Borys Gudziak est évêque gréco-catholique, éparque de l'éparchie de saint Vladimir-le-Grand de Paris des Byzantins-Ukrainiens depuis 2013. Le 27 septembre 2013, il a signé l’achat d’une église à Senlis. Nous l’avons interrogé sur la finalité de cette opération et sur les projets liés.
- Comment est née l’idée de l’achat de cette chapelle à Senlis ?
Je dois avouer que je n’en suis pas l’auteur, j’en ai « hérité » à la suite de ma nomination en France. Pendant mon premier voyage à Paris, la veille de l’intronisation, le curé de la cathédrale Saint-Volodymyr, père Mikhaylo Romanuk, m’avait parlé de ce projet. Il a été le porte-parole d’un groupe d’initiateurs parmi lesquels les plus enthousiastes étaient Anna Canter et Victoria Dellinger, qui sont engagées dans les activités sociales et paroissiales de Senlis depuis plusieurs années. L’idée de l’acquisition d’une église dans la ville où habitait la reine de France Anna Yaroslavna les a passionnés.
Le jumelage entre Senlis et l’arrondissement Petcherskiy de Kyiv a développé la conscience de l’importance de l’héritage d’Anna Yaroslavna. Avec l’aide du président Viktor Youstchenko, le deuxième monument de la reine a pu être érigé à Senlis. Ces dernières années, une école a été baptisée en l’honneur d’Anne de Kyiv.
Ainsi, l’intérêt envers Anne de Kyiv et sa ville de Senlis a grandi dans la communauté ukrainienne. C’est sur cette toile de fond qu’a surgi l’idée de l’acquisition d’une église, où l’on pourrait réaliser des services réguliers, présenter l’héritage de la fille du grand prince Iaroslav le Sage et la culture ukrainienne de manière générale.
Néanmoins, cela aurait pu rester encore très longtemps à l’état de projet si des hommes d’affaire de Lviv ne m’avaient fait l'honneur de leur présence lors de mon intronisation le 2 décembre 2012 à Notre Dame de Paris. A l’occasion de leur séjour à Paris, ces amis lviviens ont visité Senlis et ont décidé de donner un signe fort : faire un cadeau royal, en contribuant à l’achat de l’église à Senlis. Plus précisément, cette rencontre entre des Senlisiens enthousiastes, des pèlerins de Lviv, Kyiv et d’autres villes d’Ukraine, d’Europe occidentale, des Etats-Unis et du Canada lors des fêtes de décembre a permis de répondre aux défis financiers et juridiques et de concrétiser l’achat de l’église le 27 septembre dernier.
Le 16 novembre, nous allons prier tous ensemble pour la première fois dans cette nouvelle église et nous organisons le même jour un débat avec la communauté ukrainienne au sujet du devenir de l’église et du centre culturel Anna Yaroslavna. J’espère que les travaux de rénovation du bâtiment pourront débuter l’année prochaine.
Selon moi, dans chaque affaire ce n’est pas seulement le but qui est important mais également le travail quotidien qui permet de l’atteindre. Jusqu’ici ce travail a été inspiré, positif et efficace. J’espère que l’église de Senlis permettra de mobiliser et d’unir des fidèles de France et d’autres pays.
- Vous avez évoqué les montants de 203 000 € pour l’achat et 1 500 000 $ pour les travaux nécéssaires à ce projet. Qu’est-il exactement prévu de créer à Senlis?
Dans cet édifice, nous devrons reconstruire un temple qui portera le nom des grands princes martyrs Borys et Glib. Nous y créerons le centre culturel Anna Yaroslavna et probablement un logement pour le prêtre ainsi que des bureaux administratifs pour mener les activités spirituelles et culturelles de l’église comme du centre culturel.
Le cahier des charges n’en est qu’à ses débuts. Nous invitons donc la communauté internationale à nous rejoindre pour créer un consensus général et mobiliser tous ceux qui comprennent la spécificité du projet. J’attends avec beaucoup d’espoir ces rencontres qui permettront, je l’espère, d’initier beaucoup d’idées et de perspectives. Il est clair que cet endroit doit être un lieu de culte où l’on fera connaissance avec la tradition chrétienne millénaire ukrainienne, ainsi qu’avec l’héritage d’Anna Yaroslavna et la mémoire ukrainienne en France.
Les visites de cet endroit saint et de ce centre culturel ne doivent pas porter uniquement sur le côté mémoriel ; nous souhaitons que Senlis devienne, avec Paris et Lourdes, une étape habituelle pour les pèlerins et touristes d’Ukraine. Dans ces lieux devrait être menée la réévaluation spirituelle et artistique des questions liées à notre appartenance à la culture européenne, aux relations franco-ukrainiennes, à notre culture, à l’art, à la musique et à histoire. Paris et Senlis sont une plateforme parfaite pour la visualisation et la création des projets d’avenir.
L’une des dimensions principales de cette modalité se cristallisera dès le premier jour, le 16 novembre prochain. Les invités du centre et de l’église doivent devenir également des acteurs, en apportant des propositions sur le programme et le style du projet. Ce samedi 16 nous proposerons un débat public autour de plans architecturaux et de leur contenu. Bien sûr, le centre Anne Yaroslavna sera un promoteur de la femme ukrainienne et de son rôle important dans l’histoire contemporaine. Parallèlement, une réflexion sur les défis qui se dressent devant les hommes ukrainiens pourrait se matérialiser par la création d’une confrérie Borys et Glib à Paris. C’est l’héritage symbolique de Borys et Glib pour notre société déchirée et notre politique sans ambition.
- Quelles seront les sources de financement?
Actuellement, l’éparchie de Saint Volodymyr n’a pas les moyens de réaliser les travaux et installations nécéssaires. En parallèle avec le programme de fonctionnement, nous réfléchissons au système de financement ; par ailleurs, nous avons déjà les premiers soutiens. Ainsi, un jeune couple américain nous a écrit qu’à l’occasion de leur mariage ils veulent nous soutenir et faire un don pour l’église. La nouvelle de l’acquisition de l’église Borys et Glib s’est répandue en un clin d’œil en Ukraine comme sur tous les continents. Nous espérons que cet intérêt virtuel aura également une dimension d’engagement personnel pour le développement d’un centre innovant dans son environnement.
J’espère trouver un large soutien des donateurs pour ce projet comme pour l’éparchie.
- Est-ce que les investissements sont une priorité de l’église gréco-catholique aujourd’hui?
Les investissements sont toujours une priorité pour l’Eglise. Il reste à définir quels investissements précisément. Vous m’interrogez en ce qui concerne les investissements matériels. La confrontation automatique du matériel et du spirituel est une erreur. La chrétienté est également une religion matérielle. Le fils de Dieu s’est incarné. Si pour Dieu le matériel n’était pas important, Il ne l’aurait pas béni par sa présence.
L’église ukrainienne gréco-catholique, à qui il manque souvent en Ukraine et à l’étranger des infrastructures, a besoin d’en posséder certains instruments, y compris de l’immobilier, nécessaire au contenu spirituel.
Selon moi, il est très important que les démarches matérielles ne laissent pas à part les idées, les valeurs et les engagements humains. C’est la raison pour laquelle dans le projet de Senlis les rencontres et la maturation des consciences sont d’une importance capitale. C’est sur cela que nous prévoyons de nous focaliser prochainement et nous invitons tous les lecteurs à y participer, à partir de cette rencontre du 16 novembre.
- Vous proposez d’acheter des églises, or en Europe occidentale de plus en plus de bâtiments de culte restent vides en raison du manque de prêtres. Alors, cela vaut-il la peine d’acquérir une église quand il y a la possibilité d’utiliser gratuitement des édifices existants, même s’ils ne sont pas la propriété de l’église ukrainienne ?
Je propose beaucoup de choses. Je propose de croire en Dieu qui œuvre parmi notre peuple, de la même manière que parmi d’autres. La proposition concernant les églises provient de notre mission principale qui concerne le développement spirituel et le développement sociétal. J’ai la foi que Dieu nous appelle à une vie dynamique et fructueuse. Nous sommes appelés à grandir. Mes propositions n’excluent pas votre intuition. Mais nous sommes conscients que trop souvent nous avons des positions incertaines, juridiquement non confirmées.
Ainsi, aujourd’hui à Paris nous avons une école ukrainienne de 115 enfants qui ne possède qu’une seule salle. Les cours et les rencontres se déroulent dans mon modeste bureau ou dans le bureau du curé. La salle est divisée en deux parties pour deux classes. Dans des conditions pareilles, il est difficile de donner des cours et de garder les enfants concentrés. D’autres classes sont dispersées dans des églises catholiques romaines. Nos enfants ne méritent-ils pas mieux ? Je propose qu’une partie des moyens collectés par les entrepreneurs ukrainiens soit destinée à satisfaire des besoins matériels, moraux et spirituels de nos enfants, de la jeunesse, des séniors, des immigrés et des démunis. Il me semble qu’il est temps de devenir les maîtres en Ukraine comme en dehors. Je sens que nombreuses seront les personnes qui soutiendront cet appel et cette vision des choses. Les autres les rejoindront plus tard, quand ils verront les premiers résultats et les fruits spirituels obtenus.
Pour tout cela il faut être courageux, entreprenant et plein d’entrain.
- Pensez-vous que les investissements matériels dans des pays tels que la Suisse ou les Pays-Bas seront en adéquation avec le nombre de fidèles qui y habitent ? Les paroissiens gréco-catholiques ne seraient-ils pas plus nombreux en Espagne ou Italie ?
Ni l’Espagne ni l’Italie ne font partie de ma juridiction, alors il m’est difficile de me prononcer sur le sujet. Posséder sa propre maison en Suisse ou aux Pays-Bas est nécessaire. Notre communauté dans ces deux pays en est déjà à la quatrième génération. L’absence d’infrastructures et la faiblesse de notre implication dans la vie citoyenne et dans la vie de la paroisse sont liées.
- Avez-vous des projets concernant l’immobilier qui appartient à l’épiscopat gréco-catholique et qui tombe en ruines, tel que, notamment, le bâtiment de la société scientifique Chevtchenko à Sarcelles ?
Depuis un an dans l’éparchie nous menons un audit pastoral, administratif, financier et matériel et celui des biens immobiliers. Pour cette raison je me suis rendu à Sarcelles à de nombreuses reprises – tout seul comme accompagné des représentants de la communauté internationale scientifique ukrainienne, dans le but d’appréhender son triste état.
Avec des établissements tels que Sarcelles, il faut réaliser que la mémoire héroïque et glorieuse du passé ne peut pas toujours être une assurance pour un avenir radieux. Est-ce que Sarcelles est le meilleur endroit pour le futur développement scientifique en région parisienne ? Il nous faut y réfléchir ensemble. Depuis plus d’un quart de siècle à Sarcelles, les ressources matérielles et humaines pour la recherche sont absentes. Il est probable qu’il y a pour cela des raisons objectives.
Récemment je suis allé aux Etats-Unis où je me suis entretenu avec l’académicien Leonid Roudnytskiy, qui est à la tête du Conseil mondial de la Société Scientifique Chevtchenko. Par ailleurs, je mène des consultations avec d’autres institutions en ce qui concerne le projet de Senlis comme celui de Sarcelles et sur d’autres problématiques qui se dressent devant nous. Ces entretiens me permettront de mieux comprendre le rapport entre les besoins et les moyens existants et de recueillir le consensus le plus large.
Un équilibre entre le réel et le souhait est primordial. Sommes-nous prêts à travailler de manière constructive et dynamique, jusqu’à l’oubli de soi-même ? Sommes-nous efficaces ? Je suis convaincu que dans les domaines spirituel, social, académique et culturel nous avons de merveilleuses opportunités en France, en Suisse et au Benelux. C’est une approche que je propose pour tous les défis et problématiques complexes qui se dressent devant nous.
- Quelles autres priorités voyez-vous pour la communauté ukrainienne en France ?
La communauté ukrainienne en France nécessite une consolidation – morale, structurelle et institutionnelle. Elle est marquée par des divergences. Elle souffre également de problèmes politiques et sociaux qui existent en Ukraine et qui touchent les migrants ukrainiens qui viennent en France à la recherche d’un gagne-pain. Il lui manque des infrastructures qui devront assurer les besoins d’une nouvelle vague de migrants.
A mon avis, nous devrons premièrement créer une atmosphère de dynamisme, dans laquelle les échanges et le travail chasseront les conflits, les préjugés, les plaintes et la critique destructrice. Nous sommes tous appelés à la plénitude et au bonheur et nous ne devons pas douter de notre dignité. Nous chérissons notre composante spirituelle, nationale et culturelle, et restons ouverts à un dialogue et une coopération avec le monde qui nous entoure. A mon avis, notre ouverture institutionnelle à tous les gens de bonne volonté est primordiale aujourd’hui.
Quels défis se présentent-ils à vous ? Quelles ressources possédez-vous pour y répondre ?
Mon premier défi a été de comprendre la situation sur place, ne pas hâter les décisions non-réfléchies, et écouter attentivement les gens. Je pense que j’ai bien écouté et bien entendu. Le temps de la réflexion préalable est passé et j’ai compris que nous avons besoin de plus de collaborateurs. Pour les cinq pays, nous avons 16 prêtres alors qu’il en faudrait 30 ou 40, voire 50 pour satisfaire les besoins existants. Je suis à la recherche de nouveaux candidats et j’espère que prochainement notre communauté fera connaissance avec ces jeunes et dynamiques prêtres prêts à donner beaucoup d’eux-mêmes.
Il est important d’attirer des gens qui, pour une raison ou pour une autre, ne sont pas encore impliqués au sein de nos entreprises sociales ou spirituelles. Par exemple en France tous les ans 2 000 étudiants ukrainiens viennent faire leurs études. Jusqu’ici, ni l’église ni la communauté n’ont réussi à les attirer.
Le travail avec la jeunesse est très important et je suis très satisfait du travail des écoles ukrainiennes et de catéchisme. Nos enseignants, plus précisément nos prêtres et nos sœurs travaillent avec passion au quotidien. La jeunesse est notre avenir.
Actuellement, je reçois chez moi un symposium philosophique avec la participation de chercheurs : sociologues et théologiens de premier plan qui représentent 8 pays. Alors, j’ose espérer que notre quotidien sera marqué par la pensée scientifique, critique mais créatrice. Notre cathédrale à Paris rayonne par son enthousiasme, on y prie en communauté en chantant. C’est un bon point de départ.
Pour tous ces projets d’augmentation du personnel et de développement de l’infrastructure, il faut savoir trouver des moyens. Ce sont des tâches qui me préoccupent depuis ces derniers mois.
- Il y a quelques mois vous avez visité l’ancienne colonie de vacances de Mаcwiller en Alsace. La communauté ukrainienne de la Moselle voisine espérait votre visite. Aujourd’hui, vous avez la possibilité de vous adresser à eux.
Je m’adresse avec joie à tous vos lecteurs en les assurant que nos prêtres et moi ferons tout notre possible pour tendre la main à chaque âme, ukrainienne ou autre. Les habitants de Moselle connaissent bien ce lieu ukrainien à Macwiller, qui est étroitement lié aux activités du père Pavlo Kogut. Durant l’été 1982, étant séminariste à Rome, j’ai travaillé avec père Pavlo et j’en garde un souvenir précieux. Dans cet endroit, on apprenait le catéchisme comme des chansons traditionnelles ukrainiennes. Des couples se formaient, des gens de différentes générations se retrouvaient, venus de toute la France et de l’étranger. J’ai séjourné à Macwiller à plusieurs reprises. Aujourd’hui les bâtiments sont fermés et il n’y a plus aucune activité : ils ne correspondent plus aux normes et pour les rénover il faudrait des centaines de milliers d’euros.
Je souffre de voir cette maison vide se dégrader, je me désole que depuis trente ans la société scientifique à Sarcelles soit éteinte, que l’hôtel ukrainien à Lourdes soit fermé depuis 5 ans parce qu’il ne correspond plus aux normes. Pourtant tous les ans ces bâtiments coûtent bien cher en assurances et en impôts. La communauté n’en tire pas bénéfice. Voilà pourquoi j’étais pressé de tout voir de mes propres yeux, de comprendre la situation et de rencontrer les personnes porteuses de leur histoire.
Mon champ de travail est grand, il comprend cinq pays. C’est plus que le territoire d’Ukraine. J’espère que les habitants de Moselle comme tant d’autres pardonneront à leur évêque qu’il n’ait pas pu se rendre dans chaque communauté durant les premiers mois de ses fonctions sur un territoire si vaste et si complexe.
J’ai un budget annuel de 35 000 € pour toute mon activité épiscopale sur 5 pays. Avec un tel budget, on comprend pourquoi mon prédécesseur n’avait ni secrétaire, ni chancelier, ni gestionnaire. Jusqu’à récemment à Paris il n’y avait qu’un seul prêtre, celui de la cathédrale. Mon prédécesseur, feu l’exarque Mikhaylo Gryntchychyn, n’a pas pu me transmettre les dossiers, car il n’avait pas d’assistant ni de chancelier. C’est pourquoi actuellement je dois faire un travail de détective et essayer de comprendre quel est l’état des choses dont j’ai hérité – quelle est la situation pastorale, canonique, financière et matérielle.
C’est la raison pour laquelle, avec l’accord du patriarche Svyatoslav Chevtchouk et du Saint-Synode, nous réalisons le premier audit extérieur transversal de l’histoire de notre église. J’espère que l’apparition de nouveaux prêtres, la normalisation des questions juridiques, fiscales et immobilières permettra de nous propulser sur de nouvelles bases de travail spirituel. Ce sont des réformes qui sont difficiles à mettre en place en quelques mois. J’ai des engagements par ailleurs : jusqu’en septembre je resterai recteur de l’Université catholique ukrainienne de Lviv. Je suis également à la tête de la commission de ressources humaines de la Province ecclésiastique de Kyiv-Halych et je suis également le membre du Saint-Synode de l’église gréco-catholique ukrainienne.
Je me sens coupable devant les Mosellans et les autres fidèles dont les attentes sont fortes. Je n’ai pas encore pu y répondre. J’espère pouvoir le faire dans un avenir plus ou moins proche. Pour l’instant, j’invite tout le monde à nous rejoindre le 16 novembre à Senlis et le 17 novembre à Notre Dame de Paris. Nous allons travailler dur, car il faudra de nombreuses années pour se sortir de la situation actuelle. Nous aurons besoin d’aide de tous les bords.
- Vous avez dit que parmi les Ukrainiens à l’étranger il y a différents courants et contre-courants. Comment pourrait-on les réunir, à votre avis ? Et est-ce le rôle de l’église que d’appeler à s’unir, cette même église qui durant des siècles s’est divisée et a lutté au sein d’elle-même ?
J’appelle de nouveau tous les croyants à se focaliser sur des choses positives. L’église comme la société commettent beaucoup de pêchés, mais jamais aucune institution mise à part l’église n’a démontré autant de possibilité et d’envie de « rassembler ceux qui existent dispersés ». L’église le fait depuis plus de 1000 ans et va continuer à œuvrer dans ce sens.
Tout n’est pas rose, mais notre Eglise en Europe occidentale œuvre beaucoup envers les emigrés économiques et les plus nécessiteux (je vous rappelle la modicité de notre budget). A mon avis, le monde des affaires comme l’Etat pourrait suivre cet exemple et s’appliquer davantage à la consolidation des Ukrainiens à l’étranger. Aujourd’hui nous en avons l’excellente occasion.
- Quelle est votre opinion sur des mythes historiques ? Cela vaut-il la peine de faire vivre les légendes, sous prétexte que les gens aiment les symboles et les références à l’histoire ancienne ? Ne serait-il pas préférable de les démystifier (prenons pour exemple la légende selon laquelle la ville d’Orly a été ainsi baptisée en l’honneur de Grégoire Orlyk) ?
Je suis historien et je pourrais consacrer à ce sujet une interview à part entière. Mais pour être bref, je dirais qu’il ne faut pas laisser perdurer les fantasmes objectivement erronés. Je suis partisan de la destruction des mythes. Néanmoins, une civilisation et une culture sont caractérisées par sa vision et sa réinterprétation de symboles et de signaux. Voilà pourquoi la réappropriation des symboles historiques comme contemporains peut apporter de grandes choses à notre époque. La déconstruction complète de tous les symboles et de toutes les traditions a été néfaste et a appauvri notre vie moderne. Au sens strict, un mythe est un mensonge. Néanmoins, si on prend le sens plus large du mot mythe, alors il s’agit de la signification profonde d’une certaine vision de l’histoire, de sa narration, de son cadre. Je suis partisan d’une recherche en profondeur.
Propos recueillis et traduits par Olga Gerasymenko
Le bulletin d'Octobre 2013 de Perspectives Ukrainiennes est disponible sur la page Archive des bulletins de Perspectives Ukrainiennes ou en cliquant ici
Au sommaire:
p. 1 : Le mois en images
p. 2-4 : Entretien avec Borys Gudziak, Exarque apostolique pour les ukrainiens de France
p. 5 : Exposition concours UART 2013
p. 6-7 : Rencontre avec Jean Avy, artiste peintre et musicien
p. 8 : Actualité du livre
Le bulletin de Septembre 2013 de Perspectives Ukrainiennes est disponible sur la page Archive des bulletins de Perspectives Ukrainiennes ou en cliquant ici
Au sommaire:
p. 1 : Editorial
p. 2-4 : « Les Français à Odessa » Un projet éditorial devenu réalité
p. 5-6 : Jean Munsch : Le Lorrain – Ukrainien
p. 7 : Bons baisers du passé...
p. 8 : Expositions
p. 9 : Actualité du livre
Entretien avec Rouslan Syvoplyas (RS) coordinateur du projet éditorial et Oleksandr Galyas (OG), auteur du livre
Qu'est-ce que vous a incité à vous pencher sur la memoire française d'Odessa?
RS – En juillet 2010 j'étais à la tête d'une filiale régionale du Crédit Agricole à Odessa. Nous nous apprètions à récevoir une délégation de la maison mère de Paris. En nous préparant à cette visite, nous avons eu envie de raconter des choses intéressantes et des faits marquants sur Odessa et je me suis aperçu que les informations sur le rôle que les Français ont joué dans l'histoire de la ville sont dispersées. Il n'existait pas d'édition qui évoquait de manière chronologique l'impact que les ressortissants français ont eu sur les développements économiques, culturels, artistiques d'Odessa ainsi que dans d'autres domaines. En conséquence, après l'excursion dans la ville, lors de laquelle nos collègues français ont découvert l'Odessa française, je me suis adressé au Président du conseil de direction de la banque, monsieur Philippe Guidez avec une proposition de soutenir l'édition du livre “Les Français à Odessa”. Il a soutenu cette idée. Après quoi, Oleksandre Gallas, mon ami journaliste et écrivain odessite et moi, nous avons commencé à nous documenter.
Aujourd'hui je ne fais plus partie du groupe Crédit Agricole mais je veux leur exprimer encore une fois toute ma gratitude pour leur soutien et leur financement au projet.
Un peu plus tard, nous avons convié des collaborateurs de l'Alliance Française à Odessa pour contribuer à celui-ci. Ils nous ont aidé à rassembler les informations, à rédiger et traduire le livre en français. Ils ont également organisé sa présentation le 27 avril dernier qui a eu lieu dans la bibliothèque nationale d'Odessa de Gorkiy, en présence de son excellence l'ambassadeur de France en Ukraine Alain Rémy.
Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre?
OG – Je m'intéressais à la France bien avant d'avoir lu “Les trois mousquetaires”. Au début du siècle dernier mon grand père a travaillé chez le comte Tolstoi, dans les bâtiments où actuellement se trouve la Maison des Chercheurs. Un jour, il a été amené à accompagner le comte en France. Les photos de ce voyage m'ont impressionné quand j'étais gamin. Après, j'ai beaucoup lu sur l'histoire de France et des Français. J'écoutais les chansons françaises, dont au moins deux interprètes ont des racines odessites : Joe Dassin et Serge Gainsbourg…
Pourquoi avez-vous décidé de faire le livre dans les deux langues? Qu'est-ce qui intéressera un francophone et attirera un lecteur ukrainophone?
OG - Selon l'objectif du livre, il devait être offert à des bibliothèques, des universités et écoles. Nous avons visé un public francophone pour lui faire connaitre les Odessites d'origine française, et la langue officielle du pays étant l'ukrainien.
Les Odessites et d'autres lecteurs d'Ukraine seront curieux d'apprendre que le caractère si particulier d'Odessa, ce qu'on appelle “la mentalité odessite” a été en grande partie impacté par des Français et notamment le duc de Richelieu. Odessa a eu la chance qu'au tout début de sa fondation il a été à sa tête. Il réunissait en lui-même beaucoup de qualités – du talent exceptionnel de gestionnaire jusqu'à une modestie hors du commun.
Parlez-nous du duc de Richelieu – comment a-t-il rejoint Odessa et quel a été son destin après sa carrière à la tête de la ville?
OG – Je me permettrai de citer le livre.
Armand-Emmanuel-Sophie-Septimanie de Vignerot du Plessis, duc de Richelieu... De cette longue liste de noms et de titres, les Odessites n'ont retenu qu'un seul : le duc. Mais quel interêt pourrait-on porter à ce mot une foit traduit en français ? Dans l'histoire mondiale, il existe en effet plusieurs ducs renommés, mais dans l'histoire d'Odessa, il n'y a qu'un seul : Richelieu.
Après la révolution française, en 1790, Richelieu part à la guerre russo-turque, où il a participé notamment à la prise de la forteresse d’Izmail. Pour son courage pendant ce siège, il a été décoré de l’ordre de Saint Georges de 4e classe et a reçu une épée en or – ses premières distinctions dans un pays qui deviendra bientôt sa deuxième patrie. Après la prise de la forteresse, Richelieu revient dans les quartiers du prince Grégoire Potemkine qui le reçoit très aimablement et lui propose de l’accompagner à Saint-Pétersbourg. Cette invitation était très alléchante parce que la gloire du jeune Français était parvenue jusqu’à l’impératrice. Néanmoins, il fut obligé de la décliner et de revenir en France pour régler une succession. Quelques années plus tard il écrit à Alexandre Ier en lui demandant d’être engagé. Il reçut rapidement une réponse positive. Ainsi, en octobre 1802 Richelieu arrive à Pétersbourg où il reçoit de l’empereur 10 000 roubles « pour s’établir », ainsi qu’une propriété à Kouzeme (ndt : une région de Lettonie). Il est gradé général-lieutenant et il reçoit La Croix de commandeur. Alexandre Ier lui proposa plusieurs postes dont Richelieu choisit le poste à la tête de la ville d’Odessa.
En ce qui concerne ses activités à la tête d’Odessa et la suite de sa carrière en France en tant qu’homme d’Etat, nous en parlons en détails dans le livre et j’invite tous vos lecteurs à le lire.
Comment le livre est distribué? Où peut-on l'acquérir?
RS – Le projet a été sans but lucratif. Donc, le livre est distribué gratuitement dans les écoles, les établissements d'enseignement supérieur et dans des bibliothèques. N'importe qui peut trouver le livre en version PDF sur le site Scribd.com, en passant par son moteur de recherché ou sur la page Facebook de Frenchmen in Odessa.
Quels sont les résultats de 40 ans de jumelage entre Odessa et Marseille?
OG – Aujourd'hui les Odessites n'en ressentent quasiment pas l'existence, même s'il y a des tentatives de renouveler la collaboration. Pour l'heure, de rares echanges ne se déroulent qu'au niveau des administrations des villes.
On peut avoir l'impression que l'initiative du développement des relations franco-ukrainiennes proviennent souvent du coté français. Quel est le rôle des Ukrainiens en leur approfondissement?
RS – Le projet du livre “Les Français à Odessa” temoigne que l'initiative du développement des relations franco-ukrainiennes est bilatérale et mutuelle. En Ukraine il existe plusieurs pôles d'initiative citoyenne. Parmi eux, je peux évoquer le groupe musical VV avec son frontman Oleg Skrypka qui organise régulièrement des veillées à Montmartre. Quant à Odessa, je noterai l'activité de la chaire de langue française de l'Université national d'Odessa.
Parlez à nos lecteurs d'une de vos sources - “Le club mondial des Odessites”?
OG – Le club mondial des Odessites a été fondé en novembre 1990 afin de réunir des personnes “de nationalité odessite” à travers le monde entier. Le but de ce club est d'échanger et transmettre des actualités liées à la ville. Il aide la ville pour préserver son héritage culturel et historique. Depuis sa création l'écrivain Mikhail Jvanetskiy est à sa tête.
Actuellement cette organisation édite activement des livres, mais également le journal “Vsesvitni odeski novyny” (Nouvelles mondiales odessites) et l'almanach litteraire “Derybassivska-Richelieuvska”. Le club mondial des Odessites a été à l'initiative de la création de plaques commémoratives dédiées à Issak Babel, Yuriy Olecha, au peintre Kiariak Kostandi et de l'édification du monument de Babel.
Deux premières éditions périodiques d'Odessa ont été francophones, aujourd'hui édite-t-on à Odessa en français?
OG – En effet, dans l'histoire récente d'Odessa notre livre est une premiere tentative de publication francophone. Et c'est surtout la première édition billingue français-ukrainien dans l'histoire de la ville.
Le lecteur a l'impression qu'aujourd'hui la ville est loin d'exploiter tout son potentiel et ne montre pas des niveaux de croissance comparable à ce qu'elle a vécu il y a 150 ou 200 ans. A votre avis, qu'est-ce qui est nécessaire pour qu'Odessa retrouve son lustre et sa prospérité d'antan?
RS – Odessa a connu son essort grâce à la gestion de la ville par des personnes qui mettaient leurs propres interêts en dessous du bien commun. L'exemple de Richelieu est le plus flagrant. Alors si les pouvoirs actuels reviennent non sur les paroles mais par leurs actes aux valeurs européennes proclamées, Odessa retrouvera son entrain culturel et commercial d'antan.
Quels plans avez-vous pour ce livre et pour vos autres projets?
RS – Malheureusement le budget du livre n'a pas permis d'exploiter tous les documents rassemblés. Alors, nous prévoyons de faire paraitre un livre électronique qui sera plus complet.
Mis à part ce projet, nous travaillons sur un prochain livre : une édition “Les Ukrainiens en France” qui sera également bilingue. Nous souhaitons y rassembler et publier des documents sur des personnalités ukrainiennes qui ont contribué à l'essort culturel et artistique français (en débutant par Anne de Kyiv). Ainsi nous parlerons de Grégoire Orlyk, de Serge Lifar, de Volodymyr Kossyk, d'Arkadiy Joukovskiy, de Borys Goudzyak et de bien d'autres. Ils doivent être reconnus non seulement comme des citoyens français mais comme des enfants de l'Ukraine. Certains de ces documents sont publiés sur notre page de Facebook "Ukrainians in France".
Dans ce livre nous parlerons également des Français qui ont eu des racines ukrainiennes, dont Joe Dassin, Martine de Breteuil, Pierre Bérégovoy, Serge Gainsbourg et Pierre Lazareff. Dans le livre on évoquera les années passées en France par des personnalités historiques et culturelles telles que la poetesse Anna Akhmatova, le chef des mutineries paysannes et un des pères de l'anarchisme Nestor Makhno, le militaire et chef d'Etat Simon Petlura, l'industriel Mikhaylo Terestchenko, la peintre Maria Bachkirtseff, le chanteur et musicien Oleg Skrypka, et de nombreux autres. Nous comptons sur le concours de la communauté ukrainienne en France. Ainsi, nous sommes en contact et comptons collaborer avec la société sientifique Chevtchenko à Sarcelles. Nous allons étudier la possibilité de l'édition de ce livre en format papier. Je profite donc de l'occasion et je m'adresse à tous vos lecteurs pour nous aider à travailler sur ce projet. Tous ensemble nous réussirons mieux ce projet au nom de la préservation de l'identité nationale des Ukrainiens en France et pour la sauvegarde du trésor spirituel de notre peuple!
Propos recueillis par Olga Gerasymenko
Le bulletin de Juillet-Août 2013 de Perspectives Ukrainiennes est disponible sur la page Archive des bulletins de Perspectives Ukrainiennes ou en cliquant ici
Au sommaire:
p. 1 : Editorial
p. 2-3 : Entretien avec Andriy Osadchouk, initiateur du site sur les cartes anciennes d’Ukraine : vkraina.com
p. 4-7 : Anne de Kiev, reine de France, comtesse de Valois
p. 8-10 : Agenda culturel
p. 11 : Actualité du livre
Les cartes géographiques passionnent les géographes, les voyageurs et, depuis relativement peu de temps, les collectionneurs. Un site présentant une collection de cartes anciennes des territoires ukrainiens a été récemment lancé sous le nom de Vkraina.com. Il est consultable en ukrainien et en anglais. La version française n’est pour l’instant pas prévue, mais le site vaut le détour pour admirer le travail minutieux réalisé par des cartographes français sur la représentation des territoires de l’Ukraine actuelle. Parmi eux, le célèbre Guillaume Levasseur de Beauplan, qui a joué un rôle non négligeable pour l’Etat ukrainien.
Andriy Ossadchouk, collectionneur à l’origine du site, nous parle du trésor que constituent ses cartes.
Andriy collectionne les cartes de manière systématique depuis 5 ans. Les cartes de cette collection datent de Renaissance tardive jusqu’à la disparition de l’Etat cosaque, démantelé par Catherine II à la fin du XVIIIe siècle. Andriy a réalisé que la cartographie ancienne reste assez accessible et qu’avec quelques efforts on peut rapidement obtenir des résultats spectaculaires et constituer une belle collection thématique.
Selon lui, c’est grâce aux travaux des cartographes français des XVIe-XVIIe siècle, et notamment Guillaume Beauplan, Nicolas et Guillaume Sansons, de Fer, La Rouge, que le nom « Ukraine », alors déclassé par la Moscovie-Russie, n’a pas disparu des cartes du monde. Ce sont eux qui ont fixé ce nom pour le territoire situé entre les Carpates et la Moscovie sur les cartes européennes et ont diffusé cette connaissance à travers le monde occidental.
Andriy Ossadchouk compare Guillaume Levasseur de Beauplan pour l’Ukraine à Christophe Colomb pour l’Amérique : il l’a fait découvrir au monde occidental. C’est ensuite Nicolas Sansons qui a assuré la diffusion des renseignements fournis par Beauplan, en les reprenant et les rééditant.
« A une certaine époque la cartographie était une affaire d’Etat et était jalousement surveillée. Le nom « Ukraine » ne faisait pas fantasmer, ni à Varsovie ni à Moscou. Il représentait un grand territoire à part, séparé de la Pologne et de la Moscovie. Cela incitait toujours les deux capitales à éviter son utilisation par tous les moyens jusque dans les années 1920. Paradoxalement, ce sont les Soviétiques qui ont réintroduit le nom « Ukraine » sur la scène inte
rnationale. Malheureusement, le peuple ukrainien l’a payé très cher » - explique Andriy Ossadchouk.
Une pièce maîtresse manque pour l’instant à la collection : l’édition originale de la carte de Guillaume Levasseur de Beauplan, éditée en 1660 à Rouen. En effet, le travail de Beauplan, extrêmement intéressant, a failli ne jamais être édité, en raison de difficultés de financement. Sa carte n’a paru qu’en édition originale très limitée même pour cette époque. Néanmoins, des éditions plus tardives de cette carte sont visibles sur le site Vkraina.com.
Par ailleurs, la carte de Beauplan est la première carte aussi précise d’un pays européen. Notons que ni l’Italie, ni la France, ni aucune autre région européenne ne possédait de carte de ce format et avec de tels détails.
Même après tous les efforts des cartographes des siècles précédents, l’Ukraine reste souvent une tache blanche entre la Pologne et la Russie pour les Européens.
Que faudrait-il faire pour que ce blanc se remplisse de couleurs et de traits ? Selon Andriy Ossadchouk, « pour cela tout habitant entre Lviv et Louhansk doit effectuer un travail sur lui-même, et prendre conscience de son identité. Tant que tous les habitants de l’Ukraine ne comprendront pas qu’ils sont les citoyens d’un grand pays avec une grande histoire, le trou restera. Pourtant, même en Europe, peu de pays ont une histoire aussi riche que celle de l’Ukraine.».
Je comparerais l’Ukraine à Apple après le premier départ de Steeve Jobs : une belle histoire sur le déclin, qui a pourtant un énorme potentiel à développer. Tout dépend de nous-mêmes. – dit-il.
Par Olga Gerasymenko
C’est au Moyen Âge, plus précisément en 1051, que la princesse Anne quitta sa ville natale Kiev pour aller épouser Henri Ier, roi de France, petit-fils de Hugues Capet. « Anne semblait digne en tous points de devenir la compagne du roi français. Elle était la fille de Yaroslav le Sage, grand prince des Ruthènes, dont les exploits contre Boleslav, roi de Pologne, avaient porté le nom jusqu’aux confins de l’Occident. » Son aïeul Vladimir le Grand s’était élevé à un haut degré de puissance et, en introduisant le christianisme parmi ses peuples, en 988, leur avait fait prendre place au milieu des nations civilisées. Yaroslav le Sage recueillit l’héritage de Vladimir le Grand. Il fut baptisé en même temps que son père (sous le nom de Youri). Parvenu au pouvoir, il poursuivit la politique de son père et amena l’Etat Kiévien au sommet de sa puissance. Il agrandit Kiev, l’entoura d’un mur d’enceinte, édifia de nombreuses églises et des palais. Il se soucia de l’élévation du niveau d’instruction et fonda des écoles. La célèbre Laure de Petchersk, important centre de monachisme et de rédaction des chroniques, fut elle aussi fondée sous son règne.
Sous Yaroslav le Sage, l’Etat Kiévien entretenait de nombreuses relations internationales. Yaroslav établit des alliances dynastiques avec les familles régnantes de l’Europe entière. Lui-même épousa une Suédoise nommée Ingégerde. Ils eurent 9 enfants : leurs fils Iziaslav qui épousa une princesse polonaise, Vsevolod, une princesse byzantine, Sviatoslav, la petite fille de l’empereur germanique Henri II.
Quant aux filles, Elisabeth, la sœur aînée d’Anne, épousa l’étonnant aventurier Harald le Brave, roi de Norvège, à qui Oslo doit sa fondation en 1058. Veuve, elle s’unit en secondes noces à Sven, roi de Danemark. Sa plus jeune sœur Anastasia, se maria vers 1050 avec le roi de Hongrie André Ier, et Anne épousa Henri Ier, le roi de France.
Malgré 30 ans de règne, Henri Ier est peu connu en France. Par son aïeul Hugues Capet, il descend de Robert le Fort et d’Othon de Saxe, ancêtre des Capétiens et de la dynastie saxonne des empereurs de Germanie. Son père Robert le Pieux eut pour précepteur le moine d’Aurillac, un européen au savoir universel, tour à tour astronome, musicien, diplomate. A l’école de ce savant pédagogue, il devint un prince cultivé, savant même, poète et musicien, en même temps que souverain d’assez grande allure. Il avait voulu pour ses fils une instruction sérieuse, comme celle dont il avait lui-même bénéficié. Mais les circonstances firent de lui un guerrier, tenace et courageux, plus qu’un homme de gouvernement. Il connut sans doute la période la plus difficile qu’ait traversé la dynastie capétienne.
Henri eut quant à lui une enfance difficile ; sa mère, la belle et impérieuse Constance d’Arles, fille du comte de Toulouse Guillaume Taillefer, ne l’aimait pas et lui préférait ses cadets. Sacré à Reims le 14 mai 1027, il prit le pouvoir quatre ans plus tard, à la mort de son père, ce qui fut l’occasion pour Constance de lui créer toutes sortes de difficultés, soulevant même contre lui ses deux jeunes fils Robert et Eudes. Mais c’est seulement après la mort de sa mère en 1032, qu’il put songer à s’établir lui-même et à fonder une famille.
Mais pourquoi Henri 1er, roi de France, choisit Anne pour épouse ? Après avoir perdu en 1044 son épouse Mathilde, fille de l’empereur Henri II, qui ne lui avait pas donné d’héritier, il hésita longtemps avant de la remplacer. Il chercha vainement pendant plusieurs années une princesse en Germanie, car l’église s’opposait à des mariages consanguins, jusqu’au septième degré de parenté. Henri avait le désir de consolider la jeune dynastie capétienne par une union plus féconde que la première. Et lorsqu’il entendit vanter la beauté d’une jeune princesse, dont le père régnait à Kiev, cette ville splendide, aux quatre cents églises, aux coupoles dorées, il décida de demander la main de la fille de Yaroslav le Sage qui occupait un rang glorieux parmi les princes de son temps. Même si ce pays lointain était alors quelque peu mystérieux et peu connu des peuples d’Occident, la renommée de Yaroslav le Sage était parvenue jusqu’à la cour d’Henri Ier. La France n’avait pas seulement besoin d’un héritier, mais de renforcer ses alliances et d’augmenter son prestige auprès des autres royaumes.
Lorsque Henri Ier prit la décision d’envoyer les messagers au « Roi des Ruthènes » pour lui demander la main de sa fille, il chargea de cette mission une équipe brillante, Roger II, évêque de Chalon, Gauthier, évêque de Meaux, Gosselin de Chauny et plusieurs autres grands du royaume. Le retour de cette suite avec la princesse eut lieu entre 1049 et 1050. Le mariage fut célébré le jour de la Pentecôte, le 19 mai 1051, dans la cathédrale de Reims. Ce mariage ne pouvait que renforcer le pouvoir d’Henri Ier, et garantir des liens avec un état puissant, l’Etat de Kiev. Il semblerait qu’à compter de 1059 et jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, plusieurs rois de France, en accédant au trône prêtèrent serment sur un très ancien Evangéliaire que la princesse Anne avait amené avec elle de Kiev. Il est l’un des plus anciens documents de langue ruthène écrit en cyrillique et glagolitique, conservé à la Bibliothèque Nationale.
Anne semblait s’être acclimatée en France : elle partagea la vie errante de son époux, celle des rois et seigneurs en général qui allaient de résidence en résidence, mais elle marqua apparemment quelques prédilections pour celle de Senlis. Le couple royal eut trois enfants : Philippe qui régna après son père, Robert qui mourut jeune et Hugues le Grand, plus tard comte de Crépy et chef de la branche royale de Vermandois.
Selon les témoignages des chroniques, le couple royal paraissait bien s’entendre ; le nom de la reine Anne était mentionné à côté de celui du roi, dans plusieurs actes. Ainsi, le 12 juillet 1058, son nom parut dans un diplôme donné par Henri Ier au monastère de Saint- Maur-des Fossés. La même année elle confirma la charte donnée par son époux en faveur de l’abbaye de Hasnon. Le 29 mai 1059, la reine assista au sacre de son fils Philippe à Reims. A ce moment-là un acte fut donné en faveur du monastère de Tournus.
Henri Ier mourut à Vitry-aux Loges près d’Orléans, le 4 août 1060, à l’âge de 52 ans. Après sa mort, Anne se retira avec ses enfants au château de Senlis. Elle conserva la tutelle et la garde du jeune roi. Au cours des trois années qui suivirent la mort d’Henri, le nom de la reine Anne figura encore dans plusieurs pièces.
Il existait à Senlis, au faubourg de Vietel ou Vitel, une petite chapelle en ruines, dédiée à Saint-Vincent. Autour de cette chapelle s’étendait un vaste pré, appelé le Pré -du-Roi. C’est sur ce terrain que la reine fit construire son abbaye, avec la permission de son fils Philippe. Les travaux terminés le 29 octobre 1065, la consécration de l’église put avoir lieu.
Après la mort de son époux, Anne se consacra à l’éducation de ses enfants, tout en remplissant un rôle politique indiscutable au cours de la première année de régence. Elle agit en souveraine auprès de son fils Philippe, c’est pourquoi son nom fut souvent mentionné à côté de celui-ci.
Puis soudain, elle disparut, on ne parla plus d’elle, ou très peu. Cette brusque disparition nous autorise à placer au cours du deuxième semestre 1061 l’intervention de Raoul, comte de Crépy et de Valois dans la vie personnelle de la reine. La chronique de son temps nous le présente comme un seigneur intelligent, ambitieux, peu scrupuleux, qui ne craignait ni l’armée du roi, ni les censures de l’église, ni l’opinion publique. Il attaqua et s’empara de tout ce qui lui convenait : villes ou châteaux, car c’était un bon chef militaire. Il commença par hériter de Gautier III, son cousin, mort sans enfants, des comtés d’Amiens, de Chaumont, de Mantes et de Pontoise. Puis son épouse Adélaïs, fille du comte Vaucher, lui apporta les seigneuries de Bar-sur-Aube, et de Vitry en Pertois. Sa seconde épouse Haquenez, apparentée aux comtes de Champagne, lui apporta aussi quelques avantages territoriaux. Raoul devint ainsi un personnage puissant. Ce vassal intraitable était à ménager. Henri le savait, c’est pourquoi Raoul apparaissait souvent à la cour.
Restée veuve à l’âge de 30 ans, Anne épousa Raoul de Crépy. Ce mariage survenu 2 ans après la mort d’Henri eut lieu dans des circonstances assez particulières puisque Raoul, déjà veuf de sa première femme, s’était remarié en 1053 avec Haquenez, qu’il avait ensuite accusée d’adultère et songé à répudier. Aucun chroniqueur, aucun document d’époque ne parle de rapt. Il faut attendre l’historien Mézeray, pour apprendre qu’il s’agit d’un enlèvement. Le pape Alexandre II, mis au courant de ce mariage contraire aux lois ecclésiastiques, excommunia Raoul.
Les réactions de l’entourage furent vives. La lettre que le pape avait adressée à la reine Anne est remplie d’exhortation sur les devoirs d’épouse et de mère : « après des compliments sur sa générosité, sa bienveillance envers les pauvres, ses libéralités qu’elle leur fait, il lui conseille de conserver la soumission à l’Eglise, d’y exhorter le roi et d’élever ses fils dans une saine justice ».
Nous savons peu de choses sur ce que fut la vie d’Anne devenue comtesse de Crépy. En 1063, elle se trouvait à Soisson où son fils Philippe confirma une donation faite en faveur de l’abbaye St-Crépin. Le roi signa d’une croix, à côté du monogramme qui le désignait « Philipus ». Anne signa à son tour d’une croix, en caractère slavon. A plusieurs reprises les diplômes royaux ou autres de l’époque signalent sa présence aux côtés de Philippe à Corbie ; en 1067 ils se retrouvent à Amiens.
Raoul de Péronne mourut en 1074. Après sa mort Anne se retira à Senlis, près de son fils le roi Philippe et du prince Hugues, qui assistait son frère dans le gouvernement. Crépy sans Raoul ne signifiait plus rien pour elle. Sa dernière signature date de 1075, sur un diplôme en faveur de l’abbaye de Pontlevoy, près de Blois. Il est probable qu’Anne quitta la cour peu après. A ce moment-là elle n’avait que 52 ou 53 ans. Il y a tout lieu de croire qu’elle se retira dans quelque monastère où elle finit en paix ses jours, dans la prière et dans la pénitence.
Au XVIIe siècle, un savant jésuite, le père François Ménestrier, fait une étrange découverte dans l’abbaye de Villiers en Gâtinais. Il s’agit d’une tombe plate dont les extrémités sont rompues. On peut y voir la figure gravée d’une femme, ayant sur la tête une couronne en forme de bonnets que l’on destinait aux grands électeurs. La coiffure décrite par Ménestrier ressemble à celle que portaient les princes de Kiev. Nous savons que l’abbaye de Villiers ne fut fondée qu’en 1220, par conséquent, la reine morte beaucoup plus tôt ne peut y avoir été enterrée. Il est probable que son corps y fut transporté 50 ans après sa mort. L’hypothèse qu’elle soit retournée dans son pays ne repose sur aucun fait précis et paraît tout à fait invraisemblable. Pour quelle raison, un quart de siècle après avoir quitté son pays, une princesse devenue tout à fait française, aurait voulu aller finir ses jours sur les bords du Dniepr ? Elle n’y aurait plus retrouvé que des collatéraux indifférents ou hostiles. Son père étant mort, en 1075, ses frères Sviatoslav et Iziaslav se disputaient le trône paternel avec acharnement depuis plusieurs années et Anne ne pouvait l’ignorer. Ainsi, on ne voit guère les raisons d’un retour au pays de son enfance, mais il est encore plus difficile d’imaginer « qu’elle ait pu briser les liens de l’affection maternelle, et tout autant ceux de l’affection pour son peuple auquel elle était profondément attachée, elle, princesse de Kiev qui était devenue reine de France ».
Par Olga Mandzukova-Camel, professeur émérite à l’INALCO
SOURCE DE LUMIERE SPIRITUELLE
Les traditions ukrainiennes remontent à plus d'un millénaire, profondément enracinées dans la terre nourricière.
De tout temps, les gens ont adoré le soleil, symbole tant de la fête d’Ivan KUPALA (Saint-Jean) que de celle de Noël.
« Mes œuvres sont destinées à attirer l'attention sur les performances magiques et mettre en scène, les chants, les jeux, les costumes, les légendes… qui font l’identité de notre peuple, afin d’orienter les gens vers leurs racines natales. La préservation des traditions séculaires permet non seulement de nous sentir partie intégrante de la nation, mais fournit aussi une source incontestable d’inspiration particulière pour toutes nos pensées et nos actions.
Cette exposition est une invitation au voyage dans l’univers poétique de la peinture amenée à la quintessence par les croyances séculaires liées au phénomène des solstices d’été et d’hiver. Deux fêtes ont inspiré la création de mes œuvres pour l’exposition à Paris ».
La fête d’Ivan KUPALA
Les anciennes traditions revivent dans la nuit d’Ivan KUPALA du 6 au 7 juillet. Cette nuit peut vraiment être appelée Enchantée, puisque ce soir-là se réveillent les sorcières, les sirènes, les lutins. Mais le feu d’Ivan KUPALA a le pouvoir de chasser ces êtres surnaturels malveillants. Afin de se protéger des mauvais esprits, on allume le feu, appelé le feu purificateur et on danse autour de lui. La flamme illumine des visages souriants et mystérieux. Les jeunes filles tissent des couronnes de fleurs et les jettent dans l'eau. On croyait que ce jour-là le soleil se baignait dans l'eau, donnant la puissance curative aux herbes, aux fleurs et à l’eau elle-même.
Cette nuit là tout le monde cherche à libérer ses désirs les plus intimes, parce que la fête de KUPALA c’est l’éloge de la jeunesse et de l'amour.
Une seule participation à cette action rituelle rend impossible l’oubli du mystère et de la magie de la fête.
Je tiens à souhaiter à tous les gens qui feront connaissance avec mes œuvres qu’un rayon de soleil reste à jamais dans leurs âmes.
Fêtes de Noël
« Une nouvelle joie est arrivée, telle qu’il n’y en avait encore jamais eu auparavant » – c’est avec ces mots ci, issus d’une chanson de Noël ukrainienne (kolyada en ukrainien) qu’est rappelée avec joie la naissance de Jésus. Au fil du temps, des coutumes très anciennes se sont mêlées aux rites chrétiens. La période est dédiée à la régénération des forces vitales du monde, c'est à dire des hommes, des animaux et de la nature, pour que s'accomplisse dans les meilleures conditions le cycle du temps qui passe. La célébration de Noël, comme beaucoup de fêtes religieuses chrétiennes, est imprégnée de traditions ancestrales slaves. Dans les chansons de Noël, la naissance du Christ est très souvent comparée au lever du soleil. La fête en elle-même est ponctuée de traditions prenant une signification particulière pour l’année à venir.
Avec l'arrivée de Noël le mystère vénéré lie l’adoration et les festivités exubérantes.
Les traditions d'aujourd'hui associent magie, bénédictions de la nouvelle année à venir, décoration de la maison et symboles de conciliation.
Les chants de Noël sont très présents pendant cette période. Dans certaines régions, les "cantiqueurs", groupes d'enfants ou de jeunes adolescents vont quêter de maison en maison avec des étoiles multicolores et des crèches.
Dans les villes et villages d'Ukraine l’énergie turbulente de voix joyeuses des chanteurs se mêlent avec les étoiles brillantes de Noël et les costumes fantastiques des participants. Pendant ces moments féeriques on s’imprègne de l’esprit d’unité avec sa terre et ses ancêtres, on comprend combien on en a besoin et que la fête ne pourra guère avoir lieu sans nous.
Andriy NABOKA
Peinture à l'huile.
Andriy NABOKA est né le 14 Février 1985 à Kiev, en Ukraine. Sa passion et son intérêt pour les arts se sont manifestés dès son plus jeune âge, le conduisant à la ferme décision de devenir peintre.
Il a fait de brillantes études à l'Académie Nationale des Beaux-Arts dans l'atelier du professeur A. LOPUKHOV. En 2009, il est admis au département des jeunes peintres auprès de l'Union nationale des Artistes d'Ukraine. Plusieurs fois lauréate de compétitions nationales et internationales, il est remarqué par la Fondation «Ukraine» pour ses séries de toiles originales «Dialogue avec la couleur », « Jazz », « Musique » dont les expositions ont été organisées en Ukraine et à l’étranger.
EXPOSITIONS
2002– Exposition personnelle à la galerie « Tente d'Art», Kiyv
2002– Exposition personnelle à la Bibliothèque nationale pour l'enfance et la jeunesse
2003– «Le Jour d’Artiste-2003» Kiyv
2006– «Virgule et point», Musée d'art régional de Tchernivtsi
2006– Musée d'art d’Ivano-Frankivsk
2007– Exposition personnelle à la galerie «Tente d'Art», Kiyv
2008– Exposition de Noël, Union Nationale des Artistes, Kiyv
2009– Exposition personnelle à la société de Baker Tilly Ukraine, Kiyv
2009– «Arsenal Art» dans la galerie «Cercle», Kiyv
2009– «Art Arsenal» dans la galerie «Metro», Kiyv
2010– Dans la galerie «ARTIST», Kiyv
2010– «Printemps à Kiev» dans la galerie «Tente d'Art»
2010– Exposition personnelle à la Fondation « Ukraine»
2010– Prague, «Zuzuk Galery»
2011– Exposition personnelle «Couleurs du jazz» aux États-Unis : Rochester et Buffalo.
Ses œuvres se trouvent dans des collections privées en Ukraine, en Amérique, au Portugal, en Allemagne et en Russie.