans les grandes villes.

 3. Je crois que ces filles ont peut-être certains problèmes à régler avec les hommes, ou avec leur père en particulier. Comme elles veulent souligner avant tout qu'elles existent, c'est une recherche de notoriété, qui n'est pas encore suivie et que l’on ne peut pas qualifier d'action politique. Plusieurs slogans paraissent immatures. Comme, par exemple, "You + Ya = H...a", le jour du verdict de Timochenko, ce qui devrait signifier que Yanoukovich et Timochenko, c'est la même (mauvaise) chose. Un peu simpliste, je dirais. Mais je sais que les hommes sont plus compréhensifs avec elles. Et après tout, les filles sont si jeunes, elles peuvent, si elles le souhaitent, progresser encore.



ania pAnna, analyste bancaire

1. C’est sans doute Ioulia Timochenko. On peut partager ou pas ses propos mais, en tout cas, c’est une femme qui a marqué les esprits et dont on se souviendra dans les 20 ans à venir.

2. L’Ukraine reste quand même beaucoup plus traditionnelle, voire machiste. Mais on peut nuancer cette opinion. C’est cette période de Guerre qui a mis les femmes à contribution pour des travaux traditionnellement réservés aux hommes. Cela dit, pendant mon enfance, j’ai vu des femmes libres, prendre des décisions et faire preuve d’autorité, tant dans leur vie familiale que dans leur vie professionnelle. Néanmoins, il faut reconnaître que les tâches ménagères relèvent du domaine des femmes et que peu d’entre elles figurent dans la liste des dirigeants de l’Ukraine.
Je crois que les Ukrainiennes n’osent pas revendiquer leurs droits et préfèrent soumettre leurs décisions aux hommes, en jouant le rôle de sexe faible et en leur laissant croire à leur supériorité.

3. C’est juste ridicule. Je ne crois pas que l’on puisse les prendre au sérieux, au contraire, elles discréditent les idées féministes.


Oksana.jpgOksana, entrepreneur

 

1. Bien sûr, on pense à Ioulia Timochenko… Pour ma part, aucune grande figure féminine ukrainienne ne s’est vraiment imposée.

2. Vue de l’extérieur, on peut penser que la conception patriarcale traditionnelle est encore très dominante en Ukraine. Cependant, dans les faits, il y a beaucoup plus de femmes qui détiennent des postes de leader dans les structures économique ou politique et leur réussite ne suscite pas de commentaires machistes. Femmes au foyer ou actives, la femme en Ukraine ressent moins de pression sociale que la femme française dans ses choix  professionnels ou familiaux.

3. Même si j’approuve leur engagement en faveur des femmes et de la démocratie, je pense que leur choix d’action provocatrice ne fait que renforcer, à l’étranger en tout cas, les clichés répandus sur les femmes ukrainiennes.

 

 

Ania.jpgAnna, cadre dans le domaine de la culture

1.  La société ukrainienne étant à forte dominante masculine, peu de femmes se démarquent de la pléthore d'hommes qui la régit. Les figures féminines médiatisées ne sont pas les plus charismatiques. Par ailleurs, il est difficile de citer ne serait-ce qu'une femme active de façon constante tout au long des 20 dernières années.
Ceci dit, si je devais citer un nom, ce serait Ioulia Timochenko, bien que je n'aime pas le personnage, beaucoup trop fourbe à mes yeux.

2. Pas facile de répondre en quelques phrases. Les rapports hommes/femmes ukrainiens sont globalement assez traditionalistes. Souvent l'égalité homme-femme prend la dimension "il paye tout, elle est belle" et c'est regrettable. Dans ces conditions, le partage des tâches domestiques, par exemple, est très inégal au sein d'un couple ukrainien. Les Françaises se concentrent davantage sur elles-mêmes et leur carrière, les Ukrainiennes sur la famille. Pour comparer, dans les années 2000, l'âge moyen des femmes à la naissance du premier enfant est de 23 ans en Ukraine et de 29 en France. Ces chiffres sont assez parlants...
En revanche, la galanterie est de mise chez la plupart des hommes slaves. Ils cèdent plus facilement leur place dans le métro, aident à porter les charges lourdes, ouvrent la porte pour laisser passer une dame. En gros, toutes ces choses qui font bondir les féministes françaises.

3. Étant de nature pudique, je suis troublée par la nudité exhibée par ce groupe de protestation. Toutefois, je suis consciente que leur manière d'agir est un moyen d'attirer l'attention et de dénoncer le mal-être actuel de l'Ukraine. Ce genre de communication corporelle gêne, bouscule, dérange, et cela assure la médiatisation des actions de FEMEN à l'échelle à la fois nationale et internationale. Dans tous les cas, je partage entièrement le fond de leurs revendications.



Ira.jpg 

 

Iryna, critique littéraire

1. Il y en beaucoup: de Ioulia Timochenko à Olga Kurilenko. A mon avis, Solomia PAVLYTCHKO est la femme la plus importante de cette dernière décennie en Ukraine. C'est une femme qui a conçu une nouvelle  approche de la littérature dans l’Ukraine contemporaine. C'est elle qui a introduit de nouvelles méthodes d'analyse et qui s’est investie pour aider les scientifiques à oublier l'héritage idéologique encore présent dans les sciences actuellement. Ainsi, dans les années 90, Solomia PAVLYTCHKO par ses démarches, a permis pour la première fois une approche féministe de l’analyse du texte littéraire ukrainien (à l’époque de l'URSS cette approche était considérée comme "fausse" et "nuisible"). Actuellement, l’évolution de cette science des lettres en Ukraine s’inspire des théories de Solomia PAVLYTCHKO.

2. Les conceptions sont différentes - et cela me semble bien normal. La différence de vues ne dépend pas du pays. Est-ce que les Françaises et les Ukrainiennes sont vraiment si différentes? Je ne le pense pas.
Par contre, on ne peut pas nier qu’au vu du niveau de vie assez bas, certaines femmes s’investissent dans leur beauté et vont à la recherche d’une vie meilleure à l'étranger ou dans les bras d’un homme plus riche qu'elle. Cela dit, comme dans le roman "Madame Ex" d’Hervé Bazin, certaines se laissent aller après le mariage et d’autres souffrent de violences de peur de quitter leur famille.
Mais il ne faut pas oublier que des stéréotypes sur les "filles / femmes de l'Est" véhiculent de fausses images. On oublie trop souvent que les femmes en Ukraine (comme dans toute l’ex- URSS) ont eu accès au marché du travail, au droit de vote, au divorce et à l'avortement dans les années 1920.
Les rapports homme/femme dépendent de plusieurs facteurs. En Ukraine actuellement, on observe l'influence des stéréotypes d'après guerre. A l'époque où la plupart des jeunes hommes ont été tués à la guerre, les femmes sont restées seules. Pour une femme de cette époque, avoir un homme valorisait l’image de soi.
Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. L'urbanisation, l’autonomie, la pilule, l'avortement, l'accès à l'éducation et au marché du travail, le droit au congé de maternité de 3 ans… tout cela contribue à identifier la femme ukrainienne à toute autre femme occidentale.

3. Les filles de "Femen" représentent un mouvement très contradictoire. D'une part, elles manifestent la puissance du corps féminin qui n'appartient qu'à la femme. D’autre part, elles utilisent ce même arsenal qui est le stéréotype parfait de la "fille de l'Est" : elles sont belles, jeunes, sveltes et nues... En tout cas je pense que le mouvement provocateur, comme "Femen" est très utile car il attire l'attention sur la pensée féministe en Ukraine.

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10 mars 2012 6 10 /03 /mars /2012 17:31

Youri Loutsenko, ex-ministre de l'Intérieur en Ukraine, vient d'être condamné à 4 ans de prison, 3 ans d'inéligibilité et à la confiscation de ses biens. Il est accusé d'avoir « organisé un complot avec son conducteur, dans le but de s’approprier des biens d'état. » Le Parquet Général de l'Ukraine lui reproche d'avoir embauché un conducteur, venant de Rivne, de l'avoir aidé à obtenir un petit appartement de fonction et un salaire standard, prévu pour tous les conducteurs de tous les ministres de l'Intérieur.

 

Ce verdict a tout de suite suscité une vive critique de la part  de l'Union Européenne, du Conseil de l'Europe, des Etats-Unis et particulièrement de la France, via le porte-parole du Ministère des Affaires étrangères, M. Bernard Valero. "Cette condamnation intervient au terme d'une procédure non conforme aux engagements internationaux de l'Ukraine durant laquelle M. Loutsenko a subi une détention provisoire sans rapport avec les chefs d'accusation, a dû suivre son procès enfermé dans une cage et s'est vu refuser l'accès aux soins médicaux", a indiqué M. Valero, lors d'un point-presse.

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M. Jean-Claude Mignon, député et membre de l'Assemblée Particulière du Conseil de l'Europe, lance également un appel aux autorités ukrainiennes : « Il est inacceptable que dans un Etat membre du Conseil de l’Europe d’anciens membres du gouvernement soient poursuivis pour des motifs politiques. Cette pratique est contraire à l’Etat de droit et éloigne l’Ukraine des principes de notre organisation et, par conséquent, également de l’intégration européenne à laquelle ce pays aspire.

 

Comme notre Assemblée l’a demandé le mois dernier dans sa résolution 1862, les charges retenues contre ces anciens membres du gouvernement doivent être abandonnées. Il est urgent que les autorités ukrainiennes libèrent M. Loutsenko qui, tout comme Mme Timochenko, est victime d’une politique mise en œuvre par le pouvoir en place cherchant à incriminer les décisions prises par un gouvernement précédent », a conclu M. Mignon.

 

Plus la réaction des hauts représentants des institutions internationales et des pays occidentaux est prévisible, plus le verdict surprend les observateurs de la société civile ukrainienne. De nombreux experts, ainsi que les avocats de Youri Loutsenko prédisaient un délai conditionnel. « Pour montrer un bonne image du pouvoir ukrainien aux occidentaux et en même temps ne pas permettre à cet opposant de participer aux élections », disait Valentyna Telychenko, représentante de M Loutsenko à la Cour Européenne des Droits de l'Homme.

 

Mais Kiev en a décidé autrement. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons. Tout d'abord, une fois de plus, depuis l'emprisonnement de Julia Tymochenko, le pouvoir ukrainien démontre que le Parti des Régions craint davantage la défaite à la législative en octobre 2012 que la perte de son image à l'étranger, d'autant plus que cette image est déjà ternie. Tymochenko et Loutsenko sont deux contestataires expérimentés et charismatiques. Tous deux plus efficaces peut-être, dans l’opposition qu'au pouvoir ; en effet, ils sont potentiellement capables d’incarner la fronde populaire contre la vie chère, injuste et dure. Selon les derniers sondages,  aujourd'hui le parti de Régions n'a que 12-13 % d’opinions favorables, loin des 35 % habituels. Cela explique l’emprisonnement des opposants les plus redoutables, à titre préventif…

 

Par ailleurs, selon Serguy Leshchenko du media Ukrainska Pravda, ces emprisonnements ont un goût de vengeance venant de quelques hauts fonctionnaires. Ainsi le vice-premier ministre Boris Kolessnikov, poursuivi et mis en garde à vue peu après la première nomination de M. Loutsenko au Ministère de l'intérieur, n’a jamais oublié cette humiliation. Face à des  journalistes qui procédaient à une autre interview avec un député ukrainien, M Kolessnikov a clairement dit à un autre vice-premier ministre, M Tikhonov: « Il s'est moqué de nous tous, qu'il reste en cage maintenant ».

 

Youri Loutsenko ne se reconnaît pas coupable. Sa défense a fait appel de sa condamnation, sans beaucoup d'illusions. « Il n'y a plus de justice ni d’état de droit en Ukraine », a dit un avocat de Loutsenko, M Olexiy Baganets. La défense de l'ex-ministre met ses espoirs sur le procès en référé qui de tiendra à Strasbourg, à la Cour Européenne des Droits de l'Homme.

 

Le 17 avril, pour la première fois dans l'Histoire ukrainienne, la requête d'un ressortissant du pays, Youri Loutsenko, sera étudiée à la CEDH en audience publique.  De nombreux ukrainiens se préparent à assister à cette séance. Parmi eux, le Comité Représentatif des Ukrainiens de France organise un déplacement à Strasbourg pour tous ceux qui veulent soutenir le droit de l'Ukraine au pluralisme politique.

 

Alla Lazareva

 

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10 mars 2012 6 10 /03 /mars /2012 17:27

04avril.jpgComment avez-vous eu l’idée de créer cette chorale en 1997 quels ont été les moments forts de la chorale depuis 15 ans ?

 

C'est au cours d'une rencontre entre copains au sein de l'entreprise dans laquelle je travaillais comme informaticien à Saint Quentin en Yvelines qu'est née cette envie de créer un groupe vocal. Au début c'était presque une blague, un défi car aucun d'entre nous n'avait déjà chanté. Puis au fur et à mesure des répétitions c'est devenu un vrai projet qui a pris forme peu à peu avec le désir d'accéder à une culture musicale jusque là inconnue. En 1998 sous la baguette de notre premier chef de choeur Dominique Simonet, nous avons chanté les Carmina Burana de Carl Orff : un vrai succès et surtout un grand plaisir qui nous a incités à aller plus loin dans la découverte de nouveaux répertoires. Deux ans plus tard Hélène Spasky, d'origine russe, est devenue notre chef de choeur. En 2000 sous sa baguette, c'est la diversité du répertoire populaire et orthodoxe russe notamment, qui fut appréhendé lors d’un concert réalisé avec l'orchestre de balalaïkas « Saint Georges ». En 2001 Offenbach fut à l’étude. Achoriny s’est associé avec une compagnie de danse et un orchestre de la ville pour créer un spectacle original : « Le rêve d’OFFENBACH » qui fut présenté au théâtre de la ferme de BEL EBAT à Guyancourt en 2003. Puis en 2005 une comédie, « BALADE MUSICALE », a été créée sur le thème « cabarets du monde ». Suivra en 2006 la réalisation d’un polar chanté, « PASTEL en EAUX TROUBLES » qui fut présenté à la salle JACQUES BREL de Montigny dans le cadre du festival de théâtre amateur. En avril 2007, Hélène nous a présenté Vasyl Borys, d'origine ukrainienne, et c'est sous sa baguette  que avons renoué définitivement avec la musique slave.

 

Quelle est votre répertoire de prédilection ?

En fait la nature des évènements auxquels nous participons constitue l'ossature de notre répertoire. Si nous donnons un concert de Noël, nous allons étudier des chants de musique sacrée, si nous faisons un concert en entreprise nous mettrons plutôt l'accent sur des chants festifs accompagnés à l'accordéon. Lorsque nous avons décidé d'aller en Ukraine il nous a semblé opportun de faire connaître le répertoire de la renaissance française. La composition du choeur (choeur mixte slave, choeur d'hommes, choeur renaissance mixte) influe aussi sur le choix des chants. Aujourd'hui nous avons choisi d'approfondir deux thèmes : la "musique slave" et la "renaissance française"

 

Comment vous est venue l’idée de faire des rencontres et des échanges avec des chorales étrangères qui chantent le répertoire ukrainien ?

La musique participe de la culture d'une nation et nous avons souhaité mieux l'appréhender en rencontrant soit des Ukrainiens, soit d'autres choristes qui avaient une démarche similaire à la nôtre pour donner plus de sens à notre entreprise. Il faut dire aussi que Vasyl en resituant la musique dans son contexte géographique nous a donné envie d'aller voir de plus près ce pays. Aucun choriste ne connaissait l'Ukraine ; cela a donc été la découverte totale d'un pays accueillant et convivial. La rencontre avec d'autres chorales a été excellente à telle enseigne que nous avons accueilli en 2011 le choeur "Boyan" de Lviv.

 afficha41.jpg

Quels concerts sont prévus ces prochaines semaines ?

 Les 24 et 25 mars nous donnerons des concerts à Trappes, puis au Essarts le roi avec le Quatuor "Contact" de Dolyna, et le choeur Lysenko de Bunnik en Hollande. Le 13 mai ACHORINY participera au festival des chorales à Prunay en Yvelines, puis le 23 juin à la fête de la musique à Guyancourt et à Trappes.

 

Comment voyez-vous l’avenir de la chorale ?

A moyen terme nous travaillons à la réalisation d'un échange avec un choeur canadien de Toronto ainsi qu'une rencontre entre plusieurs chorales à Dolyna en Ukraine. Par ailleurs ACHORINY  entend pérenniser sa dynamique. Administrativement, il faut renouveler le personnel dirigeant pour que de nouveaux projets voient le jour. ACHORINY est une chorale d'amateurs et dans amateur, il y a le mot aimer, aussi je crois que techniquement il faut faire aimer davantage les répertoires slaves et renaissance pour révéler les richesses culturelles qu'ils recèlent.

Propos recueillis par Lesya Darricau-Dmytrenko

 

 

 

 

 

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7 mars 2012 3 07 /03 /mars /2012 20:07

Le bulletin de Mars 2012 de Perspectives Ukrainiennes est disponible sur la page Archive des bulletins de Perspectives Ukrainiennes.

 
Au sommaire:


p. 1 Agenda
Le mois de mars dans l’histoire
p. 2 La France s'indigne de la condamnation de Youri Loutsenko
p. 3 Soirée littéraire - rencontre avec Oles Ilchenko (9 mars 2012)
p. 4-6 Jeudi 8 mars, journée internationale de la femme : la preuve par 9
p. 7 Soirée littéraire - rencontre avec 8 écrivains (15 mars 2012)
p. 8 Entretien avec René Tronche, Président de l’Atelier Choral de Saint Quentin en Yvelines
p. 9 Concert de Chorégies Ukrainiennes (24 mars 2012)
p. 10 Actualité du livre et du DVD

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