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13 novembre 2024 3 13 /11 /novembre /2024 23:08

1. En 1731 Voltaire écrivait « L’Ukraine a toujours aspiré à être libre ». Que vous inspire cette citation ?
    Non seulement cette phrase résonne singulièrement aujourd’hui en raison du combat du peuple ukrainien pour la liberté, au prix le plus fort qui soit, mais elle traduit une constante dans l’histoire de l’Ukraine. De par sa culture politique, elle n’a jamais été un pays dans l’orbite russe, qu’elle soit tsariste, soviétique ou poutinienne. C’est un pays d’abord tourné vers l’Europe, dans un premier temps rêvée puis réalisée. Pour ne nous en tenir qu’à la période récente, nous ne pouvons que rappeler la Révolution orange, Maïdan et, aujourd’hui, la résistance de l’Ukraine devant la volonté russe de la détruire ou de la soumettre en esclavage. Mais nous devons aussi nous souvenir de la période soviétique. Lors de l’un de mes récents voyages en Ukraine, en avril de cette année, j’ai eu le bonheur de visiter, à la Maison ukrainienne à Kyiv, l’exposition consacrée à Alla Horska et j’y ai consacré un article, d’ailleurs republié par le Kyiv Post. Cette artiste ukrainienne, assassinée par le NKVD en 1970, et ses compagnons, dont plusieurs d’entre eux furent aussi tués par la police secrète soviétique, se sont employés à défendre la singularité politique, culturelle et intellectuelle de l’Ukraine. Leur entreprise visait, par leur art comme par leur engagement, à sortir l’Ukraine des tentatives d’assimilation, coloniale et impérialiste, au sein de la Russie soviétique. Leur combat était indissolublement lié aussi à l’exigence de vérité, d’où leur mise au jour tant des massacres soviétiques de Bykivnia que de Babyn Yar, lieu emblématique de la Shoah par balles.
    Le manque de travail et de curiosité autant qu’une longue propagande insidieuse, qui a fait croire beaucoup à une supériorité « culturelle » de la Russie, ont comme gommé l’Ukraine de la carte mentale des dirigeants ainsi que des analystes de sécurité occidentaux. Il y a eu comme une « fascination russe », pour reprendre le titre de l’excellent livre d’Elsa Vidal, qui a conduit à l’effacement de sa singularité. Il fut encore renforcé par un biais fréquent de l’analyse stratégique, ce que je développe dans Notre guerre, qui consiste à manifester une révérence aux « grands Etats » au détriment des supposés « petits » et une acceptation tacite, quoi qu’elle soit bannie en droit, des prétendues zones d’influence. Enfin, ceci correspondait à une forme d’indifférence de nombreux dirigeants envers le combat des peuples pour la liberté. Heureusement, ces conceptions géopolitiques archaïques commencent à être révisées, même s’il en subsiste encore de nombreuses traces. Fait assez peu noté, la redécouverte tardive de la littérature et de l’art ukrainiens va dans le même sens : rendre la parole, jusqu’à présent confisquée, aux expressions nationales qui ne peuvent être assimilées dans le magma indistinct des empires.

2. A quel moment vous êtes-vous senti concerné par le destin de l’Ukraine et des Ukrainiens ?
    Je me suis rendu en Ukraine très souvent depuis vingt ans, et déjà cinq fois depuis le début de la guerre totale russe. Me rendre à Boutcha et Borodyanka en avril 2022, trois semaines après les crimes que l’on sait, fut un choc absolu. Au cours des vingt dernières années, rares étaient les politiques et même les experts des questions stratégiques qui effectuaient le chemin vers Kyiv, Lviv et Odessa. Au-delà des conférences que j’ai pu y prononcer, j’y ai aussi effectué plusieurs missions pour le compte de l’Union européenne à l’époque de Viktor Ianoukovitch où je voyais poindre les tentatives de capture par la Russie et, déjà, la volonté de résistance de nombreux Ukrainiens que je côtoyais. J’ai dès lors acquis une certaine familiarité avec ce pays. Je suis aussi allé souvent en Russie dans les années 2000 et cela m’a permis de mesurer le caractère incomparable entre les deux nations. Quand j’allais à Moscou ou Saint-Pétersbourg, je ne pouvais me défaire d’un sentiment d’oppression. En Ukraine, je percevais au contraire le vent de liberté qui soufflait malgré aussi les vents contraires, notamment à l’ère Ianoukovitch. J’avais acquis aussi la certitude du destin européen de l’Ukraine au point de camper, dans la partie prospective et fictionnelle d’un petit livre Quand la France disparaît du monde (Grasset) écrit en 2008, le personnage d’un commissaire européen ukrainien ! Parallèlement, l’analyse stratégique que je faisais de la situation du monde m’avait conduit à alerter déjà il y a presque vingt ans sur le danger que représentait la Russie pour la sécurité globale. Je m’étais élevé contre le reset lancé par Barack Obama, qui me semblait alors entaché d’une erreur d’analyse, puis bien plus tard sur toutes les tentatives de réengagement, y compris de la France, envers Moscou. Dès le début de la guerre russe contre l’Ukraine, en 2014, j’avais plaidé pour une action armée décisive des Alliés. Je l’ai réitéré avec encore plus d’insistance le 24 février 2022. Je persiste à penser qu’une intervention directe des Alliés est une nécessité.
    En somme, mon propos était à l’entrecroisement d’une conscience que le sort de l’Europe et du « monde libre » se jouait en Ukraine et d’une alarme sur une Russie qui, je l’entrevoyais, irait jusqu’au bout, profitant de l’aveuglement des démocraties et de leur inaction. De manière plus intime, je voyais dès 2014 se profiler la volonté de destruction et de soumission d’un peuple que j’avais appris à connaître et à aimer. Je savais de quoi la Russie était capable – nous l’avions vu en Tchétchénie, en Syrie, en Géorgie et ailleurs. Je n’ai cessé, entre 2014 et 2022, de dénoncer notre inaction et toutes les tentatives – ou tentations – d’accords de paix avec la Russie. Je vibrais naturellement avec une nation que Moscou avait promis à l’anéantissement. Je fus aussi l’une des rares voix en France, avec Yannick Jadot, à demander un boycott de la coupe du monde en Russie en 2018 : les clameurs des supporters ont de fait étouffé les cris des victimes, syriennes et ukrainiennes. Je ne pense pas qu’on puisse séparer l’analyse stratégique de la conscience du crime, car cette dernière nourrit la première. Pour cette raison, j’ai sous-titré mon dernier livre Le crime et l’oubli.

3. Dans quelle mesure la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine a-t-elle changé votre vision du monde ?
    Je ne saurais affirmer, à vrai dire, qu’elle l’ait radicalement changé, car la perspective de cette guerre que je qualifie d’extermination faisait partie des réalités que je voyais poindre. Certes, je ne savais pas, avant 2014, si elle allait survenir, mais j’y faisais déjà allusion, dans deux livres écrits en 2011 et 2012, comme étant une possibilité. Je voyais cette marche vers l’abîme de la mort de la Russie et l’absence de réaction des démocraties. L’année 2013, marquée par l’absence de mise en application des lignes rouges énoncées par Obama après les attaques chimiques de la Ghouta, fut certainement un moment-charnière. La passivité observée en 2014, et les sanctions ridiculement faibles, en découlaient. Le refus, lors du siège et de la chute d’Alep en 2015-2016 d’établir en Syrie une zone de non-survol préfigurait l’abstention des Alliés envers l’Ukraine aujourd’hui. Je n’étais pas plus certain que la Russie déclencherait en 2022 une guerre totale contre l’Ukraine, mais elle était dans la logique que j’entrevoyais. Le retrait des troupes américaines d’Afghanistan en août 2021 la rendait plus probable et offrait une sorte de blanc-seing à Poutine.
    Si ma vision du monde n’a donc pas changé, cela ne signifie pas qu’elle ne se soit pas assombrie. Certains signalent, au vu des réactions des Alliés, une conscience plus aiguë de la menace russe radicale. Ce n’est pas complètement inexact. Pour autant, je crains, puisque leur action reste somme toute beaucoup trop mesurée, que la compréhension des enjeux reste pour le moins lacunaire chez certains chefs d’État et de gouvernement. Imaginons d’ailleurs ce qui ce serait passé en, en février et mars 2022, si le président Zelensky avait préféré un taxi aux munitions et n’était pas resté à Kyiv, si la résistance ukrainienne n’avait pas été aussi forte et si l’armée russe avait été aussi puissante que certains l’estimaient. Les Alliés se seraient accommodé de la situation, auraient certes édicté de nouvelles sanctions, mais ils se seraient ensuite précipité à nouveau à Moscou. Quand je vois la manière dont certains d’entre eux, notamment les Etats-Unis et l’Allemagne, restent encore au milieu du gué en termes de fourniture d’armes, de refus de toute action directe de leur part et d’autorisation donnée à l’Ukraine de répliquer en territoire russe, je me dis qu’ils n’ont rien compris. Ils ont de fait laissé exterminer par les Russes de dizaines de milliers de vie et n’ont pas voulu les sauver. Ils ont aussi affaibli la sécurité de leur propre pays. Ils ont enfin permis à Poutine de développer ses propres raisons d’alliances ou de clients, soit moins dissuadés par un Occident libéral inconsistant,  soit tentés de se dire qu’il ne fallait pas trop compter sur lui. Depuis quinze ans, nous avons assisté à l’érosion de notre dissuasion, prise globalement.
    Donc si je me réfère à ce que je pensais il y a quinze ans et que j’avais exprimé dans un livre paru en janvier 2011 Le monde à l’horizon 2030. La règle et le désordre (Perrin), mon analyse du monde a partiellement évolué. Dans cet ouvrage, j’analysais certes déjà la menace russe, voyais poindre la révolte des peuples, notamment au Moyen-Orient juste avant la survenance des Printemps arabes et remarquais l’érosion des organisations internationales généralistes, mais j’imaginais encore l’existence de forces de rappel. Celles-ci me paraissent avoir largement fondu. On a assisté depuis quinze ans à un recul du nombre de pays démocratiques dans le monde, pointé par plusieurs instituts, et à un réarmement autant idéologique que militaire de plusieurs dictatures. La connexion entre celles-ci s’est développée alors que l’alliance des démocraties, que Joe Biden notamment voulait affirmer, est restée à l’état de slogan désarmé. Certains n’ont pas ainsi compris la nature de guerre totale de « l’opération spéciale » russe contre l’Ukraine et continuent à y voir une sorte de guerre classique. Ils la pensent à la lumière des guerres territoriales des XVIIe et XVIIIe siècle et non de la guerre hitlérienne et de la Shoah. Pour moi, qui suis l’héritier direct de parents qui ont combattu dans la Résistance dans leur vingtième année, je perçois, au-delà de toutes les différences, ce retour du mal radical dont beaucoup de dirigeants écartent mentalement la réalité. Dès lors, ils n’agissent pas en conséquence.

4. Qu’est-ce que, selon vous, l’Ukraine apporte à l’Europe et à la France, en particulier ?
    Lorsqu’elle rejoindra l’Union européenne, j’espère en 2030, l’Ukraine sera la nation exemplaire de l’Europe, la seule à avoir depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale fait l’expérience d’une guerre d’agression et à s’être battue seule pour la défense et les valeurs de toute l’Europe. Elle portera, plus que toute autre, la conscience historique qui n’anime plus les autres. J’espère que celle-ci les fécondera et renforcera l’âme des citoyens de l’Europe. Si je parle ici de transfert, c’est parce qu’il y existe un fil de l’histoire que j’invite à renouer et qui lie ensemble les drames et les combats, ceux de la Shoah et de la Résistance, du Goulag et de la libération du communisme, et ailleurs qu’en Europe de la Révolution syrienne aux protestations de Hong Kong, du Laogai aux luttes des femmes iraniennes et afghanes – la liste pourrait être longue. Bref, Kyiv, en ce moment historique précis, sera le lieu de cette conscience universelle.
    D’une certaine manière, ce sera alors Kyiv, plus que Bruxelles, Paris ou Berlin qui deviendra le cœur intellectuel de l’Europe comme par un transfert de cette mémoire historique. J’ai consacré tout un chapitre de Notre guerre à l’Ukraine comme nation exemplaire, non point nation ethnique, mais bien nation politique qui se forge par le combat pour la liberté, en somme quintessence de nation européenne. Le mot « nation » fait assurément peur dans certaines capitales européennes. Dans certains cas, il y a quelques bonnes raisons à cette crainte : plusieurs gouvernements européens ont érigé leur vision nationale en rempart contre la règle commune européenne et le droit international. Au nom de la nation, ils veulent restreindre certaines libertés énoncées dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la Convention européenne des droits de l’homme du Conseil de l’Europe. En son nom, de manière très poutinienne, ils défendent des valeurs supposées traditionnelles contre certains droits et se défient des juges et de la liberté des médias. Ils défendent l’idée d’une nation qui se ferme ou se barricade contre la diversité à l’intérieur et contre l’universalité des droits. Or, précisément, l’Ukraine est différente. Elle reconnaît son caractère pluriel qui constitue sa force et qui se nourrit de sources aussi variées que l’orthodoxie, le judaïsme, l’islam de sa communauté tatare, le catholicisme et l’athéisme. Elle a réussi à marginaliser son courant ultranationaliste mieux que la plupart des nations d’Europe. La culture ukrainienne ne saurait être figée, mais se nourrit de la pluralité de ces apports. Elle ne pratique pas un nationalisme clos sur elle-même, mais chez elle la nation se conjugue avec les valeurs ouvertes de l’Europe. Elle constitue un antidote à l’idéologie russe qui inspire certains courants au sein de l’Europe.
    Je me demande d’ailleurs si cette perspective ne fait pas quelque peu peur à certains dirigeants européens, comme si la force de l’Ukraine ne renvoyait pas à leur propre faiblesse. Ils peuvent voir aussi confusément en l’Ukraine une nation qui dispose de la légitimité pour s’imposer, alors que beaucoup d’autres l’ont perdue. Certes, beaucoup dépendra de celles ou de ceux qui dirigeront l’Ukraine dans les décennies qui viennent, de leur sens historique et de leur personnalité. Mais il est évident que l’Ukraine détiendra certains droits historiques spéciaux, si j’ose dire, à l’issue de la guerre, au même titre que les nations victorieuses après la Seconde Guerre mondiale. Elle n’aura pas oublié non plus ceux qui furent à ses côtés et ceux qui le furent moins. Elle aura aussi, par ce qu’elle a vécu et compris parce qu’elle fut obligée de mieux comprendre que les autres, une perception plus juste et réaliste de l’état du monde et de ses forces. A l’hypermnésie d’un certain nombre de dirigeants du monde libre, d’autant plus prompts à célébrer les résistances du passé qu’ils ne soutiennent pas celles du présent, ses dirigeants pourraient sans doute avoir une forme d’hyperconscience. Les plus jeunes de ses citoyens auront grandi plus vite, peut-être trop vite par leur fut ôtée l’insouciance qui sied à l’enfance, comme les jeunes résistants des nations libres il y a quatre-vingts ans.

5. Comment voyez vous l’évolution du conflit et quelles perspectives de résolution entrevoyez-vous ?
    Je n’ai certes pas de don de voyance, mais je ne peux, par la raison, entrevoir autre chose qu’une victoire de l’Ukraine. Ma mère me disait toujours que, même lorsqu’elle était en déportation au camp de Ravensbrück et qu’elle voyait ses compagnes mourir par milliers, elle ne parvenait pas à croire en la défaite des nations libres. Je m’alarme d’ailleurs du fait que le défaitisme, que la propagande russe cherche à instiller dans les esprits, soit si répandu en France et en Europe. Je pense que certains, qui ne peuvent trop clamer ouvertement leur attachement à la Russie, le propagent d’autant plus que tel est leur souhait.
    Je ne vais certes pas embellir le tableau : la situation est plus que difficile sur le front ; l’hiver va être dur pour le peuple ukrainien, soumis aux attaques incessantes des Russes et au manque d’électricité en raison des attaques sur les centrales ukrainiennes ; certains dirigeants sont prêts à conclure un accord avec Moscou qui laisserait sous son joug une partie de l’Ukraine et constituerait une menace à terme pour leur propre sécurité. Nous pouvons être alarmés aussi des incertitudes américaines, même si elles ne sont pas complètement nouvelles non plus. Enfin, la Russie a accéléré son effort de guerre, sacrifiant encore plus le reste de son économie et est aidée massivement par l’Iran, la Corée du Nord et, en large partie, la Chine. On sait que Moscou vise déjà le coup d’après, c’est-à-dire l’Europe.
    Pour autant, l’Europe dispose toujours de capacités considérables pour autant qu’elle veuille les mobiliser, et je vois poindre une conscience, certes encore insuffisante, dans cette direction. L’Ukraine aussi – cela m’a d’ailleurs impressionné lors de plusieurs discussions à Kyiv – fait preuve une capacité d’innovation et d’une intelligence stratégique qui lui ont déjà permis de porter des coups aux forces russes, y contraire sur leur territoire, et cela devrait s’intensifier encore au cours des prochains mois, même s’il s’agit d’une course contre la montre. Donc il faut arrêter de dire que la guerre est perdue pour l’Ukraine, loin s’en faut. Je suis d’ailleurs heureux que le président Zelensky – une très ancienne recommandation de ma part – parle désormais de plan pour la victoire et non de plan de paix. Je crois que les soutiens de l’Ukraine devraient d’ailleurs se garder d’utiliser des expressions comme « négociations », même à une date reculée, « accords de paix », et même paix, car Kyiv ne doit rien céder.
    On me demande souvent de dire ce que signifierait la victoire pour l’Ukraine. Je le répète constamment : retour aux frontières de 1991, les seules internationalement reconnues, jugement des crimes de guerre, contre l’humanité, de génocide et d’agression, retour des enfants déportés et des prisonniers de guerre, paiement intégral par la Russie des dommages de guerre et garanties de sécurité, qui passent par l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et à l’UE et stationnement des troupes alliés en Ukraine. Rien de cela n’est négociable : le droit international des frontières et le droit pénal international ne peuvent faire l’objet de compromis ou d’une médiation.
    Imaginons qu’il n’en soit pas ainsi : cela signifierait que les Alliés auraient récompensé le crime d’agression, accepté que, plus encore que jamais, le droit international devienne un chiffon de papier, et donné aux Russes l’autorisation de continuer à tuer, à torturer, à violer et à déporter, puisque tel est la réalité des territoires occupés par les Russes. Devant cet abandonnement de tout principe et de toute règle, Poutine serait incité à continuer plus loin encore ses attaques, en particulier contre l’Europe, et ses amis nord-coréens, chinois et iraniens en feraient de même. Bref, cela signifierait que l’Alliance la plus forte du monde, l’OTAN, aurait été défaite, sans combattre, par un Etat faible et bientôt failli. De fait, s’ils le voulaient, ces pays pourraient défaire, avec leurs seuls moyens conventionnels, la Russie de manière quasi définitive, en tout cas pour longtemps. En intervenant directement, ils auraient pu gagner la guerre dès 2022. Là aussi, ils ne l’auraient pas voulu.
    Mais j’ose penser que les dirigeants de l’Europe au moins, peut-être aussi malgré tout des Etats-Unis, s’arrêteront avant de plonger leur pays dans l’abîme. Ils le feront avec un coût incroyablement plus élevé que s’ils avaient agir en 2008, 2014, 2015, 2016 ou même 2022. Mais ils n’ont pas le choix. Que l’Ukraine ne soit pas intégralement victorieuse, et cela sera, pour de bon, l’Europe et le monde libre qui seront défaits.

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    1. En 1731 Voltaire écrivait "L'Ukraine a toujours aspiré à être libre", que vous inspire cette citation ?

« L’Ukraine a toujours aspiré d’être libre » - c’est hautement dramatique mais une réalité. Il s’agit d’un peuple qui a une incroyable résilience. Ça fait des siècles et des siècles que les Ukrainiens sont sous la coupe d’autres nations et qu’ils ont réussi à maintenir malgré tout leur identité et leur culture malgré les dames. La résistance et la persévérance sont inhérente à la culture ukrainienne.

Je me souviens de mes cours des relations internationales dans lequel on donnait l’exemple du peuple ukrainien qui, malgré les drames successifs, toujours orchestrées par la Russie depuis des siècles, a réussi à exister, à être grande et pu obtenir sa Liberté.

On peut regretter les périodes pendant lesquelles l’Ukraine aurait pu s’émanciper, par exemple à l’époque napoléonienne. Quand Napoléon a voulu aider l’Ukraine à être libre sur le modèle de ce qu’il avait fait pour la Pologne, les élites ukrainiennes corrompues et pro-russes n’ont pas suivi l’aspiration du peuple. Peuple de guerriers d’élite dont la réputation s’est forgée par des siècles de luttes.

Tout homme, tout humain, a une aspiration à la grandeur, une aspiration à la liberté, une envie de participer à un projet qui le dépasse, cela donne la force de se battre pour faire vivre ces valeurs. Les ukrainiens ont profondément en eux cette soif de liberté qui s’est forgée dans la douleur et dans la souffrance, et ils l’ont gagné en 1991.

Mais la vraie guerre d’indépendance, c’est bien aujourd’hui qu’ils la mènent et il faut s’engager pour les soutenir dans cette guerre, puisqu’elle survient aussi par notre faute. S’ils n’ont pas les armes qui auraient fait renoncer la Russie, c’est à cause des traités signés et qui nous engageaient, notamment le Mémorandum de Budapest qui a amené l’Ukraine à rendre ses armes nucléaires en échange de notre protection. Nous avons financé le démantèlement de l’arsenal militaire ukrainien conventionnel et nucléaire, c’est donc de notre faute s’ils n’ont pas les armes nécessaires pour se battre aujourd’hui. Cette aspiration pour la liberté existe aujourd’hui plus que jamais, réparons cette injustice et donnons aux Ukrainiens le matériel nécessaire pour que cette guerre d’indépendance soit la dernière.


    2. A quel moment vous êtes-vous senti concerné par le destin de l'Ukraine et des Ukrainiens ?

En 2014 j’ai commencé à m’intéresser à la question ukrainienne notamment suite à la tragédie du vol de MH17 qui a été abattu à l’est de l’Ukraine par les russes. Il y a eu une grande enquête internationale basée sur l’Open Source Intelligence à laquelle j’ai participé à mon niveau, en contribuant à la collecte des données disponibles en ligne. Je faisais les analyses techniques pour tenter de comprendre, et des contre-analyses pour essayer de démonter le storytelling russe. A cette époque, mon blog était uniquement consacré aux dimensions techniques de cet accident, et il a acquis une petite notoriété au point de voir mes analyses partagées par l’ambassade d’Ukraine ou d’être invité à expliquer la situation dans les médias. Mon implication pour l’Ukraine remonte donc à 2014.

Par la suite, outre la tristesse de voir le pays se faire démanteler et mon regret de constater que la Russie glissait vers le statut d’État totalitaire, je n’étais pas particulièrement impliqué sur le sujet. J’ai recommencé à m’y intéresser à nouveau lorsque le risque de voir une guerre conventionnelle majeure revenir sur le territoire européen, en avril 2021.

Fin 2021, j’avais notamment fait des interventions expliquant qu’il fallait qu’on se positionne, nous les Occidentaux, pour être cohérents avec ces accords historiques de protection qui nous engageaient. Il fallait qu’on positionne 100 avions de chasse, 200 chars, parce que les russes ne nous auraient pas roulé dessus à cette époque. C’est exactement le contraire que nos politiques ont fait : ils ont annoncé qu’ils allaient se retirer afin de ne pas faire face à face à la Russie, ils ont évacué les ambassades, et cela a été perçu comme un signe de faiblesse et une autorisation par les russes. Je n’étais qu’un simple analyste, je faisais des vidéos et des lives sur ma chaîne Youtube, j’avais fait une analyse technique pour détailler les scénarios d’une attaque russe et des raisons pour lesquelles ça se passerait mal pour eux... Cette vidéo prémonitoire a eu beaucoup de succès, malheureusement.

Au début, ma position vis-à-vis de l’Ukraine était simple : j’ai réagi de la même que si la Grèce était attaquée par la Turquie, l’Espagne par le Maroc, ou Chypre par la Libye. Des choses improbables évidemment, mais j’aurais traité ces sujets de la même manière. La réalité est évidemment devenue toute autre, mon engagement est devenu exponentiel avec la découverte de l’Ukraine et des Ukrainiens. Parce que quand on s’intéresse à l’histoire de ce pays, quand on s’attache à sa population, quand on vient sur place et que l’on constate cette volonté, cette soif de liberté, cette gentillesse profonde, la beauté du pays, absolument tout nous attire et nous donne envie d’encore mieux le connaître. J’ai pourtant énormément voyagé, mais l’Ukraine est à part, c’est un pays dans lequel on se sent forcement à sa place, par ces valeurs portées par toute la population, la cohésion qui existe, des gens qui marchent tous dans le même sens vers un objectif clair, c’est propre et net, on a envie d’aimer ce pays.

Un dernier point, une notion malheureusement invisible pour de nombreux Français, c’est que nous sommes tous concernés par cette guerre que la Russie impérialiste nous mène.

Au début, l’Ukraine n’était qu’un pays européen comme un autre injustement attaqué et qui avait le malheur d’être en première ligne, mais cette réalité du terrain et mon attachement croissant au peuple ukrainien ont finalement fait la différence. Cela donne envie de s’engager autant que nécessaire.


 
    3. Dans quelle mesure la guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine a-t-elle changé votre vision du monde ?

Je fais partie de ce qu’on appelle le camp souverainiste, patriote, indépendant, qui pense qu’il faut un État fort avec un président capable de faire passer les intérêts de son peuple avant toute considération, qu’elle soit diplomatique, économique ou politique. Il faut se battre pour la souveraineté nationale, pour obtenir une indépendance stratégique, ce sont des choses en lesquelles je croyais beaucoup. Comme beaucoup de personnes, je voyais un Vladimir Poutine qui donnait l’impression de se battre avant tout pour son peuple. C’est à partir de 2008, avec la guerre contre la Géorgie, que l’on s’est rendu compte que l’impérialisme était son moteur premier et non pas par une volonté d’avoir un peuple souverain, autonome, et heureux. Ce constat n’a été que confirmé par l’invasion de 2014 avec la remise en cause des frontières ukrainiennes, puis de 2022. Il ne se bat évidemment pas pour le bonheur de son peuple, c’est de l’impérialisme pur et Vladimir Poutine est un dictateur qui croit s’inscrire dans les pas de ses prédécesseurs, eux aussi criminels.

Il n’y a donc absolument aucun doute : cette guerre a changé ma vision de la Russie, mais je continuais à intervenir dans les médias russes par principe, car je crois qu’il faut parler absolument à tout le monde, expliquer la situation à des gens déjà captifs de ce storytelling russe. Et les russes ont continué à m’interroger jusqu’à 2022…

Aujourd’hui, chaque jour qui passe ne fait que confirmer que l’on se trouve face à un nouveau fascisme, avec un peuple, un territoire et un chef. On est revenu à ce qui a été la doctrine nazie avant la Seconde guerre mondiale : un peuple slave fantasmé se trouvant dans et hors des frontières de la Russie, une langue russe qui unirait tous ces peuples (un argument au combe de la bêtise, cela revient à considérer que la France devrait annexer la Suisse, la Belgique et le Canada…), et un leader. Les faits ne font malheureusement que confirmer ces craintes, l’histoire se répète.

Pendant très longtemps la Russie a réussi à passer entre les gouttes parce que nous regardions ailleurs, avec un storytelling national qui passait bien. Sauf qu’aujourd’hui, elle nous fait la guerre. Elle nous fait la guerre militairement via l’Ukraine, mais elle nous fait la guerre de nombreuses autres manières, elle organise l’inflation des prix, elle réalise des attaques informatiques, elle renverse des gouvernements alliés, elle organise le flux de migration vers l’Europe, elle organise une propagande anti-française partout, elle utilise tous les leviers disponibles pour nous nuire. Il s’agit d’une vraie guerre hybride et on ne peut pas rester les bras ballants à regardant la Russie nous attaquer et s’en prendre à l’Ukraine pour la dépecer alors qu’il s’agit d’un pays européen qui a une vocation à être encore plus proche de nous. L’Ukraine est la première pièce d’un domino, si elle tombe on observera un enchaînement interminable de crises similaires en Géorgie, en Moldavie, dans les Pays-Baltes ou la Pologne… Et si la Russie montre à tous les régimes autoritaires du monde qu’elle peut obtenir gain de cause par la force, alors ce sera comme l’ouverture d’une boite de Pandore : la Chine tentera d’envahir Taïwan, la Turquie s’en prendra aux îles grecques, le Pakistan attaquera le Cachemire, le Venezuela annexera le Guyana…


4 - Quel regard portez-vous sur l'aviation ukrainienne ? Quel rôle est elle susceptible de jouer dans les prochains mois ?

En tant que passionné d’aviation, ancien aviateur militaire et puis en travaillant chez Air & Cosmos, j’ai un regard particulier sur la dimension aérienne du conflit et je résumerais ma pensée en une simple phrase : il est parfaitement anormal que l’aviation ukrainienne existe encore. On attend d’un pays qui tente une invasion de cette ampleur qu’il détruise tous les moyens aériens de sa proie dans la demi-heure qui suit le début des hostilités. Les pistes aériennes auraient dû être détruites, les hangars bombardés, les avions ukrainiens interceptés ou réduits en cendres...

Et la bonne surprise c’est que le matériel russe n’était pas au niveau que l’on avait tous pensé. Les russes mettaient énormément en avant leur matériel, et quand nous réduisant l’efficacité de nos armes pour ne pas dévoiler notre potentiel réel, les Russes avaient au contraire tendance à accroître les caractéristiques techniques de leurs matériels pour nous impressionner. Jusqu’au jour où l’on peut constater la réalité…

Cette aviation ukrainienne a donc eu un effet absolument stratégique dans le sens où, jour après jour, il y a des dizaines et dizaines d’avions de chasse qui décollent et réalisent les missions. Dans un premier temps, il ne s’agissait que de missions basiques, avec du matériel soviétique à peine modernisé, puisque les Ukrainiens avaient une flotte faible en volume et en capacité en comparaison avec nos standards ou le potentiel théorique russe. Mais l’efficacité de cette aviation et sa capacité à conduire des missions efficaces a largement surpassé nos attentes : bombardements jusque sur le territoire russe, attaque des colonnes de blindés ennemis, soutien des troupes amies, combats aériens… Puis, petit à petit, l’Ukraine a reçu des avions de leurs alliés, de la Bulgarie avec quelques Soukhoy-25, de la Pologne avec des MIG-29, des avions soviétiques mais modernisés.

Dans le deuxième temps, la grande montée en puissance a été rendue possible par l’intégration des missiles venant des pays occidentaux. Les missiles de croisière SCALP de France, les missiles AGM88 américains qui permettent de remonter jusqu’à la source de l’émission d’un radar pour détruire un système de défense aérien ennemie, des bombes planantes pouvant toucher une cible à 70 km de distance...  

La capacité opérationnelle de l’aviation ukrainienne couvre donc aujourd’hui un spectre beaucoup plus large que ce qu’on imaginait un an plus tôt, et cette capacité d’innovation ou à prendre des risques a été payante, avec cette survivabilité inattendue qui ouvre aujourd’hui de nouvelles perspectives.

La montée en puissance observée avec l’arrivée de nouveaux appareils et de nouveaux missiles va être couronné par l’arrivée des F16 que l’on attend pour le 1er trimestre 2024. Cela devrait avoir un effet colossal puisque ces avions permettront de mieux protéger le territoire, en interceptant les missiles ou en empêchant les avions de chasse russes s’approcher à distance auxquelles ils font des bombardements. Ils permettront de lancer de nouveau type de bombes et de missiles, avec de la lutte anti-navires, une variété de missiles et de bombes bien plus étendue… La montée en puissance dépasse tout ce dont on pouvait rêver avant la guerre, et l’on ne peut que regretter le faible volume d’appareils transférés ou la lenteur pour atteindre ce résultat.

Mais c’est néanmoins cela qui est extraordinaire avec l’Ukraine, c’est cette montée en puissance dans tous les domaines. Que ce soit en Mer Noire reconquise à coups de drones navals kamikazes, pour ses opérations au sol augmentée par les drones volants, pour l’aviation qui a été capable de survivre et s’adapter, pour ses missiles qui frappent jusqu’à Moscou... Cela démontre une fois que plus que l’Ukraine garde cette volonté qui ne se démord pas, dans toutes les domaines sans exception. C’est cela qui est extraordinaire.  

 

5 - Comment voyez vous l'évolution du conflit et quelles perspectives de résolution entrevoyez-vous ?

On ne peut que constater que le bloc des pays soutenant l’Ukraine est gigantesque, il va de la Corée du Sud au Maroc, en passant par les États-Unis, toute l’Europe, Taïwan, l’Azerbaïdjan, le Pakistan, beaucoup de pays… Mais l’aide a été lente à venir et en quantité homéopathiques.

Si on avait fourni à l’Ukraine tout ce qu’on avait donné par la suite, et bien la contre-offensive victorieuse ukrainienne de l’automne 2022 aurait été jusqu’au bout, jusqu’à l’effondrement de l’armée russe. On aurait déjà obtenu cette victoire et il y aurait eu moins de morts dans les deux camps. En donnant plus et plus rapidement, on serait déjà en paix, l’Ukraine serait déjà libérée, on aurait sauvé des milliers et des milliers de vies, et malheureusement on s’est installé dans un rythme qui permet aux Ukrainiens de survivre en subissant des pertes lourdes et en faisant subir des pertes encore plus importants aux russes, mais cela n’est pas suffisamment pour atteindre le sursaut qui permettrait d’obtenir la victoire décisive permettant d’aboutir à des négociations favorables à l’Ukraine.

Aujourd’hui, l’Ukraine arrive à compenser la baisse du soutien de ses alliés par une monté en puissance industrielle. Au lieu de fournir des blindés, des accords ont été signés avec l’Allemagne, la Suède et la Grande Bretagne afin de produire localement. Quand on fournit moins d’obus, l’Ukraine produit plus de drones kamikazes et il vaut mieux avoir mille drones kamikazes que 5 000 obus pour détruire des véhicules. Si on a peut avoir l’impression que l’on fournit moins de matériels, cela ne signifie pas une baisse du potentiel opérationnel.

Le plus important, c’est de comprendre que la montée en puissance ukrainienne n’est pas terminée, le problème étant que la Russie fait les mêmes efforts. L’espoir repose sur les armes stratégiques, les missiles à longue portée n’étaient que le début, cela va s’intensifier avec la démultiplication des ATACMS, l’arrivée des F16, la livraison des nouvelles bombe planante GLSDB… On peut ainsi espérer un effondrement local de la logistique russe, permettant de refaire bouger les lignes, mais je peux aujourd’hui qu’espérer un réveil franc des alliés de l’Ukraine. Si on avait réellement toute l’industrie de 40 pays les plus puissants du monde qui se mettaient tous ensemble à produire réellement, l’Ukraine aurait eu mille fois les moyens de gagner cette guerre. Si les USA cherchaient réellement dans leurs stocks, ils auraient d’ailleurs les moyens à eux seuls. Ils ont 8 000 chars dont 3000 dans les réserves et ils n’en ont fourni que 30. Il y a de la réserve dans notre camp, il y en a énormément, il faut juste se permettre d’aller jusqu’au bout de notre engagement et être à la hauteur des paroles prononcées depuis février 2022.

Aujourd’hui, il faut donc évangéliser en faveur de l’Ukraine, il faut expliquer comment cette guerre est gagnable, pourquoi la Russie doit être arrêtée, pourquoi une guerre impérialiste et à vocation génocidaire ne doit pas pouvoir être gagnée. Si l’avenir est moins souriant qu’il y a un an, il ne faut pas sombrer dans le pessimisme, il y a des souffrances et il y en aura encore beaucoup malheureusement. Mais cette guerre sera victorieuse et nous devons nous engager en ce sens, pour le peuple ukrainien et pour nous.

Propos recueillis par Olga Gerasymenko

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12 février 2015 4 12 /02 /février /2015 14:53

AlainGuillemoles.jpgAlain Guillemoles, journaliste, spécialiste de l'Europe de l'Est est auteur du livre "Ukraine. Le Réveil d'une nation" qui sortira le 19 février 2015 aux éditions Les Petits matins.

Quelles sont les racines de la révolution de la dignité ukrainienne ?    

La révolution, telle que je l'ai vue, est née d'une certaine forme d'exaspération, liée à des circonstances particulières: le désir de signer le traité d'association avec l'Union européenne, et une colère contre la personne même du président Ianoukovitch. 

Mais cette révolution vient en fait de beaucoup plus loin. Elle a des racines profondes. On peut dire qu'elle répète le message déjà lancé lors de la révolution orange de 2004. Ou celui, plus ancien, affirmé lors de la première tentative d'organiser une Ukraine indépendante, après 1917. Ou bien encore celui des révoltes cosaques contre les Polonais, au 17 ème siècle. 

Dans mon livre, j'ai voulu souligner cela. Il y avait, sur le Maidan, durant la révolte de l'hiver dernier, une ambiance qui faisait songer à ce qu'à pu être le "sitch" des cosaques Zaporogues, avec ses centuries, sa démocratie directe, son mode d'organisation collectif et égalitaire... 

La révolution ukrainienne de 2014 était en fait une manifestation de la volonté d'indépendance des Ukrainiens, de leur désir de vivre libres et de construire leur nation selon un projet très différent de celui proposé par Vladimir Poutine et la Russie... 

C'est pourquoi j'ai voulu expliquer cela plus en détails. Il m'a semblé qu'il fallait essayer de porter un regard plus global sur ces événements, pour tenter d'en montrer le sens profond, au-delà des circonstances. J'ai voulu éclairer certains épisodes qui n'ont pas forcément été compris sur le moment. Par exemple, je reviens sur les circonstances de la chute de Viktor Ianoukovitch, que j'essaye d'expliquer d'une manière un peu différente que ce qui a été raconté, à l'époque, dans les articles écrits "à chaud". 

Comment définiriez-vous les contours de la Nation ukrainienne, 23 ans après son accession à l’indépendance? 

Ces 23 ans sont une bonne partie de ma propre vie. Je me suis rendu en Ukraine pour la première fois en 1994. J'y ai ensuite habité deux ans. Puis une fois rentré en France, je n'ai pas cessé d'y retourner. J'ai donc vu changer ce pays, durant ces 20 années. 

Dés mon premier séjour, j'ai senti qu'il s'y passait quelque chose de particulier, que le pays était en proie à de grands bouleversements. Après la fin de l'oppression soviétique, le sentiment ukrainien a pu renaître et les habitants tenter de se réorganiser selon leur culture, retrouver leurs racines et se réapproprier leur histoire. C'est un processus difficile, mais fascinant, qui explique pourquoi je suis toujours attiré par ce pays. Car j'ai vu, durant toutes ces années, l'Ukraine petit à petit revenir à elle-même. 

Avec le Maidan et la guerre, ce processus s'est accéléré. C'est la raison pour laquelle j'ai choisi comme titre: "Ukraine. Le Réveil d'une nation". Car je crois que cela résume bien ce qui se produit en ce moment. 

L'Ukraine est un pays qui souffre, du fait de l'agression à laquelle elle fait face. C'est tragique. Mais c'est aussi un pays en train de se réveiller, de prendre conscience de ses capacités et de retrouver son identité et sa force vitale. Et cela est un processus plus heureux.  

      couverture-Alain-Guillemoles.jpg

Comment expliquez-vous que certains milieux politiques et médiatiques français continuent à douter de la légitimité de la souveraineté de l'Ukraine ? 

L'histoire est toujours racontée par les vainqueurs, on le sait. Or l'URSS fut un pays vainqueur de la seconde guerre mondiale. C'est donc elle qui a imposé sa vision des événements historiques passés. On n'a pas fini de découvrir à quel point elle a menti, notamment en ce qui concerne l'Ukraine.... 

Malheureusement, la vision historique forgée par l'URSS s'est imposée largement, bien au-delà des cercles communistes français. C'est donc cette vision qu'il faut encore remettre en question, aujourd'hui, pour tenter de lutter contre la grande ignorance qui entoure le fait Ukrainien. Je pense qu'il y a encore beaucoup de travail à faire, sur ce sujet. 

Cependant, les événements actuels obligent chacun à se poser des questions. Ils sont l'occasion de revenir sur l'histoire et de rétablir certaines vérités. Et j'essaie de contribuer à le faire. 

 

Avez-vous ressenti une évolution de la perception de la nation, de l'Etat et du pouvoir institutionnel par le citoyen ukrainien ces dernières années ?  

Le sentiment national s'est consolidé en Ukraine depuis 20 ans. Et cela s'est accéléré depuis le début du Maidan, qui est devenu le symbole d'un effort national pour s'émanciper. 

En revanche, l'Etat ukrainien reste un rêve et un projet, au sens ou l'Etat actuellement existant, en Ukraine, reste très défaillant. Il a du mal a assurer la défense du pays, a lever des impôts ou assurer l'équilibre du budget. La douane continue de fonctionner assez mal, la justice aussi. L'Etat ukrainien se renforcera si les réformes portent leurs fruits. Mais il est difficile de réformer un pays sous la pression de la guerre... Cela signifie que, dans le meilleur des cas, il faudra du temps.

Enfin, il faut ajouter que les Ukrainiens n'ont guère confiance dans leurs dirigeants. Ils ne croient plus dans les promesses des hommes politiques. Ils pensent qu'il faut surveiller ces dirigeants pour essayer de faire en sorte qu'ils tiennent leurs promesses. Mais ce phénomène est assez répandu et concerne aussi d'autres pays que l'Ukraine... 

 

Voyez-vous des similitudes entre l'esprit de Maidan et la grande marche républicaine du 11 janvier dernier à Paris ?

Oui, je vois des similitudes. Même si les deux mouvements ont des origines très différentes, il y a eu dans les deux cas un sursaut citoyen, un besoin de sortir dans la rue qui a rassemblé des gens de bords politiques différents, mais qui voulaient tous exprimer un sentiment politique profond qu'ils avaient en partage. Dans les deux cas, ils ont voulu dire: "nous sommes debout, libres, et nous ne renoncerons pas à nos valeurs". 

Certes, dans le premier cas, il s'agissait de se dresser contre la pression du pouvoir et dans l'autre, contre l'action de terroristes. Mais lors de ces deux manifestations, il était question de liberté, une valeur qui est chère aux Français, comme aux Ukrainiens, et autour de laquelle nous pouvons assez facilement nous réunir. 

Propos recueillis par Olga Gerasymenko


Les rencontres prevues avec l'auteur autour de son livre:

- vendredi 20 février 2015, au Centre culturel ukrainien (22 avenue de Messine, 75008 Paris) à partir de 19h

- samedi 21 février 2015, à la Médiathèque de Limay (8 Avenue du Président Wilson, 78520 Limay) à partir de 15h
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15 janvier 2015 4 15 /01 /janvier /2015 13:54

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NB: Venez munis de la présente invitation.

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13 janvier 2015 2 13 /01 /janvier /2015 00:00

ksenya.jpgKsenya est née en 1975 en Crimée où elle a fait des études secondaires. Apres des études universitaires à Kiev, elle est partie pour les poursuivre en Italie, où en 2005 elle obtient un doctorat en physique théorique. Ensuite elle travaille comme chercheuse à l’université de Turin jusqu'en 2007, l’année où elle arrive à Paris et commence une carrière d'analyste financier. Apres l’annexion de la Crimée Ksenya organise des projets d’aide humanitaire aux Criméens qui ont dû fuir la Péninsule et diffuse en France des rapports sur les violations de droits de l'homme en Crimée  de l'ONG "Mission de Terrain en Crimée". 

 

Avez-vous des statistiques du nombre de personnes ayant demandé la citoyenneté russe ?

Non. On sait que la procédure est très simple et rapide : le passeport est délivré en une semaine après la demande, voire plus vite. Au début,  il y avait des files d'attente mais ça devrait se calmer maintenant. Aux personnes qui ont reçu les passeports russes, on laisse le passeport ukrainien (personne n’essaye de l’enlever). Mais en juin 2014, la Russie a adopté une loi qui oblige les Criméens à déclarer leur nationalité ukrainienne, sinon il y a une amende importante ou même condamnation aux travaux forcés.

Officiellement, il n’y a pas d’obligation d'opter pour le passeport russe, mais les développements administratifs et pressions non-officielles montent en puissance pour obliger les personnes à opter pour ces passeports. En particulier :

  • Pressions avec menace de licenciement dans les organismes de l’état, dans les écoles et dans les professions nécessitant une licence d’état,  comme les avocats,
  • Distribution des polices d’assurance médicale uniquement aux personnes ayant la nationalité russe. Les autres resteront en-dehors du système d’aide médicale gratuit,
  • Les retraites et les aides sociales aujourd’hui payées à tous les habitants seront dans le futur réévaluées et accordées uniquement aux personnes de nationalité russe
  • Interdiction  pour les étrangers, aujourd'hui, d’obtenir une carte de séjour en Crimée
  • Les places gratuites dans les universités de Crimée ne seront conservées que pour les citoyens russes
  • Reconnaissance par la Russie de la propriété du logement, ou des terrains agricoles,  conditionnée au fait d’avoir un passeport russe.

 Il est aussi important de souligner que la demande du passeport russe n’est pas nécessaire pour être considéré comme citoyen russe en Crimée.  Conformément au paragraphe 1 de l'Article 4 de la Loi Constitutionnelle fédérale de la Fédération de Russie du 21 mars 2014 N 6-FCL les citoyens de l'Ukraine et les personnes apatrides résidants en permanence en Crimée à la date du 18 mars 2014 sont automatiquement reconnus comme des citoyens de la Fédération de Russie, sauf les personnes qui dans le mois expriment leur désir de conserver la citoyenneté ukrainienne pour eux-mêmes et (ou) leurs enfants, ou conserver une autre citoyenneté, ou être apatrides. Pour différentes raisons, seules quelques milliers de personnes ont fait une telle déclaration (et ce n’est pas par manque de sentiment patriotique ukrainien : dans la procédure de la déclaration, il fallait signer un papier reconnaissant l’annexion de la Crimée par la Russie). Ensuite, comme on a vu dans le cas de l'activiste pro-ukrainien incarcéré,  Sentsov, la Russie applique bien cet article. Sentsov n’a jamais demandé le passeport russe, et pourtant la Russie refuse à l’Ukraine le droit de l’aider ou simplement de le voir en détention,  motivant le refus par le fait que, conformément à cet article du 21 mars,  ils considèrent Sentsov non comme un étranger mais comme un citoyen russe.

 

En quoi consiste le quotidien d’un Criméen aujourd’hui ? Quelles difficultés a-t-il dans sa vie de tous les jours ?

Cela dépend des gens. Les personnes comme les retraités, qui sont payés par l’Etat, et qui ne voyagent pas dehors de la Crimée et n’avaient pas besoin de comptes bancaires, ont la même vie qu'avant. Ceux qui ont possèdent des biens ont dû ou doivent encore convertir tous les documents. L’accès à la santé est pour le moment devenu gratuit, ce qui est bien perçu par la population. Or vu que les retraités représentent presque 40% de la population de Crimée, c’est une partie importante.

Le plus difficile est la situation des personnes actives — ayant des liens avec l’Ukraine ou le monde, et les entrepreneurs. Pour une vie active en Crimée, tout est incertain : le cadre légal, les liens économiques, les voyages, à qui payer les impôts, comment transférer de l’argent...

Puis, il y a une partie de la population lourdement persécutée : les activistes pro-ukrainiens, les Tatars de Crimée, les représentants des religions autres que l’église orthodoxe du patriarcat de Moscou. La politique de la Russie est de forcer toutes ces personnes à quitter la Crimée.

 

En quoi les Criméens sont-ils gagnants et que perdent-ils ? Est-ce que tous les Criméens sont traités de façon égale ?

Les retraités par exemple et tous ceux qui dépendent de l’aide sociale ont vu leurs revenus augmenter depuis avril (presque doubler en avril pour certains). Même si la chute du rouble a inversé les gains, ce n’est pas encore ressenti par eux. Les prix ont fortement augmentés, cette partie de la population se sent encore gagnante par rapport à la vie avant l’annexion.

Les personnes qui travaillent ont plus du mal en général, surtout depuis juin-juillet, quand le nouveau pouvoir a commencé l’expropriation des usines et sociétés pour les donner aux propriétaires russes ou des personnes proches de l’actuel gouvernement.

La façon dont les personnes sont traitées dépend du niveau de leur loyauté au nouveau pouvoir.

 

Quel avenir la Russie de Poutine prévoit-elle pour la presqu’île ?

La seule chose claire pour l’instant est que le statut de la Crimée soit avant tout une base militaire. La Russie ne cesse d’y transférer des armements et des militaires. Beaucoup des sites civils (ports, usines, terrains) sont passés sous l’autorité militaire. A la population, ils expliquent que c’est pour « faire de l’ordre » et « bien gérer » ces sites, ce qui a l’air rassurant aux nostalgiques de l’Union Soviétique.

Il y avait des déclarations de promotion du business touristique et de création d’une zone de jeux de casino, mais le projet a  l’air discutable et n’a pas encore abouti à des actions concrètes. 

Poutine a-t-il des moyens pour prendre le territoire largement subventionné ? Quel est l’intérêt de Poutine d’avoir la Crimée ?

J’ai vu les chiffres suivants : en Ukraine la Crimée était subventionnée à environ 60% par le pouvoir central. Annexée par la Russie, le taux de financement  est passé à 95% (estimation du «Maidan des affaires étrangères ») .  En plus,  la Russie doit investir dans les infrastructures (pont de Kerch, gazoduc, électricité, eau,…). Pourtant le coût pour la Russie, surtout à court terme, dépend de l’Ukraine.  Tant que l’Ukraine fournit  - presque gratuitement - l’eau, l'électricité, la Russie en profite et peut retarder les investissements. 

J’ai vu plusieurs estimations du « coût de la Crimée », mais même le pire scenario est supportable en principe par la Russie, du moins s’il n’y a pas de crise majeure interne. Bien sûr, ça va générer le mécontentement de la part d’autres régions qui voient leurs projets arrêtés en raison de la redistribution des financements à la Crimée. Malheureusement,  l’Ukraine ne fait presque pas d’effort pour alourdir ces coûts. Il faut commencer à faire le plus rapidement possible des recours à la justice internationale pour exiger des compensations pour le vol de ressources et expropriations de tous les biens ukrainiens que la Russie a pris en Crimée, les expropriations des biens russes en Ukraine ou à l’étranger, coupure les ressources et les infrastructures gratuites, promouvoir les sanctions contre les entreprises russes, ukrainiennes et étrangères qui sont présentes en Crimée. 

 

 Que pensez-vous de la couverture par les médias des évènements actuels en Crimée ?

En France il a eu un gros problème  de couverture de l’annexion de la Crimée par les médias. L'annexion et le « référendum » ont été présentés comme quelque chose de bien fait, solide, demandé par la population.  Le lendemain du référendum,  le 17 mars,  quand j’ai ouvert le journal du matin,  j’ai vu un petit article « le référendum a eu lieu, 90% de la population de Crimée a voté pour ». Aucune mention que c’était complètement obscur et illégal, préparée en 10 jours sans accès aux registres électorales de la Crimée et dans la situation de blocage absolu physique et médiatique de l’état Ukrainien dans la Péninsule. Personne ne saura jamais combien de personnes sont vraiment venues et comment ils ont voté. Quand je parle aux personnes ici, je vois que tout ce que les français ont retenu sur le sujet : ce n’était pas conforme aux lois ukrainiennes mais bien fait et voulu pour la population.  Aujourd’hui on n’en parle plus du tout, et ça produit chez les français une sensation du fait accompli. 

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 Qu’en est-il avec les droits de l’homme ?

La situation avec les droits de l’homme est un désastre. D’abord, juste après l’annexion, ce sont les droit des personnes physiques qui ont été violés (meurtres, enlèvements, pressions physiques ...). Plus tard, les violations de droits de propriété ont commencé par les expropriations des biens, sociétés, etc.

Il n’y a pas de domaine de droits de l’homme (vie, santé, religion, instruction, activité économique, liberté de rassemblement,…) où il n’y a pas de violations.

Il est intéressant que,  dans presque toutes les types de violations la force exécutive est la structure appelé «Self-défense de la Crimée » : une organisation illégale militarisée formée en février-mars 2014 pour accompagner l’invasion de « hommes verts » et intimider la population pro-ukrainienne. Ces groupes  sont liés à Aksenov, actuel premier ministre qui a un passé criminel, et agissent avec son support non-officiel, voire selon ses ordres.   

 

Quelle est votre vision de l’avenir de la Crimée – à moyen terme ?

On peut envisager plusieurs scénarii : selon l’évolution de la situation économique en Russie, et les actions de l’Ukraine. Le pire scenario pour moi est celui ou l’Ukraine agit comme aujourd’hui – donc rien, pas de politique pour la Crimée et les citoyens ukrainiens de la Crimée. Même si la Russie va mal, et la Crimée va aller mal économiquement avec la Russie, il n’y a pas de forces internes en Crimée qui peuvent générer le retour à l’Ukraine.

Je pense aussi que, même si la Russie arrive à bien gérer la crise économique interne et retourne à la croissance en 1 à 2 ans, la situation économique en Crimée et son développement vont se dégrader petit à petit. Il n’y a pas de forces positives dans le pouvoir de la Crimée ou en Russie qui sont motivées à développer la Crimée. Les motivations du nouveau pouvoir est de profiter au maximum des financements fédéraux pour les projets en Crimée, de répartir les biens locaux etc. La population aussi n’envisage pas de faire des efforts, le « charme » de la Russie pour eux est dans le fait que la Russie va penser à tout et qu'ils n’ont rien à faire.

 

Quel est le destin des réfugiés de Crimée en Ukraine ? En Russie ?

Les réfugiés de Crimée en Ukraine (qu'on doit appeler "personnes déplacées internes" pour ne pas reconnaître l’annexion)  sont aujourd’hui autour de 20 000 personnes, dont 7 000  Tatars de Crimée. Ils ont eu très peu ou pas de support de l’état. La seule chose que l’état à plus ou moins fait était de donner à certains des logements provisoires (sanatorii), donner une résidence provisoire en Ukraine continentale (nécessaire pour percevoir les pensions et les aides sociales) et transférer les étudiants des universités de Crimée aux universités de l’Ukraine continentale.

Pour le reste, y compris le statut de personne déplacée, cadre légal pour les entrepreneurs de Crimée, aide aux familles en difficulté, travail, logement long-terme … rien n’est fait.

Les bénévoles aident les réfugiés dans la vie de tous les jours (nourriture, articles d’hygiène, vêtements, jouets..).

Je ne connais pas de réfugiés de Crimée en Russie, mais il ne doit pas y en avoir beaucoup. Le seul cas que j’ai entendu est un dirigeant d’une entreprise à Kertch qui a perdu son poste après la visite de la « self-défense de Crimée » (l’usine qui était la propriété de Firtash est passée  propriété russe). Cette personne est allée vivre en Russie où il semble y avoir trouvé un autre poste.

Il y a par contre des personnes de l’est de l’Ukraine qui sont venus cet été en Crimée « pour fuir la guerre », et effectivement certaines ont été envoyées en Russie, mais je ne connais pas leur destin.

 

Certaines personnes du Donbass veulent partir vivre en Crimée. Quel conseil vous leur donneriez ?

S’ils ont de la propriété en Crimée, je pense qu’ils peuvent déménager et même demander la citoyenneté russe. Sinon, il ne me semble pas que la Russie fasse des centres d’accueil pour eux en Crimée.

Propos reccueillis par Olga Gerasymenko

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22 novembre 2014 6 22 /11 /novembre /2014 15:15

GH-livre.jpgJournaliste, photographe et reporter de guerre, le lauréat des prix RFI-France - 24 , «Visa pour l ’ image » , Niepce, Kodac de la Critique, Guillaume Herbaut est l’auteur de photos impressionnantes et marquantes dans ce qu’elles expriment de l’histoire de l’Ukraine, du Mexique et de l’Albanie. Il est l’un des premiers photographes français à s'être rendu en Ukraine pour y vivre les périodes troubles et en même temps porteuses des espoirs du peuple ukrainien. Ni la température glaciale, ni la situation de guerre ne l’ont empêché de suivre les événements qui ont secoué le pays cette année.

Après 6 mois du travail, une dizaine d’aller-retour entre Paris et Kiev, son aventure personnelle continue dans un pays dont l’avenir demeure chargé d’incertitudes... Vous travaillez en Ukraine depuis 2001. Qu’est-ce qui vous a poussé à explorer un pays, si peu connu à l’époque ?

C’est vrai que l’Ukraine me paraissait très éloignée. Quand dans les années 1990 j’étais allé en Biélorussie j’avais l’impression que c’était à l’autre bout du monde, pour l’Ukraine c’était pareil. Comme à l’époque on n’était pas encore tous connectés à Internet, le monde nous paraissait très lointain. En fait, j’ai découvert l’Ukraine à travers Tchernobyl à l’occasion d’un premier voyage professionnel sur les lieux de la catastrophe. J’ai vraiment été touché par le pays. Et depuis, j’ai eu l’envie de connaître l’Ukraine de plus en plus profondément.

Il y a une tendance forte que l’on constate chez les français : lorsqu’ils ont séjourné une fois en Ukraine, il y reviennent tôt ou tard. Ils y trouvent quelque chose de singulier, un attachement particulier ... Vous-même, vous arpentez avec passion les villes et les campagnes ukrainiennes depuis plus de 13 ans...quels sont les ingrédients de cette alchimie ?

Je ressens qu’il y a depuis longtemps un lien fort entre la France et l’Ukraine. Je n’arrive pas à m’expliquer pourquoi l’Ukraine, est le seul pays au monde qui m’attire si intensément. Ensuite, il y a deux autres pays auxquels je suis lié : l’Albanie et le Mexique. Je parcours sans cesse le monde mais invariablement c’est en Ukraine que je retourne tout le temps. Plus je vais en Ukraine, plus j’aime ce pays. Quand je me suis rendu à Kiev il y a dix jours, j’ai encore découvert d’autres endroits, d’autres ambiances que je ne connaissais pas. C’est bizarre. Il y a les gens qui arrivent en Ukraine et restent totalement hermétiques aux gens, aux paysages et à l’architecture. Quant à moi, je me sens très bien là-bas.

Au fil des années la France découvre l’Ukraine à travers le prisme de votre objectif : de la découverte de Tchernobyl jusqu’à la guerre à Donetsk, via deux révolutions, sans oublier les cosaques, les nouvelles amazones des Carpates, ou encore les militantes aux seins nus des Femen. Au-delà de cet étrange kaléidoscope, que représente pour vous l’Ukraine ?

Je suis le premier photographe à s’être vraiment intéressé à l’Ukraine. Il s’agit d’un pays hors du commun qui fait référence aux contes pour enfants, c’est incroyable. Prenons la Révolution Orange et les différents acteurs politiques jusqu’à Porochenko : La Révolution Orange, cette histoire de « la Belle et la Bête » où Yulia serait la Belle et Iouchtchenko serait la Bête avec son visage défiguré. Puis les frères Klitshko qui sont tels les chasseurs de Blanche Neige. Et Ianoukovitch, l’ogre dont l’antre est sa fabuleuse propriété construite en périphérie de Kiev. Et enfin « Charlie et la Chocolaterie » avec le chocolatier qui devient président... J’ai aussi l’impression que Tolkien s’est inspiré des tenues des cosaques pour en revêtir les personnages du « Seigneur des Anneaux ». Par ailleurs selon la mythologie grecque les amazones seraient ukrainiennes. On constate vraiment que les références légendaires sont multiples, non seulement pour ce qu’elles évoquent positivement mais aussi pour leur coté tragique. Même les images que j’ai saisies à Tchernobyl se rattache à un imaginaire se rattachant à l’enfance, on peut ainsi voir une femme courir dans une ville abandonnée, cette photo poignante a été baptisée par le public «Le petit Chaperon rouge».

Après deux révolutions vécues aux côtés du peuple ukrainien, quels souvenirs avez-vous gardés de ces deux moments ? Sont-ils très différents ? A votre avis, l’Ukraine est-elle sur la voie de l’Etat de droit et la Démocratie?

J’ai deux sentiments qui me traversent pour appréhender la Révolution Orange et la Révolution-Maidan : la joie caractérise la première, et la gravité pour évoquer la seconde. On est passé de la joie à la gravité. Je trouve qu’en 2004, il y avait un élan vraiment positif vers la démocratie. D’ailleurs, on n’est pas tombé dans le chaos, l’État n’est pas entré dans la violence contre les manifestants et il y avait beaucoup d’espoir pour un nouvel élan démocratique. Tandis que l’année dernière quand je suis arrivé à Maїdan j’ai ressenti tout de suite quelque chose de plus grave que lors la Révolution Orange. Cette fois-ci, ce fut une lutte pour la dignité et le respect du citoyen.

C‘était s’inscrire dans la continuité de la Révolution Orange. Mais ces deux Révolutions sont cependant totalement différentes : l’une qui échappe à la dynamique de la violence, et l’autre, qui finit dans un massacre et se poursuit dans la guerre. Dans l’absolu, pour parvenir à construire un État de droit il faut beaucoup d’années. Pour l’instant, on est dans une période un peu obscure pour le pays. Peut-être est-ce un passage obligé pour pérenniser la Démocratie.

Propos recueillis par Karina Krasnosilska

 

Pour en savoir davantage, rendez-vous sur le site de Guillaume Herbaut 

Vous pouvez également venir s'echanger avec lui au vernissage de l'exposition "Ukraine: de Maïdan au Donbass" le 27 novembre 2014 à 19h, à la galerie 61

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20 novembre 2014 4 20 /11 /novembre /2014 21:37

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12 novembre 2014 3 12 /11 /novembre /2014 09:11

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8 octobre 2014 3 08 /10 /octobre /2014 10:30

bruker_pa.jpgLe séjour à Kiev de Pascal Bruckner a été organisé par l’Institut français d'Ukraine. L’un des moments fort a été sa rencontre avec Volodymyr Yermolenko le 10 septembre 2014 à la librairie Ye dans le cadre de la présentation de la traduction en ukrainien de « La tyrannie de la pénitence », aux éditions Tempora, (traduction de P. Tarastchouk). Perspectives Ukrainiennes vous propose les moments saillants de ces échanges.

Pour écouter la version intégrale de l’entretien, cliquez ici.

 

J'ai hésité à venir. Il me semblait que parler d'un de mes livres, dans la situation où vous êtes, aurait été un peu incongru. Et puis finalement je me suis dit que c'était la meilleure façon pour moi de manifester ma solidarité envers l'Ukraine et d’essayer de mieux comprendre les enjeux. Cela implique de s’affranchir du masochisme occidental et de l’automatisme pavlovien qui a pour effet de s'accuser de tous les maux du monde. Pour prendre exemple la situation présente, on entend à Paris certaines bonnes consciences répéter inlassablement : « on a humilié les Russes », « on a humilié Poutine », « il faut absolument s'excuser », « C’est parce qu'il se sent blessé qu'il est si vindicatif vis-à-vis de l'Europe ». Il s’agit là d’une attitude masochiste qui consiste à dire que c'est de notre faute à chaque fois que l’on nous accuse.... nous accumulons ainsi sur nos épaules les accusations que les autres portent sur nous.

VY: Сette tendance à être constamment critique vis-à-vis de soi-même est une spécificité européenne. C’est ce qui distingue radicalement  l'Europe de la Russie qui elle, ne reconnait jamais sa culpabilité. Pensez-vous que se sentir coupable puisse être une bonne chose?

PB: Le régime démocratique est par excellence celui qui reconnait ses propres erreurs. Mais l’autocritique c'est aussi une question de mesure. Une chose est de considérer son histoire avec objectivé, il en est une autre de s'accuser de tous les malheurs de la Terre. C’est ce à quoi l’on assiste aujourd'hui ; cette particularité à s'autoflageller est très européenne, c'est aussi une façon de ne jamais s'impliquer, de se laver les mains de ce qui se passe.

 

VY: Dans l’introduction à l’édition ukrainienne de « La tyrannie de la pénitence », vous écrivez  que les pays de l'ex-URSS peuvent être des atouts pour l’Occident dans le sens où ils sont porteurs d’une énergie jusque là ignorée. Pensez-vous que des pays tels que l'Ukraine, la Géorgie, ou la Moldavie, soient capables de jouer ce rôle ?

PB: L'Europe est un continent divisé en deux parties. A l’Ouest, avons été libérés par les anglo-américains mais vous, ce fut par l'armée rouge, prélude à une longue domination soviétique. Il en résulte que l’Europe centrale et orientale a conservé une certaine aptitude à  la résilience que nous avons perdu. A cet égard, ce fut très symptomatique, que tandis qu’en Ukraine ou ailleurs à l’Est, vous subissiez les privations du régime communiste, la jeunesse de l’Europe de l'Ouest se dressait contre le capitalisme et appelait à l’instauration d’un régime collectiviste. C’était une attitude purement esthétique car nous étions en même temps les bénéficiaires de la société de consommation et de ses richesses. Donc, je crois que des pays tels que l'Ukraine, la Pologne, la Géorgie, la Moldavie et plus généralement tous les pays qui ont été derrière le rideau de fer, peuvent rappeler à l’Europe de l'Ouest que la liberté a un prix. Et que ce celui-ci peut être couteux sur le moment mais qu’à terme il est inestimable. En cela ce que vous avez réussi à conserver, c'est l’essence même de l’esprit européen, que malheureusement, nous sommes en train de perdre, notamment en France, pour des raisons historiques. Alors que l’Europe chez nous est devenu un objet d'indifférence, et presque de dégout, chez vous c'est un idéal que vous tentez d'incarner. Dans l’absolu, ce qui menace le plus les pays de l'ex bloc soviétique, ce n’est pas l’hostilité que pourrait leur témoigner l’Europe de l’Ouest, mais plutôt son indifférence. Et c'est cette indifférence qu'il faut bousculer, qu'il faut réveiller. Parce qu’à terme elle peut aussi nous détruire.

 

VY: Pourquoi et comment combattre cette indifférence ?  Est-ce un problème de perception des choses ? Quelle est votre analyse ?

PB: L'indifférence est aussi liée à la crise que nous subissons depuis 2008, ce qui fait que les Européens sont beaucoup plus préoccupés par eux-mêmes que par l’extérieur. Elle vient aussi du fait que l'Europe est un processus en perpétuelle construction. En 2014 nous sommes encore en train de réfléchir sur  la constitution d’un gouvernement, le rôle du parlement, son fonctionnement.... ce qui nous rend imperméable au reste du monde. Vis-à-vis de l’Europe Orientale il faut aussi souligner que le rideau de fer mental des occidentaux n'est pas totalement tombé. Bon nombre d’Allemands, d’Anglais, et de Français  considèrent que la Russie est le gendarme naturel de cette partie du monde, et qu’en définitive, il faut un pouvoir fort de Moscou pour maintenir tous ces petits peuples en paix. Et pour beaucoup d’Occidentaux, la chute du bloc communiste a représenté une catastrophe, puisque tout d'un coup de nouveaux acteurs dont certains ignoraient l'existence ont fait irruption sur la scène internationale, les pays baltes notamment. Cerains estiment que Moscou a vocation à assurer l'ordre et la stabilité. Je pense qu'en Europe de l'Ouest nous préférons l'injustice contrôlée de l’autre coté de nos frontières plutôt que le caractère imprévisible des peuples ayant retrouvé la Liberté. 

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VY: Au delà des critiques que suscitent certaines attitudes occidentales, reconnaissez-vous des aspects positifs au modèle européen ?

PB: Je vois beaucoup de choses positives, et notamment que l'Ukraine, ait choisi de quitter l'orbite russe pour se rapprocher de l'Europe. Cela révèle  le formidable pouvoir d’attraction de l'Europe. Il faut le dire simplement, ce que l'Europe a d'unique c'est cette alliance de la liberté, de la prospérité, et de la protection des citoyens grâce à la Démocratie et à l'Etat providence. Il est  vrai que nous en jouissons de manière tellement spontanée que nous finissons par l'oublier. Mais quand on regarde d'autres pays, d'autres régimes, nous voyons que l'Europe de l'Ouest a réussi une synthèse qui est inédite dans l'Histoire. L’une des autres réussites de la construction européenne est qu'elle a conclu et pérennisé la paix entre les nations qui s’affrontaient depuis des siècles. Si aujourd'hui la guerre nous semble incompréhensible entre les Français et les Allemands, les Français et les britanniques, ou encore entre les Français et les Espagnols, c'est quand même grâce à cette union qui a été forgée dans le sang et dans la barbarie des deux conflits mondiaux. A cela s’ajoute la prospérité économique bien sûr puisque l’Europe est le plus grand marché du monde. Les pays qui ont intégré l'Union Européenne,   comme la Pologne, ont connu une croissance très forte et ont assimilé les libertés fondamentales. Nous vivons aujourd'hui mieux que probablement n'ont jamais vécu les hommes au cours de leur Histoire ; c’est pourquoi les africains, les asiatiques et les sud-américains tentent de rejoindre par tous les moyens notre continent comme ils tentent de rejoindre les Etats-Unis. Au fond, le changement de cap que l'Ukraine a opéré témoigne du contraste qui ne cesse de s’accroitre entre l’Union Européenne et la Russie. 

 

Propos retranscrits et synthétisés par Olga Gerasymenko

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16 septembre 2014 2 16 /09 /septembre /2014 14:55

V-Kogutyak.jpgPensez-vous que le conflit qui fait rage dans l’Est de l’Ukraine puisse être réglé autrement que par des moyens militaires ?
Dès notre enfance, on nous apprend qu’il ne faut pas répondre à la violence par la violence. Toutefois, la situation à l’Est de l’Ukraine ne rentre pas dans les cadres moraux et juridiques habituels. En effet, le monde entier comprend que V. Poutine crache littéralement sur toutes les lois qui ont pu être pensées jusqu’ici. Ce qui est encore plus douloureux à observer, c’est le fait que le monde entier s’engage dans un long processus de ce que l’on appelle la « politique de l’autruche » (rentrer sa tête dans le sable lorsqu’on a peur, tout en voulant évitant la menace) en refusant de voir la réalité de cette guerre.
La question est extrêmement délicate, car nous sommes en train de parler de vies humaines. Nous ne pouvons pas nous demander aujourd’hui « comment ne plus avoir de victimes », la seule question qu’on peut se poser c’est « comment peut-on limiter leur nombre ». Je veux bien croire que l’accord de Minsk d’un cessez-le-feu signé le 5 septembre dernier portera ses fruits, mais la politique du Kremlin est à l’image d’un trou noir, qui ne se soumet à aucune loi physique, et qui ne s’arrête qu’au moment où il cesse lui-même d’exister. La réponse la plus juste serait donc de dire qu’il y a deux choix : tout perdre, ou essayer de résister, aussi bien militairement, que diplomatiquement.

Quels sont les enjeux majeurs des élections législatives anticipées du 26 octobre prochain ?
Il est important de comprendre, qu’en Ukraine, tout député est en règle générale un bon businessman qui a compris que le meilleur des business reste la politique. Une fois que l’on a assimilé cela, on comprend comment nous nous sommes retrouvés avec à la tête de l’Etat le plus grand bandit du pays, Viktor Yanoukovich. Cela permet de comprendre pourquoi la classe moyenne n’existe pas en Ukraine. Il découle de cette situation que le seul enjeu des élections législatives est de trouver un parti qui souhaite agir pour le peuple et non pour lui-même. A vrai dire, un tel parti n’existe pas encore, mais il y en a qui s’en approchent. C’est pour cette raison, qu’avec l’ONG Cosmopolitan Project Foundation, l’Association des Etudiants Ukrainiens en France enverra des observateurs français pour les élections législatives du mois d’octobre (ndr: les élections législatives anticipées auront lieux le 26/10/2014). Le peuple ukrainien sort tout juste d’une révolution pour que sa vie s’améliore. Le devoir des citoyens est de faire le meilleur choix, le nôtre, est que leur choix soit entendu et respecté.
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La communauté ukrainienne de France et la société civile ukrainienne sont-elles en phase ou au contraire avez-vous relevé des différences de perception du conflit ?
Une grande communauté ne peut être représentée que par un seul leader. C’est bien évident, puisque nous sommes tous différents. Toutefois, bien que différents, nous sommes tous humains. Depuis la Révolution de la Dignité, il existe un synchronisme idéal entre la Communauté Ukrainienne en France et la société civile ukrainienne. Peu importe les convictions, religions, langues, philosophies de la vie, ce qui compte aujourd’hui c’est de combattre l’ennemi.
On dit que la mère de Gengis Khan, l’empereur mongol qui avait conquis la moitié du monde « connu » au XIIIème siècle, un jour enseigna à ses enfants : « Prenez une branche chacun, et cassez-la. Ils s’exécutèrent. « A présent prenez chacun une poignée de branches, et essayez de les casser ». Personne n’a pu le faire. « Vous voyez les enfants, -expliqua leur mère- nous ne sommes forts quand lorsque nous sommes unis ».


Cette année le lauréat du prix "Perspectives Ukrainiennes - Grégoire Orlyk" est l'historien Antoine Arjakovsky¹. Quel regard portez-vous sur ses travaux ?
Nous avons eu beaucoup d’échanges avec Antoine Arjakovsky, et la première chose qu’il faut dire c’est  qu’il mérite ce prix. En effet, c’est un homme de paix, qui essaie de combattre la propagande russe et qui croit que le conflit russo-ukrainienne peut être résolu en faisant un travail sur l’Histoire, un travail de réconciliation des mémoires aussi bien d’un côté que de l’autre. Son livre « Russie – Ukraine, de la Guerre à la paix ? » est un ouvrage de référence que chacun de nous devrait lire pour mieux comprendre la situation actuelle.

Propos recueillis par Olga Gerasymenko




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