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7 janvier 2014 2 07 /01 /janvier /2014 23:32

andrii-kozlov.jpgRésumé de l'interview d’Andriy Kozlov, avocat, co-auteur du programme postrévolutionnaire des changements, pour Lb.ua. En 1996, jeune étudiant, Andriy a travaillé au Rada suprême d’Ukraine, parlement, en tant que stagiaire et a pu participer à l’élaboration et assister à l’adoption de la Constitution ukrainienne.
Source

- Andriy, tu es optimiste, tu crois en victoire de la révolution. Sur quoi cet optimisme est-il basé?
Je pense que tous les gens qui habitent en Ukraine et ne souhaitent pas émigrer sont des optimistes. Je le suis donc aussi. Je suis persuadé que malgré notre hébétement, le peuple se révèlera et soutiendra un système juste de l’organisation d’Etat. Enfin, on ne peut qu’avancer.


Le peuple ukrainien est très intéressant dans ses relations avec l’Etat. Durant de nombreuses années, elles ont été inexistantes, puisqu’on n’avait pas d’Etat. Aujourd’hui, l’Etat existe, mais le peuple pense : laisse-nous tranquille, s’il te plaît, laisse nous travailler et créer des institutions justes et transparentes.


Le fait que Maidan existe est déjà un signal pour l’Etat qu’il a tort. Le peuple veut lui dire que l’Etat ne remplit plus ses fonctions, qu’ils ne sont pas contents et qu’ils exigent que l’Etat prenne ses responsabilités.

-    Mais les autorités s’obstinent à l’ignorer.
Il semble que l’Etat ne comprenne pas qu’actuellement dans la société naît une force très saine. On peut l’utiliser pour déclencher une percée sérieuse y compris avec des retombées financières pour le pays. Or, l’Etat fait le contraire ; il essaie d’empêcher le progrès, tente de l’arrêter, met des bâtons dans les roues et cherche à maîtriser la situation.


Pour une percée réussie il faut un programme porteur d’avenir. C’était donc la raison pour laquelle nous avons écrit notre programme (ndt : programme des changements postrévolutionnaires – en ukrainien). Aujourd’hui, nous proposons à chacun de laisser ses commentaires. La concertation du peuple permettra d'englober plus de domaines et  de chercher à aborder davantage de sujets.


Souvent on entend nos adversaires – «  mais que voulez-vous exactement  ? Nous allons quitter le pouvoir – et qu’y aurait-il après ? Vous voulez juste changer de tête? Pourquoi faire ?  ».


Donc, nous avons essayé d’appliquer une nouvelle approche : déclarer ce qu’on veut précisément maintenant et à l’avenir de la part de tous les politiciens quels qu’ils soient. C’est écrit dans notre Programme.
Tout d’abord, nous avons écrit ce qu’il faut faire pour ne pas voir la répétition du 30 novembre (ndt : dispersion violente d'une manifestation par les forces de l’ordre  - en ukrainien) dont nous avons gardé un souvenir désastreux.

-    C’est donc votre moyen de lutter pour vos droits ?
Quand on parle d’une lutte pour quelque chose, on sous-entend bizarrement toujours une violence physique. Une sorte de foule qui englobe et détruit tout sur son passage et prend le pouvoir dans ses mains … En tout cas c’est une image que se font ceux qui sont toujours mentalement dans le XX siècle. Même pire – tout au début du XX siècle.


Une lutte pour les droits et les libertés consiste actuellement en leur élargissement et en leur défense efficace. Maidan essaie de le faire, y compris – la défense physique des manifestants, par des barricades. Par ailleurs, l’offensive est également une retranscription en mots des doléances, avec l’idée que toute la société (ukrainienne) y comprend plus tôt ou plus tard son intérêt pour soi, puisque nous avons des valeurs qui nous rassemblent tous. Par exemple, personne ni à Lviv, ni à Louhansk, ni à Sébastopol, ni à Kyiv ne veut pas recevoir de coups de matraque.


Il n’est pas très logique pour les autorités de continuer à ignorer Maidan. Maidan est déjà une force avec laquelle il faut mener un dialogue.


Le problème de fond de nos autorités est leur incompréhension qu’une personne libre est beaucoup plus efficace au travail. Elle s’implique mieux, elle vit mieux, sans penser à la couleur des drapeaux sous lesquels il faut se mettre pour pouvoir continuer à travailler. C’est une raison pour laquelle cette personne est capable de développer une action individuelle, de protester. Elle s’identifie à Maidan.

-    Quel est ton avis sur ce qui se passe du point de vue du droit constitutionnel ?
Les évènements du 30 novembre sont un exemple classique de violation de la constitution, pour laquelle les coupables doivent endosser leur responsabilité juridique. La situation est la suivante : l’Etat est devenu dangereux pour ses citoyens.


Parfois il peut arriver le pire, par exemple – Tchernobyl. Avec des conséquences graves, des victimes, mais il s’agit toujours d’un accident, même s’il existait des erreurs dans le système qui ont mené vers cette catastrophe. Mais quand quelques centaines de personnes en uniforme sont animés par une unique volonté  et quand ils réalisent les actions qui violent les droits de l’homme – alors c’est un système. Si l’Etat viole fréquemment et en masse les droits de ses citoyens alors cela s’appelle l’usurpation de pouvoir. On n’a pas encore inventé un autre mot pour le désigner.

Rajoutons qu’il ne s’agit pas que d'agressions physiques. Il y avait également des décisions juridiquement bizarres qui interdisaient des actions paisibles de protestation. C’est-à-dire – non seulement on nous a agressé, mais on ne veut même pas prendre en compte nos doléances. C’est également un témoignage de violation systématique des droits de l’homme.


Dans la doctrine du droit constitutionnel depuis nombreuses années, depuis la Révolution française et la prise de la Bastille, il existe la conception de la liberté de manifester. Elle est appliquée en France, en Allemagne, eux États Unis. Elle a été prévue par la constitution ukrainienne de 1996.


-    On l’a donc enlevée ?
Oui, certaines personnes pas très courageuses ont décidé de supprimer cette liberté, en croyant traditionnellement le peuple comme «  pas mûr  ».


Alors ce qui se passe aujourd’hui sur Maidan c’est une sorte de témoignage de notre droit de soulèvement et de notre liberté de manifester. Ce n’est pas du tout une tentative de renverser l’ordre constitutionnel. C’est au contraire – notre retour vers lui, notre soutien à notre Constitution. Parce que les droits et les libertés de l’homme et du citoyen, selon son article 3, c’est l’épine dorsale de l’ordre constitutionnel. Si l’Etat viole systématiquement ces droits et ces libertés, alors il renverse lui-même l’ordre constitutionnel, usurpe le pouvoir – et il doit être remis à sa place.[….] Le limogeage du gouvernement est l'un des moyens pour cela. Notre exigence est donc constitutionnelle.

 

Interview réalisée  par Viktoriya Gerassymtchouk, 25/12/2013, résumé et traduite par Olga Gerasymenko de Perspectives Ukrainiennes

 

Pour suivre les actualités en Ukraine


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23 novembre 2013 6 23 /11 /novembre /2013 20:45
college-des-bernardins-.jpgIntervenants
Antoine Arjakovsky Co-directeur du département Société, Liberté, Paix
Iryna Dmytrychyn Maître de conférences à l’INALCO
Roman Serbyn Historien spécialiste de l’Ukraine, professeur émérite à l’Université du Québec à Montréal

Au cœur même de l’Europe, en 1932-1933, l’Ukraine, le grenier à blé de l’Union soviétique, subit de la part du régime communiste de Staline une terrible famine le Holodomor dirigée contre le peuple ukrainien.

En affamant la population par la confiscation du dernier grain de semence, le régime soviétique a conduit à la mort des millions d’individus provoquant ainsi un véritable génocide.

Faire connaître le Holodomor et obtenir sa reconnaissance internationale, c’est rendre hommage aux victimes mais aussi contribuer à condamner les crimes du régime soviétique et à restaurer la justice historique.

Cette soirée s’inscrit dans le cadre du colloque de l’INALCO sur le Holodomor du 28 au 30 novembre 2013.

 

jeudi 28 nov. 2013 20h - 22h

Gratuit pour les moins de 26 ans dans la limite des places disponibles.

Petit auditorium Collège des Bernardins Tarif plein : 5 € / Tarif réduit : 3 €

 

Pour s'inscrite

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15 novembre 2013 5 15 /11 /novembre /2013 08:58

Dans le cadre des Commemorations de Holodomor, la grande famine artificiele 1932-1933, un colloque est organisé à l'INALCO les 29 et 30 novembres 2013. Pour voir son programme cliquez ici

 

Nous vous invitons également à la projection du film "The Living" de Serhiy Boukovsky :

 

affiche-cinema-ukraine-30-11-2013.jpg

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14 novembre 2013 4 14 /11 /novembre /2013 15:25

affiche film holodomor web

 

HOLODOMOR un génocide oublié
Omerta sur 6 millions de morts !
Les derniers survivants témoignent


« Holodomor, le génocide oublié », un film de Bénédicte BANET


PROJECTION DEBAT


Le 23 novembre à 10 heures


au Cinéma ACTION CHRISTINE
4 rue Christine 75006 PARIS


Avec la participation d'Etienne THEVENIN
Maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université de Lorraine

 


Cette projection s'inscrit dans le cadre de la commémoration du 80ème anniversaire du Holodomor


Dans les années 1932-1933, l’État soviétique dirigé par Staline organise une famine artificielle en Ukraine : le Holodomor, l’extermination par la faim. Dans l’indifférence du monde entier, 6 millions de victimes y trouvent la mort.
À travers les récits de survivants et les interviews de personnalités françaises et ukrainiennes (historiens, philosophes, hommes politiques…), « Holodomor, le génocide oublié » témoigne des moyens mis en place par l’Etat soviétique pour affamer volontairement des familles paysannes entières, et des raisons de Staline pour briser l’esprit d’indépendance ukrainien. Il démontre en quoi cette famine a été un véritable génocide.


Lorsqu'en 2010 Bénédicte BANET entreprend l'écriture et la réalisation de ce film, elle voulait porter à la connaissance du public ces évènements sur lesquels a plané jusqu'à maintenant une véritable omerta. Et dire avec les survivants qui ont accepté de témoigner "plus jamais ça".


La famine est de nos jours encore utilisée comme arme de guerre, en Syrie et ailleurs dans le monde. Faire aujourd’hui acte de mémoire sur le Holodomor, c’est aussi interroger notre histoire contemporaine.


"Ce film est dédié à tous les survivants que j'ai rencontrés, ils m'ont touchée par leur émotion, leur souffrance, mais aussi par leur combativité et leur dignité" Bénédicte BANET, réalisatrice


Et s’ils trouvaient un pot avec quelque chose de caché Ils le prenaient ou ils le vidaient et toi, tu n’avais qu’à crever tout de suite. Crève ! C’était ainsi… Je me souviens de tout…… Vira KOLOS, du village de Sobolyvka


En face vivait une femme enceinte, elle était sur le point d’accoucher, ma mère est allée l’aider. Ce matin-là ma mère voit à côté du poêle un sac de déchets et un chaudron sur le feu. La femme y avait mis son enfant et l’avait cuit. Elle dit à ma mère qu’il n’est plus là et qu’elle l’a mangé… Je connais ce fait. Une grand-mère de Tarhan


Si on considère le tout : les morts de faim et les morts de répressions politiques on aboutit à la définition du génocide. Yevguene Zakharov, historien, juriste, co-président du groupe de défense des droits de l’homme de Kharkiv.

 

InSitu production
Contact : Gilles PAYEN
TEL : 06 15 44 71 25
contact@insitu-production.fr
www.insitu-production.fr


HGIR
Holodomor, groupe
d’information et de recherches
Contact : Janette LE MOGNE
TEL : 06 10 22 22 88
jlemogne at gmail.com.fr

 


Bénédicte BANET, auteur-réalisatrice
benedictebanet at gmail.com
facebook.com/holodomorbenedictebanet
extraits du film

 

Cliquez ici pour accèder au communiqué de presse en pdf

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26 juillet 2013 5 26 /07 /juillet /2013 10:16

 

anne-de-kyiv-portrait.jpgC’est au Moyen Âge, plus précisément  en 1051, que la princesse Anne quitta sa ville natale Kiev pour aller épouser Henri Ier, roi de France, petit-fils de Hugues Capet. «  Anne semblait digne en tous points de devenir la compagne du roi français. Elle était la fille de Yaroslav le  Sage, grand prince des Ruthènes, dont les exploits contre Boleslav, roi de Pologne, avaient porté le nom jusqu’aux confins de l’Occident. » Son aïeul Vladimir le Grand s’était  élevé à un haut degré de puissance et, en introduisant le christianisme parmi ses peuples, en 988, leur avait fait prendre place au milieu des nations civilisées. Yaroslav le Sage recueillit l’héritage de Vladimir le Grand. Il fut baptisé en même temps que son père (sous le nom de Youri). Parvenu au pouvoir, il poursuivit la politique de son père et amena l’Etat Kiévien au sommet de sa puissance. Il agrandit Kiev, l’entoura d’un mur d’enceinte, édifia de nombreuses églises et des palais. Il se soucia de l’élévation du niveau d’instruction et fonda des écoles. La célèbre Laure de Petchersk, important centre de monachisme et de rédaction des chroniques, fut elle aussi fondée sous son règne.

 

   Sous Yaroslav le Sage, l’Etat Kiévien entretenait  de nombreuses relations internationales. Yaroslav établit des alliances dynastiques avec les familles régnantes de l’Europe entière. Lui-même épousa une  Suédoise nommée Ingégerde. Ils eurent 9 enfants : leurs fils Iziaslav qui épousa une princesse polonaise, Vsevolod, une princesse byzantine, Sviatoslav, la petite fille de l’empereur germanique  Henri II.

 

Quant aux filles, Elisabeth, la sœur aînée d’Anne, épousa l’étonnant aventurier Harald le Brave, roi de Norvège, à qui Oslo doit sa fondation en 1058.  Veuve, elle s’unit en secondes noces à Sven, roi de Danemark. Sa plus jeune sœur Anastasia, se maria  vers 1050 avec le roi de Hongrie André Ier, et Anne épousa Henri Ier, le roi de France.

 

  Malgré 30 ans de règne, Henri Ier est peu connu en France. Par son aïeul Hugues Capet, il descend de Robert le Fort et d’Othon de Saxe, ancêtre des Capétiens et de la dynastie saxonne des empereurs de Germanie. Son père Robert le Pieux eut pour précepteur le moine d’Aurillac, un européen au savoir universel,  tour à tour astronome, musicien, diplomate. A l’école de ce savant pédagogue, il devint un prince cultivé, savant même, poète et musicien, en même temps que souverain d’assez grande allure. Il avait voulu pour ses fils une instruction sérieuse, comme celle dont il avait lui-même bénéficié. Mais les circonstances firent de lui un guerrier, tenace et courageux, plus qu’un homme de gouvernement. Il connut sans doute la période la plus difficile qu’ait traversé la dynastie capétienne.

 

   Henri eut quant à lui une enfance difficile ; sa mère, la belle et impérieuse Constance d’Arles, fille du comte de Toulouse Guillaume Taillefer, ne l’aimait pas et lui préférait ses cadets. Sacré à Reims le 14 mai 1027, il prit le pouvoir quatre ans plus tard, à la mort de son père, ce qui fut l’occasion pour Constance de lui créer toutes sortes de difficultés, soulevant même contre lui ses deux jeunes fils Robert et Eudes. Mais c’est seulement après la mort de sa mère en 1032, qu’il put songer à s’établir lui-même et à fonder une famille.

 

220px-Stamp_of_Ukraine_s210.jpg

   Mais pourquoi Henri 1er, roi de France, choisit Anne pour épouse ? Après avoir perdu en 1044 son épouse Mathilde, fille de l’empereur Henri II, qui ne lui avait pas donné d’héritier, il hésita longtemps avant de la remplacer. Il chercha vainement pendant plusieurs années une princesse en Germanie, car l’église s’opposait à des mariages consanguins, jusqu’au septième degré de parenté. Henri avait le désir de consolider la jeune dynastie capétienne par une union plus féconde que la première. Et lorsqu’il entendit vanter la beauté  d’une jeune princesse, dont le père régnait à Kiev, cette ville splendide, aux quatre cents églises, aux coupoles dorées, il décida de demander la main de la fille de Yaroslav le Sage qui occupait un rang glorieux parmi les princes de son temps. Même si ce pays lointain était alors quelque peu mystérieux et peu connu des peuples d’Occident, la renommée de Yaroslav le Sage était parvenue jusqu’à la cour d’Henri Ier. La France n’avait pas seulement besoin d’un héritier, mais de renforcer ses alliances et d’augmenter son prestige auprès des autres royaumes.

 

   Lorsque Henri Ier prit la décision d’envoyer les messagers au « Roi des Ruthènes » pour lui demander la main de sa fille, il chargea de cette mission une équipe brillante, Roger II, évêque de Chalon, Gauthier, évêque de Meaux, Gosselin de Chauny et plusieurs autres grands du royaume. Le retour de cette suite avec la princesse eut lieu entre 1049 et 1050. Le mariage fut célébré le jour de la Pentecôte,  le 19 mai 1051, dans la cathédrale de Reims. Ce mariage ne pouvait que renforcer le pouvoir d’Henri Ier, et garantir des liens avec un état puissant, l’Etat de Kiev. Il semblerait qu’à compter de 1059 et jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, plusieurs rois de France, en accédant au trône prêtèrent serment sur un très ancien Evangéliaire que la princesse Anne avait amené avec elle de Kiev. Il est l’un des plus anciens documents de langue ruthène écrit en cyrillique et glagolitique, conservé à la Bibliothèque Nationale.

 

Anne-de-Kyiv-monument.jpg

   Anne semblait s’être acclimatée en France : elle partagea la vie errante de son époux, celle des rois et seigneurs en général qui allaient de résidence en résidence, mais elle marqua apparemment quelques prédilections pour celle de Senlis. Le couple royal eut trois enfants : Philippe qui régna après son père, Robert qui mourut jeune et Hugues le Grand, plus tard comte de Crépy et chef de la branche royale de Vermandois.

 

   Selon les témoignages des chroniques, le couple royal paraissait bien s’entendre ; le nom de la reine Anne était mentionné à côté de celui du roi, dans plusieurs actes. Ainsi, le 12 juillet 1058, son nom parut dans un diplôme donné par Henri Ier au monastère de Saint- Maur-des Fossés. La même année elle confirma la charte donnée par son époux en faveur de l’abbaye de Hasnon. Le 29 mai 1059, la reine assista au sacre de son fils Philippe à Reims. A ce moment-là un acte fut donné en faveur du monastère de Tournus.

 

   Henri Ier mourut à Vitry-aux Loges près d’Orléans, le 4 août 1060, à l’âge de 52 ans. Après sa mort, Anne se retira avec ses enfants au château de Senlis. Elle conserva la tutelle et la garde du jeune roi. Au cours des trois années qui suivirent la mort d’Henri, le nom de la reine Anne figura encore dans plusieurs pièces.

 

 Il existait à Senlis, au faubourg de Vietel ou Vitel, une petite chapelle en ruines, dédiée à Saint-Vincent. Autour de cette chapelle s’étendait un vaste pré, appelé le Pré -du-Roi. C’est sur ce terrain que la reine fit construire son abbaye, avec la permission de son fils Philippe. Les travaux terminés le 29 octobre 1065, la consécration de l’église put avoir lieu.

 

   Après la mort de son époux, Anne se consacra à l’éducation de ses enfants, tout en remplissant un rôle politique indiscutable au cours de la première année de régence. Elle agit en souveraine auprès de son fils Philippe, c’est pourquoi son nom fut souvent mentionné à côté de celui-ci.

Anne_de_Kiev_autograph.PNG

   Puis soudain, elle disparut, on ne parla plus d’elle, ou très peu. Cette brusque disparition nous autorise à placer au cours du deuxième semestre 1061 l’intervention de Raoul, comte de Crépy et de Valois dans la vie personnelle de la reine. La chronique de son temps nous le présente comme un seigneur intelligent, ambitieux, peu scrupuleux, qui ne craignait ni l’armée du roi, ni les censures de l’église, ni l’opinion publique. Il attaqua et s’empara de tout ce qui lui convenait : villes ou châteaux, car c’était un bon chef militaire. Il commença par hériter de Gautier III, son cousin, mort sans enfants, des comtés d’Amiens, de Chaumont, de Mantes et de Pontoise. Puis son épouse Adélaïs, fille du comte Vaucher, lui apporta les seigneuries de Bar-sur-Aube, et de Vitry en Pertois. Sa seconde épouse Haquenez, apparentée aux comtes de Champagne, lui apporta aussi quelques avantages territoriaux.  Raoul devint ainsi un personnage puissant. Ce vassal intraitable était à ménager. Henri le savait, c’est pourquoi Raoul apparaissait souvent à la cour. 

 

   Restée veuve à l’âge de 30 ans, Anne épousa Raoul de Crépy. Ce mariage survenu 2 ans après la mort d’Henri eut lieu dans des circonstances assez particulières puisque Raoul, déjà veuf de sa première femme, s’était remarié en 1053 avec Haquenez, qu’il avait ensuite accusée d’adultère et songé à répudier. Aucun chroniqueur, aucun document d’époque ne parle de rapt. Il faut attendre l’historien Mézeray, pour apprendre qu’il s’agit d’un enlèvement. Le pape Alexandre II, mis au courant de ce mariage contraire aux lois ecclésiastiques, excommunia Raoul.medaille-anna-yaroslavna-la-reine-de-france.jpg

 

   Les réactions de l’entourage furent vives. La lettre que le pape avait adressée à la reine Anne est remplie d’exhortation sur les devoirs d’épouse et de mère : «  après des compliments sur sa générosité, sa bienveillance envers les pauvres, ses libéralités qu’elle leur fait, il lui conseille de conserver la soumission à l’Eglise, d’y exhorter le roi et d’élever ses fils dans une saine justice ». 

 

   Nous savons peu de choses sur ce que fut la vie d’Anne devenue comtesse de Crépy. En 1063, elle se trouvait à Soisson où son fils Philippe confirma une donation faite en faveur de l’abbaye St-Crépin. Le roi signa d’une croix, à côté du monogramme qui le désignait « Philipus ». Anne signa à son tour d’une croix, en caractère slavon. A plusieurs reprises les diplômes royaux ou autres de l’époque signalent sa présence aux côtés de Philippe à Corbie ; en 1067 ils se retrouvent à Amiens.

 

Raoul de Péronne mourut en 1074. Après sa mort Anne se retira à Senlis, près de son fils le roi Philippe et du prince Hugues, qui assistait son frère dans le gouvernement. Crépy sans Raoul ne signifiait plus rien pour elle. Sa dernière signature date de 1075, sur un diplôme en faveur de l’abbaye de Pontlevoy, près de Blois. Il est probable qu’Anne quitta la cour peu après. A ce moment-là elle n’avait que 52 ou 53 ans. Il y a tout lieu de croire qu’elle se retira dans quelque monastère où elle finit en paix ses jours, dans la prière et dans la pénitence.

 

   Au XVIIe siècle, un savant jésuite, le père François Ménestrier, fait une étrange découverte dans l’abbaye de Villiers en Gâtinais. Il s’agit d’une tombe plate dont les extrémités sont rompues. On peut y voir la figure gravée d’une femme, ayant sur la tête une couronne en forme de bonnets que l’on destinait aux grands électeurs. La coiffure décrite par Ménestrier ressemble à celle que portaient les princes de Kiev. Nous savons que l’abbaye de Villiers ne fut fondée qu’en 1220, par conséquent, la reine morte beaucoup plus tôt ne peut y avoir été enterrée. Il est probable que son corps y fut transporté 50 ans après sa mort. L’hypothèse qu’elle soit retournée dans son pays ne repose sur aucun fait précis et paraît tout à fait invraisemblable. Pour quelle raison, un quart de siècle après avoir quitté son pays, une princesse devenue tout à fait française, aurait voulu aller finir ses jours sur les bords du Dniepr ? Elle n’y aurait plus retrouvé que des collatéraux indifférents ou hostiles. Son père étant mort, en 1075, ses frères Sviatoslav et Iziaslav se disputaient le trône paternel avec acharnement depuis plusieurs années et Anne ne pouvait l’ignorer. Ainsi, on ne voit guère les raisons d’un retour au pays de son enfance, mais il est encore plus difficile d’imaginer « qu’elle ait pu briser les liens de l’affection maternelle, et tout autant ceux de l’affection pour son peuple auquel elle était profondément attachée, elle, princesse de Kiev qui était devenue reine de France ».

                                

Par Olga Mandzukova-Camel, professeur émérite à l’INALCO

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12 mai 2013 7 12 /05 /mai /2013 17:08

vassyl-chenderovskiy.jpgVassyl Chenderovsky est le vice-président de la société ukrainienne des sciences physiques, professeur, docteur en sciences physiques et mathématiques. Il est l’auteur de plusieurs centaines d’ouvrages, dont la trilogie consacrée aux célèbres scientifiques ukrainiens « Que la lumière des sciences ne s’éteigne jamais ». Il a publié plusieurs livres retraçant la vie et le travail d’Ivan Pulyuy ainsi que d’autres scientifiques. C’est grâce à son initiative qu’a été rééditée la Bible traduite en ukrainien par Panteleymon Koulich, Ivan Pulyuy et Ivan Netchuj-Levytsky. Il est le co-auteur de plusieurs dictionnaires de termes physiques multilingues. Par ailleurs, Vassyl Chenderovsky est scénariste de plusieurs films documentaires. Il est à l’origine de la création de divers musées, monuments et plaques commémoratives en l’honneur de scientifiques ukrainiens.


Quel était le but de votre séjour à Paris ?

Je suis venu à Paris pour retrouver les archives de Serhii Vynogradsky, fameux microbiologiste ukrainien, et non russe, comme il est coutume de dire, qui a travaillé à l’Institut Louis Pasteur plus d’une trentaine d’année. Le projet est de créer un documentaire sur la vie de ce scientifique. J’ai pu visiter son laboratoire à Brie-Comte-Robert, la ville où il est enterré. Serhii Vynogradsky a fait plusieurs grandes découvertes dans son domaine et il a notamment découvert le phénomène de la chimiosynthèse – transformation des substances dans le sol – ce qui a rendu ce scientifique célèbre dans le monde entier.

 

Durant 5 ans, vous avez animé une émission à la radio sur les célèbres scientifiques qui travaillaient en Ukraine et à l’étranger. En connaissez-vous d’autres qui ont laissé des traces en France ?

A part Serhii Vynogradsky, je peux citer Volodymyr Koubiyovytch qui, ayant conscience de l’importance de préserver la langue et la culture ukrainiennes, a créé l’« Encyclopédie ukrainienne », qui est aujourd’hui la bible du patrimoine historique du peuple ukrainien. Il a vécu et travaillé à Sarcelles. Beaucoup d’autres savants sont liés d’une manière ou d’une autre à la France. C’est Ivan Pulyuy, un grand scientifique, qui a découvert les rayons-X trois ans avant Röntgen. C’est aussi Mykhaïlo Ostrogradsky, mathématicien ukrainien de génie; le grand physicien Mykola Pyltchykiv, nommé « Edisson ukrainien », qui a découvert le phonographe bien des années avant les autres chercheurs et Edisson lui-même, et qui est également le détecteur de l’anomalie magnétique de Koursk ; Volodymyr Pidvysotskyj – microbiologiste, pathologiste et endocrinologue qui a fait son stage et a soutenu sa thèse à l’Institut Louis Pasteur ; Olexandr Choumliansky, fondateur de l’histologie et qui étudiait à l’université de Strasbourg, a publié une thèse sur la structure des reins qui a eu une grande renommée en Europe.

 

L’Ukraine traverse une crise, et par conséquent le domaine de la science est également touché. Y a-t-il du positif tout de même ?

Il est vrai que la situation n’est pas facile, surtout dans le domaine de la science expérimentale qui demande beaucoup de fonds. Mais malgré le financement insuffisant, les scientifiques ukrainiens obtiennent des réussites dans le domaine de la physique et notamment en ce qui concerne les cristaux liquides et la nanoélectronique. Ca va un peu mieux avec les recherches théoriques. Mais le problème n’est pas là. Les jeunes préfèrent aller travailler dans une banque par exemple où ils gagneront de l’argent plus facilement, plutôt que devenir scientifique. Sans oublier « la fuite des cerveaux ».

 

Pourquoi est-il important de retrouver toutes ses archives ?

Parce que l’Ukraine peut être fière de ses talents. Et aussi parce que les Ukrainiens ont ce péché de se sous-estimer en permanence.

 

Propos recueillis par Valentyna Coldefy

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4 mai 2013 6 04 /05 /mai /2013 06:07

1 er Mai 1993 : Les Français sont en état de choc. Pierre Bérégovoy, l’ancien Premier ministre de François Mitterrand, s’est suicidé près de Nevers. Personne n’avait pressenti que cet homme de soixante-sept ans, très attaché à sa famille, mettrait fin à ses jours en se tirant une balle dans la tête avec l’arme subtilisée à son garde du corps.

Son père, né à Izioum en Ukraine orientale, était arrivé en France consécutivement à la кévolution de 1917 et à la guerre civile qui ravagea l’Ukraine. On peut rappeler que 20%

de l’émigration dite russe étaient composée d’un côté de soldats de l’Armée nationale ukrainienne et de l’autre de jeunes Ukrainiens issus de la conscription opérée par l’Armée

Blanche du général Wrangel.

Pierre Beregovoy, dès son plus jeune âge, avait été témoin des conditions précaires de la vie d’immigré à laquelle son père était astreint. Il eût très tôt conscience du sentiment de

refoulement des origines qui frappent les hommes et les femmes dépossédés de leur Patrie.

Mais en dépit des difficultés qui ont marqué ses premières années, Pierre Bérégovoy s’est distingué par un parcours exceptionnel, animé par un profond humanisme et une foi iné-

branlable dans les valeurs républicaines.

La violence des attaques dont il fut l’objet rend plus insupportable encore sa fin tragique. Mais bien audelà des convulsions tant médiatiques que politiques, Perspectives Ukrainiennes entend rendre hommage à la plus emblématique personnalité issue de l’immigration ukrainienne.

Frédéric du Hauvel

 

pierreberegovoyreferencePierre Bérégovoy est né le 23 décembre 1925 à Déville-lès-Rouen (Seine-Maritime) d'une mère française et d’un père ukrainien.

En 1941, tandis que son père tombe gravement malade, il quitte le lycée et obtient un Brevet élémentaire industriel, un CAP d’ajusteur ainsi qu’un CAP de dessin industriel.

Après avoir travaillé durant neuf mois à l’usine Fraencker, il intègre la SNCF en mai 1942 après avoir été recruté par concours. Il entre ensuite dans la résistance via le groupe « Résistance-fer » et participe à la libération de la banlieue rouennaise en juin 1944.

Il épouse à Rouen Gilberte Bonnet (1920-2001) le 13 novembre 1948. Le couple a eu trois enfants : Catherine, Lise et Pierre .

En mai 1950 il entre à Gaz de France comme agent technico-commercial à Rouen.

Il adhère à la SFIO en 1954 et devient secrétaireadjoint de la fédération de la Seine-Maritime en 1956. Il obtient de Gaz de France sa mutation pour Paris en mai 1957.

En 1958, il est l’un des membres fondateurs du parti socialiste autonome. En 1963, il rejoint le PSU qu’il quitte en 1967 pour fonder le club Socialisme moderne.

En 1969, il rejoint le bureau exécutif du parti socialiste. Il est l’un des négociateurs du Programme commun de la gauche, signé en 1972, et l’un des promoteurs de l’ « actualisation du Programme commun » conclue en 1977.

Il devient membre du Conseil économique et social (1979). Après l’élection de François Mitterrand, il est nommé secrétaire général de la présidence de la République (mai 1981-juin 1982). Puis il est nommé ministre des Affaires sociales et de la Solidarité au gouvernement Mauroy (juin 1982-juillet 1984). En 1983, il devient maire de Nevers, en remplacement de M. Daniel Benoist, démissionnaire en sa faveur.

Sous le cabinet de Laurent Fabius, il occupe les fonctions de ministre de l’Economie, des Finances et du Budget (juillet 1984-mars 1986). Il est élu député de la Nièvre aux élections législatives de mars 1986.

Directeur de campagne du candidat Mitterrand à la présidentielle de mai 1988, il devient, après la victoire de ce dernier, ministre d’État, ministre de l’Economie, des Finances et du Budget dans le gouvernement Rocard.

Sous le cabinet de Mme Edith Cresson, ses responsabilités s’étendent au Budget, Industrie, Commerce extérieur, Commerce et Artisanat, Poste et Télécommunications.

Après les élections cantonales et régionales de 1992, il est nommé Premier ministre (avril 1992-mars 1993). Il ne dispose que d’une année pour convaincre et essayer de changer la donne avant les échéances législatives.

Pierre Bérégovoy présente son gouvernement devant l’Assemblée nationale moins d’un an avant le renouvellement des députés. "C’est court mais c’est assez pour décider, expliquer, convaincre" déclaret-il devant les parlementaires le 8 avril 1992. En effet, il arrive à Matignon à la suite d’une défaite électorale, aux élections cantonales et régionales : "Les élections régionales et cantonales ont été un échec pour le parti socialiste".

Pour Pierre Bérégovoy, le prochain scrutin de l’année suivante n’est pourtant pas une obsession. Il précise que son objectif est de restaurer la confiance et de renouer avec l’espérance, par l’action. Dans un contexte économique difficile, le Premier ministre fait le choix de la rigueur. Mais il rappelle qu’il "ne faut pas confondre rigueur économique et rigueur sociale". Si la rigueur en économie est une exigence de bonne gestion, la justice sociale est au centre des préoccupations du gouvernement. Il n’y a pas de remèdes miracles, mais il y a "la lucidité, le calme et la persévérance".

Enfin, à moins de six mois du referendum pour la ratification du traité de Maastricht, Pierre Bérégovoy rappelle que l’Europe est la priorité du président Mitterrand, et un facteur essentiel de paix et de progrès. Il veut "faire l’Europe sans défaire la France".

En mars 1993, lors des élections législatives, la droite remporte une large victoire : face à une Assemblée qui lui est désormais hostile, Pierre Bérégovoy présente sa démission au président de la République qui nommera Edouard Balladur pour lui succéder.

Aux législatives de mars 1993, il est réélu député de la Nièvre.

Après avoir subi durant plusieurs mois un déferlement médiatique mettant en cause sa probité, il met fin à ses jours le 1er mai 1993.

Ses obsèques ont lieu quelques jours plus tard à Nevers, en présence du président de la République et de nombreuses personnalités politiques françaises.

Dans son discours hommage, François Mitterrand, d'une voix émue, évoqua ceux qui ont "livré aux chiens l'honneur d'un homme".

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5 mai 2011 4 05 /05 /mai /2011 08:33

Comment l'idée d'écrire un roman ayant pour toile de fond la catastrophe de Tchernobyl vous est-elle venue ? Nous savions que 2011 serait le 25e anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl, et nous avons pensé que c’était un moment propice pour sensibiliser les enfants et les adolescents à ce drame et à ses conséquences. Nous nous rappelons ce moment terrible, nous étions nous mêmes de jeunes adultes, et on nous rassurait en nous disant que le nuage radioactif s’était arrêté aux frontières de la France… Comme si la radioactivité se souciait de frontières ! Ce mensonge reste encore matière à triste plaisanterie 25 ans plus tard pour tous ceux qui l’ont entendu… Quant aux enfants actuels, nombreux sont ceux qui, en France, n’ont jamais entendu le nom de Tchernobyl. sylvie baussier

Comme si tout cela n’était plus que du passé sans intérêt. Or nous savons bien que les conséquences sont encore là, et bien là.

 

Comment avez-vous procédé pour vous documenter ? Nous avons consulté les archives de la presse écrite française, une vidéo tournée en URSS au moment de la catastrophe et dont la diffusion avait été interdite à l’époque ; nous avons lu La supplication, le célèbre recueil de témoignages de Mme Alexievitch, et les photos et textes de Igor Kostine… Ça a été un travail d’investigation long et passionnant. Nous en avons appris beaucoup sur les détails de l’affaire.

 

pascale perrierA quelles difficultés avez-vous été confrontées ? Il fallait que tout, dans le roman, soit vraisemblable. C’est pourquoi l’intrigue se passe dans la France actuelle. Nous ne voulions pas nous lancer dans un roman qui se passerait dans une Ukraine actuelle (nous ne la connaissons pas suffisamment pour être à l'aise en l’évoquant de trop près). Certaines difficultés peuvent paraître inattendues : nous avons fait appel à une professeur de russe pour que les fautes de français d’un des personnages principaux soient réalistes. Pour valider les détails techniques ayant trait au nucléaire, nous avons aussi demandé la caution d'un ingénieur spécialisé dans le nucléaire. Enfin, nous voulions mettre en scène une intrigue vivante qui ne donne pas dans le pathos ni dans le moralisme facile. Passer entre les écueils…

 

http://baussier-auteur.monsite-orange.fr/albumsetromansjeunesse/image/couv%20Tchernobyl.jpg 

Quel message souhaitiez-vous faire passer ? Bien sûr, Tchernobyl c’est du passé. Mais c’est aussi le présent des populations qui vivent autour du site. Plus largement, c’est une sourde menace dont on ne parle que quand les choses se gâtent, comme lors des grands incendies de l’été dernier, qui pouvaient remettre en circulation dans l’atmosphère des particules radioactives enfouies dans le sol. Et l’état du sarcophage qui recouvre le réacteur endommagé, qu’en savons-nous exactement ? Tchernobyl peut donc aussi devenir notre futur, malheureusement. D'autant qu'une nouvelle catastrophe vient de se produire au Japon... Être un citoyen à part entière, c'est d'abord savoir ce qui se passe. Sinon, comment peser les choses, comment réagir ?

 

Cette année l'Ukraine commémorera le 25e anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl mais aussi les 20 ans de la proclamation de son indépendance, que cela vous inspire-t-il ? Le 25e anniversaire est l’occasion de sensibiliser les enfants aux avantages et aux inconvénients des centrales nucléaires, le plus objectivement possible. C’est aussi pourquoi notre roman comprend un dossier documentaire à la fin. Il est un moment de recueillement, de souvenir, mais aussi de réflexion nécessaire. Quant à l’indépendance de l’Ukraine, de ce point de vue, on ne peut qu’espérer que ce pays tout neuf aura les moyens de prendre soin de toute sa population, de la terre contaminée dont elle a hérité, et de ce monument en ruines qui menace de se réveiller si on n’est pas suffisamment vigilants.

 

Pascale Perrier et Sylvie Baussier, ont chacune un site personnel.
Nous vous invitons à aller les découvrir :


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18 janvier 2011 2 18 /01 /janvier /2011 16:48

benedicte-banet.jpgVous préparez un film documentaire sur la Famine Génocide de 1932-1933, quelles sont vos motivations ?

 

C’est en réalisant un autre film que j’ai commencé à m’intéresser à l’histoire de l’Ukraine. C’était un film sur les journalistes étrangers qui, fuyant  leur pays étaient venus se réfugier en France, la plupart du temps pour sauver leur vie. L’un d’entre eux était un journaliste ukrainien travaillant sous la période de Koutchma. La traductrice de ce journaliste, Lisa Centkievitz, m’a alors fait découvrir différentes facettes de l’Ukraine en me faisant rencontrer des chercheurs français d’origine ukrainienne et m’a servi de guide lors d’un premier voyage d’étude dans ce pays. J'ai pu faire la connaissance de journalistes, philosophes, Volodymyr Esypok (un bandouriste) et le chanteur du groupe Tapak. Je n’ai aucun lien familial avec l’Ukraine ou même avec un autre pays de l’Est. Je suis née dans les Cévennes, ma famille est savoyarde et je vis à Paris depuis mes 19 ans. Mon intérêt pour l’Ukraine est né de ma rencontre avec un pays mais surtout un peuple, un peuple qui essaye de se réapproprier son histoire pour construire l’avenir, un peuple qui a souffert de façon inimaginable. Comme la plupart des français, j’avais, avant cette prise de conscience de l’identité ukrainienne, une vision qui mélangeait Russie et Ukraine. Dans mes recherches j’ai découvert les différentes famines  et particulièrement celle de 1932-1933.

 

J’ai été frappée qu’une famine ayant fait sept millions de morts soit passée inaperçue ; au début de l’année 33, 25000 personnes mouraient chaque jour. Chaque fois que je parlais du Holodomor autour de moi, personne ne connaissait cet événement. Les films réalisés sur ce sujet, l'étaient soit par des Ukrainiens, soit par des cinéastes appartenant à la diaspora ukrainienne. En Ukraine, le Holodomor était un sujet tabou sous le régime soviétique et il a fallu attendre ces dernières années et la Révolution Orange pour qu’il y ait des commémorations et des monuments. Or l’Ukraine d’aujourd’hui ne peut être comprise que par l'analyse de ce qui s’est passé sous le temps de Staline. Pour ces raisons j’ai décidé de m’investir dans ce travail de recherche sur le Holodomor pour réaliser un film documentaire.

 

Quelle approche comptez-vous privilégier pour appréhender la problématique du Holodomor ?

 

Lors de mes recherches il m’est apparu que le nombre de documents iconographiques sur le Holodomor étaient rares, les seules photos existantes avaient été prises par des diplomates étrangers ; quant aux films il n’y en avait pas. Lorsque je suis allée aux archives nationales cinématographiques à Kiev, on m’a sorti des photos de la famine de 1921-22 mais aucune sur 32-33, car il n’y en avait pas. On peut voir clairement sur les photos de 21-22 que la famine, bien réelle, était mise en scène pour les photographes. Lénine, qui voulait obtenir de l’aide de l’étranger, menait ainsi un "plan de communication" sur cette famine. Or pour celle de 32-33, la récolte avait été surabondante et sans la volonté politique de Staline de détruire l'âme du peuple ukrainien il n’y aurait pas eu de pénurie. Dès le début de la famine, Staline a bloqué toute divulgation d’informations. Les journalistes n’avaient pas le droit de se rendre en Ukraine. Par ailleurs, à cette époque, le communisme faisait illusion, et ces journalistes ne voulaient pas perdre, en critiquant le régime, un poste de correspondant à Moscou. Seul M. Duranty, un journaliste américain à qui les services secrets soviétiques faisait toute confiance, a pu se rendre en Ukraine. Il a divulgué à travers le monde entier de fausses informations alors qu’un document du Foreign Office révèle qu’à l’ambassade d’Angleterre, Duranty lui-même avait évoqué une famine faisant  une dizaine de millions de victimes. Edouard Herriot fit un voyage officiel en Ukraine, mais il fut l'objet d'une véritable mystification de la part de Staline qui embaucha des acteurs pour jouer le rôle des Ukrainiens heureux ; j’ai des documents à ce sujet.

 

Dans ce documentaire, je ne veux donc pas utiliser des photos ou des films d’archives de 1921-22 pour évoquer le Holodomor. Pour palier à ce manque d’images, une dessinatrice qui est également infographiste va collaborer au film. En utilisant les témoignages et les récits historiques, elle va illustrer par des scènes animées les parties où les archives font défaut. Il s’agit dans ce film de démontrer  la volonté d’un homme, Staline, d’éradiquer le nationalisme ukrainien par la destruction du peuple ukrainien. Staline craint la volonté d’indépendance de l’Ukraine, son opposition à la collectivisation, de plus le plan quinquennal de 1929 met en place un projet ambitieux d’industrialisation de l’URSS. Le « grenier à blé » des plaines noires d’Ukraine peut servir de monnaie d’échange pour les machines et le savoir-faire de l’Occident. Cette famine est un génocide. Je me permets de rappeler quelques phrases dites par Lemkin lors d’un discours prononcé en 1950 :

« ……si le programme soviétique est mené à son terme, si l’intelligentsia, les prêtres et les paysans sont tous éliminés, alors l’Ukraine sera aussi morte que si tous les Ukrainiens avaient été éliminés, dans la mesure où elle aura perdu l’essence même de ce qui a permis de maintenir et de développer dans le temps sa culture, ses convictions, ses valeurs communes, et ce qui l’a guidée et lui a donné une âme, ce qui a, en résumé, fait d’elle une Nation et non pas simplement une masse de population. »


Le film s’attachera à replacer le Holodomor dans son contexte historique, de la première famine jusqu’à la deuxième guerre mondiale, en évoquant en outre les purges de 1936-38.

 

Avez-vous déjà commencé le tournage ?

 

Philippe Naumiak avec l’aide de sa sœur Anne-Marie a recueilli des témoignages du Holodomor dans le village de son père et souhaite les publier. Il y a  un an, lorsque j’ai pris contact avec lui, il m’a dit : «Aux vacances de Pâques  j’emmène mon père dans son village natal» ; son père, Vitaliy, avait sept ans pendant le Holodomor. Je lui ai répondu spontanément sans trop réfléchir à l’aspect financier de la mise en œuvre d’un tournage : « Puis-je partir avec vous avec une équipe ? » Et c’est comme cela que l’aventure a commencé. Je suis partie avec une équipe réduite composée de Janette pour la production et les photos, Jorge pour la prise de son et la lumière. Anne-Marie, la fille de Vitalyi vivant au Canada, nous a rejoints à Kiev où une universitaire avait préparé tous nos entretiens. Ensuite nous sommes allés à Sobolivka, le village de Vitaliy. Qu’ils soient intellectuels ou paysans, tous les ukrainiens que nous avons rencontrés nous ont remerciés de nous intéresser au Holodomor, touchés par le fait qu’aucun de nous n'était d’origine ukrainienne. Pour certaines personnes des campagnes c’était la première fois qu’ils parlaient de cette famine. Là-bas on a découvert l’importance pour les Ukrainiens de faire ce film et on a  pris conscience que ce n’était pas notre film mais le leur.

 

L’histoire a joué un mauvais tour aux Ukrainiens. Vu l’omerta imposée par les Russes depuis toujours, et malgré l’énergie dépensée par les Ukrainiens d’Ukraine ou de la diaspora, seulement dix pays reconnaissent le Holodomor comme un génocide. Cette non reconnaissance reste une plaie ouverte qui ne pourra se cicatriser que le jour où les Ukrainiens auront le sentiment que cette tragique période de leur histoire sera reconnue comme un génocide. Alors ils pourront en faire le deuil. Je tiens à remercier tous les Ukrainiens, ceux d’Ukraine et ceux de France,  pour leur précieuse aide avant, pendant et après les tournages, car sans eux rien n’aurait été possible. Janette vient de commencer un blog pour tenir informées toutes les personnes qui s’intéressent au Holodomor, et à l’avancement de notre film. On y trouve la description de nos tournages, des liens avec d’autres articles, des commentaires sur notre projet.

 

A quel stade se situe votre projet ?

 

Il me reste à vendre ce sujet aux télévisions françaises et étrangères afin de faire mieux faire connaître le Holodomor dans le monde. Je dois retourner en hiver faire un autre tournage et encore un dernier pour recueillir des témoignages dans la région de Kharkiv. Il me reste également à me rendre dans d’autres pays pour interviewer des historiens qui pourront donner une dimension internationale au film et surtout la recherche d’archives dans plusieurs pays étrangers.

Pour l’instant, j’ai investi mon argent personnel dans ce projet et je suis arrivée aux limites du possible. Je n’ai pas l’argent nécessaire pour retourner en Ukraine. Actuellement, sans l’aide des Ukrainiens aucune traduction ne serait faite. C’est pourquoi une association va se créer autour de ce projet de documentaire afin de pouvoir soutenir financièrement le film. Nous envisageons de recueillir des fonds par le biais de donations ou de souscriptions, de créer des événements comme une exposition de peinture et de photos qui est prévue, ou toute autre idée...

 

L'association  pourra travailler sur la reconnaissance du Holodomor comme génocide bien au-delà du film. D’ailleurs nous comptons avec la sortie du film faire un site internet afin de mettre en ligne tous les témoignages recueillis et les commentaires de chercheurs qui n'auront pu être intégrés dans le film. Pour moi c’est très important que l’aboutissement de ce travail ne s’arrête pas à quelques diffusions et projections.

 

Propos recueillis par Frédéric du Hauvel

Pour en savoir plus, rendez-vous sur le blog du projet

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24 novembre 2010 3 24 /11 /novembre /2010 21:05

Le Congrès mondial des Ukrainiens (CKY) vient de lancer une pétition internationale demandant au chef de l'Etat ukrainien, Viktor Yanoukovitch, de reconnaître la famine de 1932-1933 en Ukraine soviétique, comme acte de génocide. Cette pétition vous concerne si vous vous sentez blessé par les négations de ce génocide oublié, appelé Holodomor. Si vous n'en avez jamais entendu parler, ou si vous désirez en apprendre un peu plus, voici un dossier consacré au sujet.

On peut signer la pétition sur le site du CKY, respectable institution de la diaspora ukrainienne. Pour accéder directement à la signature, par ici.

 

 

Pour plus d'informations consultez également notre source : Blog de Pan Doktor Exrudis Vseznayko

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