Aujourd’hui 27 juin marquera l’histoire ukrainienne…
Tout d’abord, c’est aujourd’hui que le cessez-le-feu unilatéral mis en œuvre par le nouveau président ukrainien Piotr Porochenko prend fin. Le terme de ce cessez-le-feu aux allures d’ultimatum laisse le champ ouvert à toutes les possibilités : prolongation et discussions, recours à la force à grande échelle, intervention militaire de la Russie… Si on ne peut qu’espérer une issue pacifique à ce conflit qui a déjà fait de nombreux morts, aujourd’hui aucune option ne peut être écartée.
Aujourd’hui 27 juin, l’Ukraine s’engage dans un avenir européen en signant avec l’Europe le volet économique de l’Accord d’association. Cette signature marque le début d’une nouvelle ère de gouvernance et la réorientation des relations internationales de l’Ukraine.
Si l’incertitude est de mise quant à l’évolution du conflit dans l’Est, il n’y a pas de doute à avoir sur la guerre économique que livre et va continuer de livrer la Russie. La Russie a mis ses menaces à exécution et a coupé les livraisons de gaz à l’Ukraine depuis déjà une dizaine de jours et demain ce sont des pans entiers de l’économie ukrainienne qui risquent de se voir priver de la manne russe.
La signature de l’Accord d’association sera sanctionnée par la Russie par la création de barrières douanières, fiscales et techniques. Les recours que l’Ukraine déposera à l’OMC prendront du temps à être traités et déjà les exportations de biens industriels vers la Russie se sont effondrées au cours des six derniers mois.
Les bonnes relations entre « peuples frères » sont bel et bien consommées et l’Ukraine n’a plus à espérer de salut que de l’Europe et de son riche marché. Mais pour accéder à ce marché l’Ukraine n’a d’autre choix que de changer radicalement de système. L’état des relations avec la Russie ne permet pas de transition douce et l’Ukraine n’est pas encore prête à exporter massivement vers l’UE. Elle va devoir passer d’une forme de « libéralisme russe » où les relations, les accointances et l’argent rapidement empoché tiennent lieu de principes impondérables, à une forme de capitalisme européen, où la libre concurrence est la première des vertus.
Le gouvernement a une feuille de route et pourra profiter d’une aide technique et financière des Etats occidentaux pour moderniser son appareil d’État et libéraliser à bon escient le marché, mais les entreprises et les entrepreneurs privés vont se retrouver face à un système qui leur est tout simplement inconnu.
Bien sûr l’orientation européenne prise par l’Ukraine aura des retombées formidables pour ce pays, mais avant de récolter les fruits de cette modernisation à marche forcée, tous ceux qui n’auront pas voulu, su ou pu s’adapter à ces nouvelles règles disparaitront à plus ou moins brève échéance. C’est l’un des principes de base de la libre concurrence : seuls les meilleurs resteront, les autres sont condamnés à disparaître.
Les mentalités post-soviétiques, les outils de production désuets, les produits imposés aux clients devront être remplacés par la notion de service, le marketing, l’efficience industrielle, le contrôle qualité, etc.
Au delà de l’indispensable modernisation de l’état, de l’amélioration du climat des affaires, de la lutte contre la corruption pour lesquelles le gouvernement s’est engagé, les entreprises vont devoir elles aussi se réformer pour améliorer leur compétitivité. Plusieurs catalyseurs pourraient les y aider.
La libéralisation du système des visas pour l’Europe va permettre aux ukrainiens de découvrir ce vers quoi ils veulent aller. C’est en connaissant l’objectif que l’on atteint sa cible. Aujourd’hui déjà les ukrainiens qui ont voyagé en Europe sont moteurs et à l’origine de beaucoup de réalisations fructueuses.
Par ailleurs, le risque de défaut de l’État ukrainien écarté grâce aux aides accordées par les institutions financières internationales et les États devrait permettre petit à petit d’abaisser le taux directeur de la Banque centrale d’Ukraine et de favoriser l’accès aux crédits nécessaires à la modernisation des outils de production.
Enfin, les investisseurs étrangers, lorsque le pays finira d’être pacifié auront tôt fait de comprendre l’intérêt qu’ils ont à investir dans un pays aux nombreuses et fortes potentialités qu’elles soient agricoles ou industrielles. Ces investisseurs apporteront avec eux, équipements, méthodes et savoir-faire.
L’Ukraine est donc promise à un avenir churchillien* : elle est à l’aune d’une formidable réussite, ses potentialités vont enfin être mises en valeur mais ceux qui resteront au bord de la route seront nombreux...
Par Emmanuel de Bettignies
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* Winston Churchill lors de son discours à la Chambre des communes le 13 mai 1940 avait prononcé la phrase devenue célèbre :
I have nothing to offer but blood, toil, tears, and sweat.(Je n’ai rien d’autre à vous offrir que du sang, de la peine et des larmes) ajoutant, You ask, what is our aim? I can answer in one word: It is victory, victory at all costs, victory in spite of all terror, victory, however long and hard the road may be; for without victory, there is no survival. (Vous vous demandez : quel est notre but ? Je réponds par un seul mot : la victoire, la victoire à n’importe quel prix, la victoire en dépit de toutes les terreurs, la victoire quelque longue et difficile que soit la route pour y parvenir, car sans victoire, il n’y a pas de survie).