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12 février 2014 3 12 /02 /février /2014 11:09

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Les Palabres solidaires : séance dédiée à l'Ukraine.

Lecture de la lettre ouverte de l'écrivain Yuri Andrukhovych.

 

Jeudi 13 février 2014 à 19h

Tous les deux mois, auteurs, traducteurs et éditeurs présentent des œuvres ayant trait à l'Europe centrale

(Allemagne, Autriche, Hongrie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, etc.) récemment parues en français

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Le Centre tchèque

vous invite à la séance animée par

Mateusz Chmurski, Université de Lorraine & CIRCE.

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Domaine ukrainien

Serhiy Jadan, La route du Donbass, traduit de l'ukrainien par Iryna Dmytrychyn, Lausanne, Noir sur blanc, 2013. Présenté par la traductrice.

Domaine autrichien

Thomas Bernhard, Sur les traces de la vérité. Discours, lettres, entretiens, articles, sous la direction de Wolfram Bayer, Raimund Fellinger et Martin Huber, traduit de l'allemand (Autriche) par Daniel Mirsky, Paris, Gallimard, coll. Arcades, 2013. Présenté par Christine Lecerf, germaniste, journaliste, critique littéraire, productrice à France culture.


Domaine hongrois

Péter Nádas, Histoires parallèles, traduit du hongrois par Marc Martin, avec la collaboration de Sophie Aude, Paris, Plon, 2012. Présenté par le traducteur.

Domaine slovaque

Milo Urban, Le Fouet vivant, traduit du slovaque, préfacé et annoté par Michel Chasteau, Paris, Fayard, 2013. [Intervenant à préciser]

Domaine polonais

Dorota Maslowska, Chéri, j'ai tué les chats, traduit du polonais par Isabelle Jannès-Kalinowski, Lausanne, Noir sur blanc, 2013. Présenté par Kinga Swiatkowska-Callebat, Université Paris-Sorbonne & CIRCE.

 

sous réserve de modification

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Centre tchèque

18, rue Bonaparte, 75006 Paris, tel. 01 53 73 00 22

 

sur l’initiative du CIRCE (Centre Interdisciplinaire de Recherches Centre-Européennes)

de l’Université Paris-Sorbonne et l’Association Adice

 

Organisation et renseignements: Aurélie Rouget-Garma, Université Paris-Sorbonne et CIRCE, Aurelie.Rouget-Garma@paris-sorbonne.fr

Programmation et coordination: Malgorzata Smorag-Goldberg, Université Paris-Sorbonne et CIRCE, maougocha@usa.net

Centre universitaire Malesherbes, 108 bd Malesherbes, 75850 Paris Cedex 17, tél : 01 43 18 41 93

avec le soutien de:

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21 octobre 2013 1 21 /10 /octobre /2013 16:33

Borys-Gudziak.jpgBorys Gudziak est évêque gréco-catholique, éparque de l'éparchie de saint Vladimir-le-Grand de Paris des Byzantins-Ukrainiens depuis 2013. Le 27 septembre 2013, il a signé l’achat d’une église à Senlis. Nous l’avons interrogé sur la finalité de cette opération et sur les projets liés.

- Comment est née l’idée de l’achat de cette chapelle à Senlis ?

Je dois avouer que je n’en suis pas l’auteur, j’en ai « hérité » à la suite de ma nomination en France. Pendant mon premier voyage à Paris, la veille de lintronisation, le curé de la cathédrale Saint-Volodymyr, père Mikhaylo Romanuk, mavait parlé de ce projet. Il a été le porte-parole d’un groupe d’initiateurs parmi lesquels les plus enthousiastes étaient Anna Canter et Victoria Dellinger, qui sont engagées dans les activités sociales et paroissiales de Senlis depuis plusieurs années. L’idée de l’acquisition d’une église dans la ville où habitait la reine de France Anna Yaroslavna les a passionnés.

Le jumelage entre Senlis et l’arrondissement Petcherskiy de Kyiv a développé la conscience de l’importance de l’héritage d’Anna Yaroslavna. Avec l’aide du président Viktor Youstchenko, le deuxième monument de la reine a pu être érigé à Senlis. Ces dernières années, une école a été baptisée en l’honneur d’Anne de Kyiv.

Ainsi, l’intérêt envers Anne de Kyiv et sa ville de Senlis a grandi dans la communauté ukrainienne. C’est sur cette toile de fond qu’a surgi l’idée de l’acquisition d’une église, où l’on pourrait réaliser des services réguliers, présenter l’héritage de la fille du grand prince Iaroslav le Sage et la culture ukrainienne de manière générale.

Néanmoins, cela aurait pu rester encore très longtemps à l’état de projet si des hommes daffaire de Lviv ne m’avaient fait l'honneur de leur présence lors de mon intronisation le 2 décembre 2012 à Notre Dame de Paris. A l’occasion de leur séjour à Paris, ces amis lviviens ont visité Senlis et ont décidé de donner un signe fort : faire un cadeau royal, en contribuant à l’achat de l’église à Senlis. Plus précisément, cette rencontre entre des Senlisiens enthousiastes, des pèlerins de Lviv, Kyiv et d’autres villes d’Ukraine, d’Europe occidentale, des Etats-Unis et du Canada lors des fêtes de décembre a permis de répondre aux défis financiers et juridiques et de concrétiser l’achat de l’église le 27 septembre dernier.

Le 16 novembre, nous allons prier tous ensemble pour la première fois dans cette nouvelle église et nous organisons le même jour un débat avec la communauté ukrainienne au sujet du devenir de l’église et du centre culturel Anna Yaroslavna. J’espère que les travaux de rénovation du bâtiment pourront débuter l’année prochaine.

Selon moi, dans chaque affaire ce n’est pas seulement le but qui est important mais également le travail quotidien qui permet de l’atteindre. Jusqu’ici ce travail a été inspiré, positif et efficace. J’espère que l’église de Senlis permettra de mobiliser et d’unir des fidèles de France et d’autres pays.

eglise-de-senlis1.jpg- Vous avez évoqué les montants de 203 000 € pour l’achat et 1 500 000 $ pour les travaux  nécéssaires à ce projet. Qu’est-il exactement prévu de créer à Senlis?

Dans cet édifice, nous devrons reconstruire un temple qui portera le nom des grands princes martyrs Borys et Glib. Nous y créerons le centre culturel Anna Yaroslavna et probablement un logement pour le prêtre ainsi que des bureaux administratifs pour mener les activités spirituelles et culturelles de l’église comme du centre culturel.

Le cahier des charges n’en est qu’à ses débuts. Nous invitons donc la communauté internationale à nous rejoindre pour créer un consensus général et mobiliser tous ceux qui comprennent la spécificité du projet. Jattends avec beaucoup despoir ces rencontres qui permettront, je l’espère, d’initier beaucoup didées et de perspectives. Il est clair que cet endroit doit être un lieu de culte où l’on fera connaissance avec la tradition chrétienne millénaire ukrainienne, ainsi qu’avec lhéritage dAnna Yaroslavna et la mémoire ukrainienne en France.

Les visites de cet endroit saint et de ce centre culturel ne doivent pas porter uniquement sur le côté mémoriel ; nous souhaitons que Senlis devienne, avec Paris et Lourdes, une étape habituelle pour les pèlerins et touristes dUkraine. Dans ces lieux devrait être menée la réévaluation spirituelle et artistique des questions liées à notre appartenance à la culture européenne, aux relations franco-ukrainiennes, à notre culture, à l’art, à la musique et à histoire. Paris et Senlis sont une plateforme parfaite pour la visualisation et la création des projets d’avenir.

L’une des dimensions principales de cette modalité se cristallisera dès le premier jour, le 16 novembre prochain. Les invités du centre et de l’église doivent devenir également des acteurs, en apportant des propositions sur le programme et le style du projet. Ce samedi 16 nous proposerons un débat public autour de plans architecturaux et de leur contenu. Bien sûr, le centre Anne Yaroslavna sera un promoteur de la femme ukrainienne et de son rôle important dans l’histoire contemporaine. Parallèlement, une réflexion sur les défis qui se dressent devant les hommes ukrainiens pourrait se matérialiser par la création dune confrérie Borys et Glib à Paris. C’est lhéritage symbolique de Borys et Glib pour notre société déchirée et notre politique sans ambition.

- Quelles seront les sources de financement?

Actuellement, l’éparchie de Saint Volodymyr n’a pas les moyens de réaliser les travaux et installations nécéssaires. En parallèle avec le programme de fonctionnement, nous réfléchissons au système de financement ; par ailleurs, nous avons déjà les premiers soutiens. Ainsi, un jeune couple américain nous a écrit qu’à l’occasion de leur mariage ils veulent nous soutenir et faire un don pour l’église. La nouvelle de l’acquisition de l’église Borys et Glib s’est répandue en un clin d’œil en Ukraine comme sur tous les continents. Nous espérons que cet intérêt virtuel aura également une dimension d’engagement personnel pour le développement d’un centre innovant dans son environnement.

J’espère trouver un large soutien des donateurs pour ce projet comme pour l’éparchie.

- Est-ce que les investissements sont une priorité de l’église gréco-catholique aujourdhui?

Les investissements sont toujours une priorité pour l’Eglise. Il reste à définir quels investissements précisément. Vous m’interrogez en ce qui concerne les investissements matériels. La confrontation automatique du matériel et du spirituel est une erreur. La chrétienté est également une religion matérielle. Le fils de Dieu s’est incarné. Si pour Dieu le matériel n’était pas important, Il ne laurait pas béni par sa présence.

L’église ukrainienne gréco-catholique, à qui il manque souvent en Ukraine et à l’étranger des infrastructures, a besoin d’en posséder certains instruments, y compris de l’immobilier, nécessaire au contenu spirituel.

Selon moi, il est très important que les démarches matérielles ne laissent pas à part les idées, les valeurs et les engagements humains. Cest la raison pour laquelle dans le projet de Senlis les rencontres et la maturation des consciences sont dune importance capitale. C’est sur cela que nous prévoyons de nous focaliser prochainement et nous invitons tous les lecteurs à y participer, à partir de cette rencontre du 16 novembre.

- Vous proposez dacheter des églises, or en Europe occidentale de plus en plus de bâtiments de culte restent vides en raison du manque de prêtres. Alors, cela vaut-il la peine d’acquérir une église quand il y a la possibilité d’utiliser gratuitement des édifices existants, même s’ils ne sont pas la propriété de l’église ukrainienne ?

Je propose beaucoup de choses. Je propose de croire en Dieu qui œuvre parmi notre peuple, de la même manière que parmi d’autres. La proposition concernant les églises provient de notre mission principale qui concerne le développement spirituel et le développement sociétal. J’ai la foi que Dieu nous appelle à une vie dynamique et fructueuse. Nous sommes appelés à grandir. Mes propositions n’excluent pas votre intuition. Mais nous sommes conscients que trop souvent nous avons des positions incertaines, juridiquement non confirmées.

Ainsi, aujourd’hui à Paris nous avons une école ukrainienne de 115 enfants qui ne possède qu’une seule salle. Les cours et les rencontres se déroulent dans mon modeste bureau ou dans le bureau du curé. La salle est divisée en deux parties pour deux classes. Dans des conditions pareilles, il est difficile de donner des cours et de garder les enfants concentrés. Dautres classes sont dispersées dans des églises catholiques romaines. Nos enfants ne méritent-ils pas mieux ? Je propose qu’une partie des moyens collectés par les entrepreneurs ukrainiens soit destinée à satisfaire des besoins matériels, moraux et spirituels de nos enfants, de la jeunesse, des séniors, des immigrés et des démunis. Il me semble qu’il est temps de devenir les maîtres en Ukraine comme en dehors. Je sens que nombreuses seront les personnes qui soutiendront cet appel et cette vision des choses. Les autres les rejoindront plus tard, quand ils verront les premiers résultats et les fruits spirituels obtenus.

Pour tout cela il faut être courageux, entreprenant et plein dentrain.

- Pensez-vous que les investissements matériels dans des pays tels que la Suisse ou les Pays-Bas seront en adéquation avec le nombre de fidèles qui y habitent ? Les paroissiens gréco-catholiques ne seraient-ils pas plus nombreux en Espagne ou Italie ?

Ni l’Espagne ni l’Italie ne font partie de ma juridiction, alors il m’est difficile de me prononcer sur le sujet. Posséder sa propre maison en Suisse ou aux Pays-Bas est nécessaire. Notre communauté dans ces deux pays en est déjà à la quatrième génération. L’absence d’infrastructures et la faiblesse de notre implication dans la vie citoyenne et dans la vie de la paroisse sont liées.

- Avez-vous des projets concernant l’immobilier qui appartient à l’épiscopat gréco-catholique et qui tombe en ruines, tel que, notamment, le bâtiment de la société scientifique Chevtchenko à Sarcelles ?

Depuis un an dans léparchie nous menons un audit pastoral, administratif, financier et matériel et celui des biens immobiliers. Pour cette raison je me suis rendu à Sarcelles à de nombreuses reprises – tout seul comme accompagné des représentants de la communauté internationale scientifique ukrainienne, dans le but d’appréhender son triste état.

Avec des établissements tels que Sarcelles, il faut réaliser que la mémoire héroïque et glorieuse du passé ne peut pas toujours être une assurance pour un avenir radieux. Est-ce que Sarcelles est le meilleur endroit pour le futur développement scientifique en région parisienne ? Il nous faut y réfléchir ensemble. Depuis plus d’un quart de siècle à Sarcelles, les ressources matérielles et humaines pour la recherche sont absentes. Il est probable qu’il y a pour cela des raisons objectives.

Récemment je suis allé aux Etats-Unis où je me suis entretenu avec lacadémicien Leonid Roudnytskiy, qui est à la tête du Conseil mondial de la Société Scientifique Chevtchenko. Par ailleurs, je mène des consultations avec d’autres institutions en ce qui concerne le projet de Senlis comme celui de Sarcelles et sur d’autres problématiques qui se dressent devant nous. Ces entretiens me permettront de mieux comprendre le rapport entre les besoins et les moyens existants et de recueillir le consensus le plus large.

Un équilibre entre le réel et le souhait est primordial. Sommes-nous prêts à travailler de manière constructive et dynamique, jusqu’à l’oubli de soi-même ? Sommes-nous efficaces ? Je suis convaincu que dans les domaines spirituel, social, académique et culturel nous avons de merveilleuses opportunités en France, en Suisse et au Benelux. C’est une approche que je propose pour tous les défis et problématiques complexes qui se dressent devant nous.

- Quelles autres priorités voyez-vous pour la communauté ukrainienne en France ?

La communauté ukrainienne en France nécessite une consolidation morale, structurelle et institutionnelle. Elle est marquée par des divergences. Elle souffre également de problèmes politiques et sociaux qui existent en Ukraine et qui touchent les migrants ukrainiens qui viennent en France à la recherche d’un gagne-pain. Il lui manque des infrastructures qui devront assurer les besoins d’une nouvelle vague de migrants.

A mon avis, nous devrons premièrement créer une atmosphère de dynamisme, dans laquelle les échanges et le travail chasseront les conflits, les préjugés, les plaintes et la critique destructrice. Nous sommes tous appelés à la plénitude et au bonheur et nous ne devons pas douter de notre dignité. Nous chérissons notre composante spirituelle, nationale et culturelle, et restons ouverts à un dialogue et une coopération avec le monde qui nous entoure. A mon avis, notre ouverture institutionnelle à tous les gens de bonne volonté est primordiale aujourdhui.

Quels défis se présentent-ils à vous ? Quelles ressources possédez-vous pour y répondre ?

Mon premier défi a été de comprendre la situation sur place, ne pas hâter les décisions non-réfléchies, et écouter attentivement les gens. Je pense que j’ai bien écouté et bien entendu. Le temps de la réflexion préalable est passé et j’ai compris que nous avons besoin de plus de collaborateurs. Pour les cinq pays, nous avons 16 prêtres alors qu’il en faudrait 30 ou 40, voire 50 pour satisfaire les besoins existants. Je suis à la recherche de nouveaux candidats et j’espère que prochainement notre communauté fera connaissance avec ces jeunes et dynamiques prêtres prêts à donner beaucoup d’eux-mêmes.

Il est important dattirer des gens qui, pour une raison ou pour une autre, ne sont pas encore impliqués au sein de nos entreprises sociales ou spirituelles. Par exemple en France tous les ans 2 000 étudiants ukrainiens viennent faire leurs études. Jusqu’ici, ni l’église ni la communauté n’ont réussi à les attirer.

Le travail avec la jeunesse est très important et je suis très satisfait du travail des écoles ukrainiennes et de catéchisme. Nos enseignants, plus précisément nos prêtres et nos sœurs travaillent avec passion au quotidien. La jeunesse est notre avenir.

Actuellement, je reçois chez moi un symposium philosophique avec la participation de chercheurs : sociologues et théologiens de premier plan qui représentent 8 pays. Alors, jose espérer que notre quotidien sera marqué par la pensée scientifique, critique mais créatrice. Notre cathédrale à Paris rayonne par son enthousiasme, on y prie en communauté en chantant. C’est un bon point de départ.

Pour tous ces projets d’augmentation du personnel et de développement de l’infrastructure, il faut savoir trouver des moyens. Ce sont des tâches qui me préoccupent depuis ces derniers mois.

- Il y a quelques mois vous avez visité l’ancienne colonie de vacances de Mаcwiller en Alsace. La communauté ukrainienne de la Moselle voisine espérait votre visite. Aujourd’hui, vous avez la possibilité de vous adresser à eux.

Je madresse avec joie à tous vos lecteurs en les assurant que nos prêtres et moi ferons tout notre possible pour tendre la main à chaque âme, ukrainienne ou autre. Les habitants de Moselle connaissent bien ce lieu ukrainien à Macwiller, qui est étroitement lié aux activités du père Pavlo Kogut. Durant l’été 1982, étant séminariste à Rome, j’ai travaillé avec père Pavlo et j’en garde un souvenir précieux. Dans cet endroit, on apprenait le catéchisme comme des chansons traditionnelles ukrainiennes. Des couples se formaient, des gens de différentes générations se retrouvaient, venus de toute la France et de l’étranger. J’ai séjourné à Macwiller à plusieurs reprises. Aujourd’hui les bâtiments sont fermés et il n’y a plus aucune activité : ils ne correspondent plus aux normes et pour les rénover il faudrait des centaines de milliers d’euros.

Je souffre de voir cette maison vide se dégrader, je me désole que depuis trente ans la société scientifique à Sarcelles soit éteinte, que lhôtel ukrainien à Lourdes soit fermé depuis 5 ans parce quil ne correspond plus aux normes. Pourtant tous les ans ces bâtiments coûtent bien cher en assurances et en impôts. La communauté n’en tire pas bénéfice. Voilà pourquoi j’étais pressé de tout voir de mes propres yeux, de comprendre la situation et de rencontrer les personnes porteuses de leur histoire.

Mon champ de travail est grand, il comprend cinq pays. C’est plus que le territoire d’Ukraine. J’espère que les habitants de Moselle comme tant d’autres pardonneront à leur évêque qu’il n’ait pas pu se rendre dans chaque communauté durant les premiers mois de ses fonctions sur un territoire si vaste et si complexe.

J’ai un budget annuel de 35 000 € pour toute mon activité épiscopale sur 5 pays. Avec un tel budget, on comprend pourquoi mon prédécesseur n’avait ni secrétaire, ni chancelier, ni gestionnaire. Jusqu’à récemment à Paris il ny avait quun seul prêtre, celui de la cathédrale. Mon prédécesseur, feu l’exarque Mikhaylo Gryntchychyn, n’a pas pu me transmettre les dossiers, car il n’avait pas d’assistant ni de chancelier. C’est pourquoi actuellement je dois faire un travail de détective et essayer de comprendre quel est l’état des choses dont j’ai hérité – quelle est la situation pastorale, canonique, financière et matérielle.

Cest la raison pour laquelle, avec laccord du patriarche Svyatoslav Chevtchouk et du Saint-Synode, nous réalisons le premier audit extérieur transversal de lhistoire de notre église. J’espère que l’apparition de nouveaux prêtres, la normalisation des questions juridiques, fiscales et immobilières permettra de nous propulser sur de nouvelles bases de travail spirituel. Ce sont des réformes qui sont difficiles à mettre en place en quelques mois. J’ai des engagements par ailleurs : jusqu’en septembre je resterai recteur de l’Université catholique ukrainienne de Lviv. Je suis également à la tête de la commission de ressources humaines de la Province ecclésiastique de Kyiv-Halych et je suis également le membre du Saint-Synode de l’église gréco-catholique ukrainienne.

Je me sens coupable devant les Mosellans et les autres fidèles dont les attentes sont fortes. Je n’ai pas encore pu y répondre. J’espère pouvoir le faire dans un avenir plus ou moins proche. Pour l’instant, j’invite tout le monde à nous rejoindre le 16 novembre à Senlis et le 17 novembre à Notre Dame de Paris. Nous allons travailler dur, car il faudra de nombreuses années pour se sortir de la situation actuelle. Nous aurons besoin d’aide de tous les bords.

- Vous avez dit que parmi les Ukrainiens à l’étranger il y a différents courants et contre-courants. Comment pourrait-on les réunir, à votre avis ? Et est-ce le rôle de l’église que d’appeler à s’unir, cette même église qui durant des siècles s’est divisée et a lutté au sein d’elle-même ?

J’appelle de nouveau tous les croyants à se focaliser sur des choses positives. L’église comme la société commettent beaucoup de pêchés, mais jamais aucune institution mise à part l’église n’a démontré autant de possibilité et d’envie de « rassembler ceux qui existent dispersés ». L’église le fait depuis plus de 1000 ans et va continuer à œuvrer dans ce sens.

Tout n’est pas rose, mais notre Eglise en Europe occidentale œuvre beaucoup envers les emigrés économiques et les plus nécessiteux (je vous rappelle la modicité de notre budget). A mon avis, le monde des affaires comme l’Etat pourrait suivre cet exemple et s’appliquer davantage à la consolidation des Ukrainiens à l’étranger. Aujourd’hui nous en avons l’excellente occasion.

- Quelle est votre opinion sur des mythes historiques ? Cela vaut-il la peine de faire vivre les légendes, sous prétexte que les gens aiment les symboles et les références à lhistoire ancienne ? Ne serait-il pas préférable de les démystifier (prenons pour exemple la légende selon laquelle la ville d’Orly a été ainsi baptisée en l’honneur de Grégoire Orlyk) ?

Je suis historien et je pourrais consacrer à ce sujet une interview à part entière. Mais pour être bref, je dirais qu’il ne faut pas laisser perdurer les fantasmes objectivement erronés. Je suis partisan de la destruction des mythes. Néanmoins, une civilisation et une culture sont caractérisées par sa vision et sa réinterprétation de symboles et de signaux. Voilà pourquoi la réappropriation des symboles historiques comme contemporains peut apporter de grandes choses à notre époque. La déconstruction complète de tous les symboles et de toutes les traditions a été néfaste et a appauvri notre vie moderne. Au sens strict, un mythe est un mensonge. Néanmoins, si on prend le sens plus large du mot mythe, alors il s’agit de la signification profonde d’une certaine vision de l’histoire, de sa narration, de son cadre. Je suis partisan d’une recherche en profondeur.

 

 

Propos recueillis et traduits par Olga Gerasymenko

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18 septembre 2013 3 18 /09 /septembre /2013 12:49

Entretien avec Rouslan Syvoplyas (RS) coordinateur  du projet éditorial et Oleksandr Galyas (OG), auteur du livre

 

___________-_____.jpgQu'est-ce que vous a incité à vous pencher sur la memoire française d'Odessa?


RS – En juillet 2010 j'étais à la tête d'une filiale régionale du Crédit Agricole à Odessa. Nous nous apprètions à récevoir une délégation de la maison mère de Paris. En nous préparant à cette visite, nous avons eu envie de raconter des choses intéressantes et des faits marquants sur Odessa et je me suis aperçu que les informations sur le rôle que les Français ont joué dans l'histoire de la ville sont dispersées. Il n'existait pas d'édition qui évoquait de manière chronologique l'impact que les ressortissants français ont eu sur les développements économiques, culturels, artistiques d'Odessa ainsi que dans d'autres domaines. En conséquence, après l'excursion dans la ville, lors de laquelle nos collègues français ont découvert l'Odessa française, je me suis adressé au Président du conseil de direction de la banque, monsieur Philippe Guidez avec une proposition de soutenir l'édition du livre “Les Français à Odessa”. Il a soutenu cette idée. Après quoi, Oleksandre Gallas, mon ami journaliste et écrivain odessite et moi, nous avons commencé à nous documenter.


Aujourd'hui je ne fais plus partie du groupe Crédit Agricole mais je veux leur exprimer encore une fois toute ma gratitude  pour leur soutien et leur financement au projet.


Un peu plus tard, nous avons convié des collaborateurs de l'Alliance Française à Odessa pour contribuer à celui-ci. Ils nous ont aidé à rassembler les informations, à rédiger et traduire le livre en français. Ils ont également organisé sa présentation le 27 avril dernier qui a eu lieu dans la bibliothèque nationale d'Odessa de Gorkiy, en présence de son excellence l'ambassadeur de France en Ukraine Alain Rémy.


Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre?

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OG – Je m'intéressais à la France bien avant d'avoir lu “Les trois mousquetaires”. Au début du siècle dernier mon grand père a travaillé chez le comte Tolstoi, dans les bâtiments où actuellement se trouve la Maison des Chercheurs. Un jour, il a été amené à accompagner le comte en France. Les photos de ce voyage m'ont impressionné quand j'étais gamin. Après, j'ai beaucoup lu sur l'histoire de France et des Français. J'écoutais les chansons françaises, dont au moins deux interprètes ont des racines odessites : Joe Dassin et Serge Gainsbourg…


Pourquoi avez-vous décidé de faire le livre dans les deux langues? Qu'est-ce qui intéressera un francophone et attirera un lecteur ukrainophone?

OG -  Selon l'objectif du livre, il devait être offert à des bibliothèques, des universités et écoles. Nous avons visé un public francophone pour lui faire connaitre les Odessites d'origine française, et la langue officielle du pays étant l'ukrainien.


Les Odessites et d'autres lecteurs d'Ukraine seront curieux d'apprendre que le caractère si particulier d'Odessa, ce qu'on appelle “la mentalité odessite” a été en grande partie impacté par des Français et notamment le duc de Richelieu. Odessa a eu la chance qu'au tout début de sa fondation il a été à sa tête. Il réunissait en lui-même beaucoup de qualités – du talent exceptionnel de gestionnaire jusqu'à une modestie hors du commun.

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Parlez-nous du duc de Richelieu – comment a-t-il rejoint  Odessa et quel a été son destin après sa carrière à la tête de la ville?

OG – Je me permettrai de citer le livre.


Armand-Emmanuel-Sophie-Septimanie de Vignerot du Plessis, duc de Richelieu... De cette longue liste de noms et de titres, les Odessites n'ont retenu qu'un seul : le duc. Mais quel interêt pourrait-on porter à ce mot une foit traduit en français ? Dans l'histoire mondiale, il existe en effet plusieurs ducs renommés, mais dans l'histoire d'Odessa, il n'y a qu'un seul : Richelieu.


Après la révolution française, en 1790, Richelieu part à la guerre russo-turque, où il a participé notamment à la prise de la forteresse d’Izmail. Pour son courage pendant ce siège, il a été décoré de l’ordre de Saint Georges de 4e classe et a reçu une épée en or – ses premières distinctions dans un pays qui deviendra bientôt sa deuxième patrie. Après la prise de la forteresse, Richelieu revient dans les quartiers du prince Grégoire Potemkine qui le reçoit très aimablement et lui propose de l’accompagner à Saint-Pétersbourg. Cette invitation était très alléchante parce que la gloire du jeune Français était parvenue jusqu’à l’impératrice. Néanmoins, il fut obligé de la décliner et de revenir en France pour régler une succession. Quelques années plus tard il écrit à Alexandre Ier en lui demandant d’être engagé. Il reçut rapidement une réponse positive. Ainsi, en octobre 1802 Richelieu arrive à Pétersbourg où il reçoit de l’empereur 10 000 roubles « pour s’établir », ainsi qu’une propriété à Kouzeme (ndt : une région de Lettonie). Il est gradé général-lieutenant et il reçoit La Croix de commandeur. Alexandre Ier lui proposa plusieurs postes dont Richelieu choisit le poste à la tête de la ville d’Odessa.


En ce qui concerne ses activités à la tête d’Odessa et la suite de sa carrière en France en tant qu’homme d’Etat, nous en parlons en détails dans le livre et j’invite tous vos lecteurs à le lire.
 
Comment le livre est distribué? Où peut-on l'acquérir?
RS – Le projet a été sans but lucratif. Donc, le livre est distribué gratuitement dans les écoles, les établissements d'enseignement supérieur et dans des bibliothèques. N'importe qui peut trouver le livre en version PDF sur le site Scribd.com, en passant par son moteur de recherché ou sur la page Facebook de Frenchmen in Odessa.

Quels sont les résultats de 40 ans de jumelage entre Odessa et Marseille?


OG – Aujourd'hui les Odessites n'en ressentent quasiment pas l'existence, même s'il y a des tentatives de renouveler la collaboration. Pour l'heure, de rares echanges ne se déroulent qu'au niveau des administrations des villes.

 
On peut avoir l'impression que l'initiative du développement des relations franco-ukrainiennes proviennent souvent du coté français. Quel est le rôle des Ukrainiens en leur approfondissement?


RS – Le projet du livre “Les Français à Odessa” temoigne que l'initiative du développement des relations franco-ukrainiennes est bilatérale et mutuelle. En Ukraine il existe plusieurs pôles d'initiative citoyenne. Parmi eux, je peux évoquer le groupe musical VV avec son frontman Oleg Skrypka qui organise régulièrement des veillées à Montmartre. Quant à Odessa, je noterai l'activité de la chaire de langue française de l'Université national d'Odessa.

Parlez à nos lecteurs d'une de vos sources - “Le club mondial des Odessites”?


OGLe club mondial des Odessites a été fondé en novembre 1990 afin de réunir des personnes “de nationalité odessite” à travers le monde entier. Le but de ce club est d'échanger et transmettre des actualités liées à la ville. Il aide la ville pour préserver son héritage culturel et historique. Depuis sa création l'écrivain Mikhail Jvanetskiy  est à sa tête.


Actuellement cette organisation édite activement des livres, mais également le journal “Vsesvitni odeski novyny” (Nouvelles mondiales odessites) et l'almanach litteraire “Derybassivska-Richelieuvska”. Le club mondial des Odessites a été à l'initiative de la création de plaques commémoratives dédiées à Issak Babel, Yuriy Olecha, au peintre Kiariak Kostandi et de l'édification du monument de Babel.


_____-_______.jpgDeux premières éditions périodiques d'Odessa ont été francophones, aujourd'hui édite-t-on à Odessa en français?


OG – En effet, dans l'histoire récente d'Odessa notre livre est une premiere tentative de publication francophone. Et c'est surtout la première édition billingue français-ukrainien dans l'histoire de la ville.  

Le lecteur a l'impression qu'aujourd'hui la ville est loin d'exploiter tout son potentiel et ne montre pas des niveaux de croissance comparable à ce qu'elle a vécu il y a 150 ou 200 ans. A votre avis, qu'est-ce qui est nécessaire pour qu'Odessa retrouve son lustre et sa prospérité d'antan?


RS – Odessa a connu son essort grâce à la gestion de la ville par des personnes qui  mettaient leurs propres interêts en dessous du bien commun. L'exemple de Richelieu est le plus flagrant. Alors si les pouvoirs actuels reviennent non  sur les paroles mais par leurs actes aux valeurs européennes proclamées, Odessa retrouvera son entrain culturel et commercial d'antan.


Quels plans avez-vous pour ce livre et pour vos autres projets?


RS – Malheureusement le budget du livre n'a pas permis d'exploiter tous les documents rassemblés. Alors, nous prévoyons de faire paraitre un livre électronique qui sera plus complet.

Mis à part ce projet, nous travaillons sur un prochain livre : une édition “Les Ukrainiens en France” qui sera également bilingue. Nous souhaitons y rassembler et publier des documents sur des personnalités ukrainiennes qui ont contribué à l'essort culturel et artistique français (en débutant par Anne de Kyiv). Ainsi nous parlerons de Grégoire Orlyk, de Serge Lifar, de Volodymyr Kossyk, d'Arkadiy Joukovskiy, de Borys Goudzyak et de bien d'autres. Ils doivent être reconnus non seulement comme des citoyens français mais comme des enfants de l'Ukraine. Certains de ces documents sont publiés sur notre page de Facebook "Ukrainians in France".

Dans ce livre nous parlerons également des Français qui ont eu des racines ukrainiennes, dont Joe Dassin, Martine de Breteuil, Pierre Bérégovoy, Serge Gainsbourg et Pierre Lazareff. Dans le livre on évoquera les années passées en France par des personnalités historiques et culturelles telles que la poetesse Anna Akhmatova, le chef des mutineries paysannes et  un des pères de l'anarchisme Nestor Makhno, le militaire et chef d'Etat Simon Petlura, l'industriel Mikhaylo Terestchenko, la peintre Maria Bachkirtseff,  le chanteur et musicien Oleg Skrypka, et de nombreux autres. Nous comptons sur le concours de la communauté ukrainienne en France. Ainsi, nous sommes en contact et comptons collaborer avec la société sientifique Chevtchenko à Sarcelles. Nous allons étudier la possibilité de l'édition de ce livre en format papier. Je profite donc de l'occasion et je m'adresse à tous vos lecteurs pour nous aider à travailler sur ce projet. Tous ensemble nous réussirons mieux ce projet au nom de la préservation de l'identité nationale des Ukrainiens en France et pour la sauvegarde du trésor spirituel de notre peuple!

 

Propos recueillis par Olga Gerasymenko

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16 juin 2013 7 16 /06 /juin /2013 23:36

montmartre saint andreEn septembre dernier, une délégation composée de 6 représentants de l’Association « Initiative Saint-André – Allée Paysagère » était en visite à Paris. Les Ukrainiens sont venus chercher l’expérience de Montmartre en matière de préservation du patrimoine et s’inspirer de l’esprit si particulier qui  y règne. La ville de Kiev (ou Kyiv) s’est établie sur plusieurs collines et possède son propre « Montmartre », appelé Descente Saint-André. Cet endroit est depuis plusieurs décennies un lieu incontournable pour les artistes de tous genres, avec ses nombreuses galeries d’art, ses  concerts improvisés. La magnifique église Saint-André s’élève en haut de la colline. Malheureusement, aujourd’hui ce lieu est menacé par des projets immobiliers, comme c’était le cas de Montmartre il y a plusieurs années. Et la communauté se mobilise pour protéger cet endroit unique, tout comme l’ont fait les Montmartrois à l’époque.

Ainsi, l’Association « Initiative Saint–André, allée paysagée », très active dans les démarches de protection du patrimoine ukrainien et le Syndicat d’Initiative de Montmartre ont signé un pacte d’amitié et un accord de collaboration. La délégation a emporté avec elle un pied de vigne comme symbole de la paix qui pourrait empêcher la destruction du quartier historique situé au centre de la capitale ukrainienne.
Lors de cette première rencontre, des liens étroits ont été noués et le voyage réciproque s’imposait tout naturellement.

La délégation française était composée de plusieurs membres du Syndicat d’Initiative de Montmartre avec en tête son président Roger Dangueger et le vice-président Frédéric Loup, mais aussi l’artiste-peintre Midani M’Barki. La présidente de l’Association Ukraine Art Nathalie Pasternak, qui est à l’origine de cet échange, accompagnait la délégation.
montmartre saint andre2
Les Montmartrois ont été chaleureusement accueillis et leur séjour fut riche en rencontres et en émotions. Le voyage a été marqué par un accueil dans l’administration de la ville de Kyiv mais aussi par une réception chez l’Ambassadeur de France en Ukraine, Alain Rémi. Midani M’Barki a pu exposer ses tableaux dans une des galeries de la Descente Saint-André.

Les 25 et 26 mai Kyiv fêtait les journées de la ville. A cette occasion, Oleg Skrypka, célèbre musicien ukrainien, initiateur des « Soirées dansantes ukrainiennes » à Montmartre en 2009, a organisé cette fois-ci le festival « Montmartre sur la Descente Saint-André ». La visite de la délégation ne pouvait pas mieux tomber !


Valentyna Coldefy 

 

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10 novembre 2012 6 10 /11 /novembre /2012 08:32

Montmartre-peysajnaya-aleya.jpgPouvez-vous nous dire quelques mots à propos de l’Association Initiative Saint-André - Allée Paysagée ? Qui sont vos membres ?

L’Association Initiative Saint-André - Allée Paysagée est une union de citoyens et de diverses organisations qui a pour but la préservation et l’enrichissement du patrimoine historique et culturel ukrainien et sa promotion en Ukraine et à l’étranger. Toute personne peut devenir membre de l’association indépendamment de ses convictions religieuses, raciales ou autres. Mais un point est obligatoire : une vision commune dans les domaines de la culture, de l’art et de la préservation du patrimoine. 

 

Quelles sont les actions de l’Association ?

Dès la création de l’association, nous avons mené à bien plusieurs actions pour empêcher la construction d’immeubles autour de la cathédrale Sainte-Sophie. Parmi les actions les plus marquantes, on peut citer la création et la préservation de l’Allée Paysagée.

 

Pouvez-vous nous préciser comment a été créée l’Allée Paysagée ? Comment artistes et citoyens ont-ils réussi à réaliser et défendre ce projet ?

La création de l’Allée Paysagée, telle que vous la voyez aujourd’hui, a commencé en 2004 lors des manifestations contre la construction illégale d’immeubles dans la zone historique protégée appelée « Kyiv de jadis ». Le procès a duré 5 ans, au bout desquels, grâce aux efforts communs des citoyens, associations, artistes, mécénats et de l’architecte Kostiantyn Skrytoutsky, la première sculpture fut installée sur l’Allée Paysagée. Ensuite, furent installées les statues des Anges et du Petit Prince et d’autres créations. Cette initiative, chaleureusement accueillie par la communauté, a amené à créer un parc paysager destiné aux enfants,  aujourd’hui unique à Kyiv. L’Allée Paysagée est devenue le lieu privilégié des habitants de Kyiv et de ceux qui viennent visiter la ville. Le parc fait partie du circuit touristique de la capitale. illustrations-0496.JPG

 

Que représente la signature du Pacte d’Amitié entre votre Association et le Syndicat d’Initiative de Montmartre ?

Le Syndicat d’Initiative de Montmartre et l’Association Saint-André – Allée Paysagée partagent la même vision des choses. L’amitié et la collaboration entre deux associations proches dans leurs buts sont toujours très bénéfiques, surtout pour les communautés.

 

C’est au tour des Français de vous rendre visite. Quels endroits de Kyiv leur montrerez-vous en premier lieu ?

Je voudrais avant tout remercier les Français pour leur accueil chaleureux. Nous étions surpris par l’attention portée à notre délégation et le programme riche en événements à Montmartre. L’Ukraine et la France sont unies historiquement par le mariage en 1051 d’Anna Yaroslavna avec le roi de France Henri 1er. Le cadeau – le pied de vigne que nous avons ramené de Montmartre - est le symbole d’amitié de nos nations aujourd’hui, c’est l’union entre notre descente Saint-André, l’Allée Paysagée et Montmartre. Nous serons ravis d’accueillir la délégation française et ferons tout notre possible pour lui faire découvrir Kyiv. La capitale, vieille de plusieurs siècles, est riche en lieux qui valent la visite. Le jour le plus important de la ville est la fête de Kyiv. A cette occasion, plusieurs événements sont organisés tels que des expositions de peintres, de sculpteurs et d’autres artistes venus de toute l’Ukraine, mais aussi des concerts, des représentations théâtrales. C’est une excellente occasion de montrer l’esprit et la culture du peuple ukrainien. Bien sûr, nous montrerons à nos amis français l’Allée Paysagée, l’église de Saint-André, la Sainte-Sophie, le monastère de Saint-Michel avec ses coupoles dorées, la Laure de Petchersk de Kyiv. Nous irons voir des musées, théâtres, expositions et bien d’autres choses. A très bientôt à Kyiv !

 

Propos recueillis par Valentyna Matiyiv

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9 décembre 2011 5 09 /12 /décembre /2011 09:01

Une équipe de deux journalistes français s’est lancée dans un projet de web-documentaire consacré à l’Ukraine à l’heure de l’Euro 2012. Perspectives Ukrainiennes trouve cette initiative très utile pour la découverte de l’Ukraine par les Européens et soutient le projet. Stéphane Siohan, un des deux auteurs, évoque le projet et appelle tous ceux qui seraient intéressés à venir soutenir le projet sur le site de financement KissKissBankBank.
 
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Pouvez-vous présenter en quelques mots votre idée ?
 
Je suis journaliste depuis une petite dizaine d’années, j’ai beaucoup voyagé et travaillé dans les pays d’Europe centrale et orientale. Il y a environ un an et demi, avec mon associé photographe et cameraman Matthieu Sartre, nous avons eu l’idée de faire un portrait de l’Ukraine contemporaine à l’occasion de l’Euro 2012, qui est la première compétition sportive majeure organisée dans un pays de l’ancien bloc soviétique depuis les Jeux olympiques de Moscou en 1980. Pour nous, le football est un langage universel, qui en Europe de l’Est prend des couleurs peu connus en France. Et à travers des histoires de football, c’est un portrait sensible de l’Ukraine contemporaine que nous souhaitons réaliser.
 
Quelle forme va prendre ce documentaire ?
 
Un web-documentaire est un film multimédia, diffusé sur un site internet, avec une interface web propre. La narration du documentaire est ce qu’on appelle délinéarisée et de façon interactive, l’internaute peut prendre en main le contenu documentaire à sa guise. En outre, Gol! #Ukraine2012, ce sera un webdocumentaire, mais également un jeu vidéo ! Dès le premier clic, l'internaute choisira entre une immersion classique dans le documentaire, ou un mode « quest » inspiré des jeux vidéo, où son cheminement dans Gol! sera une succession d'épreuves, avec quelques surprises à la clé... Notre projet sera diffusé sur le Monde.fr, principal site d’information en France, quelques semaines avant le début de l’Euro 2012.


Sous quelle forme souhaitez-vous parler de l’Ukraine ?

 

Notre webdocumentaire sera une succession de 16 films courts, tournés aux quatre coins de l’Ukraine, de Kiev à Donetsk, de Lviv à Dnipropetrovsk, avec d’autres endroits plus surprenants. L’internaute pourra les découvrir sur le site du Monde.fr et sur les réseaux sociaux, notamment Facebook où nous proposerons également des contenus courts. Par ailleurs, pour incarner notre documentaire, nous avons choisi deux personnages à la fois réels et fictifs, Oleg et Katya, deux jeunes Ukrainiens de 25 ans, qui emmèneront les internautes dans leur Ukraine à l'heure de l'Euro2012.
 
Comment comptez-vous financer votre projet ?
 
Nous allons certes diffuser le documentaire sur un média important, mais internet étant un univers gratuit, et nous les auteurs étant indépendant, nous devons aussi apporter des ressources propres pour financer notre projet. Nous avons effectué deux premiers tournages en juillet et octobre derniers. Mais nous devons continuer à chercher des financements complémentaires pour pouvoir tourner cet hiver. Pour cela, nous proposons aux internautes et à tous les amis de l’Ukraine de participer à l’aventure et nous soutenir financièrement, à partir de 1 euro, sur le site de crowdfunding (financement participatif) KissKissBankBank.com. Chaque personne contributrice aura un cadeau en échange, cela va de son nom dans les crédits du documentaire, à une voiture en passant par... un maillot du Dynamo de Kiev dédicacé par Andriy Shevchenko ! Nous devons avoir atteint 8500 euros avant le 12 décembre pour bénéficier de ce financement et continuer sereinement l’aventure en décembre. Pour cela, le moindre euro compte ! Mais surtout, ça nous fait plaisir de voir émerger une communauté de gens intéressés autour de notre projet.

 

 

Le lien vers le projet Gol ! #Ukraine2012, l’appel à financement KissKissBankBank et des vidéos teaser : 
http://www.kisskissbankbank.com/projects/gol-ukraine2012 ou taper « Kissbank » et « Ukraine » dans Google.

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9 novembre 2011 3 09 /11 /novembre /2011 14:41

NTCH-enseigne.jpgLa prestigieuse société scientifique Chevtchenko (Naoukove Tovarystvo Chevtchenko – NTCH), porte le nom du célèbre poète ukrainien Taras Chevtchenko. Sa création remonte à 1873, à Lviv.

 

L’institution a connu un formidable essor jusqu’à la première guerre mondiale. Durant l’entre deux guerres, la domination polonaise freina cet élan mais ne put néanmoins empêcher NTCH de rayonner. En 1939, l'occupation de Lviv par les Soviétiques entraîna la dissolution de la société. Beaucoup de ses membres furent arrêtés, envoyés au Goulag, ou exécutés. Cependant les liens scientifiques se sont avérés plus forts que les persécutions politiques, et les membres de NTCH, dont beaucoup s’étaient exilés, se sont retrouvés au sein des antennes étrangères : aux Etats- Unis, au Canada, en Allemagne, en Australie et en France. Leurs efforts communs ont permis de réaliser plusieurs travaux d’une importance capitale, les plus remarquables étant sans conteste les 14 volumes de l’Encyclopédie ukrainienne.

 

NTCH n’a pu revenir en Ukraine qu’à la fin des années 1980, au moment de la Perestroïka. L’antenne française s’est établie à Sarcelles en 1951, grâce à des dons privés. C’est elle qui a coordonné le travail sur l’Encyclopédie ukrainienne, une oeuvre de référence pour les spécialistes comme pour tous ceux qui cherchent des informations sur l’Ukraine. D’après le nouveau président de l’antenne de Sarcelles, Stéphane Dunikowski, avocat au barreau de Nanterre, la publication de l’Encyclopédie en français compte parmi les nombreux projets de l’organisation. C’est un travail considérable qui impliquera des ressources financières importantes.

 

Stéphane Dunikowski se présente modestement comme un président administratif qui a avant tout pour but de consolider les moyens de l’antenne, de lui permettre de continuer son travail, de rétablir des liens entre scientifiques et d’aider les nouveaux chercheurs à venir travailler en France sur des thématiques ukrainiennes. Il est épaulé par Michel Bergeron, trésorier, et Anne-Marie Dovhanuk, depuis longtemps secrétaire scientifique de la société. D’anciennes équipes de NTCH sont également à leur disposition pour redonner du souffle à l’association.

 

Néanmoins, selon Stéphane Dunikowski, il est nécessaire de s’ouvrir aux nouveaux talents. Ainsi, une première journée portes ouvertes a été organisée à Sarcelles cet automne. Elle a réuni des curieux, des sympathisants et tous ceux qui souhaitaient soutenir NTCH dans ses projets de développement. Le même jour, l’antenne de Sarcelles a lancé une nouvelle initiative : l’association des Ukrainiens du Val-d’Oise a été créée. Selon le président de NTCH, la formation d’associations de ressortissants ukrainiens en France, regroupées en fonction de leur emplacement géographique, permettra de parvenir à une plus grande synergie dans leur travail et les rendre plus efficaces dans leur collaboration avec les administrations françaises.NTCH

par Olga Gerasymenko

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8 novembre 2011 2 08 /11 /novembre /2011 15:06

Philippe-Naumiak.jpg

Quand l'association a-t-elle été créée et quels sont ses objectifs ?


L'association a été créée par des Français d'origine ukrainienne afin de mettre en oeuvre tous les moyens de diffusion, de communication, d’information, de recherche et d’études concernant l’Holodomor. L'objectif de l'association est de porter à la connaissance du plus large public français, une information et une expression des plus pertinentes sur l'un des trois génocides européens : le Holodomor ukrainien, chronologiquement placé entre la tragédie de l'Arménie et la Shoah, mais plutôt méconnu, ou mal connu, des Français à l'exception de quelques cercles universitaires.
 
L’Europe reconnaît le Holodomor, l'ONU le commémore, l'Amérique du nord n'a pas de problème d'amnésie depuis plus d'une génération et la France reste muette sur le sujet. Il est temps d'agir tant que vivent les derniers témoins. Nous avons donc contacté une réalisatrice française de films documentaires, Bénédicte Banet. Elle a accepté et a même suggéré d’aller au-delà d’une diffusion à la télévision en visant la création d’un site Internet, dans lequel seraient mis en ligne la totalité des témoignages, des archives recueillis pendant les tournages (y compris ceux qui n’auraient pu être inclus dans le film). La création d’un DVD permettra à tous ceux qui le souhaitent de conserver le film. Ce projet nous séduit mais il implique plusieurs tournages en Ukraine, un énorme travail de traduction, des moyens de promotion et de diffusion. Le budget et très lourd. Tout nous laisse espérer que ce film passera à la télévision, sera projeté en salles, diffusé... et que les médias français soient sensibles au calvaire que l'Ukraine a subi il y a plus de 75 ans. Le Centre Culturel ukrainien de l'ambassade a déjà organisé une première rencontre avec l'équipe de tournage en juin dernier, au cours de laquelle a été projeté un extrait des témoignages déjà recueillis.

Nous organisons le 13 novembre, une nouvelle projection accompagnée d’une exposition de photos et tableaux qui se prolongera durant la semaine. La diffusion d'un tel documentaire, totalement inédit en France, est importante pour les Français d'origine ukrainienne car le déni est... étouffant. Voilà le but de l’association : recueillir toutes les preuves possibles du Holodomor, les traduire et les porter à la connaissance du public, notamment à travers la réalisation d’un film et d’un site internet. Pour cela il est indispensable de recueillir des fonds pour poursuivre et finaliser le travail déjà entrepris.

Que désigne-t-on précisément par le terme Holodomor ?


Sémantiquement ce terme signifie « exténuer par la faim », mais par extension nous pouvons dire « tuer par la famine ». On appelle Holodomor le génocide par la faim des paysans ukrainiens, disons plutôt des Ukrainiens en tant que nation essentiellement paysanne, des années 1932-1933. Néanmoins le processus du Holodomor remonte à l'année 1929 – année noire où la collectivisation violente des campagnes est mise en place, où l’anéantissement de l'élite pensante ukrainienne est effectuée avec la suppression de l'Église orthodoxe ukrainienne, les persécutions religieuses, la liquidation de l'Académie, des intellectuels, des écrivains, la fin de l'ukrainisation et le retour de la russification. Même le Parti Communiste d'Ukraine est purgé de ses éléments trop ukrainiens. Il n'est pas nécessaire d'assassiner toute la population pour qu'il y ait génocide. Staline ne visait pas à exterminer tous les Ukrainiens, et du reste il n'en avait ni les moyens ni la nécessité – il fallait encore des esclaves aux kolkhozes pour labourer la riche Ukraine. Mais il a réussi à briser la nation ukrainienne en tant que telle, à anéantir son identité religieuse, linguistique et culturelle.

Est-il possible de dresser un inventaire des conséquences humaines, démographiques et politiques du Holodomor ? Oui et non. Tout est tellement complexe que l'inventaire est difficilement quantifiable contrairement au génocide arménien par exemple ou au Rwanda. Mais un bilan sur l'état identitaire ukrainien est plus que faisable, il saute aux yeux. Encore maintenant lorsque je franchis la frontière du Zbroutch entre l'ancienne URSS et la Galicie polonaise (et ex-autrichienne) je vois à l'architecture et au comportement des gens plus âgés que j'ai changé de contrées tant la marque de l'histoire soviétique est présente. Certains Ukrainiens de l'ex-Ukraine soviétique présentent encore ce comportement d'éternels écorchés vifs si typiques de l'ancienne société communiste. Ajoutez à ça l'odieux sabir qu'est le sourjyk, ce baratin « petit-nègre » des villes russifiées et déjà la trace du traumatisme apparaît. La campagne donne l'impression d'avoir été balayée par un gigantesque tsunami après lequel on aurait recollé de-ci de-là des morceaux de civilisation ukrainienne. Il existe une nette différence de part et d’autre du Dnipro. La Podolie était polonaise au XVIIIème siècle, elle est restée ethniquement ukrainienne jusqu'à maintenant. Cette russification-soviétisation est l'une des conséquences les plus dramatiques de ce Holodomor.

Un mot sur les chiffres. Les entretiens que nous avons pu avoir avec des historiens font apparaître un bilan des plus probables : pour le pic de la famine allant de l'automne 1932 à la fin du printemps 1933 nous avons une fourchette allant de 3,5 à 4,5 millions de victimes. Les victimes de la collectivisation dès 1929, des réquisitions agricoles dans les kolkhozes entre 1931 et 1932 ainsi que les morts de maladies liées à la famine (occlusions intestinales, sous-alimentation des orphelins, etc...) portent ce chiffre à près de 6 millions. Des centaines de monuments ont été érigés en Ukraine. Le Holodomor est enseigné dans les écoles et quinze mille ouvrages et thèses universitaires ont été rédigées sur le sujet. L'Ukraine entame son deuil.

Le projet documentaire que vous développez relève-t-il de la thématique historique ou s'inscrit-il dans une perspective de sensibilisation mémorielle ?

Tout d'abord il est bon que ce soit une Française de souche qui réalise ce film. Une personne d'origine ukrainienne comme moi aurait eu une vue trop passionnelle et émotive, donc moins objective et oins réaliste des choses. L’intérêt de notre projet réalisé par Bénédicte BANET est d’apporter au-delà des témoignages de survivants et des archives, une vision de l'Ukraine contemporaine des campagnes où s'exposent les stigmates de cette époque : monuments, tombes sur les charniers et autres fosses communes. A celui qui sait voir, et là le défi a été pleinement relevé, l'Ukraine contemporaine expose toujours la souffrance de cette époque. Des interviews de philosophes, historiens, artistes, hommes politiques éclairent cette page de l’histoire ukrainienne et en révèlent l’impact sur l’Ukraine contemporaine.

Beaucoup de témoins ont raconté leur enfance pour dire « plus jamais ça ». Ils sont soulagés et heureux d’avoir apporté cette contribution à l’avenir de leurs enfants. Je dirais que la sensibilisation mémorielle alterne avec la thématique historique, une grand-mère de 103 ans témoigne après les propos d'un philosophe sur le trauma collectif, un barde chante sa complainte avant l'arrivée de mon père dans son village après 73 ans d'absence... Et l'art n'est pas absent de ce documentaire, on peut filmer sèchement les choses ou bien tenter de les transcender...

Je croyais bien connaître l'Ukraine, je l'ai revisitée autrement à travers la caméra.

Quels obstacles et difficultés rencontrez-vous dans votre démarche de recueil des témoignages de survivants ?

Témoigner pour l’histoire… À l’inverse des témoins de la Shoah ou du Rwanda, les derniers témoins du Holodomor n’ont pas, ou peu, le recul et l’analyse des faits. Et cela à cause de plusieurs barrières du souvenir qui expliquent le discours bref ou construit des témoins.

La barrière du temps.
Les témoignages que nos voyages en 2006, 2007, 2008 et 2010 ont permis de recueillir, s’inscrivent soixante-quinze ans après le point culminant de la famine de l’hiver 1932-33. Ces personnes âgées éprouvent des difficultés à se remémorer un événement si lointain, surtout après un tel refoulement de la mémoire et du langage. Pour eux, il ne s’agit pas tant d’évoquer la famine que de raconter leur enfance brisée et de l’extraire des brouillards du lointain passé. Les témoins, enfants ou adolescents à l’époque, n’avaient pas, au moment des faits, une perception d’adultes dans un champ plus réfléchi et plus vaste du temps et de l’espace. Cette vision des choses, liée à la vieillesse et à la distance temporelle, fait que, involontairement, les témoins paraissent, dans leur récit, percevoir le drame d’une façon atténuée. Certaines personnes ont déclaré pouvoir mourir apaisées car elles auront apporté leur témoignage avant de partir vers d’autres Cieux.

La barrière sociale.
Les fermiers ukrainiens, désignés comme « la classe à abattre », n’étaient pas des intellectuels et n’avaient pas un niveau scolaire élevé. Mais ils étaient pleins de bon sens et n’étaient pas non plus des illettrés. Parmi eux, certains ont rédigé par écrit leur témoignage, les autres ont laissé l’interlocuteur le rédiger devant eux. Mais l’élite intellectuelle du village - instituteurs, prêtes, koulaks - qui aurait pu donner des témoignages plus approfondis ont été liquidés. Une autre barrière sociale est notre origine. Vous n’entrez pas comme ça chez une octogénaire ukrainienne pour la questionner à brûle-pourpoint sur son enfance si vous n’êtes pas présenté par une personne de son entourage. Elles n’ont pas conscience de l’importance de leur témoignage.

La barrière du négationnisme d’État.
L’État soviétique a toujours nié l’existence de la famine. En parler pouvait vous valoir une dénonciation et des poursuites pénales. Pire encore, les manuels scolaires et la propagande vantaient la collectivisation et présentaient des images et des films de kolkhoziennes opulentes et joyeuses moissonnant sous les drapeaux rouges de la patrie socialiste. Il s’agissait non seulement d’un déni, mais de l’affirmation d’une situation opposée : « La famine n’a jamais existé et si quelques koulaks ont été condamnés c’est parce qu’ils étaient des saboteurs, des bourgeois nationalistes ! On vit heureux maintenant dans nos campagnes ! » - clamait la propagande politique.

D’autres contextes socioéconomiques se sont greffés sur cette situation du déni d’État. La jeune génération des survivants de la famine a été déracinée, après la guerre, dans d’immenses cités ouvrières aux périphéries des villes. Ici, la soviétisation des masses a été rapide et efficace. Le lien avec l’aïeul du village a été atténué, voire rompu. Ces villes inhumaines soviétiques, où les nouveaux colons russes étaient nombreux et où la survie économique dans la promiscuité des appartements collectifs était abrutissante, ne portaient pas le témoin à entretenir le souvenir et à rédiger quelques notes pouvant devenir des preuves à charge et vous valoir une condamnation…

La barrière du drame ou de l’implicite complicité.
Les rescapés des camps nazis “bénéficient” d’une identification claire de leurs bourreaux, de leurs motivations criminelles et du processus exterminateur. En qualité de victimes ils bénéficient d’une reconnaissance morale et d’une condamnation par l’Histoire non seulement de l’idéologie qui les a opprimés mais également de l’univers concentrationnaire clos qui les a torturés. Il en est partiellement de même pour les rescapés des goulags. Pour les rescapés du Holodomor tout est
plus obscur… Le processus génocidaire du Holodomor s’est non seulement attaqué aux adultes et aux enfants, mais a fait des adultes des complices indirects et involontaires du meurtre dans un de ses aspects les plus abjects. C’est la plus grande victoire des génocidaires. Si en haut de l’échelle les idéologies et les hauts responsables politiques sont identifiables (donc condamnables) en bas de l’échelle il y a des confusions entre la classe des victimes et celle des exécutants. Il s’agit de confusions sous la contrainte qui entraînent des culpabilités : des activistes ont été enrôlés sous la contrainte et parmi eux certains sont devenus des victimes, des parents ont assassiné leurs enfants ou se sont fait délateurs pour survivre… Le survivant éprouve une honte, la honte d’avoir commis un acte violent pour survivre, ou simplement d’être le dernier survivant d’une communauté.

Propos recueillis par Frédéric du Hauvel


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