L’Ambassade d’Ukraine et le Ciné-club ukrainien
Mardi 1er juin 2010, 19h, à l’Espace culturel de l’Ambassade
22, av. de Messine, M° Miromesnil, tel. 01 43 59 03 53.
Entrée libre.
LES SCEAUX DE L’HETMAN (ГЕТЬМАНСЬКІ КЛЕЙНОДИ)
vo
Production : Studio Alexandre Dovjenko de Kiev, 1993, 87 mn, coul.
Scénario : Serhiї Diatchenko, Léonide Ossyka
Réalisation : Léonide Ossyka
Photographie : Vadim Illienko
Décors : Inna Bytchenkova
Musique : Volodymyr Houba
Son : Bohdan Mykhnevytch
Interprétation : Serhiї Romaniouk, Loudmyla Yefimenko, Lès Serdiouk, Svitlana Kniazeva, Boris Khmelnytskyi, Volodymyr Kolada, Volodymyr Holoubovytch, Kostiantyn Stepankov, Taїssia Lytvyvenko, Vladyslav Kryvonohov, Svitlana Krout.
Genre : drame historique
Synopsis
Après la mort de l’Hetman Bohdan Khmelnytskyi, l’Ukraine se déchire pour sa succession. D’un côté, la majorité des officiers supérieurs cosaques qui ont soutenu Khmelnytskyi lors des guerres contre les Polonais, de l’autre les prorusses regroupés autour du colonel Martin Pouchkar qui ambitionne de devenir le maître de l’Ukraine, appuyé par une partie des Cosaques Zaporogues opposés à l’élection du nouvel Hetman Ivan Vyhovskyi. Les sceaux de feu l’Hetman gardé par sa fille Olèna sont convoités par Zahrava qui n’hésite pas à enlever la femme et les deux enfants de Jourba, fidèle serviteur de l’Hetman.
Opinion
Léonide Ossyka, qui depuis Zakhar Berkout (1971) espérait monter une superproduction historique, réalise en 1993 le dernier film de sa carrière Les Sceaux de l’Hetman, d’après le roman de Bohdan Lepkyi L’Abîme. Interdit en Ukraine Soviétique, le roman décrit les événements de 1659 sur fond d’infamies, de forfaitures et de luttes intestines de la noblesse cosaque. L’Ukraine risque de perdre son indépendance car la Russie ne la considère plus comme un pays ami mais comme l’objet de son expansion territoriale, passant outre le traité d’alliance qu’elle avait signé avec elle en 1654. Le sujet est traité à la limite du film d’aventures avec des héros exempts de contradiction. Après maints rebondissements et un duel final entre Zahrava (Boris Khmelnytskyi) et Valko Bossakivskyi (Serhiї Romaniouk), les sceaux seront enterrés, à l’insu de tous, par Olèna (Loudmyla Yefimenko) et Valko qui s’en iront vivre avec la mémoire des lieux. Filmé dans une authentique propriété cosaque, Les Sceaux de l’Hetman ne s’inscrit pas dans la série des western-borchtch, méthode décriée par Léonide Ossyka à l’encontre des réalisateurs comme Boris Chylenko (La Vallée noire) ou Serhiї Omeltchouk (La Marche des Cosaques). Pas vraiment un film à thèse ni film d’auteur, il est un dernier adieu au cinéma et à l’Ukraine auxquels le réalisateur se consacra corps et âme, avec ses acteurs fétiches, Svitlana Kniazeva, Kostiantyn Stepankov, Lès Serdiouk et tant d’autres. Le personnage central est interprété par le quadragénaire Serhiї Romaniouk dont la première apparition sur les écrans annonce l’un des plus grands acteurs du cinéma ukrainien contemporain.
Au moment de la sortie du film, il était intéressant de comparer la crise politique, économique et culturelle des toutes premières années de l’indépendance de l’Ukraine de 1991 avec le thème du film sur l’époque cosaque communément appelée les Temps de la ruine. La projection dans l’actualité immédiate était frappante : lutte pour le pouvoir, résistances passéistes, sentiment de semi-liberté ou de semi-indépendance où chacun se repent mais n’en fait qu’à sa tête. Souvent en avance ou en adéquation avec son temps, Léonide Ossyka termine sa carrière à un moment clef de la renaissance de sa patrie. L’Histoire retiendra que Les Sceaux de l’Hetman était en cours de réalisation lors de la remise solennelle des Grands Sceaux de la République Nationale d’Ukraine par le président en exil Mykola Plaviouk au président en exercice Léonide Kravtchouk. La hache de guerre était définitivement enterrée.
Dans la foulée, Ossyka n’entreprendra pas son nouveau long métrage, Dovbouch, mis en chantier scénaristique et en liste d’attente depuis plus de vingt ans, car jugé trop coûteux. Dans un ultime effort, il se lancera avec Lès Serdiouk, dans un projet sans lendemain. Après quelques jours de tournage, Et ne nous soumets pas à la tentation est abandonné, faute d’argent. Le réalisateur décèdera en 2001, après Ivan Mykolaїtchouk (1987) et Serge Paradjanov (1990), les deux grands ténors du courant de l’Ecole de Kiev.
Lubomir Hosejko