Comment êtes-vous venu à la photo ?
Enfant, j'étais impressionné par les collections de timbres et de cartes postales de mon père, qui évoquaient le voyage, l'exotisme, le dépaysement. Plus encore, j'étais fasciné par les multiples photos que prenait mon père et qui tapissaient les murs de la maison. Rétrospectivement lorsque je les regarde, je suis frappé par la justesse de leur composition, notamment leur respect de la règle des tiers. La photographie m'est ainsi apparue dès le plus jeune âge comme l'art populaire par excellence et j'ai voulu maîtriser ses fondements et ses principes ; si certains se définissent comme des enfants de la télé, je me considère comme un enfant de la photo.
Quelles sont vos influences artistiques ?
Elles sont tout à la fois cinématographiques, picturales et photographiques. La première influence est une émotion d'enfant ressenti devant Bambi ; la seconde est l'émerveillement éprouvé en regardant Les Chevaux de feu de Paradjanov. Ces deux films, qui expriment la toute puissance de l'image, introduisent dans un monde où la nature devient l'art et où l'art devient nature. Je voue une admiration tant naïve qu'infinie aux maîtres de l'école flamande et à leurs oeuvres d'une transcendante luminosité, je perçois cette peinture comme un horizon indépassable. En photographie j'ai été profondément marqué par Edouard Boubat dont la célébration poétique du quotidien est un enchantement.
Comment vous est venue l’idée d’une immersion au coeur de la culture houtsoule ?
Ma famille puise ses racines dans les montagnes des Carpates ; tandis que je baignais à la maison dans une ambiance de profonde nostalgie, je grandissais dans le Bugey, massif montagneux situé entre Lyon et Genève. Il m'a semblé en conséquence exaltant de partager la vie des habitants d'un village houtsoul, terre de mes aïeux.
Quelle place occupent les Houtsouls dans la conscience nationale ukrainienne ?
Les Houtsouls apparaissent comme les témoins d'un passé immémorial ; les montagnes des Carpates sont dans la mémoire collective le sanctuaire de la résistance armée aux totalitarismes nazis puis soviétiques qui se sont abattus sur l'Ukraine. Les Houtsouls ont mené un combat pour la liberté qui force l'admiration. Ils symbolisent par ailleurs la résilience communautaire qui s'est traduite sous le régime soviétique par une très grande solidarité collective et un attachement viscéral à la culture traditionnelle.
L'ouvrage que vous venez de publier a connu un vif succès au salon des Littératures Européennes de Cognac. Diriez-vous qu'il s'agit d'un livre reportage, d'un témoignage ou d'un carnet de voyage ?
Il m'est difficile de chercher à classifier ce qui fut ma démarche ; j'ai voulu être le témoin d'une réalité, d'un quotidien en communion avec la nature. J'ai souhaité partir à la rencontre des fêtes, des coutumes et des rituels qui rythment la vie dans les montagnes depuis la nuit des temps. J'ai eu pour ambition de saisir sur le vif ces regards, ces mouvements, ces silences qui font l’âme des rencontres et le sel des échanges.