Production : Studio Alexandre Dovjenko de Kiev, 1967, 82 mn, nb.
Réalisation : Léonide Ossyka
Scénario : Ivan Dratch
Photographie : Valeriï Kvas
Décors : Mykola Rieznyk
Musique : Volodymyr Houba
Son : Sophie Serhienko
Interprétation : Danylo Iltchenko, Boryslav Brondoukov, Kostiantyn Stepankov, Vassyl Symtchytch, Kateryna Mateїko, Boris Savtchenko, Ivan Mykolaїtchouk, Antonina Leftiї, Olexiї Atamaniouk
Récompense : Prix de la meilleure photographie décerné à Valeriï Kvas, Prix du meilleur rôle masculin à Boryslav Brondoukov au Festival Pansoviétique de Leningrad, 1968. Premier Prix décerné à Léonide Ossyka au Festival de l’art orthodoxe l’Orante d’Or, Kiev, 1995.
Synopsis
Accablé d’impôts, Ivan Didoukh a trimé toute sa vie. Au sort de paysan abruti par l’alcool et le travail sur une terre rocailleuse où règnent la loi du silence et une justice sommaire, il préfère, pour lui et ses fils, le destin d’immigrant qui ira creuser sa tombe au Canada. Pour réunir l’argent nécessaire au voyage, il vend tout ce qu’il possède. Détroussé pat un voleur, il décide de le tuer.
Opinion
Revigorée par sa vitalité créatrice, la production cinématographique ukrainienne de 1968 est, contre toute attente, peu représentée au IIIème Festival pansoviétique. Seuls Calme Odessa de Valeriï Isakov et La Croix de pierre de Léonide Ossyka font le chemin de Leningrad où se tient le festival. Les distinctions qu’obtient le film d’Ossyka - Prix de la meilleure photographie et du meilleur rôle masculin – témoignent du travail en profondeur qu’effectue la nouvelle vague ukrainienne. Or, le langage poétique du jeune réalisateur, la beauté plastique des paysages filmés par Valeriï Kvas ne sont pas pour autant les surgeons paradjanoviens que d’aucuns voient d’un mauvais œil, car sortis du même sanctuaire géographique. Le film aurait été inconcevable en couleur, tant sa violence dramatique, son naturalisme virulent et son graphisme ascétique induisaient l’emploi du noir et blanc. L’idée du film naît à l’époque où foisonne une littérature appelée « prose rurale », inspirée par les migrations répétées des Russes et des Ukrainiens. Les premiers arrivent massivement en Ukraine, les seconds partent en Crimée ou vont défricher les terres vierges en Asie Centrale. C’est donc en opposition à ce chassé-croisé qu’apparaît l’intérêt vital d’affirmer leurs racines et leur culture.
Tiré de deux nouvelles de Vassyl Stefanyk, La Croix de pierre est par essence cinématographiquement préconçu en amont du scénario, au même titre que l’étaient les nouvelles de Kotsioubynskyi pour Les Chevaux de feu, les quelques infidélités faites au récit par le scénariste Ivan Dratch ne faisant que renforcer la portée sociale du film qui s’inspire d’un fait authentique, le départ, en 1912, vers le Canada du premier Ukrainien de la région, Ivan Akhtemiїtchouk. Quelques années auparavant, une tentative avait été faite en vue d’un documentaire sur Vassyl Stefanyk par la réalisatrice Laryssa Chepitko, qui parcourut les Carpathes. L’histoire se passe dans les Carpathes, d’où partent, comme de toutes l’Europe des misères, des milliers de paysans vers le Nouveau Monde. Ossyka chante l’abandon de la terre nourricière, thème central de l’œuvre de Stefanyk, et sublime le tragique en choisissant d’une manière expressément noire, la résignation sans espoir. Ici, tout est traité avec des longueurs diffuses, des travellings fluides, le plus souvent latéraux, des champs-contrechamps alternant gros plans et plans d’ensemble. Le dialogue est concis dans un dialecte houtsoule coloré. Hormis Danylo Iltchenko (Ivan Didoukh) et Boryslav Brondoukov (le voleur), Vassyl Symtchytch (Georges), Ivan Mykolaїtchouk (Ivan, fils), Boris Savtchenko (Mykola), Kostiantyn Stepankov (Mykhaïlo) et Antonina Leftiї (la belle-fille), tous les acteurs sont des non-professionnels du village de Roussiv et de Sniatyn. La caméra de Valeriï Kvas affectionne la terre aride et s’attarde volontiers sur les visages sortis tout droit de portraits de manants, bossus, borgnes et éclopés, croqués à la manière d’un Bruegel. Saisissantes la photographie et la dramaturgie de la scène précédant la mort du voleur, empruntée au tableau de Rembrandt Le Retour du fils prodigue. Alors que Paradjanov ou Illienko (La Nuit de la Saint-Jean) se servent de la couleur pour rehausser la métaphore, c’est vers un graphisme au style compassé qu’Ossyka se tourne pour activer la fonction visuelle. La croix que traîne le vieux Ivan jusqu’au sommet de la montagne, sépulture du voleur, est d’un exceptionnel rendu photographique, entretenu par sa force biblique. Formant une symétrie avec Les Chevaux de feu de Paradjanov autour d’un axe ethnographique et ritualiste, La Croix de pierre souligne, dans le même temps, son antinomie avec La Terre de Dovjenko, une terre où l’homme, tout aussi mortel, fusionne avec la nature, riche et généreuse. On retrouve encore cette analogie dans la scène culminante de la danse, où Didoukh et sa femme exécute une polka face à un public stupéfait. Dans le courant poétique du cinéma ukrainien, la danse remplit essentiellement une fonction plastique et dramatique. Tel fut le cas pour la danse de Vassyl dans La Terre, pour Ivan et Maritchka dans Les Chevaux de feu, de Dana et Orest dans L’Oiseau blanc marqué de noir de Youriï Illienko. Elle est accompagnée obligatoirement par une musique symphonique mâtinée de variations folkloriques, écrites par des compositeurs de renom, tels Valentin Sylvestrov, Léonide Hrabovskyi, Vitaliї Hodziatskyi et, principalement, Volodymyr Houba. Auteur de musiques de film assorties à une culture régionale, Volodymyr Houba en a signé en près de cinquante ans plus d’une centaine.
C’est à partir de La Croix de pierre que se dégagera l’impression d’une sorte de réserve carpathique nationale dans le cinéma ukrainien, louée pour des œuvres de plus en plus personnelles, auxquelles s’associent les décorateurs Reznyk, Novakov ou Yakoutovytch. Dès sa sortie, le film servira de matériau de cours pour la célèbre école de cinéma de Lodz en Pologne. C’est encore à partir de ce film-culte que le critique polonais Janusz Gazda appellera la nouvelle vague ukrainienne des années soixante « École poétique de Kiev », école qui aujourd’hui encore a ses émules.
Lubomir Hosejko
Théâtre musical
Direction musicale Emmanuèle Dubost-Bicalho
Mise en scène et dramaturgie Simon Hatab
Ensemble Théa-Chœur
Coproduction Anis Gras
L’idée de ce spectacle de théâtre musical est née dans le sillage des élections européennes de mai 2014, qui se sont soldées par une montée sans précédent de l’extrême-droite. Ce qui a été qualifié de « séisme politique » est venu confirmer le climat délétère dans lequel se déroule désormais la construction européenne : crise de la représentation démocratique, replis identitaires, backlash sociétal, triomphe de la pensée extrême et réactionnaire…
« Qu’est-ce que l’Europe, aujourd’hui ? » Partant de cette question, Anis Gras le lieu de l’autre a organisé une série de rencontres et d’entretiens avec la population locale d’Arcueil : des Arcueillais-es de tous les horizons, dont le point commun et d’avoir souvent traversé d’autres pays avant de venir s’établir en France. Simon Hatab a écrit un spectacle à partir de ces témoignages : mettant en scène ces fragments de vie – expérience du déracinement, quotidien en France, rapport aux institutions… - il les confronte aux discours politiques qui ont résonné dans les médias au moment des élections.
Un ensemble de chants issus de tous les répertoires de toute l’Europe – Britten, Saint-Saëns, Brahms, Macfarren, chant des folklores serbe, roumain, chant de Maïdan, jusqu’aux chansons de variété contemporaine – construit et dirigé par Emmanuèle Dubost-Bicalho, noue un dialogue sensible avec ces saynètes en jetant sur elles une lumière poétique et politique.
Sur scène, musique et théâtre tissent un spectacle éclaté – drôle, sombre, grinçant, touchant – qui tente de reposer la possibilité fragile d’un récit personnel et collectif, d’une histoire de l’Europe à venir.
Ce spectacle sur l'Europe mettra face à face le questionnement des occidentaux "blasés" par rapport à l'Europe avec le combat de ceux qui ont donné leur vie pour les valeurs européennes. On y racontera Maïdan et la troupe française entonnera le chant de commémoration des héros de Maïdan en ukrainien.
Pour en savoir davantage, rendez-vous sur le site d'Anis Gras.
NB: Venez munis de la présente invitation.
Ksenya est née en 1975 en Crimée où elle a fait des études secondaires. Apres des études universitaires à Kiev, elle est partie pour les poursuivre en Italie, où en 2005 elle obtient un doctorat en physique théorique. Ensuite elle travaille comme chercheuse à l’université de Turin jusqu'en 2007, l’année où elle arrive à Paris et commence une carrière d'analyste financier. Apres l’annexion de la Crimée Ksenya organise des projets d’aide humanitaire aux Criméens qui ont dû fuir la Péninsule et diffuse en France des rapports sur les violations de droits de l'homme en Crimée de l'ONG "Mission de Terrain en Crimée".
Avez-vous des statistiques du nombre de personnes ayant demandé la citoyenneté russe ?
Non. On sait que la procédure est très simple et rapide : le passeport est délivré en une semaine après la demande, voire plus vite. Au début, il y avait des files d'attente mais ça devrait se calmer maintenant. Aux personnes qui ont reçu les passeports russes, on laisse le passeport ukrainien (personne n’essaye de l’enlever). Mais en juin 2014, la Russie a adopté une loi qui oblige les Criméens à déclarer leur nationalité ukrainienne, sinon il y a une amende importante ou même condamnation aux travaux forcés.
Officiellement, il n’y a pas d’obligation d'opter pour le passeport russe, mais les développements administratifs et pressions non-officielles montent en puissance pour obliger les personnes à opter pour ces passeports. En particulier :
Il est aussi important de souligner que la demande du passeport russe n’est pas nécessaire pour être considéré comme citoyen russe en Crimée. Conformément au paragraphe 1 de l'Article 4 de la Loi Constitutionnelle fédérale de la Fédération de Russie du 21 mars 2014 N 6-FCL les citoyens de l'Ukraine et les personnes apatrides résidants en permanence en Crimée à la date du 18 mars 2014 sont automatiquement reconnus comme des citoyens de la Fédération de Russie, sauf les personnes qui dans le mois expriment leur désir de conserver la citoyenneté ukrainienne pour eux-mêmes et (ou) leurs enfants, ou conserver une autre citoyenneté, ou être apatrides. Pour différentes raisons, seules quelques milliers de personnes ont fait une telle déclaration (et ce n’est pas par manque de sentiment patriotique ukrainien : dans la procédure de la déclaration, il fallait signer un papier reconnaissant l’annexion de la Crimée par la Russie). Ensuite, comme on a vu dans le cas de l'activiste pro-ukrainien incarcéré, Sentsov, la Russie applique bien cet article. Sentsov n’a jamais demandé le passeport russe, et pourtant la Russie refuse à l’Ukraine le droit de l’aider ou simplement de le voir en détention, motivant le refus par le fait que, conformément à cet article du 21 mars, ils considèrent Sentsov non comme un étranger mais comme un citoyen russe.
En quoi consiste le quotidien d’un Criméen aujourd’hui ? Quelles difficultés a-t-il dans sa vie de tous les jours ?
Cela dépend des gens. Les personnes comme les retraités, qui sont payés par l’Etat, et qui ne voyagent pas dehors de la Crimée et n’avaient pas besoin de comptes bancaires, ont la même vie qu'avant. Ceux qui ont possèdent des biens ont dû ou doivent encore convertir tous les documents. L’accès à la santé est pour le moment devenu gratuit, ce qui est bien perçu par la population. Or vu que les retraités représentent presque 40% de la population de Crimée, c’est une partie importante.
Le plus difficile est la situation des personnes actives — ayant des liens avec l’Ukraine ou le monde, et les entrepreneurs. Pour une vie active en Crimée, tout est incertain : le cadre légal, les liens économiques, les voyages, à qui payer les impôts, comment transférer de l’argent...
Puis, il y a une partie de la population lourdement persécutée : les activistes pro-ukrainiens, les Tatars de Crimée, les représentants des religions autres que l’église orthodoxe du patriarcat de Moscou. La politique de la Russie est de forcer toutes ces personnes à quitter la Crimée.
En quoi les Criméens sont-ils gagnants et que perdent-ils ? Est-ce que tous les Criméens sont traités de façon égale ?
Les retraités par exemple et tous ceux qui dépendent de l’aide sociale ont vu leurs revenus augmenter depuis avril (presque doubler en avril pour certains). Même si la chute du rouble a inversé les gains, ce n’est pas encore ressenti par eux. Les prix ont fortement augmentés, cette partie de la population se sent encore gagnante par rapport à la vie avant l’annexion.
Les personnes qui travaillent ont plus du mal en général, surtout depuis juin-juillet, quand le nouveau pouvoir a commencé l’expropriation des usines et sociétés pour les donner aux propriétaires russes ou des personnes proches de l’actuel gouvernement.
La façon dont les personnes sont traitées dépend du niveau de leur loyauté au nouveau pouvoir.
Quel avenir la Russie de Poutine prévoit-elle pour la presqu’île ?
La seule chose claire pour l’instant est que le statut de la Crimée soit avant tout une base militaire. La Russie ne cesse d’y transférer des armements et des militaires. Beaucoup des sites civils (ports, usines, terrains) sont passés sous l’autorité militaire. A la population, ils expliquent que c’est pour « faire de l’ordre » et « bien gérer » ces sites, ce qui a l’air rassurant aux nostalgiques de l’Union Soviétique.
Il y avait des déclarations de promotion du business touristique et de création d’une zone de jeux de casino, mais le projet a l’air discutable et n’a pas encore abouti à des actions concrètes.
J’ai vu les chiffres suivants : en Ukraine la Crimée était subventionnée à environ 60% par le pouvoir central. Annexée par la Russie, le taux de financement est passé à 95% (estimation du «Maidan des affaires étrangères ») . En plus, la Russie doit investir dans les infrastructures (pont de Kerch, gazoduc, électricité, eau,…). Pourtant le coût pour la Russie, surtout à court terme, dépend de l’Ukraine. Tant que l’Ukraine fournit - presque gratuitement - l’eau, l'électricité, la Russie en profite et peut retarder les investissements.
J’ai vu plusieurs estimations du « coût de la Crimée », mais même le pire scenario est supportable en principe par la Russie, du moins s’il n’y a pas de crise majeure interne. Bien sûr, ça va générer le mécontentement de la part d’autres régions qui voient leurs projets arrêtés en raison de la redistribution des financements à la Crimée. Malheureusement, l’Ukraine ne fait presque pas d’effort pour alourdir ces coûts. Il faut commencer à faire le plus rapidement possible des recours à la justice internationale pour exiger des compensations pour le vol de ressources et expropriations de tous les biens ukrainiens que la Russie a pris en Crimée, les expropriations des biens russes en Ukraine ou à l’étranger, coupure les ressources et les infrastructures gratuites, promouvoir les sanctions contre les entreprises russes, ukrainiennes et étrangères qui sont présentes en Crimée.
Que pensez-vous de la couverture par les médias des évènements actuels en Crimée ?
En France il a eu un gros problème de couverture de l’annexion de la Crimée par les médias. L'annexion et le « référendum » ont été présentés comme quelque chose de bien fait, solide, demandé par la population. Le lendemain du référendum, le 17 mars, quand j’ai ouvert le journal du matin, j’ai vu un petit article « le référendum a eu lieu, 90% de la population de Crimée a voté pour ». Aucune mention que c’était complètement obscur et illégal, préparée en 10 jours sans accès aux registres électorales de la Crimée et dans la situation de blocage absolu physique et médiatique de l’état Ukrainien dans la Péninsule. Personne ne saura jamais combien de personnes sont vraiment venues et comment ils ont voté. Quand je parle aux personnes ici, je vois que tout ce que les français ont retenu sur le sujet : ce n’était pas conforme aux lois ukrainiennes mais bien fait et voulu pour la population. Aujourd’hui on n’en parle plus du tout, et ça produit chez les français une sensation du fait accompli.
Qu’en est-il avec les droits de l’homme ?
La situation avec les droits de l’homme est un désastre. D’abord, juste après l’annexion, ce sont les droit des personnes physiques qui ont été violés (meurtres, enlèvements, pressions physiques ...). Plus tard, les violations de droits de propriété ont commencé par les expropriations des biens, sociétés, etc.
Il n’y a pas de domaine de droits de l’homme (vie, santé, religion, instruction, activité économique, liberté de rassemblement,…) où il n’y a pas de violations.
Il est intéressant que, dans presque toutes les types de violations la force exécutive est la structure appelé «Self-défense de la Crimée » : une organisation illégale militarisée formée en février-mars 2014 pour accompagner l’invasion de « hommes verts » et intimider la population pro-ukrainienne. Ces groupes sont liés à Aksenov, actuel premier ministre qui a un passé criminel, et agissent avec son support non-officiel, voire selon ses ordres.
Quelle est votre vision de l’avenir de la Crimée – à moyen terme ?
On peut envisager plusieurs scénarii : selon l’évolution de la situation économique en Russie, et les actions de l’Ukraine. Le pire scenario pour moi est celui ou l’Ukraine agit comme aujourd’hui – donc rien, pas de politique pour la Crimée et les citoyens ukrainiens de la Crimée. Même si la Russie va mal, et la Crimée va aller mal économiquement avec la Russie, il n’y a pas de forces internes en Crimée qui peuvent générer le retour à l’Ukraine.
Je pense aussi que, même si la Russie arrive à bien gérer la crise économique interne et retourne à la croissance en 1 à 2 ans, la situation économique en Crimée et son développement vont se dégrader petit à petit. Il n’y a pas de forces positives dans le pouvoir de la Crimée ou en Russie qui sont motivées à développer la Crimée. Les motivations du nouveau pouvoir est de profiter au maximum des financements fédéraux pour les projets en Crimée, de répartir les biens locaux etc. La population aussi n’envisage pas de faire des efforts, le « charme » de la Russie pour eux est dans le fait que la Russie va penser à tout et qu'ils n’ont rien à faire.
Quel est le destin des réfugiés de Crimée en Ukraine ? En Russie ?
Les réfugiés de Crimée en Ukraine (qu'on doit appeler "personnes déplacées internes" pour ne pas reconnaître l’annexion) sont aujourd’hui autour de 20 000 personnes, dont 7 000 Tatars de Crimée. Ils ont eu très peu ou pas de support de l’état. La seule chose que l’état à plus ou moins fait était de donner à certains des logements provisoires (sanatorii), donner une résidence provisoire en Ukraine continentale (nécessaire pour percevoir les pensions et les aides sociales) et transférer les étudiants des universités de Crimée aux universités de l’Ukraine continentale.
Pour le reste, y compris le statut de personne déplacée, cadre légal pour les entrepreneurs de Crimée, aide aux familles en difficulté, travail, logement long-terme … rien n’est fait.
Les bénévoles aident les réfugiés dans la vie de tous les jours (nourriture, articles d’hygiène, vêtements, jouets..).
Je ne connais pas de réfugiés de Crimée en Russie, mais il ne doit pas y en avoir beaucoup. Le seul cas que j’ai entendu est un dirigeant d’une entreprise à Kertch qui a perdu son poste après la visite de la « self-défense de Crimée » (l’usine qui était la propriété de Firtash est passée propriété russe). Cette personne est allée vivre en Russie où il semble y avoir trouvé un autre poste.
Il y a par contre des personnes de l’est de l’Ukraine qui sont venus cet été en Crimée « pour fuir la guerre », et effectivement certaines ont été envoyées en Russie, mais je ne connais pas leur destin.
Certaines personnes du Donbass veulent partir vivre en Crimée. Quel conseil vous leur donneriez ?
S’ils ont de la propriété en Crimée, je pense qu’ils peuvent déménager et même demander la citoyenneté russe. Sinon, il ne me semble pas que la Russie fasse des centres d’accueil pour eux en Crimée.
Propos reccueillis par Olga Gerasymenko
Entretien avec Dmytro Atamanyuk de l'Association Aide Médicale & Caritative France-Ukraine
Comment est née l’idée de l’Association ?
L’idée est née suite aux premiers blessés de la Place Maïdan à Kyiv et les besoins de coordonner l’aide et les soins à l’étranger pour les blessés ukrainiens.
Lors des discussions dans la « cellule » du Collectif « Euromaïdan Paris », il a été décidé qu’une association médico-caritative franco-ukrainienne serait optimale pour mener à bien les premiers projets.
Quelles sont les actions menées ? Des exemples précis ?
Nous avons débuté en organisant les soins pour 3 blessés – des manifestants civils de la Place Maïdan - à Paris, pour des interventions ophtalmologiques (oculoplastie, prothèses oculaires…) en partenariat avec le fond caritatif ukrainien IASU « International Association for Support of Ukraine » (mapu.org.ua) et S-Te KARE.
Ensuite, nous avons pu arranger la venue d’un jeune blessé de l’est de l’Ukraine, pour une opération de greffe du nerf sciatique.
Depuis, les membres de notre Association ont organisé plusieurs missions de chirurgiens français en Ukraine, pour mener des consultations et assister aux opérations.
Actuellement, 2 jeunes neurochirurgiens ukrainiens sont en stage à l’hôpital Européen Georges Pompidou, grâce au soutien de l’Ambassade de France en Ukraine (http://www.vmu.ssu.gov.ua/top5/29).
Une autre action est en cours en permanence : la collecte de matériel médical et de vêtements chauds pour venir en aide aux hôpitaux, très sous-équipés, de l’est de l’Ukraine. Ces hôpitaux reçoivent malheureusement un flux continu de blessés, toujours aussi important malgré le cessez-le-feu.
De quelles aides auriez-vous besoin et par quels moyens nos lecteurs peuvent-ils vous porter assistance ?
Nous recherchons des médecins bénévoles, pour nous assister dans nos actions de « missions-stages » des médecins. Nous cherchons aussi des bénévoles dans toute la France pour démarcher les hôpitaux et maisons de retraite pour collecter du matériel médical et des pansements dans leur localité.
Nous nous occupons des convois humanitaires vers l’Ukraine.
Il est aussi possible de faire un don via notre site internet AMC (http://amc.ukr.fr) ou de nous envoyer un chèque (à l'ordre 'AMC France-Ukraine' à l’adresse: AMC France-Ukraine, 3 Rue de la Liberté, 77500 Chelles) et nous contacter: amc at ukr.fr.
Avez-vous le support des institutions tant en Ukraine qu’en France ?
Nous sommes soutenus par les deux ambassades.
L’ambassade d’Ukraine en France a organisé plusieurs événements culturels dans ses locaux, et l’ambassade de France en Ukraine apporte un soutien pour les stages des médecins et facilite l’obtention des visas pour les blessés soignés en France, ainsi qu’un projet humanitaire commun avec la coopération d’une organisation caritative ukrainienne (IASU).
Bien entendu, nous souhaitons étendre nos contacts et développer le support des institutions de France tant au niveau médical qu’humanitaire, comme le font beaucoup de pays d’Europe, notamment l’Allemagne.
En Ukraine, nous travaillons avec plusieurs ONG de confiance. Elles nous aident par des moyens logistiques, pour l’arrivée des blessés et les soins en France, ainsi que par le dédouanement de l’aide humanitaire et la distribution des secours dans les différents hôpitaux d’Ukraine.
Une fondation a-t-elle été créée? Pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Auriez-vous besoin d’une telle structure ?
Il n’y a pas actuellement de fondation créée. Cette structure pourrait être envisagée à plus long terme, afin de pouvoir récolter des donations et legs.
L’objectif à court terme est de faire reconnaître et confirmer l’intérêt général de notre Association (« Aide Médicale et caritative France-Ukraine » - AMCFU) par les services fiscaux.
Propos recueillis par Camille Kourbas
Le bulletin de Janvier 2015 de Perspectives Ukrainiennes est disponible sur la page Archive des bulletins de Perspectives Ukrainiennes ou en cliquant ici
Au sommaire
p. 2 - 3 : Interview de Ksenya Rulik, criméenne: « Le statut actuel de la Crimée est avant tout une base militaire »
p. 4 - 5 : Entretien avec Dmytro Atamanyuk, - Association Aide Médicale & Caritative France-Ukraine
p. 6 - 7 : A vos agendas !
p. 8 : Actualité du livre
À l’occasion de la sortie de l’album Hiéroglyphes de la nuit, pièces pour deux violoncelles chez ECM, le Collège des Bernardins reçoit le compositeur ukrainien Valentin Silvestrov les 14 et 15 janvier 2015 pour une table ronde et un concert exceptionnel.
Valentin Silvestrov est né à Kiev en 1937.
Dans les années 1960, il est à la pointe de l’avant-garde de son pays, composant et suivant les préceptes du sérialisme qui se développe en Occident. Après cette première période, qui lui vaut d’être mis à l’index dans son pays – mais de remporter quelques triomphes de l’autre côté du Rideau du Fer –, Silvestrov infléchit sa manière pour, dit-il, sortir du « ghetto de l’avant-garde ». Qualifiant sa musique de « métaphorique », il renoue avec le néoclassicisme et fait coexister une infinité d’expressions et d’esthétiques.
PROGRAMME
Mercredi 14 janvier 2014, 20h30 – grand auditorium
Rencontre avec Valentin Silvestrov
Le Collège des Bernardins organise une soirée autour de Valentin Silvestrov, en présence du compositeur, pour parler de son travail, de son oeuvre et de ses rapports à l’Ukraine.
La projection de Dialoogid - Helilooja Valentin Silvestrov, un film documentaire de Dorian Supin, sera suivi d’une table ronde composée de :
Antoine Arjakovsky, codirecteur du département « Société, Liberté, Paix » du pôle de recherche du Collège des Bernardins
David Sanson, programmateur musique au Collège des Bernardins à l’initiative du cycle « Alterminimalismes »
Valentin Silvestrov, compositeur
Constantin Sigov, philosophe
Jeudi 15 janvier 2015, 18h – cellier
Carte blanche à Constantin Sigov
Philosophe et professeur de philosophie à l’Académie Mohyla de Kiev, Constantin Sigov est une voix importante pour comprendre les enjeux actuels de la crise ukrainienne. En écho à la venue de son compatriote et ami le compositeur Valentin Silvestrov, Constantin Sigov répondra à Antoine Arjakovsky et dressera un portrait en creux de la situation culturelle et politique de son pays.
Jeudi 15 janvier 2015, 20h – nef
Concert - Hiéroglyphes de la nuit
Dans le cadre du cycle « Alterminimalismes »
Avec : Anja Lechner et Agnès Vesterman (violoncelles) et au piano Valentin Silvestrov
Les violoncellistes Anja Lechner et Agnès Vesterman interpréteront Hiéroglyphes de la nuit qui donne son titre au disque qu’elles publient chez ECM.
Pour écouter Silent Song de Valentin Silvestrov
Pour en savoir davantage, consultez le dossier de presse.