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1 juillet 2014 2 01 /07 /juillet /2014 16:58

lyane-guillaume.jpgQuatre années passées à Kiev (2000-2004) et de nombreuses interviews auprès de femmes ukrainiennes ont inspiré à Lyane Guillaume "Les Errantes ; chroniques ukrainiennes", sorti en mai dernier aux éditions Du Rocher.

 

Ado, que lisiez-vous ?
Adolescente, j’adorais Flaubert, Giono, Rimbaud... puis très vite, j’ai découvert les auteurs russes : Tolstoï, Dostoïevski, Bounine... Gogol aussi, sans savoir qu’il était ukrainien - on disait « russe » pour tout ce qui était soviétique à l’époque. J’ignorais alors qu’un jour, j’irai vivre en Ukraine ! Ces auteurs, je les ai lus (en traduction bien sûr) grâce à une camarade de classe dont le père était au P.C.F. Persuadé sans doute que le communisme dominerait un jour le monde, il avait fait donner des cours de langue et de littérature russes à sa fille... J’en recueillais indirectement les miettes !

Pourquoi avez-vous choisi l’Ukraine et notamment Kiev comme théâtre de votre nouveau roman ?
J’ai passé une bonne partie de ma vie à l’étranger : en Inde (Neuf ans sur deux séjours) ; en Afghanistan (sept ans sur deux séjours) en Russie (cinq ans, d’abord à Saint-Pétersbourg puis à Moscou) en Ukraine (quatre ans). Actuellement, je vis à Tachkent, Ouzbékistan. A chaque séjour, j’ai appris la langue et essayé de comprendre le mieux possible la culture du pays où je me trouvais.  Chaque fois, j’en ai tiré un roman qui, basé sur une intrigue mais solidement documenté, essayait de transmettre mon expérience et mon amour de ce pays. J’ai vécu à Kiev entre 2000 et 2004. Mon mari était alors Conseiller culturel et de coopération à l’Ambassade de France, moi je faisais du théâtre et du journalisme. Nous avons sillonné l’Ukraine de long en large au point que nous aurions pu écrire un guide touristique. Kiev était riante et calme malgré des protestations régulières contre la corruption du gouvernement pro-russe.  Je me souviens en particulier de l’affaire Gongadzé.  Nous avons quitté Kiev juste avant la révolution orange mais j ‘avais eu le temps de me faire des amis, des amies femmes en particulier. Ces femmes étaient nées pendant la guerre froide, avaient connu l’URSS... puis la chute de l’URSS ; leur grand-mère, ou un de leurs oncles, avait été victime des purges ou était mort de faim pendant la grande famine planifiée par Staline pour éliminer les koulaks ukrainiens ; leur frère, leur cousin, avaient « fait » l’Afghanistan ; elles avaient vécu la promiscuité dans un komunalka, avaient rêvé de Paris, vu et revu Delon au cinéma. Puis ç’avait été Tchernobyl, la Pérestroïka, la paupérisation et la débrouille, enfin, l’indépendance de l’Ukraine, la naissance d’une nation puis la Révolution orange de 2004, prémices come on sait des événements de 2014... De ces conversations est née l’idée d’un récit, « Les errantes » qui retracerait le parcours emblématique d’une femme née à Kiev en 1958 : Marina, fille, amante, mère d’une petite fille... et dans son sillage, presque un demi-siècle de l’histoire de l’Ukraine. « Les errantes ; chroniques ukrainiennes », c’est aussi une histoire d’amour entre l’Ukraine et la France et un hommage à l’urbanisme de Kiev, à sa beauté, à travers le parcours en taxi et les scènes qui se déroulent place Ivan-Franko, au pied de la « maison aux chimères » ou sur le « Mont Chauve ». C’est aussi un hommage à mes amis ukrainiens.

Le désir d’exil et la relation mère fille sont deux thèmes que vous avez particulièrement développés dans « Les errantes ». Faut-il y voir une résonance personnelle ?
En ce qui concerne le thème de l’exil, j’ai rencontré, surtout dans le milieu francophone qui fréquentait l’Ambassade et l’Institut Français, des femmes qui rêvaient de la France depuis toujours. La langue, la littérature, le cinéma français, tout cela faisait partie intégrante de leur vie et de leurs fantasmes. Pendant la pérestroïka et les années de « galère », certaines ont pensé à émigrer. Un jour, une de mes amies ukrainiennes en âge de se marier m’a dit : « Ici, quelle alternative ? Les hommes sont soit des victimes du changement (Pérestroïka, passage à l’économie libérale) donc des déclassés dépressifs et alcooliques... soit des arrivistes sans scrupules. » Cette analyse à l’emporte-pièce m’a frappée et je l’ai utilisée dans « Les errantes ». En même temps, j’ai voulu lutter contre ce cliché de la femme ukrainienne « prostituée » dans l’âme... une image que les Français ont tous. Marina, le personnage principal,  est une ancienne danseuse, séduisante certes mais cultivée, intelligente, travailleuse, courageuse, bref attachante, même s’il lui arrive de jouer les « call girls » pour  « faire bouillir la marmite » et soigner sa fille malade. Les années 90, c’était la débrouille... J’aime bien montrer dans mes romans (voir par exemple « Laveuse de chiens », sur l’Afghanistan) à quel point la réalité d’un pays, et les gens, ne sont pas ou tout blancs ou tout noirs, et qu’il y a des explications à tout.

A ce propos, je voudrais dire quelques mots sur le titre de mon roman. Le thème de l’errance est lancé dès le début avec la course en taxi –retardée par des manifestations et semée d’embûche dans un véhicule « pourri » - jusqu’à l’aéroport. Assise à l’arrière, Marina se laisse envahir par ses souvenirs. On plonge dans son passé – un passé chaotique jalonné de déménagements, de ruptures en tout genre, bref placé sous le signe de la discontinuité et de l’errance – et là, on est dans une temporalité diffuse, distendue, dans ce que Bergson appelle « le temps de la conscience », qui n’a rien à voir avec la chronologie réelle.


    Chez Marina, il y a une attirance pour la France mais en même temps, une vraie tendresse pour l’Ukraine. La fin du roman le prouve... Je n’en dirai pas plus. Si je devais choisir une phrase de mon roman qui donne le ton, je choisirais celle-ci (je rappelle que l’action se passe en décembre 2004, au début de la révolution orange) : « Marina se disait qu’elle quittait son pays au moment où, peut-être, le destin de celui-ci était en train de se jouer ».


La relations mère-fille qui est un des thèmes des « Errantes » n’a rien d’autobiographique, mais le rôle du romancier, comme celui du comédien, n’est-il pas de se glisser dans la peau d’autrui ? A travers cette relation Marina-Oxana, j’ai voulu montrer la psychologie d’une fille atteinte d’une pathologie sexuelle (que je n’ai pas inventée, cette pathologie est répertoriée) liée à la catastrophe de Tchernobyl.  On oublie souvent à quel point le peuple ukrainien est un peuple qui a souffert... et que Tchernobyl est en Ukraine ! Je voulais montrer le lien à la mère (fusionnel et conflictuel à la fois) et le sentiment de culpabilité qui ronge le coeur de la mère. En outre, Marina et Oxana représentent chacune une génération de femme ukrainienne. Il y a un fossé entre elles, historique et idéologique, qui illustre l’évolution récente du monde ex-soviétique : Marina est optimiste, habitée par le sens de l’effort et de la discipline, attirée par la culture, et elle déteste le gaspillage. Sa fille est à la fois dans le consumérisme et dans une sorte de cynisme suicidaire. L’épisode des « exploits » filmés m’a été inspiré par une vidéo authentique trouvée sur internet.

Pensez-vous que la littérature soit une clé essentielle pour saisir la profondeur du monde slave ?
Que ce soit pour saisir la profondeur du monde slave ou toute autre réalité historico-sociologique, la littérature est fondamentale, le roman en particulier.  Quoi de mieux pour comprendre la France des années 1860-1900 et le Paris d’Haussmann que les romans de Zola ? Cela peut paraître paradoxal mais une œuvre de fiction est parfois plus proche de la « vérité », de l’ « essence » qu’un travail didactique. On peut faire passer dans un roman des éléments subtils, inexprimables, qu’on ne trouvera pas dans un essai ou une thèse, sur la vie quotidienne en particulier. En outre, la vision s’incarne à travers des personnages, des émotions, des subjectivités, des destins qui se croisent et se mêlent, toutes choses qui appartiennent en propre à ce genre qu’on appelle  « roman ». A mon échelle, j’ai essayé de raconter une histoire qui donne à un lectorat le plus large possible des clés pour comprendre l’Ukraine et l’aimer.

les-errantes.jpgHormis la Russie, les pays et peuples d’Europe centrale et orientale n’inspirent que rarement les auteurs français. Pour quelles raisons à votre avis ?
A la base de l’erreur et du préjugé, il y a souvent l’ignorance. Les Français en général sont fascinés par la Russie (on vous parle de l’ « âme russe » comme on vous dirait « Les Africains ont la danse dans la peau ») mais ils connaissent mal la périphérie. C’est dire comment ils voient l’Ukraine dont le nom signifie précisément « périphérie », « frontière » ! Quand j’ai dit à l’éditeur que je préparais un roman sur l’Ukraine, il s’est exclamé : « Oh là là, mais c’est loin des Français, tout ça ! ». On passera sur le « ça », sarrautien en diable et sur cette conception « exagonale », voire « germanopratine » du roman - comme si la lecture ne devait pas être synonyme d’ouverture !... J’ai changé d’éditeur et un an plus tard, l’Ukraine faisait la une de l’actualité !... D’ailleurs, je pense que les événements récents, malgré – et grâce à - leur caractère tragique, ont contribué à donner une « visibilité » à l’Ukraine. La résistance, les combats, les victimes devenus des martyrs, l’ont hissée aux yeux de l’opinion internationale au rang de véritable nation.


J’ajouterai ceci qui peut paraître incroyable : Presque un quart de siècle après, bien des Français n’ont pas encore intégré mentalement la chute de l’empire soviétique et l’indépendance des pays qui en faisaient partie... « Alors, tu vas vivre en Russie ! » s’est exclamée une personne à qui j’annonçais que je partais en Ouzbékistan.


Quel est pour vous le plus grand personnage de l’histoire de l’Ukraine, et pour quelles raisons ?
Des hommes d’Etat, des combattants, cosaques, résistants ou militants qui ont marqué l’histoire du pays et contribué à forger son identité, l’Ukraine n’en manque pas : Yaroslav-le-sage à sa façon, Mazeppa, Bogdan Khmelnitsky – on ne citera pas Bandera, bien peu consensuel ! -  mais c’est un poète (et peintre) que je choisis comme « héros national »  : Taras Chevtchenko, figure emblématique du réveil national de l’Ukraine au 19ème siècle. Ses racines paysannes font écho à la dimension profondément rurale de l’Ukraine, et le fait que, fils de serf, il se soit libéré grâce à sa volonté et à ses talents, me paraît aussi tout un symbole. Surtout, il a donné ses lettres de noblesse à la langue ukrainienne, et la langue est bien sûr un élément fondamental pour la construction d’une identité.


Vous souvenez-vous où vous étiez le 24 août  1991, jour de l’Indépendance de l’Ukraine ?
Je vivais en Inde à l’époque et je venais de publier mon deuxième roman, mais la nouvelle de l’effondrement du bloc soviétique puis de l’Indépendance de l’Ukraine entre autres, nous a tous profondément marqués. C’était le vent de l’Histoire avec un grand H qui passait par là... J’avais déjà ressenti cela  fin 1979, début janvier 1980 : je me trouvais à  Kaboul depuis un mois... et voilà que l’Armée rouge envahissait l’Afghanistan ! ... Pour en revenir à l’été 1991 en Inde, un détail inédit m’avait frappée : au pied du fort rouge de Delhi, on a vu apparaître des femmes slaves (blondes, assez fortes, vêtues à l’occidentale) entre trente et soixante ans. Elles avaient étalé sur le trottoir quelques bricoles – vaisselle, moulins à café,  mixers, cuillers en bois, vêtements usagés...- qu’elles essayaient de vendre aux passants indiens. J’ai senti comme un basculement de l’Histoire...


J’ai entendu de nombreux témoignages d’amis ukrainiens sur ces journées mémorables de l’Indépendance (comme j’en ai entendu sur le jour où la centrale de Tchernobyl a explosé) et je m’en suis inspirée dans « Les errantes ». Plusieurs chapitres de mon roman sont d’ailleurs consacrés à ces années 1991-1992 à la fois exaltantes et douloureuses.


Je vivais déjà à Kiev en 2001 au moment où ont été célébrées en grande pompe les dix ans de l’indépendance de l’Ukraine. Je me souviens avoir flâné des heures, mon appareil photo à la main, dans les rues animées et joyeuses, pavoisées de jaune et bleu. Quelques mois plus tard, j’ai vu des hommes grimper à l’assaut de l’hôtel « Moskva » pour le rebaptiser « Ukraina ». Des gens s’arrêtaient, commentaient, faisaient des remarques... Je me suis assise sur un banc et là aussi, j’ai observé, pris des notes et des photos. Ces notes, ces photos, m’ont servi pour écrire « Les Errantes ; chroniques ukrainiennes ». 

Propos reccueillis par Frédéric du Hauvel

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27 juin 2014 5 27 /06 /juin /2014 14:21

Antoine-arjakovsky.jpgAntoine Arjakovsky est un historien français, qui codirige aujourd'hui le département « Société, Liberté, Paix » du pôle de recherche du Collège des Bernardins à Paris. Après 20 ans passés entre Moscou, Kyiv, Lviv et Paris, en juin 2014 il a publié son nouveau livre « Russie - Ukraine. De la guerre à la paix ? ».

 

 

- Les événements de Maidan de l'hiver dernier sont entrés dans la mémoire collective comme la Révolution de la Dignité, que cela t'inspire-t-il ?
Cette expression de « révolution de la dignité » apparaît en Ukraine dès le mois de décembre 2013. Je l’ai trouvée dans une déclaration de l’Université catholique d’Ukraine le 11 décembre et le lendemain dans un article du théologien orthodoxe ukrainien Serge Hovoroun. Aujourd’hui, jeudi 26 juin c’est Petro Porochenko, le nouveau président ukrainien qui utilise cette expression dans son discours à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe.

 

Si cette formule a fait très vite consensus c’est d’abord parce que le peuple ukrainien s’est indigné le 1er décembre que la police d’Etat puisse frapper jusqu’au sang des manifestants pacifiques. Cette indignation et le soulèvement qui s’en est suivi n’a fait que renforcer le motif de la manifestation initiale, à savoir le désir des Ukrainiens d’appartenir à la grande famille des nations européennes unies par le même attachement à la Convention européenne des droits de l’homme. Cette expression a été utilisée également parce que cette révolution s’est déroulée dans le respect de la constitution ukrainienne de 2004. Elle ne fut donc pas un coup d’Etat.

- Pour quelle raison l'Est de l'Ukraine s'est-il si soudainement et si brutalement embrasé au printemps dernier ?
Ce n’est pas l’Est de l’Ukraine qui s’est soulevé, mais le président Poutine qui a cherché à déstabiliser l’Ukraine dès la victoire de la révolution de la dignité le 22 février. On sait aujourd’hui que les pseudo-référendums en faveur du rattachement à la Russie, de mars en Crimée, et de mai dans le Donbass, n’ont été approuvés que par une faible partie de la population. Les experts estiment à 35% en moyenne le nombre de personnes qui les ont soutenus. Je cite en particulier dans mon livre  les chiffres de Mustafa Djemilev (ndr:chef de file reconnu du Mouvement national des Tatars de Crimée) et de Svetlana Gannouchkina (ndr: défenseure des droits humains en Russie).

 

En revanche en mai dernier partout où des élections ont pu se tenir en présence d’observateurs internationaux envoyés par le Conseil de l’Europe et les Nations Unies, les Ukrainiens se sont prononcés en faveur du maintien de l’unité du pays. On sait aussi que des troupes russes stationnent depuis février à la frontière Est de l’Ukraine, ce qui est extrêmement déstabilisant pour une population qui se sent abandonnée depuis que le président Yanoukovytch est au pouvoir. Il faut ajouter qu’à deux reprises tous les responsables religieux d’Ukraine sans exception se sont prononcés en faveur du maintien de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Enfin il suffit de regarder la nationalité des principaux « séparatistes » en Ukraine, comme le colonel Guirkine à Donetsk, pour s’apercevoir qu’il s’agit tout simplement de citoyens russes !

La vraie question pour moi est donc plutôt de s’interroger sur les raisons pour lesquelles la Russie a voulu déstabiliser l’Ukraine. L’analyse que je développe dans mon livre est que les causes politiques, économiques, et militaires classiques sont insuffisantes pour répondre à cette question. La résurgence du nationalisme contredit en effet le souci du président V. Poutine de créer une union eurasiatique. Le Donbass et la Crimée n’apportent pas grand-chose au plan économique à la Russie. Et, malgré ce que l’on croit, la Russie disposait, à part le port de Sébastopol, d’autres accès à la mer Noire. Le vrai ressort de cette guerre est donc fondamentalement de nature mythologique. Il a trait à l’identité de la nation russe. Or en ce cas seul un traitement théologico-politique du problème permet de trouver des issues de paix. Car malheureusement le patriarche Kirill Gundyaev, avec son discours sur le « monde russe » est largement responsable des errances mythologiques du Kremlin.

- Dans quelle mesure le spectre du communisme continue-t-il de peser sur les relations russo-ukrainiennes ?
Les politologues du monde entier se sont empressés en 1989-1991 de déclarer la mort du communisme. C’était ici encore prendre ses désirs pour la réalité. En réalité la structure de l’organisation administrative de la Russie, de l’Ukraine et de la Biélorussie a très peu changé par rapport à la période soviétique. On trouve encore quantité de statues de Lénine dans ces pays. Le mausolée de Lénine trône encore sur la place Rouge à Moscou. Et Staline reste un des plus grands personnages des manuels d’histoire. Le malheur de ces pays est qu’il ne s’est pas trouvé de génération suffisamment instruite et déterminée pour instruire le procès du communisme dans les années 1990-2000. Or ces pays n’ont pas d’alternative. Soit ils suivent le chemin de leurs voisins polonais ou baltes et ils mettent en place une véritable politique de lustration des crimes du communisme. Soit ils continuent à faire semblant de croire que ce travail est impossible et ils seront confrontés à une nouvelle mutation de la mythologie totalitaire.

Mais pour prendre conscience de cette alternative ils doivent au préalable intégrer une idée simple : Le mythe est indissociable du concept pour comprendre la vie des nations. Négliger la puissance du concept et de la réflexion historique est aussi inconséquent que de mépriser la soif de justice et la quête identitaire des nations. En d’autres termes il faut aujourd’hui que les historiens des pays concernés écrivent ensemble une histoire réconciliée en n’omettant aucun sujet épineux. Car, même si ce travail est douloureux, seule la vérité existentielle, historique et spirituelle donne le courage de comprendre, de pardonner, et d’accéder enfin au bonheur insouciant.

Propos reccueillis par Olga Gerasymenko

 

russie-ukraine-de-la-guerre-a-la-paix.jpg"Russie/Ukraine De la guerre à la paix?" sera présenté par son auteur au Collège des Bernardins le 2 juillet 2014 à 11h00. Inscrivez-vous ici.

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10 juin 2014 2 10 /06 /juin /2014 09:38

olga-Camel.jpgEn février 2014, Olga Camel a donné une conférence à l’Inalco s’intitulant « Les femmes créatrices ukrainiennes dans le domaine de l’art et de la littérature », à l’occasion de la parution du « Dictionnaire universel des créatrices » (Editions Des Femmes). Elle a écrit les articles consacrés aux femmes ukrainiennes et raconte à « Perspectives Ukrainiennes » comment s’est déroulé son travail.

 

Tout d’abord, de quel ouvrage s’agit-il ?

Voici la présentation de l’éditeur : « Le Dictionnaire universel des créatrices » est né de la volonté de mettre en lumière la création des femmes à travers le monde et l’histoire, de rendre visible leur apport à la civilisation. Pensé comme une contribution inédite au patrimoine culturel mondial, il a été rendu possible par plus de quatre décennies d’engagement et de travaux en France, dans le monde et à l’Onu avec le comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) qui a aujourd’hui Nicole Ameline à sa tête. Renouant avec une généalogie jusque-là privée de mémoire, il entend recenser les créatrices connues ou encore méconnues qui, individuellement ou ensemble, ont marqué leur temps et ouvert des voies nouvelles dans un des champs de l’activité humaine. Son chantier d’étude couvre tous les continents, toutes les époques, tout le répertoire traditionnel des disciplines (artistiques, littéraires, philosophiques aussi bien que scientifiques) et s’étend des sportives aux femmes politiques, en passant par les interprètes, les conteuses, les artisanes, fussent-elles anonymes. Créatrice, toute femme qui fait oeuvre. »

 

Olga Camel : Il s’agit d’un dictionnaire encyclopédique, car il est sorti en 3 tomes. C’est un travail de très grande envergure : 165 pays ont participé, presque tous les pays du monde, 1600 auteurs de tous les continents, 12 000 articles, près de 5 000 pages… Des lettrines ont été réalisées par Sonya Rykiel, la grande prêtresse de la mode. Elles sont très colorées. Un code couleurs a été créé pour chaque domaine : le rouge pour les arts, le vert pour la littérature, le mauve pour la science. Plusieurs femmes célèbres ont assisté au lancement officiel du dictionnaire. On m’a sollicitée pour diriger la partie sur l’Ukraine. Mes domaines de prédilection sont la littérature et les arts (notamment le théâtre). Dans l’ouvrage figurent des actrices, chanteuses, écrivaines, compositrices, réalisatrices, peintres, mais aussi des scientifiques – mathématiciennes, économistes… J’ai demandé si les femmes politiques étaient considérées comme des créatrices. Il y a eu un débat au sein de la rédaction à l’issue duquel il a été décidé que oui, elles sont aussi des créatrices et elles méritent d’être mentionnées.

 

Lessya-oukrainka.jpgJ’ai été très contente de diriger le « Secteur Ukraine ». Comment ai-je fait mon choix ? J’ai essayé d’écrire le maximum d’articles afin d’inclure le plus grand nombre de créatrices ukrainiennes, mais à la fin il a fallu faire un choix, car il y avait trop d’articles. J’ai proposé une cinquantaine de personnages et une quarantaine a été retenue. Un détail important : lorsque j’ai exprimé mon regret de ne pas avoir pu inclure dans cet ouvrage tous les articles que j’ai écrits, ma rédactrice en chef m’a proposé de lui envoyer mes articles. Il est possible que cela devienne un projet de livre à part entière sur les femmes ukrainiennes créatrices. Parmi celles qui ne figurent pas au dictionnaire, il y a par exemple Anne de Kiev. Les rédacteurs de l’ouvrage ont considéré qu’elle n’avait pas joué un rôle politique considérable ! Ce qui n’est pas tout à fait correct ! Mais on peut y trouver Roxolana (Roxelane), sultane turque, une femme politique de première importance et un personnage presque romanesque. Elle avait 15 ans lorsqu’elle a quitté son village natal dans les Carpates (ça c’est ma région !), et a été capturée par les Turcs. Elle s’est retrouvée dans le harem de Soliman le Magnifique. Elle est devenue une femme très influente de son époque : parlant plusieurs langues, elle a traité avec des diplomates ; par amour pour elle Soliman a chassé 36 femmes de son harem. C’est une très belle histoire…kira mouratova

 

Un article assez important a été écrit sur Ioulia Timochenko et son parcours politique. Parmi celles que j’ai présentées, il y a Kira Muratova – une figure emblématique du cinéma. Parmi les actrices, j’ai évoqué uniquement Maria Zankovetska, la plus grande actrice ukrainienne du XIXe siècle. Mais il y a d’autres actrices qui auraient mérité d’y être : Natalia Oujvii, qui était extraordinaire. Un peu moins importante - la femme de Les’ Kourbas, Valentyna Tchystiakova… Je voudrais mentionner Kateryna Naletova (1787-1869) – comédienne et chanteuse du premier théâtre en Ukraine, qui a collaboré vec Ivan Kotliarevsky, le directeur artistique du théâtre de Poltava et le fondateur de la littérature ukrainienne moderne.

 

Ces pièces constituent les fondements du théâtre ukrainien. Naletova a marqué son époque ! Au XIXe siècle le théâtre ukrainien et la langue ukrainienne ont été interdits en Ukraine par l’empire russe. Les troupes ukrainiennes se sont fait connaître en Russie, ils ont joué notamment à St-Petersbourg et à Moscou. Si le projet du livre dont j’ai parlé voit le jour, j’écrirai sur les femmes de cette époque-là.

 

Marko-Vovtchok.jpgMaintenant en ce qui concerne les femmes de lettres : la première femme de lettres ukrainienne était Marko Vovtchok (née Maria Vilinska). Elle était russo-ukrainienne, de langue maternelle russe. Elle a épousé Opanas Markovytch, ethnographe, et l’a converti à la cause ukrainienne. Elle a dénoncé dans son oeuvre la condition des serfs et la misère paysanne. Marko Vovtchok a vécu en Europe Occidentale, notamment en France. A Paris elle devient l’amie et collaboratrice du célèbre éditeur P-J Stahl (pseudonyme Hetzel) et publie en français des contes pour enfants. Elle est l’auteur original de « Maroussia », récit pour enfant, ouvrage couronné par l’Académie française. Elle fait partie des femmes très courageuses. Lessya Oukraïnka, poétesse et dramaturge, a contribué au réveil du sentiment national ukrainien. Exploitant des thèmes de la littérature mondiale, elle était à l’avant-garde des forces créatrices qui ont amené la littérature ukrainienne à un niveau universel. Natalya Kobrynska, romancière et pionnière du mouvement féministe en Galicie (l’Ukraine occidentale). Olha Kobylianska, originaire de Bukovine, a trouvé un chemin vers les lettres ukrainiennes et s’est surtout fait connaître par la prose. Ces deux écrivaines se sont battues pour les droits des femmes.

 

J’aimerais évoquer Valentine Marcadé, qui a écrit un ouvrage sur l’art en Ukraine (« Art d’Ukraine », L’Age d’Homme Editions, 1990). Elle a fait des recherches très approfondies. Sonia Delaunay et Alexandra Exter y figurent en tant que peintres ukrainiennes. Un article est consacré aussi à Lina Kostenko, figure essentielle de la renaissance poétique d’après 1956. Elle est l’une des représentantes principales de la « génération des années 60 ». Pendant longtemps elle a été en conflit avec le pouvoir soviétique, elle a fait la grève de la faim et a refusé de se plier et de produire des oeuvres dans l’esprit de l’idéologie officielle.

dictionnaire-femmes-creatrices.jpg

Comment avez-vous entendu parler de ce projet de dictionnaire ?...  Le processus même a été intéressant ?

C’est l’édition qui m’a contactée à l’INALCO, où j’ai enseigné la littérature ukrainienne. J’étais ravie de leur dire oui ! Je suis contente des résultats de notre collaboration. En France l’on s’intéresse de plus en plus à l’Ukraine, surtout depuis les récents événements. Ce dictionnaire sera disponible dans plusieurs bibliothèques parisiennes. La parution de cet ouvrage est très importante pour la culture ukrainienne. Il faut comprendre le contexte dans lequel les créatrices ukrainiennes ont travaillé, sous les différents régimes, de l’empire austro-hongrois à l’empire russe et au régime stalinien, souvent sous le poids de la censure et leur rendre un bel hommage. Aujourd’hui, heureusement, de  nombreuses femmes peuvent créer librement.

 

Dans le nouveau projet, mon livre, ça serait bien de parler des femmes actuelles qui écrivent de plus en plus. Dans ce dictionnaire encyclopédique figurent également les écrivaines contemporaines, par exemple Maria Matios, une très bonne romancière, traduite en plusieurs langues, qui fait en même temps de la politique, ou encore Evguenia Kononenko et Oksana Zabouzko pour ne citer que les plus connues…

Propos recueillis par Olena Codet

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14 mai 2014 3 14 /05 /mai /2014 14:28

Inalco-conference-Ukraine-15-mai-2014.jpg

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6 mai 2014 2 06 /05 /mai /2014 22:52

10 avril 2014, à l’INALCO s’est tenue la conférence « L’économie ukrainienne – crise et gouvernance » avec pour l’invité Boris Najman, maître de conférences à l’Université Paris Est Créteil,  Conseiller du Gouvernement ukrainien entre 1995 et 1997.



L’économie Ukrainienne sous pression


Selon le dernier rapport du FMI détaillant les perspectives de croissance économique mondiales, les événements politiques en Ukraine auraient un impact sur la croissance économique mondiale. Le FMI vient d’accorder un prêt de 17 milliards de US$, essayons de voir la situation de l’économie ukrainienne dans un contexte de guerre et d’intervention militaire russe.


I. Instabilité macroéconomique : un problème de gouvernance
Nous observons un déclin des exportations à cause de la baisse de la compétitivité et surtout récemment à cause du blocus imposé par la Russie.


L’instabilité macro est également liée à des problèmes de gouvernance. Le PIB par habitant est de 3000 euros par an (peut-être 4500 euros si l’on prend en compte les revenus non-déclarés). La Pologne enregistre un PIB officiel quatre fois supérieur, la moyenne en Europe est dix fois supérieure. Ce niveau du PIB ukrainien est bien trop faible et il traduit l’absence de réforme de l’économie.


En 2013, nous observons une faible demande extérieure (en partie à cause de la limitation des exportations ukrainiennes vers la Russie) et une faible croissance de la consommation des ménages ukrainiens due à la crise et aux détournements de l’ancien gouvernement.


Entre 1991 et 93, la baisse de 40% du PIB est un choc digne d’une économie de guerre. La politique monétaire de Kravtchouk était très expansionniste, elle a déstabilisé l’économie en créant une demande artificielle et donc une hyper-inflation. L’URSS avait tendance à surestimer la valeur de son PIB, ce qui peut expliquer, aussi, une chute prononcée. A l’époque communiste, la valeur de certains biens produits était inférieure à la valeur des matières premières utilisées pour la production (i.e. une valeur ajoutée négative).


Depuis 2002, on assiste à des périodes de croissance mais avec une forte instabilité, puis de crise de 2008 et enfin une baisse progressive du PIB depuis 2012. En comparaison avec les nouveaux membres de l’UE, le PIB par habitant n’a cru que modestement, en termes réels, depuis 1991. Les prix s’envolent, baissent puis repartent à la hausse constamment. Cela démontre l’absence de gouvernance stable et cohérente afin de stabiliser l’économie.


Dans ce contexte, les personnes les plus vulnérables sont les retraités, ceux qui ont des petits revenus, et les femmes seules avec enfants.


Pour ce qui est du taux de change, le gouvernement est parvenu, par période, à stabiliser le cours de la Hryvnia; puis il a dû dévaluer en 1999, en 2008 et de nouveau depuis le début des événements sur Maïdan. Globalement, comme en Russie, nous constatons un manque de confiance dans le système bancaire et la stabilité de la monnaie nationale, ceci explique la hausse du dollar et l’utilisation massive du cash (en Dollar et en Hryvnia).


Les Russes sont, également, très méfiants envers leur système bancaire, les fuites de capitaux sont massives (plus de 50 milliards depuis le début 2014, selon Bloomberg) et ils changent leur Roubles en Dollars pour se protéger de l’inflation. C’est le paradoxe d’un pays très nationaliste mais très méfiant envers ses institutions publiques, son système financier et son économie en général.


II. Structure du PIB, emploi et migration : un héritage de l’URSS
L’économie ukrainienne a hérité d’un secteur secondaire (industries) important qui compte pour 30% du PIB (25% dans l’UE) et d’une agriculture à 10% du PIB (1.5% en moyenne dans l’UE). L’Ukraine voit 6,5 millions de ses citoyens travailler à l’étranger ; soit 14,4% de sa population. Ce sont, souvent, les gens les plus dynamiques qui partent. D’un autre coté cette émigration même rapporte des devises sous forme de transferts privés (soit 6 milliards de dollars équivalent à 4% du PIB, selon Banque Mondiale). Peu de pays ont des transferts privés aussi importants.


Ces transferts ont augmenté très fortement. Dans les périodes de crise cela permet de compenser la baisse des revenus en Ukraine. Le taux de chômage reste à 8.5%. Ce chiffre n’est pas comparable aux données UE sur le chômage car les indemnités chômage sont très faibles en Ukraine et ce taux de chômage ne traduit pas la réalité du sous-emploi et de l’emploi informel qui sont massifs en Ukraine.


III. Situation de développement des entreprises et du commerce : beaucoup de contraintes
Le climat des affaires est très défavorable en Ukraine, nombre d’entreprises se plaignent des « raid » sur leurs activités. Le système réglementaires est largement inefficace et donne lieu aux versements de « pot de vin ». Dans le classement « Doing Business » 2014 de la Banque Mondiale, l’Ukraine est classée 112ème sur 189 (La Pologne est classée 45ème). Les principales difficultés sont : obtenir le branchement à l’électricité, résoudre les problèmes d’insolvabilité, le commerce hors du pays et la protection des investisseurs.


Sur le plan du commerce, l’embargo russe (de facto) sur l’Ukraine constitue le principal problème, en particulier pour les industries de l’Est du pays. Cela explique en partie le déficit de la balance courante et commerciale. La grande question est de savoir comment sortir de la grande dépendance en termes d’exportations mais aussi des importations d’énergie en provenance de la Russie. Ces dernières années les importations vers l’UE se sont accrues et rejoignent quasiment le niveau des importations russes. La structure des importations entre Russie et Ukraine est très différente, les Russes vendent principalement de l’énergie et les Ukrainiens des produits manufacturés (source OMC).


IV. Situation financière fragile
Les banques ont des bilans comportant de nombreux actifs risqués. Les bons du trésor ukrainiens ne trouvent plus acheteurs. Les banques ukrainiennes ont attribué des prêts qui ne seront pas remboursés probablement. De plus, le déficit budgétaire (8% du PIB) est très élevé et les recettes budgétaires sont en chute.


Les taux interbancaires ont beaucoup augmenté. Les banques ne se font plus confiance entre elles. Le taux interbancaire mesure le taux de risque à prêter de l’argent sur le marché intérieur. L’accord avec le FMI va permettre de ramener une partie de la confiance mais la situation reste très fragile à cause de l’intervention militaire de la Russie.


V. Gouvernance : « un Etat fragile sans contre-pouvoir»
Stabiliser les prix et lutter contre l’inflation a été la mission principale dans les premières années de l’indépendance de l’Ukraine. Ensuite, il a fallu introduire une monnaie convertible puis changer des éléments de fonctionnement de la politique économique et des institutions. Pavlo Lazarenko (Premier Ministre 1996-1997) a été l’homme du retour en arrière de ces réformes. Son objectif était de gérer la rente gazière à son profit. Cette rente a détruit le pays et son indépendance.


Dans les années 90, la continuité de l’appareil d’Etat de la période communiste est prônée. L’accord est le suivant : on préserve les élites et le fonctionnement de l’Etat en échange de l’indépendance. Le problème est que ces élites développent les rentes liées à l’énergie principalement avec la Russie qui remettent en cause l’indépendance du pays.
Le contrôle des rentes liées au secteur de l’énergie explique l’absence de concurrence politique réelle (pas de contre-pouvoir et pas de partis d’opposition). Il n’y a aucune sanction par les élections de la mauvaise gestion du pays.


VI. Réformes : maintenant ou jamais
A)    Contrôle de la corruption : pas de politique cohérente
La Russie et l’Ukraine sont dans une situation très mauvaise selon le classement de « Transparency international » 147ème place sur 180. La corruption est un problème, mais surtout les détournements et les rentes, la situation n’a fait qu’empirer sous Ianoukovitch.


B)    L’Etat de droit : les citoyens ordinaires ne sont pas protégés
En d’autres termes, cela signifie l’égalité des citoyens face à la loi. L’Etat de droit est très mauvais en Ukraine et encore plus bas en Russie (cf. l’indicateur de la Banque Mondiale). Il illustre de vraies différences avec la Pologne et même la Roumanie.


C)    Liberté d’expression, prise de parole et responsabilité des gouvernants :
L’indicateur de la Banque Mondiale permet de mettre en évidence le degré de responsabilité des hommes politiques. L’Ukraine est mieux évaluée que la Russie mais ce n’est pas fondamentalement mieux. Si l’indicateur est très faible, cela peut être un signe de probables révolutions comme cela fut le cas dans les pays arabes avant les révolutions. Il s’agit d’avoir la possibilité de parler de ce qui ne va pas et d’obliger les responsables politiques à rendre des comptes.


D)    Efficacité du gouvernement : qui dirige ?
En Ukraine, les règlements sont élaborés comme justificatif de l’arbitraire et non pour améliorer le fonctionnement de l’économie.


Ce qui a été mis en place pour le moment, dans l’urgence. Les économistes sont partagés certains disent qu’il faut aller vite dans le processus de réforme pour contrer les rentes de situation. D’autres disent qu’il faut aller plus lentement pour permettre les ajustements nécessaires. La thérapie de choc (à la polonaise) mise en œuvre durant les années 1990 est une option. C’est à la population de choisir parmi toutes les solutions. Les défenseurs du renforcement de la rente énergétique ne veulent pas de ce choix. Alors, ce qui a été mis en place pour le moment, dans l’urgence :
-    Loi sur les appels d’offres : cela oblige à rendre les appels d’offres transparents
-    Loi pour faire face à la catastrophe financière 
-    Loi de lustration des juges : Il faut voir si les fonctionnaires peuvent prendre de fonctions de juge s’ils ont été liés à la corruption ou à des actes illégaux.
-    Au niveau des décisions économiques : le gouvernement a cherché à préserver les retraites, augmenter et améliorer la collecte des impôts afin de combler le déficit, un impôt plus progressif, augmenter les taxes sur l’alcool et le tabac, supprimer les subventions concernant les tarifs de l’énergie, baisser de 10% le nombre de fonctionnaires, augmenter les privatisations et baisser les taux d’intérêts.


A ce jour, il existe des promesses d’aide à hauteur de 27 milliards de dollars pour l’Ukraine. C’est insuffisant pour faire face à la crise mais c’est un début. Dans ce cadre, l’UE contribue largement au sauvetage financier de l’Ukraine car elle veut éviter la déstabilisation du pays.


VII. Le gaz : une arme politique
L’Ukraine ne peut pas se passer du gaz russe à court terme. D’ici 2-3 ans, il existe des possibilités de substitution (transition énergétique et autres approvisionnements). Aujourd’hui, les entreprises ukrainiennes sont très inefficaces au niveau de la consommation d’énergie. Le problème est qu’il existe une rente gazière et un clientélisme (achat de votes) derrière ce système.


La question de la construction européenne est, aujourd’hui, liée à la crise du gaz. La forte dépendance de certains pays est problématique (Bulgarie, Etats baltes, Pologne …). L’Europe dispose de réserves pour tenir quelque temps mais ce n’est pas l’intérêt de la Russie de couper le gaz. L’Ukraine refuse d’importer le gaz russe au prix fixé début avril par la Russie (485 US$  pour 1000m3).


Le gaz est une arme utilisée par la Russie dans les négociations avec l’UE et l’Ukraine. La carte des gazoducs est, en ce sens, très politique. Ce n’est pas un abus de langage de dire que la Russie est gouvernée par Gazprom. La rente gazière procure des revenus importants pour le budget de la Russie et les citoyens ne sont plus contributeurs et donc moins critiques vis-à-vis de l’usage des impôts sur l’énergie. Cela se vérifie dans tous les pays où la rente pétrolière et gazière est substantielle.


En Ukraine, on assiste à une crise de financement dans le court terme. D’ici un à deux ans, cela peut se résoudre. Maïdan est un mouvement de contestation de la gouvernance de l’Etat. Un Etat qui ne protège pas ses citoyens. Pour l’économiste, il faut voir comment on réforme un Etat qui n’est pas au service de ses citoyens. La rente du secteur énergétique devrait être au cœur de la stratégie de réforme.

 

 Par Anthony Pierini

 

Boris Najman est économiste et travaille sur la Russie et l’Ukraine, en particulier la mobilité du travail, la gouvernance et le secteur informel. Les enquêtes ménages réalisées dans ces pays permettent de suivre les individus sur plusieurs périodes et ainsi d’observer l’offre de travail en période de crise où le salaire déclaré baisse fortement. Boris Najman a travaillé avec Viktor Pynzenyk (Vice-Premier Ministre ukrainien) sur les questions budgétaires et sociales ainsi qu’à l’introduction de la Hryvnia – monnaie ukrainienne.

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30 avril 2014 3 30 /04 /avril /2014 16:05

conference-Ukraine-6-mai-2014.jpg

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24 mars 2014 1 24 /03 /mars /2014 23:26

inalco-conference_Ukraine_1er_avril.jpg

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20 mars 2014 4 20 /03 /mars /2014 14:34

MICT-Fr.Ukr.23.jpg

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6 mars 2014 4 06 /03 /mars /2014 20:58
Ukraine : les candidats à la présidentielle demain à Paris
 

La Règle du jeu accueille à Paris une importante délégation de la société civile ukrainienne et les deux candidats les plus populaires à l’élection présidentielle, Petro Porochenko et Vitali Klitschko.

Cette visite survient à un moment dramatique de l’histoire de l’Europe : le nouveau parlement de Crimée, élu sous les fusils mitrailleurs de l’armée russe, a voté la tenue d’un référendum le 16 mars dont le but est d’entériner le rattachement à la Fédération de Russie.

Cette flagrante violation de la Constitution ukrainienne et de la loi internationale rappelle à s’y méprendre l’annexion des Sudètes et l’Anschluss de l’Autriche par Hitler. Là aussi, des populations germanophones l’ont acclamé. Seulement, cela s’est terminé par la Seconde guerre mondiale.

Pour protester contre les agissements de la Russie de Poutine et soutenir le peuple ukrainien dans sa lutte pour la démocratie et un Etat de droit bâti sur un modèle européen, La Règle du jeu organise à Paris, au Cinéma Le Saint-Germain, un rassemblement public où s’exprimeront, dans un débat animé par Bernard-Henri Lévy et Galia Ackerman, les invités suivants : outre les deux candidats à l’élection présidentielle (Petro Porochenko et Vitali Klitschko), Сonstantin Sigov, philosophe et directeur du European Research Center ; Leonid Finberg, directeur du Center of Jewish Studies ; Oleksiy Panych, professeur de philosophie à la Donetsk University ; Yelizaveta Shaposhnik et Olesya Zhukovskaya, héroïnes du Maidan.

Des rencontres seront organisées, au plus haut niveau, avec les autorités de la République française.

C’est en Ukraine que se joue l’avenir de l’Europe. Mobilisons-nous contre l’irréparable !

 

Rendez-vous demain, vendredi 7 mars 2014

à 20h30

Au cinéma Saint-Germain-des-Prés
22 rue Guillaume Apollinaire
75006, Paris

Entrée libre et gratuite

Réservation conseillée : redaction at laregledujeu.org  -  01 45 44 98 74

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29 janvier 2014 3 29 /01 /janvier /2014 14:06

Institut d’Histoire sociale
4, avenue Benoît-Frachon
92023 Nanterre

Jeudi 6 février  2014 à 18 heures
         nous recevrons



Annie Daubenton:

Le soulèvement ukrainien
En 1989/1990, l’Europe de Prague, de Berlin-Est et Bucarest a retrouvé celle de Paris, Londres et Bonn. Voilà que frappe à notre porte une autre partie de l’Europe, qui fut beaucoup plus longtemps communiste et dont l’indépendance a été étouffée par l’Etat russe et soviétique. L’appel à la liberté se fait entendre en Ukraine contre un régime incomplètement débarrassé de ses oripeaux communistes.

Quelle a été la genèse de la révolte ? Quelles sont les différentes tendances du mouvement ? Est-il soutenu par toute la population ? Quels sont les enjeux de cette lutte et quelles solutions envisager ?

Annie Daubenton nous aidera à répondre à ces questions.
Correspondante permanente de Radio France à Moscou puis conseillère culturelle à l’Ambassade de France à Kiev, elle est l’auteur de :
Ukraine, les métamorphoses de l’indépendance (Buchet-Chastel 2009)



Entrée libre, dans la limite des places disponibles.
La conférence-débat se poursuivra, pour ceux qui le souhaitent, autour d’un repas dans le restaurant voisin (29€). Il nous faut pouvoir, à l’avance, indiquer au restaurateur le nombre exact de convives ; nous comptons donc sur votre compréhension pour nous faire part de votre demande d’inscription AVANT le mercredi 5 février 2014 , en nous précisant bien si vous souhaitez vous joindre à nous pour le dîner.

 

Conférence-Diner-débat

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