La Croix : Vous entretenez des relations difficiles avec le président Iouchtchenko alors que vous étiez cote à cote au temps de la révolution orange. Serez-vous candidate à l’élection présidentielle prévue à la fin de l’année et avec quel projet ?
Ioulia Timochenko : Je suis heureuse qu’il y ait, aujourd’hui, en Ukraine, une véritable concurrence politique. Depuis 2005, il existe des pousses de démocratie. Et moi, comme leader de parti, je m’inscris dans cette concurrence. Mais la campagne électorale n’a pas commencé. Nous débattons encore de possibles amendements à la constitution pour savoir si nous devons garder un modèle de république parlementaire ou aller vers un modèle plus présidentiel. C’est pourquoi je ne veux pas faire de déclaration sur ma participation.
Aujourd’hui, la crise économique est notre priorité. Tous nos efforts visent à lutter contre elle. Nous travaillons jour et nuit pour cela et nous réfléchirons à la présidentielle un peu plus tard.
L’Ukraine risque-t-elle de se trouver en défaut de paiement ?
Je crois que l’atmosphère un peu hystérique des marchés est simplement le reflet de la crise. Je veux nier absolument qu’il y ait une possibilité de défaut de paiement en Ukraine. Tout d’abord, parce que notre dette publique est très réduite, à 11% du PIB. De plus, les recettes du budget rentrent comme prévu. Nous avons prévu un déficit budgétaire qui est réduit, de 2,9% seulement. Aucune banque ukrainienne ne s’est retrouvée en faillite quand certains pays ont perdu une bonne part de leur système bancaire. Les investisseurs continuent de manifester de l’intérêt pour l’Ukraine. Je viens de rencontrer des représentant du patronat français. Nous discutons notamment avec Areva ou EADS de projet commun, dans le nucléaire et l’aéronautique. Je pense que le meilleur moyen de lutter contre la crise est d’attirer des investisseurs étrangers.
Vous avez dit récemment vouloir des relations plus « chaleureuses » avec la Russie. Qu’est-ce que vous entendez par là ?
Je veux me concentrer sur le fait que l’Ukraine est un pays indépendant. Et donc, notre priorité est de faire respecter notre intérêt national. Et donc notre équipe politique, dans ses relations avec la Russie, va respecter cette ligne. Mais il est contre-productif de rechercher des relations de confrontation. Il est meilleur de rechercher une certaine harmonie, pour l’énergie comme pour la coopération dans tous les secteurs industriels. Il me semble qu’il est de notre intérêt de chercher cette harmonie dans un triangle Europe/Ukraine/Russie, ce qui correspond d’ailleurs à la politique de l’Union européenne.
Après le renvois cette semaine du ministre des affaires étrangères ukrainien, cherchez-vous toujours votre entrée dans l’UE et l’Otan ?
Bien sûr, le chemin vers la consolidation de nos relations avec l’Union européenne unifie la société ukrainienne. Ce chemin est l’affaire de tous les ministres, et pas seulement de celui des affaires étrangères. Il se poursuivra, quel que soit le ministre. En ce qui concerne l’Otan, il faut prendre en compte tous les aspects. Tout d’abord, l’Ukraine ne peut rester en dehors des grands systèmes de sécurité. Mais nous rencontrons deux obstacles : tout d’abord, l’absence d’unité de la population puisqu’à peu près 30% des Ukrainiens seulement soutiennent une entrée dans l’Alliance atlantique. Il faut donc travailler la-dessus pour les convaincre. De plus, il y a une absence d’unité des pays européens sur l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan. Il nous faut dialoguer avec l’Allemagne et la France sur ces sujets.
A l’heure ou nous parlons, les forces de sécurité effectuent une perquisition musclée, à Kiev, au siège de Naftogaz, la compagnie gazière ukrainienne. Pourquoi une telle démonstration de force ?
Depuis 2005, quand le nouveau pouvoir est arrivé, nous avons engagé une lutte contre la corruption. Nous luttons pour nettoyer le domaine du gaz. Et cette perquisition en est un exemple. Je regrette de constater que ces forces de corruption reviennent, alors que nous pensions en avoir terminé avec cela. La lutte contre la corruption n’est pas une tâche facile. Mais nous obtenons tout de même des résultats.
Recueillis à Paris par Alain GUILLEMOLES
Publié à La Croix, le 5 mars 2009: http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2366951&rubId=4077
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